Khimki Moscou : prêt à jouer les premiers rôles ?
Dans la grande ligue européenne, la hiérarchie semble être bien fixée depuis une dizaine d’années, avec les clubs VIP, et les challengers qui doivent se battre âprement pour espérer devenir des grands. Dans un tel tableau, dans la belle Moscou, il est un club qui règne en seigneur, le CSKA. Oui mais voilà, comme dirait Maître Yoda “Il y en a un autre”. La capitale russe a pu en effet constater qu’une autre place forte du basket s’est placée dans les hauteurs du classement de l’Euroleague : le Khimki Moscou. Et malgré un bilan négatif en 2020 (13-15), le Khimki s’est hissé en playoffs à la 7e place. Une progression nette par rapport à la saison précédente, et un recrutement sérieux qui risque de convaincre notre EuroCrew chez QiBasket.
Alors, Khimki Moscou est-il prêt à sortir de l’ombre du CSKA pour jouer les premiers rôles ?
Le bilan de la saison 2019-20 : si près, si près d’y arriver !
Présent en compétitions européennes depuis près de 15 ans, le Khimki est devenu un visage incontournable, familier du basket européen. Le seul obstacle au Khimki reste évidemment la domination du CSKA, autant en Russie qu’en Europe.
D’ailleurs, pour la seconde franchise moscovite, c’est quasi-mathématique : enlevez le CSKA de l’équation, et ce club est un candidat sérieux aux différents titres qui se présentent à lui. Pour preuve, le Khimki est double vainqueur de l’EuroCup en 2012 et 2015, finaliste en 2009. Et maintenant remettez le CSKA dans votre calcul, et le résultat devient dramatique : 11 médailles d’argent sur les 14 dernières saisons dans la ligue Russe (qui intègre quelques équipes d’Estonie, du Bélarus, de Pologne et de Lituanie). Et ça n’est pas un manque de chance ou des occasions ratées, non car sur 11 médailles d’argent, le CSKA a battu le Khimki en finales russes, quel que soit le format, soit par un sweep (3-0, à 7 reprises), un quasi sweep (3-1) ou une avance confortable (+11 en 2018).
Sauf que pour la saison 2019-20, force est de constater que le Khimki a sonné le réveil : 18 victoires et une seule défaite dans la United League ! Et avec 2 victoires sur le CSKA en saison régulière en bonus. Mais évidemment, la malchance COVID s’est mise sur le chemin… car le Khimki avait enfin ce qu’il fallait pour gagner.
En Euroleague, pareil, la grande révolte, et même si le bilan est négatif (13-15) le Khimki termine 7e et se qualifie pour les playoffs ! L’effectif compte plus de 5 joueurs au-dessus des 10 pts de moyenne avec Devin Booker (11.6), Jonas Jerebko (11.2), Janis Timma (12.5) et surtout Alexey Shved, qui grimpe à 21.4 points par match, soit le second meilleur marqueur de l’Euroleague pour l’ancien joueur des Wolves, Sixers et Rockets, et est complètement investi, avec seulement 4 joueurs sous les 10 minutes de temps de jeu. Si la saison était allée au bout, il est fort à parier que le Khimki aurait été loin dans celle-ci, et peut-être avec un titre de champion russe…
Le coach : Rimas Kurtinaitis, Monsieur le Ministre
Si le Khimki parvient à séduire de plus en plus le basket, et l’Europe, c’est aussi parce que depuis l’an passé, ils ont un technicien de choix sur leur banc, en la personne de Rimas Kurtinaitis.
Comment vous résumer ce lituanien ? Difficile. Par ses médailles d’or ? A l’Eurobasket 1985 ? Aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988 ? Par son palmarès européen ? Les trois EuroCup de 2009, 2012 et 2015 ? Ou pour son exploit en NBA ? A savoir, de participer au concours à trois points du All Star Game 1989… Sans être en NBA ! Ou plus simplement par sa carrière institutionnelle qui dépasse le basket, puisque Kurtinaitis intègre le Ministère des sports de la Lituanie de 2002 à 2006 ? Certes, Rimas ne fut pas Ministre, mais Directeur du département des éducations physiques, au sein du Ministère… Mais devant son trophée de Meilleur coach all-time de l’EuroCup, vous nous excuserez, mais quelqu’un a gagné ses gallons ici.
Et encore, nous n’avons abordé que la partie émergée de l’iceberg qu’est le palmarès de Kurtinaitis, dont les premières victoires, en joueur puis entraineur, remontent à l’époque de l’URSS. Rimas a coaché le Real Madrid, le CSKA Moscou, le Lietuvos Vilnius, le Zalgiris Kaunas, mais aussi des écuries qui avaient besoin d’un grand nom pour progresser, des challenges que Rimas n’a jamais manqué de relever. Il passe ainsi par Châlon, Husca, Hagen, Kiev, Wroclaw, Riga, ou même Cantu. Un CV ultra-complet, en somme.
Son arrivée au Khimki ? Parlez plutôt d’un retour. En effet, Rimas n’est pas un inconnu puisque, non content d’avoir mené le CSKA aux titres en tant que joueur, en tant que coach, il a tout simplement mené le Khimki à la victoire en EuroCup en 2012.
Doté d’une personnalité forte, le lituanien a aussi fait du mal au Khimki, puisque sa victoire en EuroCup 2009 avec le Lietuvos Rytas s’est fait… contre le Khimk.
Mais ce journeyman du banc s’est résolu a revenir à Moscou, chez les jaunes et noirs, pour relancer l’équipe dans le bassin européen, et au regard e la saison 2019-20, il y est sacrément arrivé. Et on peut dire que le retour de Monsieur le Ministre sur le banc local n’a pas manqué de motiver le recrutement du Khimki.
