Milan : de retour parmi les grands, enfin ?
Une histoire riche pour un club (parfois) riche
C’est en pleine Italie fasciste, en 1930, qu’est créé l’Olimpia Milano dans la forme qu’on lui connait actuellement. Le club est créé par volonté de la famille Borletti, une lignée d’entrepreneurs milanais aujourd’hui toujours prééminente. La fusion en 1947 du club avec le club voisin de Como, fondé par un autre industriel de la région, cimentera le statut de Milan dans le basket italien et européen. Ses 28 scudetti en font, de loin, l’équipe la plus victorieuse de l’histoire de la première division italienne, non sans compter 3 titres d’Euroleague et 2 Coupe Korac remportés.
Toujours dominant en Italie, l’âge d’or européen du club débute dans les années 1980, lorsque la famille Borletti et ses fonds reviennent à la tête du club qu’ils avaient 50 ans plus tôt fondé. Ses nouvelles liquidités permettent au club d’attirer des joueurs de haute classe outre-atlantique, notamment Bob McAdoo qui venait de mettre un terme à sa carrière NBA qui lui vaudra le Hall of Fame, Antoine Carr mais surtout Mike D’Antoni.
L’homme qui n’était alors pas encore surnommé Mister Pringles incarnera, d’abord en tant que joueur puis en tant que coach, la nouvelle dynamique du club. Il y connaitra ses premières expériences sur le banc, avant de se lancer en 1994 dans une autre aventure italienne, au Benetton de Trevise.
Car le basket italien connait dans la deuxième décennie 90 et dans les années 2000 des niveaux jamais atteints, avec plusieurs équipes bataillant pour les sommets européens. Milan perd donc en compétitivité et disparait des radars européens. Un énorme contrat de sponsoring avec la marque Armani ramènera le club à sa gloire d’antan, et le replacera dans un paysage européen qu’elle n’a pas quitté depuis.
Le bilan de la saison 2019-20 : entrée manquée dans une nouvelle ère
La saison 2019-20 marquait l’entrée dans une nouvelle ère pour Milan. Dans un des très gros coups de l’intersaison 2019, le club verrouille son poste de coach en signant Ettore Messina. Très convoité des deux côtés de l’Atlantique, le technicien sicilien amène notamment dans ses bagages Sergio Rodriguez, un des tous meilleurs joueurs d’Europe, un Luis Scola sortant d’une magnifique Coupe du monde à presque 40 ans, ainsi que Shelvin Mack, pour sa première expérience européenne.
Ces additions se sont montrées payantes pour le club milanais, qui a commencé sa campagne avec 6 impressionnantes victoires pour une seule défaite. Un rythme soutenu qu’ils n’arriveront pas à maintenir sur la durée, notamment en raison de la blessure de leur pivot lituanien Arturas Gudaitis. Avec l’interruption de la saison pour raisons sanitaires, le club affichait un bien triste bilan de 12 victoires pour 16 défaites : somme toute encourageant pour la première saison d’un nouveau cycle, mais peut-être en dessous de la hype de l’été et du début de saison.
Même en Italie, le club a déçu. Vainqueur de la compétition en 2017-18, les Milanais entendaient bien utiliser leur recrutement XXL pour faire le back to back. C’était sans compter sur le niveau très relevé du championnat italien, qui connait un véritable essor maintenant la crise économique italienne calmée. Le Virtus Bologna, grosse écurie d’Eurocup emmenée par la paire d’arrière Milos Teodosic-Stephan Markovic, l’ancien pensionnaire du championnat de France Kyle Weems et les Américains Julian Gamble et Vince Hunter, a marché sur le championnat avec son interruption (18 victoires et 2 défaites). Au final, Milan formera avec Brescia (équipe de BCL) et Sassari le trio de poursuivant lointain de Bologne, bien loin des ambitions affichées en début de saison.
Le coach : Ettore Messina, le homecoming de l’enfant prodigue
Si l’Europe est une terre de coach, alors Milan en est une des capitales. Avec Ettore Messina, le club Milanais fait appel à un des plus prestigieux coach européen encore en activité, mais aussi une légende du basket italien. C’est avec le Kinder Bologne que Messina connaitra ses premiers et plus grands succès, les plaçant deux fois sur le toit du basket européen en 1998 et 2001.
