L’instant d’un doute : le Grand Zalgiris dans le mal ?
Champion de Lituanie chaque année depuis 10 ans, le Zalgiris Kaunas domine sur ses terres lituaniennes face au Lietuvos Rytas de Vilnius. Club incontournable dans le paysage du basket européen, dans un pays où le basket est la religion suprême, et où ont grandi des dizaines de stars et superstars aux talents aussi magnifiques que leur noms sont imprononçables, le Zalgiris Kaunas est pourtant aujourd’hui entré dans une période difficile quant il s’agit de la grande ligue européenne.
Si les saisons nationales s’enchaînent avec les titres et autres gratifications, les dernières campagnes en Euroleague sont jugées décevantes. Est-ce que le Zalgiris Kaunas ne se permettrait pas tout simplement de baisser en valeur cette année et transformer ce qui ne fut que l’instant d’un doute, en véritable besoin de remise en cause ?
Le bilan de la saison 2019-20 : légende nationale, bide européen
12-16, c’est le bilan qu’avait le Zalgiris pour la saison 2019-20 avant la pause forcée COVID. Une déception certaine quand on sait que le club est plutôt connu des Final Fours (6 à son actif, dont le dernier en date en 2018) et qu’il fait partie du club fermé de ceux qui ont soulevé le trophée dans la période moderne, en 1999. Mais voilà : depuis 2018, il est devenu difficile pour le club lituanien de regagner les sommets européens.
12-16 certes, mais une 9e place qui laissait supposer qu’avec quelques victoires décisives, le Zalgiris aurait pu, malgré, tout jouer les playoffs. Oui mais voilà, une terrible série de 9 défaites d’affilée en milieu de saison aura eu raison des ambitions européennes du club, tout en le plongeant dans la crise.
Un tel état des lieux ne manque pas de faire contraste avec la saison nationale, durant laquelle le Zalgiris n’a en aucun cas lâché son statut de super-champion, remportant, malgré la pandémie, une nouvelle fois la ligue lituanienne, après l’avoir gagnée en 2011-12-13-14-15-16-17-18-19 et donc 2020, soit la plus grande série de l’histoire de la ligue du pays balte, depuis son indépendance de l’URSS. Le Zalgiris termine la saison LKL avec un bilan modeste de 22 victoires, pour 2 défaites seulement.
Mais cette domination ne peut en rien être complète si Kaunas déjoue totalement en Euroleague. Et c’est pour cela que le club a ouvert une nouvelle ère, en se séparant de certains gros nom, et en tentant de rafraîchir son groupe, à commencer par son entraîneur.
Le coach : Martin Schiller, un pari risqué ?
Certains fans assidus de la NBA ne sont pas étranger à Schiller. Remplaçant le très, très, très, très grand Sarunas Jacikevicius, qui mériterait un article à lui seul, l’autrichien est tout simplement le 2020 G-League Coach of the Year avec les Salt Lake City Stars.
C’est un moment important dans la carrière de Schiller, puisqu’il s’agit là du premier gros club qu’il aura sous sa direction. Schiller a déjà coaché en Europe, à Düsseldorf, Bergedorf, les Dragons d’Artland, Ludwigsburg en Allemagne, mais aussi en Autriche, où il gagne le titre avec le WBC Wels, mais à chaque fois en tant qu’assistant. C’est en 2017 qu’il quitte l’Europe pour arriver dans l’Utah, afin de prendre les rennes de la franchise de réserve du Jazz, les Stars de Salt Lake City. En trois saisons, il sort les Stars des bas-fonds du classement pour les faire entrer en Playoffs, puis en tête de division, avec un bilan de 30-12 lorsque la saison s’interrompt.
Alors qu’est-ce qui a pu amener Schiller chez les verts et blancs ? Pour le club, c’est son sens de la discipline, et sa volonté d’impliquer chaque joueur dans le jeu. Sur cette base, les dirigeants ont vu en lui un coach capable de correspondre aux valeurs du clubs, et aux exigences de résultats.
Mais soyons réalistes, le choix relève aussi d’un pari. Censé, rationnel, et probablement prometteur, mais un pari malgré tout. Mais de là à faire oublier Jacikevicius ? Il ne faut pas rêver.
Un effectif à la hauteur des objectifs ?
