Une nouvelle ère au Fener’
Dans l’univers du sport collectif, le Fenerbahçe est une entité reconnue, une véritable institution. En Turquie, les clubs omnisports sont nombreux, et aussi fameux et victorieux les uns que les autres. Concernant les jaunes, dont le club fut fondé en 1907, la section basketball vit le jour en 1913, avec une fortune moins évidente que son colocataire footballeur.
Après quelques victoires dans un championnat étant l’ancêtre de la Ligue turque (créée en 1966-67), le Fener’ devra attendre le début des années 90 afin de rayonner un tant soit peu sur le plan domestique (champion 1991, finaliste trois fois dans les cinq années suivantes.
Alors que le club voisin de l’Ülker s’octroyait quatre titres de Champion de Turquie entre 1995 et 2005 (avec comme visages connus notamment Zaza Pachulia ou Ersan Ilyasova), le Fenerbahçe se permettait un coup d’éclat en 1998, en terminant troisième et s’accordant le droit de participer pour la première fois à l’Euroleague, dans sa version pré-moderne.
Au coeur de cette épopée, l’ancien Nugget Mahmoud Abdul-Rauf (anciennement Chris Jackson), l’ailier fort slovène Marko Milic, le regretté ex-Palois Conrad McRae et la légende turque (actuel GM de Darussafaka) Ibrahim Kutluay.
En 2006, l’intérêt sportif et économique entrainait un rapprochement entre Fenerbahçe et l’Ülker, qui devenait le Fenerbahçe Ülker Istanbul. L’Histoire pouvait commencer. Aussitôt la fusion entérinée, rien ne pouvait arrêter l’installation du “nouveau” Fener’ comme tête d’affiche du basket turc. Champion dès les deux premières années consécutives au changement de statut (2007, 2008) sous le leadership de la légende Mirsad Turkcan, puis finaliste en 2009 avant d’être à nouveau titré en 2010 et 2011.
Ces deux titres, sous la houlette du croate Neven Spahija et ses deux meneurs Roko Ukic et Sarunas Jasikevicius allaient être les derniers avant la mue opérée à l’intersaison 2013 par Aziz Yildirim, alors président (à qui succèdera Ali Koç).
Lors de cet été 2013, qui se terminerait par la victoire à l’Eurobasket en Slovénie de l’Equipe de France (on ne le répétera jamais assez), Istanbul et le Fener’ allaient accueillir un personnage qui permettrait au club de s’imposer comme un candidat quasi-automatique à la victoire finale en Euroleague, chaque saison : le coach serbe aux 8 Euroleagues (à ce moment-là), Zeljko Obradovic, après une année sans coacher, posait ses bagages, son caractère et ses méthodes dans la grande Ülker Sports Arena (et ses 13.059 places).
A l’été suivant, c’est le general manager italien Maurizio Gherardini qui débarquait, avec une conséquente expérience européenne et NBA (Benetton Treviso, Toronto Raptors, Oklahoma City Thunder). Une fois ce binome constitué, tout s’enchainait.
En effet, depuis 2015, le Fener’ fut présent à TOUS les Final Fours organisés (2015, 2016, 2017, 2018, 2019), remportant le Graal en 2017 avec dans ses rangs Bogdan Bogdanovic et Ekpe Udoh entre autres.
A cette occasion, les stambouliotes devenaient la première équipe turque à remporter l’Euroleague.
En 2018, de retour en finale, il aura fallu tout le talent de Luka Doncic et la rage de Fabien Causeur pour priver les hommes de Zeljko d’un doublé que l’Euroleague attend depuis les joueurs du Pirée en 2012 puis 2013.
Afin d’illustrer de manière plus concrète le statut actuel du Fenerbahçe, je souhaitais vous proposer un aperçu des trophées remportés et des joueurs ayant porté la tunique jaune lors de l’ère Obradovic :
- Champion de Turquie en 2014, 2016, 2017, 2018, (défaite en 2019 contre l’Anadolu Efes Istanbul de Shane Larkin),
- Vainqueur de la Coupe de Turquie en 2016, 2019, 2020 (contre Darussafaka),
- Vainqueur de la President Cup en 2016, 2019, 2020.