Ces deux autres titres d’Euroleague, il les gagnera au CSKA Moscou en 2006 et 2008, avant de rejoindre le Real Madrid pour ce qui sera sûrement son passage le plus contrasté.
Dans un contexte d’européanisation progressive de la NBA menée notamment par Dirk Nowitzki et Manu Ginobili (Argentin mais connu pour son passage à Bologne, sous Messina), le technicien italien devient une rumeur de plus en plus pressante pour des positions dans des franchises NBA. Messina ne rejoindra finalement aucun banc NBA, mais y goutera en tant que consultant de Mike Brown aux Lakers en 2011-12.
C’est Gregg Popovich qui le ramènera en NBA après le titre de 2014 et pour compenser, notamment, les départs de Mike Budenholzer et Brett Brown du banc des Spurs. Après cinq années de collaboration, tout menait à penser que Messina serait le successeur attitré de Popovich si celui-ci décidait, un jour, de quitter son banc. Le nom de Messina était même évoqué comme futur head coach d’autres fanchises NBA si celui-ci se faisait trop impatient : il avait notamment effectué des entretiens avec Charlotte et à Cleveland. Pour le faire venir, Milan lui a donné les clefs de la maison, en le nommant coach, mais également président des opérations basket.
Ce retour en Europe était donc une petite surprise. Le voir revenir en sur le vieux continent, en Italie qui plus est, est une véritable témoignage de la montée en puissance, financière et sportive, du basket italien.
Un effectif cinque stelle
Cette montée en puissance se transcrit aussi par l’effectif impressionnant qu’a construit le club milanais.
Les arrières :
Le backcourt milanais sera assurément leur atout principal. Sergio “Chacho” Rodriguez, l’ancien madrilène et MVP de l’Euroleague, sera associé à l’ancien barcelonais Malcolm Delaney. Delaney, ancien champion de France avec Chalon, apportera son scoring et sa défense sur l’homme qui lui ont valu une place dans l’équipe type de l’Euroleague en 2016, tandis que Rodriguez apportera tirs, passes, vice, leadership… bref, beaucoup.
Du scoring, il en faudra pendant la période de convalescence de Kevin Punter. L’arrière américain star en provenance de l’Etoile Rouge de Belgrade a manqué le début de saison en raison d’une blessure à la jambe droite. Brillant scoreur à Tennessee (22 points à 46% sa saison Senior) puis dans ses différentes expériences européennes (16 points à 47% à Belgrade l’année dernière), nul doute qu’il pourra contribuer à Milan. Michael Roll apportera lui une menace extérieure : il est pour l’instant à 7/9 à trois points cette année sur un petit échantillon qui devrait redescendre autour des 40%, sa moyenne en carrière.
Les ailiers :
Pour remplacer Nemanja Nedovic parti à l’Olympiakos, Milan a pu arracher Shavon Shields, champion d’Espagne avec le Baskonia l’année dernière. L’Américain au passeport Danois sort de deux solides premières saisons en Euroleague avec le club basque (10 points à 45%) et pourra s’appuyer sur le tutorat de joueurs expérimentés pour continuer son adaptation au jeu européen. Il pourra pour cela compter sur Gigi Datome, qui revient au pays après de fructueuses (et tumultueuses, voir la vidéo ci-dessous) années auprès de Zeljko Obradovic au Fenerbahce. Véritable couteau suisse, de son tir millimétré (43.4% en carrière à trois-points) à sa création pour lui-même et pour les autres, il sera une valeur sûre pour Messina.
La raquette :
Le gros dossier de l’intersaison pour le club milanais, c’était la reconstruction de sa raquette. Luis Scola, après une dernière saison au très haut-niveau, s’en est allé dans le club voisin de Varese et le pivot lituanien Arturas Gudaitis rejoint le Zenith Saint-Pétersbourg. Pour les remplacer, Milan a fait confiance au vétéran Kyle Hines, légende de l’Euroleague qu’il a remportée 4 fois, et qui apportera sa dureté, sa défense et son intelligence de jeu qui font de lui un des meilleurs intérieurs “à l’ancienne” d’Europe.
