L’ASVEL, retour au premier plan
Un long héritage (1948-2014)
L’histoire de l’ASVEL remonte à l’après-guerre, en 1948, quand deux clubs de la métropole lyonnaise, l’Eveil Lyonnais et l’AS Villeurbanne, fusionnent pour devenir l’ASVEL. La fusion d’un club patronné, l’autre laïc, fera immédiatement des étincelles au niveau national, puisque le club remporte 5 titres de champion de France dans ses 9 premières années d’existence.
La décennie suivante, l’arrivée d’Alain Gilles, alors le meilleur joueur français, remettra le club alors en vert au sommet du Championnat de France : il accumulera 8 titres durant ses 15 saisons à Villeurbanne (1966-1981), et cimentera sa place dans la discussion du meilleur joueur français de tous les temps. C’est avec le génial meneur et le recrutement de premiers joueurs américains que l’ASVEL connaitra ses premiers succès en Europe, mais toujours à une ou deux marches du titre.
Proche du dépôt de bilan en 1992 après une gestion financière catastrophique, l’ASVEL sera sauvée par Marc Lefèbvre pour la partie finance, et par Gregor Beugnot sur le terrain : le meneur français sera un des grands artisans du retour au sommet du club, malgré des moyens toujours limités. Jamais champions de France dans la décennie, l’ASVEL brillera en coupe d’Europe, avec une accession au Final Four de l’Euroleague en 1997, avec Delaney Rudd, Alain Digbeu et Jim Bilba en têtes d’affiche.
Les titres en 2002 et en 2009, qui consolideront la place de l’ASVEL comme écurie la plus titrée de France, ne cachent pas la perte de vitesse du club. Tony Parker devient, dès 2009, le deuxième actionnaire du club, et met les moyens de ses ambitions : les gros recrutements s’enchainent, mais les résultats ne suivent pas.
L’ambition retrouvée de l’ère Parker (depuis 2014)
Tony Parker devient l’actionnaire majoritaire de l’ASVEL en 2014. Il entame, avec son ami d’enfance et ancien coéquipier en équipes de France jeunes Gaëtan Müller, un recrutement impressionnant : si les résultats ne sont pas immédiats, le club pose des bases solides sur lesquelles alimenter le projet. Un titre presque inespéré face à une équipe de Strasbourg maudite en 2016 ouvrira les portes de l’Eurocup, première étape du projet ambitieux de Tony Parker : ramener l’ASVEL en Euroleague.
En 2018, l’ASVEL prendra un tournant historique. Un partenariat avec LDLC fera définitivement entrer l’ASVEL dans son ère moderne : adieu le vert historique, place à un branding noir et blanc, jugé plus moderne. Avec toujours plus de moyens, l’officialisation du retour en Euroleague et un nouveau coach reconnu en la personne de Zvezdan Mitrovic, l’ASVEL s’imposera en 2019 dans des finales historiques contre l’AS Monaco pour remporter son 19ème titre de champions de France.
Le bilan de la saison 2019-20
La saison passée était donc la première de l’ASVEL. Des débuts très encourageants dans la plus prestigieuse des compétitions européennes : l’ASVEL montrait qu’elle méritait sa place, une belle réponse à ses détracteurs qui pointaient du doigt le “copinage” entre Parker et Bertomeu comme seule raison du retour du club rhodanien en Euroleague.
10 victoires et 18 défaites, un bilan qui classait l’ASVEL devant les deux clubs allemands (l’Alba Berlin et le Bayern, ainsi que le Zénith Saint-Petersbourg). L’ASVEL affichait même à Noël un joli bilan de 8 victoires pour 8 défaites, avant de s’effondrer en janvier et février. Une saison “à la Française”, finalement.
Le salut de l’ASVEL sera passé par une formule bien connue dans l’hexagone : des exploits à domicile. L’équipe s’offrira donc à l’Astroballe, gonflé à bloc les soirs de matchs, le scalp d’adversaires pourtant réputés comme leur étant bien supérieurs : les deux clubs d’Athènes y passeront, les deux clubs moscovites également. Oui, même le ô grand CSKA.
L’ASVEL se place donc dans la lignée des performances modernes de nos clubs français. Tout comme Strasbourg ou Nanterre dans un passé proche qui s’étaient offerts, entre autres, Barcelone, le Fenerbahce et le Real Madrid à domicile.
