Avant d’écrire quelconques lignes sur cette preview, impossible de ne pas rendre hommage à l’intérieur Michael Ojo, tristement décédé en août dernier des suites d’un malaise cardiaque lié au virus actuel… RIP Michael Ojo.
Etoile Rouge de Belgrade : on efface tout (ou presque) et on recommence
C’est donc dans ce triste contexte que le Crvena Zvezda a débuté sa saison de “l’après” (ou du “faudra faire avec”) Covid-19.
Cet été, le club serbe avait lancé l’opération renouveau, changeant tout du sol au plafond, en se séparant notamment du coach Dragan Sakota après seulement un an, mais aussi de la plupart de ses meilleurs joueurs. C’est une récurrence depuis 2017 et la fin de l’ère Dejan Radonjic (2013-2017, 73% de victoires et 9 trophées, récemment vu à Munich), l’autre équipe de Belgrade ne connait pas de réelle stabilité sur son banc avec six entraineurs différents en l’espace de trois saisons.
Pour mener ce nouveau projet, le club du businessman/homme politique/président Nebojša Čović (le papa de Filip, meneur de l’Etoile entre 2018 et 2020) s’est tourné vers une de ses anciennes grandes figures. Sasa Obradovic arrive de Monaco avec l’envie de briller comme coach dans l’équipe de son cœur.
Légende des rouges et blancs en tant que joueur, membre de l’équipe championne de Yougoslavie en 1993 face à l’ennemi du Partizan, vingt-et-un an après le dernier titre, c’est aujourd’hui dans son costume et avec sa plaquette qu’il vient relever un nouveau défi. La mission est de taille mais il faudra toujours faire mieux alors que le Red Star affiche l’un des plus petits budgets de la compétition (dernier la saison dernière avec moins de 10 millions d’euros).
Le bilan de la saison 2019-2020 : danger au Pionir
La coupure amenant à l’annulation de la saison est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée aux coéquipiers de Branko Lazic.
Sur le terrain, les belgradois ont fait de leur mieux, sans particulièrement être impressionnants : 11 victoires en 28 rencontres pour une honorable 14ème place au classement. Si la défense a fait le travail (1ère défense avec 76.75 points encaissés), le reste n’a pas suivi : 15ème à l’éval (77.46), 15ème attaque (74.79) alors que Belgrade proposait des joueurs comme Kevin Punter, Lorenzo Brown ou Billy Baron, 17ème aux passes décisives (15.54) et forcément une incapacité chronique à réussir une série de victoire. La meilleure ? 4 wins entre le 20 décembre et le 10 janvier (l’euphorie des fêtes de fin d’année ?) mais aucune victoire face aux équipes du Top 4 (Anadolu, Real, Barça, CSKA).
Le groupe montrait certaines failles tant en Euroleague que du côté de l’ABA League (3ème avec 14 victoires mais 7 défaites !!) et s’est même incliné pour la troisième année consécutive lors de la coupe de Serbie face au Partizan (ce qui n’est pas pour déplaire à celui qui écrit ces lignes actuellement, fan du club en noir et blanc). C’est d’ailleurs là que le bât blesse. En effet, si la saison était allée à son terme, le Crvena Zvezda ne serait peut-être pas en Euroleague à l’heure actuelle. L’ennemi juré était dans une meilleure dynamique (1er d’ABA League, qualifié en quart-de-finale de l’Eurocup, vainqueur de la coupe) et fonçait tête baissée vers le titre qui offre le précieux sésame : un ticket pour la grande coupe d’Europe.
Le cauchemar est évité : Hvala (merci en serbe) le Covid !
Le coach : Sasa Obradovic
Enfant de Belgrade, Obradovic (51 ans) est de retour. Le soleil de Monaco n’a pas résisté aux appels du cœur et la décision s’est faite en quelques heures. Il l’a lui-même dit : “Je considère faire partie de l’histoire du club“.
Joueur de 1988 à 93 puis en 1993-94 et enfin 1999-00, il connait l’Etoile comme sa poche. Pas effrayé par la pression que cela impose, Obradovic doit briller sur ses terres pour ne pas réaliser un flop.