Quelques noms : Bo McCalebb, Linas Kleiza, Nemanja Bjelica, Bojan Bogdanovic, Nikos Zisis, Ricky Hickman, Bogdan Bogdanovic, Ekpe Udoh, Pero Antic, Nicolo Melli, Brad Wanamaker, Marko Guduric… Et ces deux dernières saisons ?Nando De Colo, Kostas Sloukas, Joffrey Lauvergne, Luigi Datome, Nikola Kalinic, Jan Vesely, Ali Muhammed (alias Bobby Dixon), etc.
Le bilan de la saison 2019-20
Hélas, on a beau être le plus grand coach de l’Histoire du basket européen (vous avez ma parole, cette itération n’est nullement influencée par mon sens de l’emphase), avoir un palmarès plus long que le nombre de non-participation aux Playoffs des Sacramento Kings, et un effectif constellé d’étoiles, la densité en talents de l’Euroleague ne permet jamais de se reposer sur ses lauriers.
De fait, la saison dernière, brutalement interrompue par la pandémie de Covid, aura été un fiasco, en tout point.
Si l’on se penche en premier lieu sur l’aspect “comptable”.
Après 28 journées, le Fenerbahçe pointait à une heureuse 8ème place (13 victoires pour 15 défaites). Après 11 défaites au cours des 16 premières journées, imputables à de nombreux facteurs (blessures, égos, équilibre, etc.), les partenaires d’un Nando De Colo exemplaire réussirent à redresser la barre pour gagner huit de leur douze derniers matchs.
Lors de cette série, il est à souligner qu’ils ne perdirent que contre Barcelone, le Maccabi, le Real Madrid et … le Khimki, cherchez l’erreur.
Si l’on en était resté là, nous aurions pu assister à un premier tour de Playoffs entre les deux équipes turques, l’Anadolu et le Fenerbahçe.
Sur le plan des rankings :
- 13è attaque et 10è défense
- 18è au rebond et 8è aux passes décisives
- 12è aux interceptions et 17è aux contres
- 5è au nombre de pertes de balle
- 14è aux lancers-francs tentés
- 18è aux tirs à deux points tentés
Ces classements, parfois plus indicatifs que significatifs, corroborent pour le coup l’impression visuelle laissée lors de leur parcours 2019-20, à savoir une équipe médiocre, sans envie, sans intensité ni agressivité, parfois suffisante, peinant à fluidifier son attaque et à partager la balle.
Frustrant me direz-vous ? Cette scène du mois de novembre 2019 entre le coach et son capitaine Luigi Datome est éloquente.
Je vous invite néanmoins à écouter à la fois les interviews à posteriori de Zeljko Obradovic et Luigi Datome dans le podcast The Crossover de Joe Arlauckas, ma foi très intéressantes.
Au vu de ce parcours poussif en Euroleague, associé à une saison ratée en Superlig (3ème), il est tout à fait compréhensible que le coach serbe, que l’on connait comme étant perméable aux environnements anxiogènes, décide de prendre un peu de recul.
Une page se tournait, quelle était la direction à prendre ? Après des rumeurs envoyant le néo-barcelonais, transfuge du Zalgiris, Sarunas Jasikevicius prendre la succession de son mentor, c’est finalement Igor Kokoskov qui le 4 Juillet, paraphait son contrat de deux ans( plus une année optionnelle) avec le géant turc.
Accompagnant l’annonce de son arrivée, le comité directeur Turc informait la presse d’une réduction du budget d’environ 50%. Le coach serbe avait maintenant carte blanche pour construire une équipe qui lui ressemble.
Le coach : Igor Kokoskov
Les amateurs de NBA uniquement, et encore s’ils restent en surface, ne pourraient connaitre le tacticien serbe que pour son passage franchement raté aux Phoenix Suns lors de la saison 2018-19 (bilan de 19 victoires pour 63 défaites), ou de sa participation à la faillite des Kings cette saison en tant qu’assistant, bien que depuis le milieu des années 2000, à mon grand regret, les termes “faillite” et “Kings” relèvent du pléonasme.
