CSKA Moscou : place à la troisième génération
Ca n’est pas une surprise, le CSKA Moscou fait partie de l’élite européenne. Et à ce stade, aux vues de la pandémie, le CSKA est officiellement encore notre champion en titre.
Le club est dans ce groupe doré de ceux qui dominent l’Euroleague depuis plus d’une décennie. Déjà superpuissance russe avec 24 titres d’URSS, 26 titres russes, Moscou est aussi détenteur de 26 participations au Final Four, et vainqueur de l’Euroleague en 1961, 1963, 1969, 1971, 2006, 2008, 2016 et donc 2019. Moscou est une Rolls Royce du basket européen et entend bien le rester. Mais un seul être vous manque, et tout est remis en cause. Enfin… un, et d’autres.
Car depuis les départs en série de Sergio Rodriguez, Cory Higgins, mais surtout du français Nando De Colo qui a mené le club à ses deux derniers titres européens, le CSKA semble, très temporairement certes, s’être étrangement mis en retrait du haut de tableau.
Aussi, cette année sera un test, et l’échec ne sera pas une option pour le champion en titre. Avec des armes différentes de celles des précédentes saisons, et avec de gros rivaux qui ne lâcheront pas le morceau et voudront prendre la couronne des moscovites, et notamment le Fenerbaçe ou De Colo joue désormais, le CSKA Moscou doit travailler à conserver son statut, en somme, maintenir l’ordre, avec sa troisième génération de champions.
Pour rappel, voici quelques éléments sur le palmarès du club russe :
- 17 participations au Final Four depuis 2000,
- 6 fois finalistes (1965, 1970, 1973, 2007, 2009, 2012)
- 7 fois vainqueurs de l’Euroleague (1961, 1963, 1969, 1971, 2006, 2016, 2019)
Le bilan de la saison 2019-20 : à deux doigts d’un raté
Lancé dans la saison 2019-20 en tant que champion en titre, on peut le dire, oui, le CSKA, sans parler de correctionnelle, a manqué de peu de terminer la saison 2019-2020 sur un petit soufflet.
Mis à mal dans le championnat russe, ou le rival du Khimki Moscou semblait prêt à renverser la hiérarchie (on en a parlé ici), l’accès à un 27e titre russe semblait sérieusement compromis. Mais le vrai doute est venu de la saison en Euroleague.
Pourtant, tout était bien parti. Le CSKA débutait sa saison européenne sur quatre roustes infligées successivement à Valencia, Munich, au rival du Khimki, et à l’Alba Berlin, avant de chuter sans honte contre l’Olympiakos. Mais c’est surtout une défaite très inattendue contre l’ASVEL 67-66 qui va commencer à poser des questions. Difficile de se tourner les pouces en effet lorsque vous défendez votre titre, tout en perdant contre une écurie qui règle tout juste ses chèques pour l’inscription dans la compétition… Puis ce seront les défaites à Vitoria, et la rouste prise à Madrid contre le Real (97-81) vont commencer à mettre à mal la position des moscovites au classement.
Cependant, fin 2019 et début 2020 offrent une période de régularité retrouvée pour le CSKA. Mais sur les 6 dernières rencontres avant l’interruption pandémique, Moscou termine sur un 3-3, avec trois défaites concédées à l’Anadolu Efes Istambul, l’Olympiakos encore, et le Barca, de peu. Conséquence, Moscou se retrouve quelques semaines à une 6e place, bien loin des positions auxquelles le CSKA s’est habitué, et bien loin de ce dont on attend d’un champion. 6e, soit une position délicate pour accrocher un Final Four.
Côté effectif, les recrues pour combler les départ de De Colo et Rodriguez que furent Ron Baker (2.7pts par match) où Janis Strelnieks (7.2pts) n’ont clairement rien apporté de particulier, au contraire de Mike James, arrivé de Milan, qui a su se mettre en valeur. (21pts, 3reb et 4ast par match). Mais les trois défaites sont comblées par trois victoires, et le CSKA termine 4e, qualifié au Final Four, et un bilan de 19 victoires, mais pour 9 défaites. C’est bon mais pas assez. Ce n’est néanmoins pas assez non plus pour remettre en cause la position du coach Dimitrios Itoudis.
