Cette nuit, les Los Angeles Lakers sont passés à deux doigts d’un nouveau titre NBA. On pourrait même dire qu’ils sont passés à un 3 point grand ouvert de Danny Green de cette bague qu’ils chassent depuis 1 an. Suite à ce tir, on a pu lire, entendre, de nombreuses réactions en cascade sur cette action. Pour certains, LeBron James, à l’origine de cette passe aurait dû prendre ce tir, même en le forçant, au nez et à la barbe de l’esprit du sport collectif. Pour d’autres, Green n’aurait jamais dû être le récepteur de cette passe en raison de ses performances au tir actuelles. Pour d’autres encore, ce tir loupé suivi de la passe désastreuse de Markieff Morris suite au rebond offensif était une résurgence de la carrière de James : voir des performances stratosphériques balayées par des coéquipiers décevants.
Les réactions ont fusé sur les réseaux sociaux, tant en défense du choix de James, qu’en défense de Danny Green ou qu’avec pour objectif d’afficher les performances abyssales de plusieurs Lakers (Kyle Kuzma, Danny Green et Markieff Morris en tête de liste). Un peu comme si nous devions être frappés par la surprise, comme si Green choisissait le pire moment de sa carrière pour lâcher ses coéquipiers, pour ne plus trouver la mire, lui reconnu pour sa réputation et sa régularité en tant que 3&D.
Il est de notoriété publique que Danny Green a toujours été un défenseur respecté en NBA, pour sa faculté à défendre solidement sur l’homme, comme pour ses aides intelligentes. Ce n’est pas pour rien qu’il est ici, et sa faculté à contrer des tirs en second rideau symbolise l’énergie qu’il consacre à la tâche. Il est également de notoriété publique que Danny Green a toujours été une arme de premier choix pour ses coachs à 3 points. Très efficace dans son jeu sans ballon, capable de rentrer des gros tirs, d’apporter le spacing, précieux sésame de la NBA moderne grâce à cette arme.
C’est bien ce que l’on pense et retient de Danny Green, n’est-ce pas ?
A juste titre… ?
Danny Green ou la naissance d’une ligne directrice
L’arrière a façonné une image de titulaire féroce défensivement, rendu indispensable par sa faculté à allumer de loin. S’il est entré en NBA avec cette étiquette de 3&D pouvant devenir un role player de luxe, ce n’est pas la mentalité avec laquelle il entra, personnellement, dans la grande ligue. Accompagné par une famille déterminé à voir en lui une star, poussé par une confiance en lui digne des stars NBA, Green ne voulait pas se contenter de ce rôle dans ces jeunes années. Une mentalité qui va le pousser à se surpasser, mais qui va aussi le conduire vers des heures plus sombres, lorsqu’incapable d’affronter la réalité, il va se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses différents coachs.
Drafté tard dans la soirée (46eme choix), Danny Green ne voit pas sa confiance en lui diminuer. Mais pas de quoi s’adapter à ce qu’un staff peut attendre d’un joueur sorti en fin de cursus de l’université. Résultat, après seulement 20 matchs NBA, 124 minutes sur les parquets, la carrière du joueur connaît sa première sortie de route : Danny Green est coupé par les Cleveland Cavaliers. L’aventure n’est pour autant pas terminée, et ce sont les Spurs qui souhaitent donner leur chance au joueur. Récupéré par Gregg Popovich, il a une nouvelle chance de faire ses preuves. Mais le premier échec ne lui a pas encore permis de se remettre en question, et malgré les longues explications, brimades du gourou de San Antonio, Green s’entêtera dans la mauvais voie. Assez décevant pour que la troupe texane décide à son tour de se séparer du joueur. 6 jours auront suffit à ces derniers pour se lasser de l’entêtement du joueur.
