Nouvelle décennie : Le chant du cygne pour l’Oly’?
Seconde équipe grecque engagée en Euroleague, au passé tout aussi glorieux que son rival Athènien, l’Olympiacos a décidé d’adopter une stratégie diamétralement opposée au Panathinaïkos. Mais vous prendrez bien une petite “πίντα” de contexte ?
Les rouges et blancs, de l’omnipotent et charismatique propriétaire/ président Panagiotis Angelopoulos et son frère Giorgos (si vous ne le connaissez pas, allez flâner sur YouTube), furent créés en 1931.
Bien que leur arène, le Stade de la Paix et de l’Amitié et ses 12000 places, ne soit pas aussi légendaire que l’OAKA voisin, elle a été ces quinze dernières années le théâtre de moults exploits, domestiques et internationaux.
Après une longue période de disette dans les années 80, l’arrivée au tout début des années 90 en tant qu’entraineur de l’ancien meneur de l’Aris Salonique, Giannis Ioannidis permit au club d’entrer dans une nouvelle ère (sous son mandat, cinq titres de champions de Grèce et deux finales d’Euroleague). Comme pour les Warriors avec Steve Kerr prenant le relais de Mark Jackson pour franchir un palier, c’est la prise de pouvoir de Dusan Ivkovic qui peut symboliser l’installation dans les cadors européens du club du Pirée (Titré en 1997).
Autre étape significative, en cours de saison 2007-2008, le sorcier Panagiotis Giannakis (dont on se rappelle pour avoir coaché l’équipe nationale lors de cette demi-finale si douloureuse pour l’équipe de France à l’Eurobasket 2005), vainqueur de Team USA en 2006 aux Championnats du Monde, prenait les rênes de l’Oly’.
En trois saisons, il contribua a structurer un effectif et à modeler un état d’esprit conquérant et hargneux qui perdure encore aujourd’hui et qui autorisera Dusan Ivkovic (encore lui) à récolter les lauriers en emmenant les Grecs au titre national et à la marche suprême en Euroleague en 2012 contre le CSKA Moscou, dans un match de légende.
En 2013, c’est le coach du Panionios, Georgios Bartzokas, qui signait et allait emmener l’Olympiacos au doublé en Euroleague, exploit jamais réalisé depuis.
Depuis, l’équipe de Kill Bill Spanoulis fut championne de Grèce en 2015, 2016 (2è les deux années suivantes), et se hissa jusqu’en finale de l’Euroleague en 2015 (défaite contre le Real Madrid) et 2017 (défaite contre le Fenerbahçe Istanbul) sous la houlette de l’actuel coach du Maccabi, Ioannis Sfairopoulos.
Las, en fin de saison 2018-19, dans un contexte de conflit entre le Pana et l’Oly’ (il serait d’ailleurs possible de le décrire comme un conflit entre Angelopoulos et son ego !), du fait de non respect des règles du championnat grec, l’Olympiacos s’est retrouvé administrativement relégué en deuxième division, y envoyant son équipe réserve et ne participant qu’à l’Euroleague (je vous renvoie d’ailleurs à l’excellent épisode de Ficelle Podcast avec Angelo Tsagarakis sur le basket grec).
La saison dernière devait donc permettre à l’Olympiacos de retrouver les sommets, en ne se concentrant que sur la Grande Coupe d’Europe.
Le bilan de la saison 2019-20 : Erase and rewind ? Pas vraiment
Comme souvent lorsque l’on imagine qu’un plan va se dérouler sans accroc, on se retrouve dans une situation délicate, parfois inextricable en récoltant ce que l’on sème. En l’occurrence, le pari de se préserver en ne jouant qu’une seule compétition, qui devait autoriser les joueurs à se ressourcer, aura eu pour conséquence essentielle le manque de rythme, d’automatismes, et de dimension physique. Si à ces ingrédients on saupoudre une louche de vieillissement inévitable, en résulte une hécatombe de blessures et un turnover constant sur les postes arrières.