Le coach : Dimitrios Itoudis, pas loin du 100% de réussite
Alors qu’une rotation assez générale des coachs s’est fait ressentir dans plusieurs écuries de la ligue, le CSKA est au contraire un modèle de stabilité en terme de staff technique, à l’image de Coach Itoudis, présent au club depuis 2014.
Et franchement, hormis cette saison fade 2019-2020 qui n’a pas eu de conséquence, pourquoi Moscou devrait remettre en doute son efficacité ? Avec Itoudis, le CSKA a remporté deux fois l’Euroleague, et n’était, avant 2020, jamais descendu sous les 25 victoires. Au national, Itoudis et le CSKA n’ont jamais terminé une saison sans soulever le titre russe…aussi simple que ça.
C’est donc un coach qui peut vous assurer 100% de réussite au titre. Surtout qu’Itoudis est une valeur sure, par une éducation sure. Puisque le grec a aussi remporté cinq fois l’Euroleague en tant qu’assistant coach, et 11 fois le championnat grec à ce même poste ! Vous ne rêvez pas, vous avez là un homme avec 7 bagues européennes, et 16 titres d’affilé au national. Itoudis a également été nommé Euroleague Coach of the year en 2016 et 2019, preuve que malgré les récents départ, il a su maintenir son leadership sur son groupe. Bref, c’est solide. Le grec fait son jeu non pas sur une addition de talents, mais sur une harmonie entre les joueurs, sur des rôles définis, et des joueurs qui comprennent ces rôles.
Et comment Itoudis a-t-il géré cette période de transition dans l’effectif ? Avec pragmatisme. Interrogé cette semaine par le site de l’Euroleague, il explique : “Une réalité de notre profession, c’est que les équipes changent tout le temps, et les joueurs viennent et vont, toujours”, il ajoute “cette année, je travaille avec une troisième génération de joueur au CSKA. Si on revient à 2016, et mon premier titre en Euroleague, cette équipe avait 8 ou 9 joueurs qui ont gagné leur première Euroleague : Teodosic, Higgins, De Colo et les autres. Puis en 2019, à Vitoria, on a eu à nouveau 8 ou 9 nouveaux champions, comme Alec Peters et Othello Hunter“.
L’effectif : la troisième génération
Les départs : Saint-Roos, Vorontsevich, Koufos, Baker, Hines
Les arrivées : Shengelia, Milutinov
L’effectif pour la saison à venir :
Meneurs : Mike James, Strelnieks
Arrières : Hilliard, Hackett
Ailiers : Will Clyburn, Kurbanov
Ailiers-forts : Tornike Shengelia, Voigtmann, Antonov
Pivots : Nikola Milutinov, Bolomboy
La voilà donc la troisième génération d’Itoudis, celle que du moins, il tente de mettre en place pour conserver le titre moscovite. Et même si on a pu parler de doute, d’irrégularité et de crainte pour le CSKA, il faut cependant être réaliste.
Sous la houlette du coach grec, ce groupe va très certainement fonctionner à merveille. Et la stabilité durant le mercato, avec les seuls départ de Ron Baker, l’ex-Knicks (2.6pts par match), Howard Sant-Roos (5.5pts), Kosta Koufos (3.7) et Kyle Hines (8.8) ne vont pas faire particulièrement d’émules. Au contraire, le groupe va pouvoir bénéficier de la bonne adaptation de Mike James à la mène, bien épaulé par Strelnieks qui devra néanmoins apporter plus en termes de statistiques probablement. A l’arrière, Darrun Hilliard et Daniel Hackett semblent parfaitement partager les responsabilités, les deux joueurs affichant des stats quasi-similaires, autant que le temps de jeu ! A l’aile, c’est pareil avec Will Clyburn et Nikita Kurbanov. A noter que ce beau monde ne manque pas d’adresse, Clyburn tourne à 55% à 2pts, Hackett, Hilliard et Kurbanov à 44% à trois points. En bref, ça peut tomber de partout.