Assis dans son appartement, cantonné à regarder les matchs de la télévision, le joueur comprend que son rêve touche peut-être à sa fin. Il continue de travailler dur, mais n’a plus de contrat, pas réellement envisagé d’autres avenirs que le basket. Ni d’autre avenir que le basket en NBA. Malgré une offre en or pour rejoindre le championnat italien, Danny refuse de renier ce après quoi il a couru depuis son enfance, mais commence à accepter qu’il faudra le faire dans l’ombre de plus grands joueurs que soi.
Finalement, après avoir saisi sa chance en G-League, il revient en NBA pour la saison 2011-2012… sous les ordres de Greg Popovich. Le joueur a entendu raison et va le montrer en devenant une pièce importante du succès des texans pour les prochaines années. Vous pouvez retrouver son histoire complète dans ce portrait.
Danny Green ou le mythe du 3&D ultime ?
Peu après avoir explosé aux yeux de tous, Danny Green va connaître le chapitre le plus glorieux de sa carrière. Tout du moins individuellement. Nous sommes en 2013, les Spurs sont en finale face au Heat de James-Wade-Bosh et il sort une campagne de Playoffs très solide. Pourtant, rien comparé à ce qui va suivre les jours suivant. Dans l’effectif très dense de San Antonio, entouré de noms comme Tim Duncan, Manu Ginobili, Tony Parker, Kawhi Leonard, Boris Diaw… il va faire mieux que devenir un artisan d’une finale de haut vol, il va être considéré comme un des contributeurs majeurs de son équipe.
Alors que les matchs s’enchaînent, Green va prendre le taureau par les cornes. 100% à 3 points dans le Game 2 (5/5), 27 points à 7-9 from deep dans la rencontre suivante, 24 points dont 6 tirs longue distance pour aider son équipe à prendre le match 5 et mener 3-2. L’arrière est alors parmi les leaders de la finale au scoring, solide par sa défense et véritable détonateur offensif. Un débat émerge alors dans la finale : si les Spurs remportent le match 6, avec une nouvelle grosse performance de l’arrière, ne pourrait-il pas arracher le MVP des finales à Tony Parker ? L’idée semble dingue, mais elle circule alors largement dans la tête des fans.
A l’aube de la 6eme rencontre, Danny Green tourne à 18 points de moyenne, à 65,3% à 3 points contre une des meilleures défenses NBA. En finale. Il vient, en seulement 5 matchs, de déposséder Ray Allen du record de 3 points inscrits dans une finale NBA. Les 2 rencontres suivantes seront néanmoins marquées par la disparition de l’arrière. Mais face aux péripéties, au regard des attentes et du statut du joueur, qui pourrait lui en vouloir ? Ce dernier termine avec ses meilleurs statistiques en carrière (encore aujourd’hui) et l’une des finales les plus prolifiques derrière l’arc (4eme pourcentage de l’histoire des NBA Finals pour un joueur à plus de 50 tentatives).
Aux yeux de toute la ligue, il s’est affirmé en 2 ans comme le prototype ultime du 3&D dont toutes les équipes rêvent.
Sauf que…
Alors que le sport moderne traverse une culture de l’instant à en faire pâlir les fans de l’histoire de la ligue, il semble pourtant que Green connaisse un sort très opposé à celui connu par l’essentiel de ses confrères en NBA. 7 ans après cette finale, il semble perçu comme suffisamment létal derrière l’arc pour être considéré comme une valeur sûre. Une apparence qui a permis au joueur de bénéficier de fortes attentes lorsqu’il a débarqué l’été dernier chez les surmédiatisés Los Angeles Lakers. A la clé, un contrat de 2 ans à 15M par saison. Un retour qui semble juste pour un profil très prisé, capable de peser en saison régulière comme en Playoffs, et deux fois champion NBA depuis le cruel échec de 2013 (2014 avec les Spurs, 2019 avec les Raptors).
