En défendant chèrement leur peau jusque dans les ultimes instants du match 7 des demi-finales de conférence, les Raptors ont fait honneur à l’adage nous invitant à ne jamais sous-estimer le coeur d’un champion. Même si la déception est forcément de mise après une élimination dans un tel contexte, il est impossible de ne pas saluer la saison extraordinaire accomplie par l’équipe canadienne. Parvenir à obtenir un meilleur pourcentage de victoires que la saison passée (73% contre 70%) et ce, malgré le départ de l’un des meilleurs joueurs de la ligue sans aucune compensation, relève tout simplement de l’exploit. Un exploit qui mériterait des pages entières.
Mais dans une ligue où il faut toujours avoir un coup d’avance, il est déjà temps de penser au lendemain. On imagine même que cela fait un bon moment que Masai Ujiri a commencé à réfléchir à la question. Si Toronto veut rester dans le haut du panier et faire figure de destination attractive pour Giannis en 2021, il va falloir réussir cette intersaison. Il y a du pain sur la planche.
Fred VanVleet, priorité numéro un
Le nom des Raptors devrait revenir régulièrement dans les actualités liées à la free agency puisque Toronto compte dans ses rangs l’un des agents libres les plus convoités de la ligue, en la personne de Fred VanVleet. L’arrière vient de sortir une saison à 17.6 pts et 6.6 passes décisives de moyenne, montrant que ses performances lors des Finals 2019 étaient tout sauf un feu d’artifice sans lendemain.
Cette production, sensationnelle pour un joueur non-drafté, lui donne le droit de prétendre à un salaire annuel bien supérieur à ses 9 millions actuels. Malgré l’incertitude financière qui pèse sur la NBA suite aux pertes occasionnées par l’épidémie de Covid-19 (quid du salary cap notamment ?), il paraît impensable que le joueur ne reçoive pas des propositions alléchantes. Les Knicks, les Pistons ou encore les Suns ont déjà été évoqués parmi les prétendants, mais il est franchement difficile d’imaginer un choix plus intéressant pour le joueur que de rester au Canada.
Avec Nick Nurse aux commandes et Kyle Lowry en leader par l’exemple, le contexte pour permettre à VanVleet de continuer sa progression semble idéal. En prolongeant l’aventure à Toronto, FVV peut former avec Pascal Siakam et OG Anunoby un trio des plus solides à moyen terme. Qui, parmi les équipes susnommées, peut présenter autant de garanties ?
Financièrement, inutile de vous inquiéter pour le compte en banque de ce bon Fred. Les fins de contrat simultanées de Marc Gasol et Serge Ibaka libèrent pléthore de billets verts, de quoi offrir un contrat des plus respectables à l’arrière.
Si le marché ne s’affole pas, il y a de grandes chances de voir FVV sous la tunique des Raptors la saison prochaine. Cependant, dans l’hypothèse où une franchise craquerait totalement en posant une très grosse offre sur la table (ne jamais sous-estimer la folie de certaines franchises), la situation deviendrait plus tendue et présenterait un choix difficile pour la direction. Perdre un joueur de ce calibre serait très douloureux, mais plomber les finances sur le long terme avec un contrat trop élevé reste la meilleure idée pour abaisser le plafond d’une équipe. Avec le nouveau contrat de Pascal Siakam et l’éventuelle extension d’OG Anunoby, Toronto a des investissements prévus sur le long terme et doit garder sa flexibilité pour 2021. VanVleet semble être une priorité, mais jusqu’à quel point ?
Fin de cycle dans la raquette
Comme évoqué ci-dessus, la doublette intérieure arrive au terme de son contrat et il va bien falloir faire en sorte de ramener du monde puisque notre ami Chris Boucher est lui aussi susceptible de changer de tunique la saison prochaine.
Le déclin de Marc Gasol, qui fêtera ses 36 ans en janvier, semble s’accélérer inexorablement. Même si sa saison régulière fut de bonne facture, on l’a vu en grande difficulté lors de la demi-finale de conférence face à Boston, une tendance qui laisse augurer une réduction drastique de son rôle dans un futur proche, quelle que soit l’équipe qui l’accueillera. Des rumeurs font état de sa volonté de quitter la ligue pour un dernier challenge en Europe, même si Barcelone a démenti avoir été en contact avec lui. Si vous voulez notre avis, on préfèrerait largement voir ce grand joueur terminer sa carrière NBA sur le titre acquis l’an passé plutôt que le voir jouer 13 minutes par match à la Andrew Bogut chez un prétendant, avec tout le respect que l’on a pour l’Australien.