Coach depuis 2005 en débutant à Cologne, l’ancien meneur a travaillé dans cinq championnats passant par l’Allemagne donc (Cologne mais aussi l’Alba Berlin), l’Ukraine (Kiev, Donetsk), la Pologne (Zgorzelec), la Russie (Lokomotiv Kuban) et la France (Monaco) avant de rentrer au pays. Si son palmarès de joueur affiche 12 trophées, celui de coach est bloqué à 5, tous remportés en Allemagne et dont le dernier date de 2016 (coupe d’Allemagne).
Avec Monaco, il était en tête de la Jeep Elite (21 victoires, 4 défaites) et apparaissait comme l’une des meilleures défenses de l’Eurocup. Un style qu’il voudra imposer à son Etoile ? Possible.
L’effectif : du neuf avec du vieux, mais avec du neuf, mais quand même du vieux
Les départs :
Kevin Punter (Milan), Charles Jenkins (Olympiacos), Lorenzo Brown (Fenerbahçe), Billy Baron (Zénith Saint-Pétersbourg), Kalin Lucas (Ironi Nahariya), Stratos Perperoglou, Vladimir Stimac (Monaco… euh… Qingdao Eagles pardon), Nikola Jovanovic (Igokea), James Gist, Dusan Ristic (prêt à Brescia), Dragan Sakota (coach).
Les arrivées :
Jordan Loyd (Valence), Corey Walden (Partizan Belgrade), Langston Hall (Promitheas Patras), Marko Simonovic (Malaga), Aleksa Radanov (FMP), Duop Reath (FMP), Aleksa Uskokovic (FMP), Sasa Obradovic (coach, Monaco), Emanuel Terry (Hapoel Jérusalem), Taylor Rochestie (Olympiacos)
Les prolongations : Davidovac, Dobric, Kuzmic
L’effectif de la saison à venir :
Meneurs : Hall, Walden, Rochestie, Uskokovic
Arrières : Loyd, Lazic, Radanov
Ailiers : Davidovac, Dobric
Ailiers-forts : Simonovic, Simanic, Jagodic-Kuridza, Reath
Pivots : Kuzmic, Terry
Le constat est simple, l’Etoile Rouge a laissé partir ses six meilleurs marqueurs de la saison dernière en Euroleague. Autour d’un nouveau backourt très américain (Hall, Walden, Loyd) mais trop vert à ce niveau (les deux premiers cités sont rookies en Euroleague tout comme Terry, Uskokovic et Reath), Sasa Obradovic peut compter sur l’expérience de plusieurs joueurs comme le capitaine Branko Lazic (143 matchs d’Euroleague) ou des revenants Marko Simonovic (34 ans) et Taylor Rochestie (35 ans).
Dans la peinture, Ognjen Kuzmic sera presque une nouvelle recrue de plus. Après avoir frôlé la mort dans un accident de voiture en juillet 2019, il a retrouvé les parquets petit à petit avec un temps de jeu limité (12 minutes environ). L’ancien champion NBA (2015 avec les Warriors) et du Real Madrid a désormais une place de titulaire qui lui tend les bras et une histoire avec le basket à reprendre. Sa relation avec Hall et Loyd sera déterminante. Si l’on a très vite compris que le jeu du Crvena Zvezda dépendra beaucoup de ses arrières, il faudra tout de même surveiller les 213 cm de Kuzmic lorsque les défenses vont se resserrer plus haut et que l’ouverture sur pick-and-roll lui laissera de l’espace dans la raquette.
Pour compléter le tableau, il ne faut pas s’attendre a beaucoup d’Ognjen Dobric, Marko Jagodic-Kuridza ou Aleksa Uskokovic.
Dejan Davidovac reste un bon joueur de collectif et il apportera comme les autres précédemment énoncés : une rotation de plus et le sens du sacrifice. On attendra enfin (ou pas) l’éclosion de Borisa Simanic annoncé comme talentueux, sur les tablettes de certains scouts NBA mais qui peine à confirmer au plus haut niveau européen (3.2 d’évaluation la saison dernière).