Grâce à sa défense et sa réputation, il semble dès lors impensable que Danny Green ne soit pas un titulaire indiscutable, mais aussi qu’il soit là pour rentrer des tirs décisifs en fin de rencontre. Pourtant, ne serait-ce pas oublier que finalement, et ce depuis bien longtemps, l’arrière n’a plus fait partie des (très) bons shooteurs NBA lorsque l’intensité montait ? En effet, le joueur fait toujours partie de cette élite, même si le volume n’est pas si important, durant la saison régulière :
En revanche, une fois les Playoffs arrivées, cette régularité au plus haut niveau prend du plomb dans l’aile. Régler la mire, une absolue nécessité pour peser offensivement dans le cas de Green, lui échappe régulièrement. Impeccable en 2013 et 2014, ce dernier a connu peu d’autres campagnes de haut vol offensivement… et aucune depuis désormais 4 ans.
Cette tendance de Danny Green à ne pas mettre dedans en post-saison ne semble pourtant pas avoir entamé, ni sa côte, ni la perception du public et de la ligue à son égard. Comme si l’image du joueur de 2013 & 2014 avait perduré envers et contre-tout face aux difficultés de l’arrière. Peut-être parce que ce dernier a gardé son rythme de croisière en saison régulière. Peut être parce que parfois, une bonne carte de visite, un bon CV peuvent être d’excellents pare-feux. A fortiori lorsque vous ne serez pas au front face aux critiques en cas de défaite.
Pourtant, cette campagne encore, les lacunes offensives du joueur ont coûté de nombreuses possessions à son équipe. Peu à l’aise avec son tir, il a continué de faire son travail : prendre ce que la défense lui laisse et défendre. Toutefois, dans une équipe avec peu de créateurs, chacune de ses tentatives pour créer et attaquer balle en main furent un rappel de ses lacunes en la matière. Résultat, ses finales de conférence auront exposé toutes ses difficulté : 29,3% au tir.
Sur l’ensemble de ces Playoffs, il affiche un eFG de 45,6% (soit près de 20 points de moins que ses meilleures campagnes) et pour cause… même son rendement au lancer franc s’est effondré (66,7% actuellement contre 91,3% l’an dernier).
A l’instar de Kyle Kuzma et Markieff Morris, le joueur a connu des moments compliqués dans ces Playoffs. C’est pourtant lui qui s’est retrouvé avec la balle pour le titre. De quoi faire jaser ?
L’épineux choix Danny Green
Vient donc cette possession. Cette mini-polémique. Danny Green devait-il recevoir le ballon pour sceller le titre des Lakers ?
Si l’on regarde sa forme actuelle, il est compliqué de défendre ce choix. Mais puisque de nombreuses questions se posent, tentons d’y répondre, une par une.
LeBron James devait-il faire la passe ?
De toute évidence, Frank Vogel avait fait le choix d’aligner 4 joueurs capables de dégainer à longue distance autour de James. KCP, Danny Green, Anthony Davis et Markieff Morris. L’idée était donc que l’arrière s’occupe de la remise en jeu, pose un écran pour donner deux options à LeBron qui décide d’attaquer le panier. Au vu de la puissance du joueur, et de sa performance du soir, Vogel pensait à juste titre que les Lakers auraient pour principale mission de contester le tir du King.
Résultat, 3 joueurs montent sur l’ailier qui doit, à juste titre faire la passe. Cela semble ne souffrir d’aucune contestation possible.
Frank Vogel aurait-il dû dessiner un système pour un tir de LeBron ?
LeBron James est un des joueurs les plus clutchs de l’histoire du jeu, réalise une performance XXL (40 points, 13 rbds, 7 asts). On peut se dire qu’il faut profiter de cet état de grâce pour enfoncer le clou.