Pour ce qui est des résultats avec Phoenix, les oracles slovènes attribueraient cette dynamique au karma de son front office, qui recrute l’ex-coach de la Slovénie sans pour autant sélectionner sa pépite Luka Doncic à la Draft (avis subjectif de l’auteur).
Toujours est-il qu’il parait nécessaire de rendre justice au technicien de 49 ans, tant son parcours est en réalité aussi riche que dense.
Né à Belgrade en 1971, Kokoskov est repéré, jeune pour ses qualités de basketteur. Il évolue pour l’OKK Beograd jusqu’en 1990, année durant laquelle il échappera à un grave accident de voiture, qui annihilera toute possibilité de carrière professionnelle. Déjà très impliqué dans la réflexion autour du jeu, le serbe prend le parti de s’engager dans le coaching, d’abord à l’OKK, puis dans les catégories de jeunes au Partizan Belgrade. A la toute fin des années 90, il s’expatrie aux Etats-Unis avec pour objectif initial de diversifier son expérience d’entraineur. Il est alors assistant en NCAA, à Missouri.
Rapidement, il se fait un nom et enchaine alors les contrats d’assistant :
- 2000-2003 : Los Angeles Clippers avec Alvin Gentry
- 2003-2008 : Detroit Pistons avec Larry Brown (champion NBA 2004) puis Flip Saunders
- 2008-2013 : Phoenix Suns, avec Terry Porter puis à nouveau Alvin Gentry
- 2013-2014 : Cleveland Cavaliers et Mike Brown
- 2014-15 : Orlando Magic avec Jacque Vaughn
- 2015-2018 : Utah Jazz avec Quin Snyder
Par ailleurs, en Janvier 2016, Rasho Nesterovic, ancien pivot des Spurs, en charge du management de la sélection slovène, sur les conseils de Bozidar Maljkovic (légendaire coach du titre européen du CSP Limoges en 1993), confie la tête de la sélection à Igor Kokoskov.
Sa mission, emmener une sélection pétrie de talent le plus loin possible lors de l’Eurobasket à venir en 2017.
Vous connaissez la suite. Au terme d’une campagne européenne incroyable, la génération Dragic, Doncic, Prepelic et consorts remportera cet Eurobasket en disposant en finale de… la Serbie.
Match qui laissera entrevoir à quel point il n’est pas surprenant de voir Goran Dragic enchainer les performances en Playoffs en 2020…
Kokoskov profitera de la notoriété acquise à la suite de cette compétition pour avoir avec 19 ans aux Etats-Unis sa chance sur un banc NBA, en tant que head-coach, aux Suns, expérience se soldant par un échec. Pour la saison 2019-20, il avait rejoint la diaspora serbe des Sacramento Kings (Divac, Stojakovic, Bjelica, Bogdan Bogdanovic) en tant qu’assistant de Luke Walton, tout en se voyant confiées les rênes de la sélection serbe, après le Mondial en Chine.
Adepte d’un jeu offensif, identitairement empreint d’une touche NBA, Kokoskov laisse une place importante à l’initiative de ses playmakers, l’utilisation du hand-off, quasi-systématique entraine une focalisation défensive en tête de raquette, laissant tout le loisir au jeu loin du ballon, de se mettre en place. Plutôt que de travailler avec une défense rigoureuse, méthodique, il a une préférence pour l’agressivité sur le porteur, et l’intervention sur les lignes de passes hautes.
Compte-tenu de la qualité de l’effectif à sa disposition, il est à parier que Kokoskov s’appuiera sur la philosophie lui ayant permis d’atteindre les sommets européens.