Zach LeDay arrive de Kaunas où l’ancienne star de Virginia Tech compilait 12 points et 5 rebonds en 28 matchs d’Euroleague.
Au poste 5 aussi, l’Américain Kaleb Tarczewski continuera de briller dans son rôle de back up du haut de ses 2.13 mètres. Jeff Brooks lui verra son temps de jeu gonfler au poste 4 après la blessure de Vladimir Micov, qui devrait le tenir écarté des parquets jusqu’à décembre.
Le joueur à suivre : Davide Moretti
Faisant une petite entorse à la formule, le joueur à suivre pour Milan ne sera pas forcément celui le plus en vue. C’est cependant sans honte que j’ai choisi de mettre à l’honneur Davide Moretti.
Ses succès se sont pour l’instant faits de l’autre côté de l’Atlantique, où il a effectué son cursus universitaire. C’est à Texas Tech qu’il avait en 2017 décidé de poursuivre sa carrière, après avoir été nommé meilleur espoir de la deuxième divsion italienne avec l’Universo Trevise.
Sous la direction de Chris Beard, il s’établira comme un titulaire solide dès sa deuxième saison, grâce notamment à un excellent 46% à trois-points. Au côté de Jarrett Culver et Tariq Owens, il emmènera cette équipe des Red Raiders à son premier Final Four de l’histoire, qu’ils perdront en finales en prolongation contre Virginia.
Après une très belle saison junior (13 points, à 42% aux tirs dont 39% à trois points), il décide de revenir en Europe, où l’attend un contrat de 5 ans à Milan. S’il est assez improbable de le voir jouer un rôle immédiat en Euroleague, Moretti arrive dans un contexte parfait pour se développer. Coaché par Ettore Messina, entouré de vétérans d’Euroleague, dont Gigi Datome auquel il est souvent comparé, il pourra avoir du temps de jeu en Lega italienne pour se développer tout en goûtant à la crème du basket européen chaque jour.
En outre, son parcours singulier pourrait être une inspiration pour de nombreux espoirs européens qui pourraient quitter l’Europe et profiter des infrastructures et de l’encadrement professionnels des universités américaines pour ensuite mieux y revenir.
A quoi s’attendre ?
De retour à Milan et à l’Europe. L’effectif offert à Ettore Messina affiche bien les ambitions du club : retrouver les sommets européens et mettre fin à près de 30 ans de disette européenne. On a vu l’année dernière que les blessures pouvaient ralentir la formation milanaise, et on ne peut qu’espérer que ce début de saison (blessures de Punter, Delaney et Micov) n’indique pas une tendance sur la saison.
Avec un effectif de vétérans et de joueurs habitués au plus haut niveau, Milan devrait lentement monter en puissance et se hisser en playoffs. Des doutes peuvent être émis sur leur défense notamment, avec une ligne arrière, aussi brillante offensivement soit-elle, qui pourrait être mise en difficulté par les toutes meilleures équipes d’Euroleague.
On pourra s’attendre à un Chacho Rodriguez à un niveau encore impressionnant, un Kyle Hines éternel et un Gigi Datome toujours aussi adroit, mais ça, ce n’est pas prendre beaucoup de risques.
On peut toutefois s’attendre à une baisse de régime à la mi-saison, comme l’année dernière, lorsque les équipes adverses auront compris comment neutralisé une attaque qui se peut être monotone (beaucoup de création sur les lignes arrières et peu de participation à la création par les intérieurs). L’addition de Zach LeDay va, en ce sens, dans la bonne direction.
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 7è
Le talent des cadres devraient placer Milan dans la meilleure moitié de cette très dense Euroleague. Peut-être légèrement moins hypés que beaucoup de nos confrères européens, vous nous trouverez, chez QiBasket, quand même tous les jeudis soirs devant notre télé pour regarder cette équipe qui s’affiche très séduisante. Pour la regarder au Final Four, il faudra peut-être leur laisser encore un ou deux de maturation.