Plusieurs choses néanmoins : vaut-il mieux un tir grand ouvert de bons shooteurs, ou un tir compliqué d’une star ? En réalité, la question à cette réponse dépend plus d’une philosophie du coach et de l’équipe qu’autre chose. Néanmoins, la logique voudrait qu’on préfère un tir qui ressemble à un tir à l’entraînement qu’un pull-up avec la défense sur un autre. Qui qu’il soit. Pour le Heat, les joueurs à surveiller à ce moment sont James et Davis. Et il fallait compter sur les joueurs de Miami pour être là, à contester. Par ailleurs, si les aides n’avaient pas été aussi nombreuses ou qu’AD s’était écarté, James aurait pu profiter d’un tir bien moins compliqué. Or, la réussite d’une action dépend plus souvent du nombre d’options qu’elle offre que de toute autre chose. A noter également le bon travail d’Adebayo, puisque s’il fait sentir sa présence, il assure la seconde partie du plan, ne pas laisser d’espace à Davis tout en conservant la position au rebond.
En somme, James fait le bon choix et celui du coaching staff était d’ouvrir plusieurs options au King. C’est chose faite ici.
Danny Green aurait-il dû recevoir ce ballon ?
Il me semble que poser cette question est assez étonnant. Lorsqu’on regarde l’action, Green est le joueur le plus ouvert des Lakers. Jimmy Butler ayant contesté l’écran, Duncan Robinson a pour ordre de délaisser son défenseur pour aider Butler à reprendre sa position sur LeBron. A partir du moment où l’arrière est considéré comme une option suffisamment adroite pour être sur le terrain pour cette possession décisive, il semble évident qu’il doit recevoir ce ballon s’il est libéré et en position de tirer.
Mais… Danny Green et Markieff Morris devaient-ils être sur le terrain ?
Du coup, vient cette question, naturellement.
Les 3 joueurs qui devaient évidemment être sur le terrain sont LeBron, AD & KCP (l’arrière est très satisfaisant dans ces Playoffs). Ensuite, vient une question autour de l’intérieur. Vogel veut de la polyvalence offensive, ce qui exclu l’option d’un pivot supplémentaire. LeBron a besoin d’espace pour attaquer le cercle, si Howard entre, il va soit réduire le spacing, soit s’écarter ce qui permet de faire l’impasse et d’ajouter une aide sur le porteur de ballon. Deux choix alors : Kuzma ou Morris. Le premier joue souvent à l’envers et propose moins de garanties au rebond que Morris. Malgré sa dure soirée (0 point, rebond et passe avant cette action), il est en termes de profil le plus compatible.
Maintenant, vient Green. Le choix est plus délicat. Il est un titulaire, le joueur le plus expérimenté sur les lignes extérieures avec Rondo. Même si le meneur carbure dans ces Playoffs, difficile de faire le choix de le faire entrer dans les ultimes secondes s’il ne doit pas porter le ballon. Reste Alex Caruso. Même si le jeune joueur n’a pas l’expérience de ses deux coéquipiers, il est pourtant l’un des meilleurs joueurs de Los Angeles derrière James et Davis. Il était probablement le joueur le plus éligible à ce moment du match, quand bien même il ait connu une soirée très discrète.
Finalement, difficile de réellement contester le choix de Vogel. Les Lakers possèdent beaucoup de polyvalence défensive, certes. Offensivement, le supporting cast de leur duo reste assez léger. Si l’on prend uniquement le match, rentrer Danny Green n’avait rien d’incohérent. Si l’on prend l’ensemble de la campagne de Playoffs, on peut pester contre ce choix. Notamment en arguant que Green ne faisait pas partie des joueurs les plus en confiance pour prendre un tir aussi important.
Soit, mais à la fin, ce n’est qu’un tir, un parmi les milliers que les joueurs s’entraînent à prendre chaque saison. Et il convient que peu importe le shooteur, un tir à 3 points à moins de chance de rentrer que d’échouer.
Mieux, on peut dire que s’il faut regarder les raisons de la défaite… Il faudra peut être creuser avant le tir de l’arrière et la perte de balle de Morris.. En attendant le match 6 de cette nuit.