Les départs :
Landale, Valinskas, Birutis, LeDay, Ulanovas, K.C.Rivers, Jasikevicius (coach)
Les arrivées :
Vasturia, Dimsa, Garino, Blazevic, Rubit, Lauvergne, Schiller (coach)
L’effectif de la saison à venir :
Meneurs : Wallkup, Lekavicius, Jokubaitis
Arrières : Vasturia, Dimsa, Milaknis
Ailiers : Grigonis, Garino
Ailiers-forts : Hayes, Jankunas, Blazevic
Pivots : Rubit, Lauvergne, Geben
On ne peut pas dire que l’intersaison du club est moche, c’est même plutôt le contraire. Certes, quelques jolis noms sont partis, comme K.C.Rivers, mais surtout la supra-légende et ex-coach Sarunas Jacikevicius. Mais le Zalgiris a su conserver et faire venir quelques éléments notables.
Resigner Milaknis par exemple, est un bon signe, lui dont le shoot est particulièrement redoutable (70% à deux points (pour un arrière), 12e meilleur scoreur de l’Euroleague dans l’histoire). Ensuite, les arrivées de Garino, l’international argentin et ancien du Barca, revenu d’une rupture du tendon d’Achille avec une bonne moyenne au scoring (10.7pts), et d’Augustine Rubit (10pts, 4reb par match en carrière) forment un groupe particulièrement expérimenté en Euroleague. Tomaz Dimsa, formé au club, mais un peu perdu dans la LBL, a décidé li aussi de revenir a Kaunas.
D’autres en revanche, sont là pour tenter leur chance, comme Steve Asturia, arrière venu de Vechta, où il ramenait 13pts, 3reb et 5ast par match : pas mal, mais à confirmer. A confirmer, tout comme Marek Blazevic, jeune gamin de 18 ans et 2m07, que le Zalgiris a volé au Rytas, alors qu’il sortait d’une immense saison en Euroleague chez les U-18 (20pts, 11reb).
Chez les survivants du mercato, on retrouve Grigonis, prolongé pour 3 ans, avec ses 47% à trois points, le jeune meneur Lekavicius, et ses 18 ans, et l’ancien du Galatasaray, Nigel Hayes.
Les joueurs à suivre : Jeoffrey Lauvergne (parce qu’on est chauvins) et Thomas Wallkup
Bon c’est vrai, on est des gros chauvins, on l’admets, et on l’accepte. Mais Jeoffrey Lauvergne, qui succedera à Leo Westermann comme “Frenchy du Zalgiris”, a tout l’attirail pour proposer un plus aux verts et blancs. Au delà de son expérience NBA, de son expérience en international avec les bleus, le pivot formé à l’INSEP, et sorti de l’Elan Chalon affiche aussi un beau parcours en Europe et en Euroleague, chez Valencia, le Khimki Moscou, mais surtout, le Fenerbaçe, ou jusqu’à l’an dernier, il partageait le terrain avec un certain Nando De Colo. Lauvergne est surtout régulier, tournant à 7pts et 4.8reb sur sa carrière dans le vieux continent. Sans être le facteur déterminant, Lauvergne est un joueur d’expérience dont on peut tout à fait vérifier l’apport en suivant sa saison. Mais on doit aussi suivre l’américain Thomas Wallkup, qui ferait presque office de vétéran et de chef de ce nouveau groupe. Arrivé pourtant seulement en 2018 de Ludwigsburg en Allemagne, Wallkup tourne à 7pts et 3ast par match. Pas terrible vous nous direz, mais cette saison doit permettre à l’américain de se mettre en valeur en sachant organiser le jeu chez un groupe qui doit totalement apprendre à jouer ensemble. De la même manière que l’arrivée de Schiller est un pari risqué, mais une possibilité de se montrer, Wallkup dispose enfin, à 30 ans, d’une chance de mener une équipe centrale dans le paysage européen, dans une ligue mondialement reconnue. Sera-t-il aussi à l’aise que Lauvergne qui n’a jamais manqué de savoir s’installer dans un nouvel effectif ?
A quoi s’attendre cette saison ?
Alors oui, ce groupe est séduisant, expérimenté, et ça ne manque pas de force dans la raquette, et d’adresse au shoot à l’extérieur. Mais le coup dur du départ de Jacikevicius va rester dans les têtes de tout le monde, et surtout, l’inexpérience du coach risque d’aboutir à une année de transition pour le Zalgiris.
Sans avoir forcément beaucoup perdu, l’effectif reste léger, et comporte encore beaucoup de jeunes pousses. On n’imagine pas une année catastrophique pour les lituaniens, mais il faut déjà confirmer que les choix faits cet été ont été les bons, et cela passe par des instants d’ajustement.
Le Zalgiris, même s’il entrevoit les bonnes décisions, doit encore patienter avant de revenir dans les hauteurs de la grande ligue européenne. En tout cas, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.