Duop Reath va lui probablement mettre un peu de temps à se développer du haut de ses 2m10 mais l’intérieur australien (d’origine soudanaise) a un profil intriguant, capable de défendre sur les postes 4-5 et offrant une possibilité d’écarter le jeu avec son tir à 3 points malgré un physique imposant (111 kilos). Si vous ne le connaissez pas, gardez un œil sur Emanuel Terry lors de son retour (pour l’instant embêté par la Covid 19). Tout comme Taylor Rochestie, arrivé tardivement, le club serait à la recherche d’une pièce en plus dans la raquette. Les rumeurs parlent de Johnny O’Bryant III qui évoluait au Lokomotiv Kuban la saison dernière (13.8pts, 5.1reb, 1.4ast, 10.6 d’éval en Eurocup). Encore un beau spécimen physique (2m06, 117 kilos).
Le joueur à suivre : Jordan Loyd – « Licence to Kill »
Arrivé de Valence cet été, l’américain champion NBA avec Toronto (2019) sera clairement l’attraction du côté du Pionir. Sa première saison en Euroleague a été intéressante : 11.1 points (40.5% à 2 points, 42.9% de loin), 1.9 rebond, 2.4 passes, 8.8 d’évaluation et une belle soirée contre le Panathinaïkos le 8 novembre 2019 avec 41 d’éval (27pts, 5reb, 8ast, 2stl, 1blk). Il devrait assez souvent dépasser la barre des 10 points à chaque match (voire la barre des 20) et si l’été est maintenant terminé, le natif de Chicago (quand on a Jordan comme prénom, on comprend ce que les parents avaient en tête) saura trouver les arguments pour nous réchauffer. Très à l’aise dans tous les compartiments de l’attaque, il prend cependant la plupart de ses tirs derrière la ligne des 6m75. La défense n’est pas sa plus grande qualité mais Sasa Obradovic pourrait le cacher dans un système où le collectif ne fait qu’un avec des aides et des rotations à prévoir.
Nul doute que dans son esprit, la NBA est encore un objectif. Il va donc profiter de son expérience en Europe pour se montrer. Attention à ne pas trop en faire et rester utile à son équipe. En trois matchs d’Euroleague, il tourne déjà à 21.3 points de moyenne dont 30 contre Vitoria (34 d’évaluation). Vous le voyez venir le phénomène ? Bon, on lui donne un avant-goût de NBA et l’on peut dire qu’il a le profil du Most Improved Player de l’année en Euroleague.
A quoi s’attendre ? Peuvent-ils vraiment faire mieux ?
Alors, est-ce que ce Crvena Zvezda peut vraiment dépasser la 14ème place de la saison dernière ? Difficile d’y croire tant l’Euroleague version 2020-2021 semble relevée.
Sans penser au contexte sanitaire actuel ainsi qu’aux différents reports (ou annulations) de matchs, le niveau affiché de certaines équipes (Zalgiris, Zénith, Valence, Fenerbahçe) est déjà très inquiétant pour Obradovic et son équipe. L’effet Loyd peut-il fonctionner une saison entière à ce niveau ? Les défenses vont désormais le prendre très au sérieux et nul doute qu’il va devoir composer avec les meilleurs chiens de garde de chaque équipe dans les pieds.
Une hiérarchie est à installer avec les nombreux changements effectués. Le jeu proposé n’est pour l’instant pas flamboyant (beaucoup de ballon pour Loyd, reste de la création pour Hall avec énormément de picks dans l’axe) malgré des gros temps forts et des joueurs qui, une fois chauds, peuvent être redoutables à 3 points (école serbe oblige évidemment). Aucun doute qu’en ABA League l’Etoile Rouge sera une machine infernale voire presque imbattable. Dans les hautes sphères du basket européen c’est différent et le club serbe sera dans l’obligation d’être parfait à chaque journée pour gagner. Les talents offensifs sont là alors que le coach est plus orienté vers la défense. Les deux camps doivent s’adapter pour proposer un jeu cohérent. Attention, l’équipe est déjà tombée deux fois contre les sensations du moment (Zalgiris et Fenerbahçe) qui ont déjà très bien négociées leurs changements d’entraineurs.
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 14è
Du nouveau, mais pas plus de certitudes ou de moyens pour passer un cap. A eux de nous faire mentir en trouvant de la régularité, en épinglant des équipes du haut de tableau et en restant très sérieux à domicile malgré une salle désespérément vide… On ne sait jamais. Sur un malentendu ça peut marcher.