Tout aussi resplendissante à domicile qu’elle est, l’équipe de Tony Parker devra commencer à gagner des matchs à l’extérieur si elle veut s’installer de manière pérenne dans les places de playoffs dans la cour des Grands d’Europe. Une performance que le basket français attend depuis longtemps, et dont cette ASVEL pourrait être bien capable dans un futur proche…
Le coach : la confiance en TJ Parker est-elle justifiée ?
C’est là que le bas blesse. L’Europe est une terre de coachs, comme nous nous amusons à le répéter sans cesse. Sur les bancs des écuries européennes les plus prestigieuses, il y a souvent des big boss de la plaquette.
En 2018, Tony Parker avait frappé un grand coup dans le basket hexagonal en arrachant Zvezdan Mitrovic à Monaco. Comblé par son choix, le président Parker déclarait en janvier 2020 à L’Equipe : « Mitro, c’est l’un des meilleurs. Il a encore un an de contrat et il ne va nulle part, sauf si un grand club d’Euroleague double son salaire ».
Or, malgré le titre national remporté en 2019 et une première saison réussie en Euroleague, Tony Parker semblait avoir perdu la confiance qu’il avait pour Mitrovic : il est licencié dans des circonstances pour le moins douteuses en mai 2020.
Il sera remplacé cette année par son ancien assistant, qui n’est nul autre que TJ Parker. Présent sur le banc du club rhodanien depuis 2013, le frère cadet de Tony aura été une première fois entraineur principal de l’ASVEL, en intérim, après les mauvais résultats de JD Jackson. Il retrouvera ce rôle ponctuellement, remplaçant un Mitrovic parfois en sélection nationale monténégrine, parfois absent pour raisons de santé.
T.J. Parker à l’assaut de l’Europe, donc. Lui qui n’a jamais brillé dans ses missions d’intérim, il devra prouver qu’il a les épaules pour diriger une équipe d’un tel calibre. C’est en réalité la première fois qu’on le verra coacher “son” équipe, une dont il a façonné l’effectif et le plan de jeu selon sa vision et ses principes de jeu.
Heureusement, il pourra trouver en son assistant Frédéric Fauthoux un soutien de poids dans ce défi de taille. L’ancien génial meneur de Pau et de l’Equipe de France a en effet une expérience d’entraineur en chef, à Levallois, qu’il a dirigé depuis 2015.
L’ASVEL sera donc dirigé par un vrai duo d’entraineurs plutôt qu’un entraineur et son adjoint. L’osmose entre Fauthoux et Parker sera déterminante au succès de l’ASVEL dans une compétition où les choix tactiques peuvent encore surmonter des différences de talent. On ne peut leur souhaiter que de la réussite !
L’effectif : bon pour la France, assez pour l’Europe ?
Meneurs : Norris Cole, Antoine Diot, Matthew Strazel
Arrières : Allerik Freeman, Paul Lacombe, Rihards Lomazs
Ailiers : Charles Kahudi, David Lighty, Wlliam Howard
Ailiers-forts : Guershon Yabusele, Amine Noua
Pivots : Moustapha Fall, Kevarrius Hayes, Ismael Bako
Laurent Legname l’a bien résumé. L’entraineur de la JDA Dijon présentait à L’Equipe cette ASVEL comme “le meilleur effectif du basket français depuis 20, 25 ans”. Ni plus, ni moins. Il faut dire que le recrutement mené par Tony Parker et ses associés a bien mérité ce qualificatif. Malgré des pertes importantes (Tonye Jekiri, Adreian Payne, Jordan Taylor, Livio Jean-Charles, Théo Maledon), l’ASVEL a l’air encore mieux armée cette année.
Le recrutement qui a le plus fait tourner les têtes est sûrement celui de Norris Cole, alors que nombreux gros clubs d’Euroleague lui auraient fait les yeux doux après une belle saison à Monaco. Le double champion NBA sera en concurrence avec Antoine Diot à la mène : deux profils différents qui pourraient se partager le terrain par séquences. Le backcourt est complété par deux recrues, Allerik Freeman (plus d’infos ci-dessous) et Paul Lacombe, qui revient dans son club formateur après s’être affirmé à Strasbourg puis Monaco. Le tireur d’élite letton Rihards Lomazs sera en embuscade sur les postes 2 et 3, mais son jeu unidimensionnel et la forte concurrence sur ces deux postes pourrait le clouer au banc.
Place aux ailes désormais, qui ont elles connues moins de mouvements.