L’effectif de la saison 2020-21
Les départs :
Derrick Williams (Valencia B.C), Nikola Kalinic (Valencia B.C), Joffrey Lauvergne (Zalgiris Kaunas), Malcolm Thomas (Bayern Münich), Egehan Arna (Besiktas), Luigi Datome (Olimpia Milan), Kostas Sloukas (Olympiacos Piraeus), James Nunnaly, Zeljko Obradovic (coach)
Les arrivées :
Lorenzo Brown (Crvena Zvezda Beograd), Kenan Sipahi (Betis Sevilla), DyShawn Pierre (Dinamo Sassari), Johnny Hamilton (Darussafaka Istanbul), Jarell Eddie (UCAM Murcia), Edgaras Ulanovas (Zalgiris Kaunas), Danilo Barthel (Bayern Münich), Igor Kokoskov (coach, assistant Sacramento Kings)
L’effectif de la saison :
Meneurs : De Colo, Westermann, Sipahi
Arrières : Brown, Mahmutoglu (cap), Ali Muhammed
Ailiers : Ulanovas, Pierre, Biberovic
Ailiers-forts : Barthel, Eddie, Candan
Pivots : Vesely, Hamilton, Duverioglu
50% de réduction budgétaire donc, la conséquence : 8 départs, 7 arrivées… pour un effectif total de 15 joueurs. C’est bien la moitié de l’équipe 2019-20 (ainsi que le coach) qui a quitté le club pour cet exercice 2020-21, dont une grande partie des salaires les plus importants. 930 matchs d’Euroleague (dont 166 pour Kalinic, 204 pour Datome et 246 pour Sloukas), ajoutés aux 454 d’Obradovic, la perte d’expérience est énorme, et impactera nécessairement le fonctionnement global du Fenerbahçe.
Si l’on observe encore plus loin, ce que signifient ces départs :
- 4 parmi les 6 joueurs à plus de 20 minutes par match (Sloukas, Williams, Kalinic, Datome)
- 7 des 10 meilleurs rebondeurs
- le meilleur passeur (Sloukas)
- 5 des 6 meilleurs intercepteurs
- 2 des 3 meilleurs scoreurs
Mettons brièvement en perspective la situation. Le Fenerbahçe était donc huitième, et assiste aux départs de plusieurs joueurs cadres, à plusieurs titres, au profit d’équipes dans le même tiers (Valence, Milan, Olympiacos), ainsi que du coach les ayant emmené au titre d’Euroleague en 2017. Au premier coup d’oeil, morne perspective…
C’est alors que rentre en considération le talent (et le pragmatisme) du duo exécutif Kokoskov/Gherardini.
Tout en s’appuyant sur un axe 1-5 de niveau élite De Colo-Vesely (deux anciens MVP), et en ayant un banc en capacité de rivaliser avec toutes les autres second units (Westermann, le capitaine Mahmutoglu, Ali, Duverioglu), il fallait alors cibler des profils complémentaires.
Sur le backcourt, l’ajout du combo guard américain Lorenzo Brown et un mouvement majeur du marché estival. Courtisé par de nombreuses équipes, il entamera sa deuxième saison d’Euroleague comme deuxième option offensive. Le meneur du Betis, Sipahi, effectue quant à lui son retour au Fener’, où il avait évolué une saison au début de l’ère Obradovic.
Quatre joueurs, aux profils extrêmement différents, mais tout aussi polyvalents, s’installent également aux postes 3 et 4, désertés après le “mercato”.
- Le lituanien Edgaras Ulanovas, poste 3-4 shooteur, excellent dans le jeu sans ballon et fiable longue distance occupera vraisembablement le poste d’ailier au coup d’envoi. Arrivé du Zalgiris (175 matchs, 8.9 points et 3.3 rebonds, autour de 40% à 3 points), ne payant pas de mine, il pourrait surprendre par son volume sur certain matchs (mécanique de tir peu orthodoxe).
- Autre team player, après un séjour au Bayern Münich, où il apportait 8,5 points et 4 rebonds par match, Danilo Barthel signe lui aussi pour deux ans dans la megalopole turque. Ailier fort moderne, excellent passeur, au QI basket élevé, il sera un complément idéal aux pivots verticaux de l’effectif.
- A l’aile, le canadien DyShawn Pierre (1.98m, 106kg), spécialiste défensif, athlète de très haut-niveau, apportera son volume et sa densité en sortie de banc. La saison dernière à Sassari (avec qui il a remporté la Fiba Europe Cup en 2019), il était meilleur rebondeur du championnat hors intérieurs (13.5 points, 7.6 rebonds, 2.7 passes).