Avec 6 défaites sur les 9 premières journées (dont l’ASVEL, le Zenit et le Bayern), les Rouges et Blancs accusaient un retard qu’ils ne parviendraient jamais à rattraper, pour terminer 11ème en fin de saison (12 victoires pour 16 défaites).
Afin d’illustrer rapidement cette saison dans la lower middle class de l’Euroleague, voici quelques rankings (et je viens de battre le record d’anglicismes dans une seule phrase). En 2019-20, l’Olympiacos était :
- 10è attaque et 15è défense
- 6è au rebond
- 11è aux passes décisives
- 14è aux interceptions, aux contres, aux balles perdues et au ratio passes décisives/balles perdues
- 8è au true shooting percentage (49.59%)
- 13è au général à 3 points (tentatives et réussite)
- 1er aux lancers-francs tentés
Quels enseignements tirer de ces informations ? Tout d’abord, que la version 2019-20 était moyenne ou mauvaise dans de nombreux domaines, et performante dans aucun, si ce n’est dans la provocation de fautes.
Ensuite, il parait surprenant que malgré la présence de shooteurs d’élite (Spanoulis, Rochestie, Papanikolaou, Vezenkov) le volume et la réussite n’aient pas été au rendez-vous.
Enfin, et nous aborderons ce thème lors de la présentation du coach, il semblerait que la club de Pirée n’ait pas encore pris décision de s’adapter au jeu “moderne”, en basant une grande partie de son playbook sur l’utilisation du pick & roll et du point de fixation poste bas (ce qui peut s’entendre du fait de la présence de deux spécialistes de l’exercice, Printezis et Milutinov).
Cette philosophie est-elle la conséquence d’un choix, ou d’une contrainte ? Ou en d’autres mots, principe de plaisir ou principe de réalité ? Le choix du tacticien peut fournir quelques éléments de réponse.
Le coach : Georgios Bartzokas
Le stratège grec, ancien joueur de Maroussi dans les années 80 a débuté sa carrière sur les bancs au début des années 2000, mentoré par Giannakis (que nous présentions plus tôt comme ancien coach de l’Olympiacos). De ses expériences avec Larissa, Maroussi et Panionios découlent l’image d’un meneur d’hommes, méthodique, et attachant une importance certaine à l’investissement de ses joueurs dans une approche globale du jeu, mentale plus que tactique.
Nommé coach de l’année en Grèce avec Panionios, en pleine période d’omnipotence du Panathinaïkos d’Obradovic, il profita vraisemblablement de cette notoriété pour être nommé, en juin 2012, entraineur en chef de l’Olympiacos. Le club sortait d’une campagne victorieuse aussi bien sur le plan national qu’européen.
Avec un groupe identique, mené par le binôme Spanoulis-Printezis, épaulés par les jeunes Papanikolaou et Sloukas (tiens, tiens,…), Bartzokas réussira à accomplir un exploit toujours inédit, le back-to-back, et sera le premier entraineur grec à remporter l’Euroleague.
En fin de saison suivante, il fera ses bagages pour le Lokomotiv Kuban, qu’il emmènera au Final Four, ce qui (re)lancera les carrières européennes de Delaney, Claver, Broekhoff, Singleton, Draper, Anthony Randolph, Janning, etc. (excusez du peu). S’ensuivirent une saison décevante au Barça, puis deux saisons au – souvent décevant -(parenthèse dont la mauvaise foi n’a d’équivalent que l’intérêt de la rime riche) Khimki Moscou.
Bartzokas faisait donc son retour en remplacement de David Blatt après quelques matchs en 2019. Mécanisme de défense courant, il parait plausible que les dirigeants aient cherché à se rassurer en prenant une figure connue et victorieuse pour tenter de sauver la galère. C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, parait-il.
