Vitoria Saski Baskonia, trop court pour l’Europe ?
Un peu d’histoire : une forte identité basque, mais pas seulement
1952-1996 : lents progrès et faux espoirs
Fondé en 1952, le club maintiendra dans ses premières décennies une renommée locale. Basé dans la capitale espagnole de la terre de basket qu’est le Pays Basque, le club trouvera la traction nécessaire à toute progression au niveau national et accède enfin en 1971 à la première division espagnole. Dès ses premières années, il sera très difficile d’aller gagner en terres basques, et le club se maintiendra presque 10 ans en première division, se qualifiant même pour la Coupe Korac en 1975, sous les ordres de Pepe Laso, père de Pablo, l’actuel coach du Real Madrid.
La décennie 1980 sera celle de la lente montée en progression : relégués en deuxième division en 1981, tout juste maintenus l’année de leur retour dans l’élite en 1983, le club profita de la création de la Liga ACB (l’actuelle formule du championnat espagnol) pour s’affirmer comme une équipe du haut de tableau.
Ce fut un relatif échec. Il faudra attendre l’arrivée à la présidence de José Antonio Querejeta et l’arrivée d’investisseurs pour que le club entre dans son ère moderne, et pour qu’en en 1993, le club remporte, enfin, son premier titre national majeur, la Copa Del Rey, sous la houlette de Pablo Laso (joueur, cette fois).
1997-2004 : montée en puissance nationale et européenne
Le Baskonia aura vu du beau monde sur ses bancs. En 1997, c’est un jeune Sergio Scariolo qui obtient le poste de head coach. Dès sa première année au club, l’Italien accède à la finale de la Liga ACB, avant de participer pour la première fois à l’Euroleague, et de remporter une deuxième Copa Del Rey l’année suivante. Assez impressionnant pour que le Real Madrid lui offre les clefs de l’équipe, qu’il acceptera.
Il est remplacé par l’alors Yougoslave Dusko Ivanovic, qui emmène une talentueuse équipe du Baskonia (composée entre autres de Dejan Tomašević, Fabricio Oberto et Luis Scola) en finale de l’Euroligue en 2001, mais s’incline contre le Kinder Bologne d’Antoine Rigaudeau et Manu Ginobili.
L’année suivante et avec l’excellente addition d’Andrés Nocioni, le club remporte pour la première fois le titre de champion d’Espagne, et réalise même le doublé en s’adjugeant aussi la Coupe du Roi.
2004 – aujourd’hui : d’une exceptionnelle domination au retour à la normale
Toujours porté par Luis Scola, qui deviendra un des joueurs emblématiques du club et par son coach Dusko Ivanovic, Vitoria sera au sommet de la scène espagnole et européenne. Entre 2004 et 2010, ce sont deux titres de champions (sur cinq finales disputés en six ans), deux Coupes du Roi, quatre Supercoupe d’Espagne, et quatre apparitions au Final Four de l’Euroleague. Dominant.
Puis, depuis 2010, le club sera souvent bien placé, parfois (très) séduisant, tout aussi actif sur le marché des signatures, mais jamais gagnant.
Malgré des fonds financiers importants qui ont permis le club d’attirer de très bons joueurs d’Euroleague (Ioannis Bourousis (MVP Liga ACB 2018), Adam Hanga (meilleur défenseur d’Euroleague en 2018), Tornike Shengelia (First Team All-Euroleague en 2018), Vincent Poirier (Second Team All-Euroleague 2019), Shane Larkin, Nemanja Bjelica, Fabien Causeur, un Andres Nocioni vieillissant mais toujours aussi bon…), le club ne retrouvera le chemin d’un trophée qu’en septembre 2020 !
Le bilan de la saison 2019-20 : une surprise de plus dans une année surprenante
La saison 2019-20 ne s’annonçait pas forcément dès plus radieuses pour le Baskonia. Le club avait vu partir deux de ses meilleurs éléments au CSKA Moscou (Darrun Hilliard et l’intérieur allemand Johannes Voigtmann), tandis que Vincent Poirier avait cédé aux sirènes de la NBA et que l’expérimenté Marcelinho Huertas allait en retraité expérimenté à Tenerife.
La logique fut toute respectée. Avec Tornike Shengelia comme seul rescapé des dernières grosses équipes alignées côté basque, le club se plaçait à la 8è place du championnat espagnol (12 victoires-11 défaites) avant l’interruption de la saison pour raisons sanitaires. Pas forcément mieux en Euroleague, où ils finissent 13è avec 12 victoires pour 16 défaites, loin des standards auxquels le club est habitué.
Seulement, dans un contexte que l’on sait bien particulier, le Baskonia a apparemment tiré son épingle de l’interruption du championnat. La Liga Endesa (nouveau nom du championnat espagnol) décidant d’instaurer une « bulle » à la NBA pour finir son championnat par des playoffs raccourcis, le Baskonia pouvait encore sauver sa saison. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait.