- Autre joueur, autre profil. Ancien journeyman NBA (Wizards, Suns, Bulls, Celtics), avant d’aller battre des records à la SIG Strasbourg (8 tirs primés en un match, contre Nanterre en Mars 2019) puis récidivant avec l’UCAM Murcia en Liga ACB (10/14 contre la Joventut Badalona), Jarell Eddie sera le sixième homme du Fenerbahçe. Tweener, capable de jouer poste 3 ou poste 4, l’ancien de Virginia Tech tentera d’apporter son écot à l’attaque en berne du Fener’ (14.4 points la saison dernière en Liga).
Enfin, au poste de pivot, c’est le Trinidadéen de 26 ans, Johnathan Hamilton, qui viendra renforcer la raquette. Long, vertical, encore brut mais ayant un potentiel de protecteur d’arceau très recherché en Euroleague, il est une trouvaille du GM Gherardini, qui en avait fait une cible prioritaire dès l’issue de la Superlig (il évoluait à Darussafaka, pour 9,8 points, 7,6 rebonds et 1.4 contres). En backup du tchèque Jan Vesely, le Fener’ pourrait avoir trouvé la perle rare.
Un effectif somme toute équilibré, quelques paris, un socle expérimenté. Bien qu’ayant perdu en valeur intrinsèque, impossible de le nier, Kokoskov pourrait avoir en revanche trouvé les bonnes associations de goût.
Le joueur à suivre : Lorenzo Brown
Nombreux sont les joueurs nord-américains, au parcours plus qu’honorable à l’université, que l’on destinait à une fonction de role player honnête, mais se retrouvent dans l’obligation de s’exporter overseas pour exister.
Pour nous, européens, la démarche semble logique, respectable, et peut même prendre sens dans une forme de linéarité pour regagner sa place dans le Gotha (dernier exemple en date, JaMychal Green,Brad Wanamaker, Javonte Green, Khem Birch,Nigel Williams-Goss, Matt Thomas mais avant eux, Patrick Beverley, Malcolm Delaney, PJ Tucker ou Udonis Haslem, entre autres).
Si tous n’ont ou n’auront pas la carrière et le succès du vétéran du Heat, cela tend à prouver que la NBA est une question d’opportunités plus que de talent. Ceci dit, bien que le facteur “chance” ait une part importante dans la trajectoire d’un joueur, il est indispensable de se donner les moyens de saisir ces opportunités.
Pour Lorenzo Brown (30 ans, combo guard), l’horizon était plutôt dégagé.
Après trois saisons à North Carolina State, il était sélectionné en fin de second tour par les Timberwolves lors de la Draft 2013. Bon gestionnaire, porté sur l’offensive, une capacité à créer son tir plutôt intéressante, ainsi que des qualités de spot-up shooter notables, Brown était aussi bon passeur et rebondeur pour un guard (en trois saisons : 11.6 points, 4.2 rebonds, 5.8 passes décisives, 1.7 interceptions)). Grand pour son poste (1.96m avec une envergure “positive” il montrait aussi des habiletés dans la lecture des lignes de passes, et par conséquent aux steals.
Entre 2013 et 2016, le natif de Roswell alterna entre le banc chez les Sixers, Wolves, Suns, et la D-League/G-League, performant systématiquement à ce niveau. A 26 ans, il décida alors, pour des raisons de stabilité financière de s’exporter dans le championnat chinois, où il évoluera deux saisons (2016-17, puis 2019), entrecoupée d’un énième aller-retour NBA/G-League.
A noter, lorsqu’on évoque les opportunités, qu’il sera coupé à la trade deadline 2019, pour permettre à Toronto d’accueillir Marc Gasol et d’aller chercher le titre que conservait égoïstement Golden State. Après plusieurs appels du pied, et à l’aube de ses 29 ans, Lorenzo Brown décidait de traverser l’Atlantique, direction la Serbie et l’Etoile Rouge de Belgrade (Crvena Zvezda Beograd).