L’effectif : faire du neuf avec du vieux
Les départs :
Wade Baldwin (Bayern Münich), Ethan Happ (Fortitudo Bologne), Brandon Paul (Zhejiang Chouzhou), Dwight Buycks (JSF Nanterre), Augustine Rubit (Zalgiris Kaunas) Taylor Rochestie, Nikola Milutinov (CSKA Moscou), Aleksej Pokusevski (NBA ?),…
Les arrivées :
Hassan Martin (Buducnost Voli), Livio Jean-Charles (ASVEL), Charles Jenkins (Crvena Zvezda), Aaron Harrison (Galatasaray), Giannoulis Larentzakis (UCAM Murcia), Kostas Sloukas (Fenerbahçe Istanbul),…
L’effectif de la saison à venir :
Meneurs : Sloukas, Koniaris, Nikolaidis
Arrières : Spanoulis, Harrison, Jenkins, Larentzakis
Ailiers : Papanikolaou, McKissic, Christidis
Ailiers-forts : Printezis (cap), Jean-Charles, Vezenkov, Charalampopoulos
Pivots : Martin, Ellis
En prenant en considération le nombre de départs (7, plus ou moins Pokusevski en cas de Draft and Stash) et d’arrivées (6 pour le moment) dans un effectif de 16 joueurs, il ne serait pas étonnant que vous soyez perplexe à mon évocation d’une forme de continuité.
Je m’explique.
Des joueurs à 20 minutes ou plus de temps de jeu, le seul départ à déplorer est celui de Nikola Milutinov (et à la rigueur Brandon Paul, à 19min40). Et même si la perte de leur pivot serbe (164 matchs d’Euroleague ; 10.2 points la saison passée), l’un des meilleurs intérieurs (offensifs) d’Europe et expert du jeu poste bas, risque de s’avérer douloureuse, l’ossature est conservée.
En effet, Octavious Ellis, Shaquille McKissic, Kostas Papanikolaou, Georgios Printezis et Vassilis Spanoulis restent fidèles au poste. Dans les différents secteurs statistiques, le seul domaine touché est le rebond, où il faudra trouver de quoi substituer les 8.2 prises de Milutinov.
Afin de compenser les départs et de colmater les brèches ayant tendance à s’agrandir ces dernières saisons, on ne peut nier les prouesses du front office grec.
Deux arrivées par secteur, ciblées, aux profils spécifiques, qui s’ajoutent aux prolongations des tauliers, le capitaine Georgios Printezis (35 ans, 17 saisons d’Euroleague pour 309 matchs, 9ème saison consécutive à plus de 10 points) et l’un des plus grands joueurs de l’Histoire de l’Euroleague, Vassilis Spanoulis (37 ans, 14 saisons, 324 matchs, encore 11.3 points et 4.6 passes décisives l’an dernier), ainsi que du sharpshooter bulgare, Sasha Vezenkov (119 matchs d’Euroleague).
A l’intérieur, le poste 4/5 rim runner du Buducnost, Hassan Martin (24 ans, américain) viendra apporter son volume offensif et son athlétisme (11.1pts, 6.3rbds, 1.7ctres). En rotation avec Ellis, l’équipe grecque tourne la page des pivots techniciens pour utiliser deux pivots similaires, qui devraient truster les highlights).
En backup du capitaine Printezis, c’est Livio Jean-Charles qui débarque de l’ASVEL, après une première campagne réussie, il apportera des qualités similaires à l’ailier fort hellène (mobilité, intensité, polyvalence, toucher). Las, à l’heure de l’écriture de cette preview, nous venons d’être informés de la blessure de l’intérieur guyanais de 27 ans (fracture du tibia), qui ne jouera probablement pas de la saison. Arrivée d’un joker à prévoir.