Les deux premiers de chaque poule de 6 équipes se qualifiaient pour les demi-finales. Le Baskonia finira 2è, à égalité avec l’Unicaja Malaga, avec le même panier-average général (+23). C’est toutefois les Basques qui iront en demi-finale, car ils ont battu Malaga… 87-86. Ils passent donc in extremis en demi-finale.
Demi-finale où ils s’imposeront contre le Valence de Louis Labeyrie… de 2 points, sur un tir au buzzer libérateur de Luca Vildoza.
🔥 Luca Vildoza con el tiro para ganar!!!🔥
Anotó 21 puntos y repartió 3 asistencias en la victoria del Baskonia por 76 a 73 frente al Valencia!pic.twitter.com/JkhWAmoe2W— Basquet ARG (@BasquetARG) September 20, 2020
En finale, c’est face au grand Barca du Français Thomas Heurtel, dominant durant la saison régulière, qu’ils s’imposent, non moins sans difficulté, de 2 points, sur un nouveau tir victorieux de Luca Vildoza à trois secondes du buzzer. Clutch le garçon, non ?
Un scénario fou, pour une équipe qui aura su déjouer tous les pronostics et aura sûrement profité des circonstances bien particulières de la saison pour remporter un nouveau titre, néanmoins amplement mérité.
Le coach : Dusko Ivanovic, légende du club, légende du sport ?
A son retour au club au milieu de la saison 2019-20 alors que l’équipe était à l’agonie, le cerveau monténégrin étamait son troisième mandat au poste d’entraineur principal à Vitoria. Son retour au club en tant qu’homme providentiel après une certaine instabilité sur le banc des Basques (5 coachs en 5 ans) a définitivement remis le club sur de bons rails.
Meneur d’hommes réputé – et c’est sûrement nécessaire dans le désordre relatif de ces dernières saisons -, Ivanovic n’en reste pas moins un des meilleurs entraineurs d’Europe. Pas le plus révolutionnaire des tacticiens – ses attaques sont centrées sur le pick and roll et ses défenses sur des individuels à haute intensité – Ivanovic continue à impressionner par son charisme et la poigne qu’il a sur ses hommes, réussissant à les transcender à chaque occurrence, et rendant les exploits possibles, comme la saison dernière.
Trois fois champion d’Espagne avec Vitoria, Ivanovic aura la lourde tâche cette saison de faire quitter la spirale morose dans laquelle le club s’était enfermé avant ce baroud d’honneur en septembre. L’électro-choc et l’euphorie de son retour désormais passés, il faudra tenir sur la longueur, avec un effectif moins profond que les années précédentes.
L’effectif
Si l’effectif de l’année dernière ne faisait pas trembler l’Europe, celui de cette année ne devrait pas non plus.
Vitoria repartira cette saison sans nombre de ses cadres de la saison écoulée : l’ailier Patricio Garino, qui était pourtant dans les plans d’Ivanovic, a décidé de s’engager avec le Zalgiris Kaunas. Au poste d’ailier également, Shavon Shields rejoint une séduisante équipe de Milan après deux belles saisons en Euroleague.
Surtout, l’âme, le moteur et l’essence de cette équipe, Tornike Shengelia, au club depuis 2014, quitte le navire.
Sélectionné dans l’équipe type de l’Euroleague en 2018, deuxième au MVP de la Liga ACB en 2018 derrière un certain Luka Doncic, le Géorgien a bien mérité son gros chèque au CSKA Moscou (créant un bel incident diplomatique au passage).
Pour cette saison 2020-21, Dusko Ivanovic pourrait sans aucun doute compter sur deux meneurs d’expérience et référencés Euroleague. Dans des profils bien différents, Pierria Henry et Luca Vildoza devraient se partager le temps de jeu au poste 1. Henry, MVP de l’Eurocup en 2019, est un excellent défenseur sur l’homme et un attaquant fiable. Vildoza lui est un attaquant né, qui brille par sa lecture de jeu et qui pourrait devenir un tireur extérieur intéressant si ses performances dans la « Endesa bubble » étaient représentatives.
Ce sont d’ailleurs ces deux-là que nous retrouvons sur le tir de la gagne en demi-finale : Henry à la percussion et à la passe merveilleuse, Vildoza à la finition :
A masterpiece by Pierria Henry and Luca Vildoza. #LigaEndesa pic.twitter.com/f6xyUii56V
— Dmitry Planidin (@DmitryPlanidin) September 20, 2020
Au poste 2, le couteau suisse Slovène Zoran Dragic apportera sa dureté et son intelligence de jeu, et une patte gauche savoureuse (comme quoi, la génétique…). Bien expérimenté au meilleur niveau européen, on ne peut qu’espérer que le frère de Goran se débarrasse de ses soucis de blessure. Frappé de malheur, Dragic s’était rompu à deux reprises les ligaments croisés du genou droit, avant de devoir raté le début de saison 2020 pour une douleur aux adducteurs. Il devra d’autant plus être disponible que la rotation sur les lignes arrières sera sûrement une rotation à 3 entre Dragic, Vildoza et Henry.