S’il devait tout de même prolonger l’aventure outre-Atlantique, on peut espérer que l’espagnol, conscient de son niveau actuel, n’ait pas les yeux plus gros que le ventre. Si l’impact financier n’est pas trop fort, posséder un joueur de cette expérience ne peut qu’être positif, y compris pour Toronto. Cependant, les derniers signaux en date n’incitent pas à croire en un tel dénouement. Gasol n’est pas encore parti, mais semble avoir déjà un pied et demi dans l’avion.
Pour ce qui est de Serge Ibaka, qui possède encore quelques belles années devant lui, le plus souhaitable pour Toronto consisterait en une re-signature à moindre frais et, surtout, sur une courte durée, toujours dans l’optique de garder de la flexibilité pour faire du pied à Giannis dans un an. Cependant, à “seulement” 31 ans, le congolais a encore une belle valeur aux yeux de la ligue. Il ne faudra donc pas espérer des économies incroyables.
On l’a vu l’été dernier avec Al Horford, il existe des personnes n’ayant pas peur de proposer des contrats longue durée à des joueurs confirmés mais vieillissants. Si le bien fondé de ce genre de manœuvre est discutable (coucou les Sixers), il faut garder à l’esprit que Serge Ibaka pourrait recevoir une offre pour le dernier gros contrat de sa vie, sur laquelle Masai Ujiri aurait peut-être du mal à s’aligner. Comme pour VanVleet, jusqu’où les Raptors seront-ils prêts à suivre la folie de leurs concurrents ?
S’il advenait que les deux larrons se fassent la malle, la direction n’aurait d’autre choix que d’aller faire ses courses sur le marché des agents libres. Il y aura du beau bestiau à disposition, notamment les têtes d’affiche Tristan Thompson et Montrezl Harrell. Notons cependant que ni l’un ni l’autre n’a le profil de l’intérieur créateur d’espace utilisé par Nick Nurse depuis deux saisons, que Thompson a une valeur limitée en attaque et qu’Harrell est un défenseur plus que douteux. Il y aurait donc pas mal de changement à consentir dans l’organisation offensive de l’équipe, ce qui nous pousse à penser qu’un retour d’Ibaka serait la meilleure issue dans cette affaire.
Dans un registre moins clinquant, le pari Christian Wood, archétype parfait de l’intérieur moderne et seul rayon de soleil dans la triste saison des Pistons, serait alléchant mais paraît difficilement réalisable. Toronto n’est pas en reconstruction alors que Wood, avec une seule (très) bonne saison sur son CV, n’a pas encore le statut de valeur sûre; ce qui ne devrait pas l’empêcher de recevoir un bon paquet d’offres généreuses venant d’équipes en recherche de talent sur le moyen terme, moins focalisées que les Raptors sur le rendement immédiat. Dans le cas assez probable où les sommes proposées à Wood monteraient rapidement, on imagine mal Toronto sortir 80 millions sur 4 ans pour s’attacher les services du joueur.
L’équilibre périlleux entre performance et finances
Pour rêver de Giannis, Toronto doit prouver sa capacité à fournir le contexte idéal pour une superstar. Le Greek Freak peine à accomplir sa destinée à Milwaukee, il n’acceptera de partir que pour une destination lui offrant une meilleure chance de décrocher le Graal. Dans cette optique, l’intersaison qui approche doit permettre à la franchise canadienne de maintenir un effectif compétitif sans que cela se fasse au détriment de la santé financière sur le moyen terme. Facile à dire.
Dans un monde idéal, Toronto parviendrait à ramener VanVleet et Ibaka au bercail pour des montants raisonnables. Dans la réalité, ce ne sera sans doute pas aussi simple et cela pourrait donner lieu à des dilemmes importants. Avec les 70 millions réservés par le trio Lowry-Siakam-Powell, il n’y a pas une marge extraordinaire en-dessous du salary cap. La fin de contrat de Kyle Lowry en 2021 ne suffira pas à elle seule à libérer de la place pour un contrat maximum, ce n’est donc clairement pas le moment de verser dans la démesure.
Cependant, laisser partir trop de talent et redescendre dans la hiérarchie à l’Est serait également un bien mauvais calcul. On rappelle que l’un des principaux concurrents de Toronto dans le dossier Antetokounmpo vient de rallier les NBA Finals, et que Milwaukee a toujours de très sérieux arguments sportifs pour convaincre sa superstar de rester, ainsi que la possibilité de lui offrir un contrat super max – et donc, quelques millions supplémentaires.
On se focalise sur Giannis car de nombreux rapports font état de l’intérêt de Toronto dans ce dossier, mais ces considérations s’appliquent également aux autres gros clients de la free agency 2021. Toronto n’a aucun intérêt à casser sa tirelire dès maintenant, mais doit rester un outsider crédible. Un nouveau défi de taille se dresse sur la route de Masai Ujiri, mais qui peut douter de sa capacité à le relever ?