L’effectif : prêts à tout casser ?
Les départs :
Robinson, Evans, Gill.
Les arrivées :
Vrononov, Mickey, Monroe, McCollum.
L’effectif pour la saison à venir :
Meneurs : Jovic, Zaytsev, McCollum
Arrières : Shved, Bertans, Voronov.
Ailiers : Timma, Karasev, Vyaltsev
Ailiers-forts : Jerebko, Monia.
Pivots : Monroe, Mickey, Mozgov, Booker.
Autant vous le dire : c’est théoriquement du lourd. Non content d’avoir conservé les gros noms de son effectif, le Khimki s’est concrètement renforcé en muscle, en gros muscles.
La raquette risque de faire office de supplice : Greg Monroe, l’ancien Pistons, tournant à 12pts/7reb en Euroleague, et Jordan Mickey venu du Real Madrid avec ses 9pts/4reb par match, sont venus renforcer l’effectif à l’intérieur, aux côtés de l’ancien MVP de Pro B, Devin Booker. A cela s’ajoute aussi l’arrivée, début septembre, d’Errick McCollum, de l’UNICS Kazan, deuxième meilleur marqueur de l’EuroCup.
A ce stade donc, les moyennes de points des meilleurs joueurs de l’effectif du Khimki deviennent effrayantes : Booker à 11.6, Jerebko à 11.2, Timma à 12.5, Monroe à 12, McCollum à 17 et Shved à 21,4. Bref, offensivement, ça peut faire très, très mal. Ajoutez des hommes d’expérience comme Jerebko, passé par les Pistons, ou Greg Monroe, et le Khimki, sur le papier, est capable de tout casser.
Une belle promesse donc… Qui ne demande qu’à s’exhausser.
Le joueur à suivre : Errick McCollum
On ne manque pas de têtes fraiches au Khimki, mais l’arrivée qui peut changer beaucoup de chose, c’est bien celle d’Errick McCollum.
Le meneur est arrivé en dernier durant le mercato. Petit arrière (1m88), et vétéran (32 ans), ce journeyman, passé par la Grèce et la Chine mais surtout connu et reconnu pour ses prouesses en Eurocup, se voit redonner une chance en Euroleague après un passage notable à l’Anadolu Efes Istanbul en 2018.
Si ses moyennes de points sont irrégulières, elles ne sont jamais mauvaises : une marque en carrière à 23.6pts par match, certes bien aidée par les passages en Chine, à 37 et 39 points par matchs. Toutefois, McCollum n’est jamais allé en deçà des 13pts par match, signe d’une certaine régularité et d’un certain confort dans l’exercice. Il reste également régulier à la passe (3.4ast par match), un apport toujours bienvenu dans une équipe de scoreurs affûtés comme le Khimki.
Ce retour dans une équipe remplie de scoreurs, et renforcée dans l’ensemble, avec une vraie ambition, pourrait offrir à McCollum une exposition plus que motivante.
A quoi s’attendre ? Sur le papier, c’est oui, sur le terrain…
Dans l’ombre du grand CSKA, le Khimki Moscou vous donnerait l’image d’un Poulidor, d’un Espanyol Barcelone, d’un Athlético Madrid, d’un Paris FC… d’un Los Angeles Clippers ou d’un New York Knicks. Bref, vous avez compris, dans les pas des victoires du CSKA, il est ce club qui ne semblerait pas pouvoir remettre la hiérarchie en cause. Mais ça, c’était avant. Car malgré une saison dernière difficile mais couronnée d’une qualification en playoffs, et avec ce recrutement bien séduisant, il est un constat : sur le papier, le Khimki Moscou peut marquer le coup cette année.
Son coach, son 5 de départ potentiel et sa force de frappe offensive laissent rêveurs bon nombre d’observateurs et/ou d’équipes. Malgré tout, il faut partir d’un bilan négatif en saison 2019-20 et d’un risque que les choses, très belles sur le papier, ne se concrétisent pas sur le terrain.
Il peut, mais va-t-il le faire ? Les premières rencontres, notamment cette molle défaite contre un Zenith peu effrayant en match de préparation, laissent croire que le risque que la mayonnaise ne prenne pas assez reste présent, et que si l’objectif en ligue russe serait idéalement de détrôner enfin le CSKA, en Euroleague, on sent qu’il faudra faire ses preuves pour espérer aller plus loin. Le début de saison, avec deux défaites de rang contre le Pana et Zalgris, confirment que de réels efforts vont devoir être faits.
Pour notre EuroCrew QiBasket, vous l’aurez compris, le cas du Khimki Moscou Region divise.
Les plus optimistes croient en la chance du Khimki de devenir une équipe dont la place en playoffs semble acquise en Euroleague, année après année. Le talent est là, le coaching est assuré, et si la mayonnaise prend, on peut avoir droit à de très belles choses sur les parquets cette saison.
D’autres sont beaucoup, beaucoup plus sceptiques sur la chose et ne voit en cette équipe du Khimki qu’un projet, beau certes, mais vain. Une sorte de roster 2K à la sauce européenne, qui ne laisse qu’une impression de “Meh, ok”. Il va falloir faire de la place pour les égos des Shved, Monroe, et consorts, et rien ne garantit que ce difficile équilibre soit trouvé, bien au contraire. De plus, si offensivement la machine est munie de plusieurs armes potentiellement destructrices, défensivement, tout reste à faire, à prouver, et à construire. La gestion des égos sera l’un des principaux enjeux de la saison, car en la matière, force est de constater que le Khimki sera bien loti.