Dans une équipe de milieu de tableau, avec un roster qui semblait avoir été construit pour lui (spot-up shooters avec Billy Baron, Ognen Dobric, role players défensifs avec Branko Lazic et Dejan Davidovac, pivots traditionnels protecteurs d’arceau avec James Gist et le regretté colosse Michael Ojo), Brown se retrouvait dans une situation qu’il n’avait connu qu’en NCAA, à savoir jouer un vrai rôle dans un collectif structuré d’une compétition majeure.
Une prise de contact timide (au cumul des quatre premiers matchs, 6/23 au tir, 10 pertes de balle), rapidement oubliée du fait de la constance du point de vue de la performance du meneur US :
- 27 matchs joués sur 28 possibles, tous dans le cinq de départ
- 19 matchs à 10 points ou plus, dont une pointe à 34 contre l’Olympiacos
- En 25 minutes par match, 12.3 points, à 45.9% au tir (faible 28.8% à 3 points), 82.3% aux lancers-francs), 3.3 rebonds, 4.6 passes décisives, 1 interception, pour 2.8 pertes de balle, 13 à l’évaluation
Une saison plus qu’honorable, et une capacité intéressante à évoluer avec un second créateur, ce qui fut constaté à mi-saison lorsque Kevin Punter rejoint les rangs serbes.
Pour beaucoup de joueurs, la bascule concernant leur statut dans une compétition se fait (ou pas) lorsqu’ils sont confrontés au niveau supérieur. En passant d’une équipe du ventre mou à un cador de l’Euroleague, Lorenzo Brown passera cette saison, à 30 ans, l’ultime test d’une carrière qui aura mis 6 ans à se lancer.
A quoi s’attendre cette saison ?
En effet, à quoi s’attendre ?
Il est difficilement imaginable que des bouleversements structurels aussi importants (en valeur et en nombre) n’aient pas d’impact sur une équipe, quel que soit son niveau. Et si ce fameux axe 1-5 De Colo-Vesely, peut-être le meilleur de la compétition, est préservé, il est impossible de baser toute son attaque là-dessus.
Quelles hypothèses formuler donc ?
Premièrement, il parait logique d’anticiper une période, plus ou moins longue, d’ajustements offensifs.
Le jeu prôné par Kokoskov, avec des transmissions multiples, du handoff, du kick et des renversements fréquent, génère du déchêt, des pertes de balle. Il est à parier que le Fenerbahçe sera au moins lors des 10 premières journées une des équipes qui gâchera le plus.
Après ça, si la mayonnaise prend, attention aux turcs. Les profils de spécialistes recrutés, s’ils sont mis en valeur par les excellents playmakers stambouliotes (De Colo, Brown, Westermann, etc.), pourraient être des armes de destruction massive.
Si vous êtes parieurs, pourquoi ne pas mettre une pièce sur notre Nando national pour un titre de MVP de la compétition ? Soulagé de la nécessité de partager ce rôle de leader avec Kostas Sloukas, il aura les clés du camion, l’occasion de rentrer encore davantage dans l’Histoire de l’Euroleague pour le double vainqueur de la compétition (2016 et 2019).
De l’autre côté du terrain, les certitudes sont plus nombreuses. A l’exception de Jarell Eddie, toutes les recrues sont soit des spécialistes défensifs (Pierre, Hamilton), soit des joueurs à l’intelligence de jeu remarquable (Ulanovas, Barthel, Sipahi, Brown). Les hommes de Kokoskov insisteront probablement sur cet aspect lors des premières rencontres, afin de compenser grâce aux pertes de balles provoquées leur manque de fluidité offensive.
Work in progress, en définitive.
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 5ème
Délicat de formuler un pronostic, vous l’aurez compris.
Néanmoins, et il s’agira de mon parti-pris cette saison, la qualité intrinsèque des joueurs du Fenerbahçe, associée à la science tactique, l’expérience d’Igor Kokoskov, dans un championnat où il ne seront pas (aussi) attendus, peut donner à penser que la bande à Nando pourrait être un des troubles-fête de cette saison d’Euroleague.
Rendez-vous en Playoffs !!!