Les postes 3 et 4, laissés vacants par le départ de Tornike Shengelia, Shavon Shields et Patricio Garino, ont vu arriver la principale recrue de l’été, Rokas Giedraitis (cf. ci-dessous). Principale menace aux postes 3 et 4, le Lithuanien pourra compter sur son compatriote Tadas Sedekerskis pour assurer le back-up au poste 3.
🧐 El scouting: Rokas Giedraitis
▪ Talento
▪ Polivalencia
▪ Efectividad🖊 By Alfredo Salazar#GoazenBaskonia pic.twitter.com/82tt7Zi1yM
— Saski Baskonia (@Baskonia) July 4, 2020
Au poste 4, on trouve l’Américain Alec Peters. Spécialiste du tir à trois-points, Peters tentera de lancer sa carrière européenne après deux passages peu convaincants au CSKA Moscou et à l’Anadolu Efes. Plus expérimenté et sûrement davantage responsabilisé, il devrait pouvoir saisir sa chance, comme lors de la première journée face au Real Madrid : 18 points à 2/3 à 3 points avec 7 rebonds. Dans un profil bien différent, Achille Polonara, vaillant combattant, compensera son manque de talent offensif par son engagement défensif et au rebond.
De la défense et du rebond, c’est clairement ce sur quoi Dusko Ivanovic trouvera dans ses pivots. Tonye Jekiri arrive de l’ASVEL où il a montré ses capacités de rebonds et de contre. Youssoupha Fall lui apportera ses 221 centimètres et sa défense, domaine dans lequel il pourra compter sur le mentorat d’Ilimane Diop, qui entame à 25 ans seulement sa 8ème saison d’Euroleague.
Le joueur à suivre : Rokas Giedraitis
En provenance de l’Alban Berlin où il a connu ses premiers pas en Euroleague, le lituanien arrive d’Allemagne avec une belle réputation. Entrant dans son prime à tout juste 27 ans, il sort de sa meilleure saison en carrière avec 13.8 points à 55% à 2-points, 39.8% à 3-points, avec 4 rebonds, 1 interception et 1 passe décisive de moyenne par match en Euroleague.
Gros tireur extérieur en spot-up mais aussi sur pick and pop, Giedraitis a au fil de sa carrière développé sa capacité de percussion balle en main et est aujourd’hui une menace offensif complète. Sa gravité en attaque libérera des espaces pour ses adversaires, surtout dans une équipe qui présente 3 pivots incapables d’espacer les défenses. Comme un air de Davis Bertans, un joueur également passé par le Baskonia.
Si son année est aussi prometteuse que ses deux premiers matchs de la saison, une victoire contre Madrid et une défaite contre Belgrade où il tourne à 19 points de moyenne à 50% à trois points, il pourrait être un candidat à une équipe type de la compétition.
A quoi s’attendre ?
Ivanovic pourra s’appuyer sur des joueurs expérimentés, qui connaissent bien l’Euroleague. Si le manque laissé par Shengelia ne sera sûrement pas comblé cette année, Giedraitis apparait, dans un tout autre registre, comme la potentielle figure de l’équipe pour les années à venir.
Bien encadré par Dusko Ivanovic, cet effectif devrait surprendre plus d’une équipe qui viendrait en terre basque la fleur au fusil. Ce fut le cas de Madrid lors de la première journée. L’effectif semble toutefois manquer de profondeur et parfois de cohérence pour espérer rentrer dans le top 8 qualifiant pour les playoffs.
La dureté proposée à tous les postes de jeu pourrait suffire à disposer des équipes plus faibles, mais le Baskonia semble encore manquer de munitions pour inquiéter les gros sur la durée. Les postes 4 et 5 notamment risquent de manquer de percussion offensive, un manque qui aurait pu être comblé par l’ancien Nanterrien DeShaun Thomas, qui a finalement choisi de s’engager, à la dernière minute, avec Tokyo.
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 11è
A l’arrivée, nous pronostiquons, avec mes compères Olivier et Tancrède, une triste 11è place et un bilan négatif avec environ 14 victoires pour 20 défaites.
Si notre prophétie se réalise, on pourra toujours chauvinement l’attribuer à l’absence de joueurs français dans l’effectif, une première depuis la saison 2009-10 pour l’ancienne équipe, notamment, de Kim Tillie, Rodrigue Beaubois, Fabien Causeur, Vincent Poirier, Thomas Heurtel et Kevin Séraphin (sans oublier Laurent Foirest et Jim Balba avant eux).