Trois profils différents sur les postes 1,2,3. Charles Jenkins, transfuge de l’Etoile Rouge de Belgrade, aura pour mission d’apporter de la dureté et de la défense, ce qu’il fournit avec excellence depuis 8 saisons (160 matchs). Giannoulis Larentzakis revient d’Espagne (Murcia) pour jouer les role players polyvalents.
Enfin, le plus talentueux des jumeux Harrison, Aaron est recruté, en provenance de Galatasaray, et débutera en Euroleague avec pour mission de créer du spacing grâce à un tir longue distance ayant fait ses preuves en Eurocup (14.7pts à 43% à 3pts, 3.3rbds, 3asts).
Recrues pertinentes donc, mais aucune n’a l’aura du joueur à suivre cette saison.
Le joueur à suivre : Kostas Sloukas
10 saisons. 246 matchs. 3 Euroleagues (2012 et 2013 avec… Olympiacos, 2017 avec le Fenerbahçe). All Euroleague First Team en 2018-19. La saison dernière ? 11.6pts, 2.9rbds, 6.4asts.
Le combo guard, originaire de Thessalonique, avait débuté en pro à l’Olympiacos, en 2008. Lors du doublé en 2012 et 2013, il était sixième homme. Après cinq années à s’aguerrir chez l’un des ténors européens, sous Obradovic, le voici de retour. Ce fut un des romans de l’été, des rumeurs l’envoyant un peu partout, il est la tête de gondole de l’intersaison au Pirée.
Au sein d’une équipe vieillissante, au style vieillissant et au coach aux idées vieillissantes (quelle redondance!), il aura pour mission d’apporter cohésion et homogénéité. Les plus médisants pourraient penser qu’il s’agit d’une “croquette” pour des supporters dont l’agacement n’est plus feint. Jouer sur la corde sensible de la nostalgie permettrait-il d’apaiser les frustrations ? Difficile à dire. Toujours est-il que le retour d’un tel talent au pays est un signe fort de la volonté de l’Olympiacos d’essayer de survivre au sein d’une concurrence de plus en plus féroce.
A quoi s’attendre ?
Dans cet effectif, quatre joueurs nominés pour la All Decade Team (Spanoulis, Printezis, Sloukas, Papanikolaou), de l’expérience à revendre donc. Mais des cadres ayant une propension aux blessures, et un coach, aussi talentueux soit-il, ayant des difficultés à se renouveler.
Le contexte est assez clair.
Le parti-pris est d’essayer de s’appuyer sur le talent, indéniable, de ses joueurs phares, en les entourant de spécialistes reconnus (Jenkins, Harrison, McKissic). Le cocktail expérience-continuité étant établi comme un des invariants du succès dans la compétition.
Néanmoins, la progression des équipes auparavant de milieu de tableau (Baskonia, Khimki, Valence), le changement de statut d’autres (Milan, Maccabi) et la résistance affichée par d’anciennes places fortes (Zalgiris, Panathinaïkos) promettent une saison dense et difficile.
Une attention particulière est à apporter au secteur intérieur, où le choix de profils athlétiques et offensifs aura son lot de conséquence sur l’intelligence collective dans la défense de la peinture. Les profils “Whitesidiens” des pivots Olympiens ne sont pas sans risque de laisser des rebonds offensifs.
Le projet à une date de péremption, dans la mesure où l’essentiel des contrat court sur un à deux ans. Il est à parier que l’Olympiacos sera à la lutte pour les dernières places de Playoffs, comme 5 à 6 autres équipes. Les vieilles recettes leur permettront-elles de faire la différence ?
περίμενε και θα δεις
Le pronostic de l’EuroCrew Qi Basket : 8è
Si l’on se fie aux “bonnes vieilles recettes” du succès en Europe, il est probable que sur le talent de ses cadres, l’équipe du Pirée parvienne à faire la différence sur ses concurrents directs. Néanmoins, il n’auront pas longtemps le droit à l’erreur et un enchainement de faux pas leur serait rédhibitoire. Classement vraisemblablement entre 8 et 11.