La tactique des rôles d’Itoudis ne trompe pas, cet effectif, rapporté aux statistiques de l’an passé, se répartit le travail de manière très équilibrée. Hormis James, personne ne sort trop au dessus des autres en termes de nombres sur la feuille de match. Mais dans la raquette, il faut admettre qu’il y a eu un manque de présence, et Voigtmann, Antonov et Bolomboy sont plutôt passés inaperçu, aucun des trois intérieur n’attrapant plus de 5 rebonds par match. Et c’est donc la ou le CSKA s’est réellement renforcé, c’est dans la raquette, avec Milutinov et Shengelia, deux apports à l’intérieur qui peuvent, et vont, faire certainement une différence dans les moments importants.
Les joueurs à suivre : Nikola Milutinov et Tornike Schengelia
Les deux recrues de l’été, tout simplement. Ils sont là pour maintenir la régularité de cet effectif déjà bien organisé. Les deux hommes ont signé pour trois ans, preuve que le projet moscovite inspire le respect.
Nikola Milutinov n’est évidemment pas inconnu au bataillon. Arrivé de l’Olympiakos, le pivot serbe de 2m13 a une marge de progression impressionnante, lui qui n’a que 25 ans… Mais qui possède déjà une expérience de 6 années en Euroleague. Ces statistiques parlent d’elles-mêmes : 10.3pts et 8.2reb par match la saison passée. Très à l’aise sur les pick and roll, rapide sur les coupes, il sait aussi se placer correctement dos au panier, jouer le 1vs1 ou trouver la passe. Milutinov sera un atour incontournable pour le CSKA, et surtout une valeur sûre, lui qui est resté cinq saisons en Grèce, mais qui n’a pas encore goutté aux joies d’un titre avec l’Olympiakos, mais qui a déjà été recruté dans une stratégie d’équipe de conservation du titre, le club grec étant à l’époque champion en titre lors de son recrutement.
Tornike Schengelia arrive quant à lui du Vitoria. Passé par les Brooklyn Nets, et même les Bulls, Schengelia n’a pas particulièrement apprécié être mis au placard de la G-League trop longtemps et a rapidement tourné les talons à la ligue américaine pour venir jouer au Baskonia dès 2014. C’est donc une recrue en recherche d’un challenge nouveau, après six années dans le même club. Schengelia a son petit palmarès européen, puisqu’il a remporté l’Eurocup 2010 avec Valence. Il est également passé dans la très aimée équipe des Spirou de Charleroi, là ou passa également un certain Chris Copeland (Pacers, Knicks). Mais surtout ce géorgien de 2m06 a été nommé dans la All-Euroleague First team en 2018, et affiche des stats dorées depuis trois ans, avec presque 15-16pts de moyenne par match, 5 reb et 2ast.
Bref, là ou Moscou avait une raquette plutôt discrète, c’est désormais deux monstres mobiles, avides de scoring et extrêmement expérimentés qui viennent de débarquer. En un mot, tremblez !
A quoi s’attendre ? Comptez sur le CSKA
L’Euroleague est dominée par un club de supers-VIP. Dans ce club, le CSKA a une carte de membre privilège-gold-tout-accès, et on ne voit pas en quoi, avec un effectif qui va se stabiliser, se renforcer, et toujours mené par un coach cinq étoile, Moscou va perdre ce statut.
Inévitablement, le CSKA est un candidat au titre, sérieux, et probable. La présence au Final Four sera le minimum exigé, le club n’en a manqué aucun depuis huit ans, la finale fortement exigée, et sans le titre, cette saison ne sera pas satisfaisante. Après deux ans d’ajustement, Moscou n’est plus en phase de transition et entend maintenir l’ordre établis en Euroleague. L’autre certitude c’est, et cela se voit chaque année, que le coach Itoudis va s’assurer que le groupe soit régler comme une horloge et accomplisse son travail sur le parquet avec une rigueur quasi-robotique, c’est ce qui a fait le succès des deux premières générations.
Après Teodosic, De Colo, c’est donc au tour de James, Shengelia, Milutinov, que revient la lourde charge de défendre les couleurs du CSKA, mais surtout, de maintenir Moscou sur le toit de l’Europe. L’élite européenne est prête pour faire face, on en parlera dans nos deux dernières previews. Nous mettons donc un CSKA au top, après une saison difficile, qui relève la tête. Sa présence au Final Four est attendue, la troisième génération est-elle prête ?