Charles Kahudi et David Lighty conservés, William Howard aura la lourde tâche de faire oublier Livio Jean-Charles, parti à l’Olympiacos. Howard, qui a brillé à Limoges notamment, met fin à son aventure américaine qui l’avait vu signer un contrat avec les Rockets de Houston. Il apportera sûrement son scoring et son spacing. La clé de son intégration dans l’équipe sera sûrement sa capacité à jouer loin du ballon et en catch and shoot (37% à trois-points en G-League l’an dernier). Howard pourrait également être aligné au poste 4 dans des cinq plus petits. Il remplacerait donc l’ancien Celtic Guershon Yabusele et Amine Noua, qui ont encore tous deux à réaliser une saison convaincante au meilleur des niveaux européens.
Avec les départs de Tonye Jekiri (au Baskonia) et Andreian Payne, le poste 5 était à reconstruire. L’ancien Gator de Florida Kevarrius Hayes rejoint l’Euroleague après une belle première année en Europe à Cantu (meilleur contreur et 7è meilleur rebondeur d’Italie). Il sera la doublure d’un pivot bien connu en France : Moustapha Fall. L’international français de 2 mètres 18 jouera sa première saison en Euroleague. Dominant en France lors de son passage à l’Elan Chalon (meilleur défenseur, contreur et rebondeur), il s’était bien exporté en Turquie, comme en témoigne sa très bonne campagne à Ankara (12 points, 8 rebonds, 2.5 passes, 1.5 contres). Un renfort de poids (et de taille) qui sera l’ancre défensive de l’ASVEL, qui devra toutefois trouver des moyens de compenser son manque de mobilité latérale.
Un joueur à suivre : Allerik Freeman
Freeman est un scoreur. C’est ce qu’il fait de mieux, et c’est presque tout ce qu’il fait. Il pourrait toutefois être l’un des facteurs X de cette équipe de l’ASVEL.
Après un bon parcours universitaire dans deux programmes réputés (3 saisons à Baylor puis une année senior à North Carolina State), il débarque en Europe, par la petite porte, dans un des meilleurs clubs de Hongrie. En FIBA Europe Cup (à ne pas confondre avec l’Eurocup gérée par l’Euroleague – oui, c’est compliqué), il scorera efficacement (17 points à 50% de réussite aux tirs, dont 40% à trois points). Repéré par Bursaspor, il scorera dans la championnat turc (18.5 points, 46% aux tirs, 43% à 3 points), avant de s’envoler en Chine… Pour scorer, encore (25.5 points, 49%, 48.5% sur quatre matchs). Arrive-t-il à l’ASVEL pour scorer ? Possible… Certain, même.
Pas non plus totalement unidimensionnel (plus de 4 passes décisives de moyenne en carrière), Freeman devra sûrement être au moins moyen en défense pour être un joueur majeur de l’ASVEL.
L’adaptation au niveau de l’Euroleague pourrait prendre un peu de temps, mais le talent est bien là. La cohabitation avec Norris Cole sera intéressante à regarder tant ils paraissent avoir un profil similaire : des scoreurs à haut volume, qui ont besoin de la balle en main pour briller. Il ne serait donc pas surprenant de voir le duo Parker/Fauthoux l’utiliser en tant que 6è homme de luxe, ou bien privilégier les associations avec Antoine Diot, plus dans un rôle de gestionnaire de jeu que son compère Cole.
David Lighty, qui connait bien la France et l’Euroleague, pourrait endosser un véritable rôle de mentor pour Freeman. Son intégration dans le collectif, où il ne sera pas, pour la première fois depuis longtemps, la première option offensive, sera primordiale.
A quoi s’attendre ?
S’il raisonne comme un mastodonte en France, le club est encore un petit poucet financier dans la compétition européenne. De fait, il ne faudrait pas brûler les étapes. Pour une deuxième année d’Euroleague, l’objectif sera simple : faire mieux que l’année dernière.
Dans des conditions d’ouverture au public encore incertaines, l’ASVEL pourrait perdre son principal atout : l’avantage du terrain, qui leur avait permis de chercher des victoires de gala la saison dernière. L’ASVEL souffrira sans aucun doute. Si l’attaque pourrait se rapprocher de la moyenne en Euroleague, de gros doutes planent sur la défense, surtout aux postes extérieurs.
Si l’ASVEL rentre dans une spirale de défaites, il ne serait absolument pas surprenant de voir des luttes en interne se développer, sur fond de choix de coach et de querelles de positionnement…
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 17è
Notre amour pour le basket français (et celui de votre serviteur pour Freddy Fauthoux) nous fera cependant espérer qu’ils nous fassent mentir !