Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre-eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre-vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Depuis de nombreux mois, l’équipe du Magnéto s’est beaucoup baladée. Lors des précédents portraits, nous avons parlé d’un chinois, avons consacré trois articles à un lituanien la semaine passée et accordé un article à un ex-yougoslave quelques temps auparavant.
Mais aujourd’hui, nous sommes de retour dans le pays du basket, de la NBA, des plus grands. Aujourd’hui, après des passages à Seattle et Houston, nous sommes de retour dans l’Est des États-Unis.
Kevin Porter est un meneur ayant passé 10 saisons dans la Grande Ligue, entre Detroit, Washington et le New Jersey. Il grandit à Chicago dans les années 50, avant de rejoindre la DuSable High School pour la suite de son cursus. Il le conclura à la Saint Francis School, après un parcours plus que méritant. Mais nous y reviendront.
Mesurant 183cm pour 77kg, il n’a pas fait de ses capacités physiques son arme de prédilection. Il préférera utiliser tout au long de sa carrière sa vista fantastique et ses doigts d’argents pour distiller caviars sur caviars ; on le retrouve, à ce titre, à la 15è place des meilleurs passeurs de l’histoire (moyenne de passe par match). Sa carrière ne sera malheureusement pas assez longue pour qu’il puisse s’asseoir à la table des plus grandes légendes à son poste.
Il se trouve alors dans le second wagon des meneurs, au même titre qu’un Fat Lever ou un Baron Davis. Et comme vous l’avez compris depuis plusieurs mois maintenant, c’est bien ce type de joueurs, oubliés du plus grand nombre, qui nous intéresse.
Action !
Lorsque nous pensons “NCAA“, les premières écoles qui nous viennent en tête sont les célébrissimes Duke, UCLA ou Michigan State. Mais la Ligue universitaire regorge de petites facultés, qui ne sont aucunement prédestinées à sortir des joueurs calibre NBA. La Saint Francis School est l’une d’entre elles. Le constat est peut être un poil dur pour l’établissement, qui a eu dans ses rangs quelques joueurs qui firent une honorable carrière NBA. Kevin Porter est l’un d’eux, vous l’aurez deviné. En même temps que lui, Norm Van Lier, triple All-star et octuple membre d’une All-defensive Team, complétait le backcourt. Cependant, indubitablement, la plus grande star a avoir un jour porté le maillot de l’Université est Maurice Stokes, dont la terrible histoire vous sera narrée dans le Magnéto sous peu.
Comme c’était la coutume en cette époque, Porter effectua un cursus universitaire complet. Son départ pour la NBA coïncida avec la fin de ce qu’il convient de nommer la “Golden Era” de la faculté de Saint Francis. Cette ère dorée, débutée une trentaine d’années auparavant, fût le théâtre des plus belles heures sportives de l’université, notamment au basketball, avec plusieurs participations au tournoi final.
Les performances du meneur, elles, laissent aisément présager une carrière professionnelle. Si la saison rookie ne le vit disputer que 5 rencontres, les trois suivantes seront porteuses d’espoir, avec respectivement 23,6, 23 et 24,7 points par soirs, auxquels 2 à 3 rebonds vinrent toujours s’ajouter. Nous ne disposons malheureusement pas des statistiques à la passe.
A l’issue de la saison 1971 – 1972, celui qui sera nommé au hall-of-fame de son université en 2006 se présenta à la draft NBA. Une draft où les têtes d’affiche furent Bob McAdoo (2è, Buffalo Braves), Paul Westphal (10è, Boston Celtics) et Julius Erving (12è, Milwaukee Bucks). En cette époque, le premier tour était composé de 13 choix, le second de 17. Toutefois, lorsque le trentième nom de la soirée résonna – celui d’Ollie Johnson, qui fût sélectionné par Portland – Kevin Porter n’avait encore revêtu aucune casquette. Son tour viendra néanmoins rapidement, puisqu’avec leur 39è choix, les Bullets de Baltimore eurent la bonne idée d’en faire leur second meneur.
En effet, Kevin Porter sera, au cours de cette première saison, le back-up d’Archie Clark, un autre joueur particulièrement méconnu dont les statistiques étaient pourtant celles d’un All-star, ce qu’il fût d’ailleurs à deux reprises. En effet, l’homme restait alors sur une saison de haute volée, terminée avec 25 points, 3,5 rebonds et 8 passes décisives à 47 % au tir. Archie solide.
Bien que remplaçant, le rôle du nouveau numéro 10 de Baltimore ne fût pas négligeable. Il disputa 71 rencontres pour sa première saison, avec 17 minutes de jeu par soir pour démontrer l’ensemble de son talent. Sa première rencontre vaut d’ailleurs le coup d’œil. Tel un Franck Jurietti au sommet de son art, Porter passa très exactement 1 minute sur le parquet, pour une feuille de stats complètement vierge. Nous éviterons bien entendu toute blague éculée sur les premières fois.
Son temps de présence sur le parquet augmenta par la suite, vous l’aurez compris. Dans ces situations, l’enfant de Chicago, sans être exceptionnel, démontra rapidement qu’il faudrait impérativement compter sur lui pour les années à venir. Il réalisa son premier double-double points / passes décisives lors de sa sixième rencontre : 10 points, 2 rebonds et 10 passes décisives. S’en suivirent quelques prestations pas piquées des hannetons, à l’instar des 19 points inscrits dans une victoire (+32) contre Buffalo, ou ses 8 points, 4 rebonds et 9 passes décisives la rencontre suivante (défaite -38).
Il aura ensuite son véritable coup de chaud au tout début de l’année 1973. En 10 rencontres, il affiche 13 points et 5 passes de moyenne ; des performances qui coïncident avec les excellents résultats des Bullets, qui remportèrent 8 matchs au cours de cette période. Avec 52 victoires au total, Porter fît ses grands débuts en playoffs en 1973 où, opposés aux Knicks, futurs vainqueurs, ils s’inclinèrent au premier tour en quatre rencontres.
L’explosion, comme bien souvent, interviendra lors de l’exercice sophomore, entamé avec un nouveau record de points (22) inscrits dès la journée inaugurale. Toujours remplaçant, mais possédant désormais le temps de jeu d’un titulaire, il dépasse fréquemment la barre des 20 points par soir. Et lorsqu’il le fait, ceux qui se sont récemment appelés les Capital Bullets gagnent 75 % du temps ; l’équation est simple : donnez le ballon au petit jeune !
Responsabilisé en attaque, Porter n’est cependant que la 4è option des Bullets, derrière Phil Chenier (un autre incognito sur lequel il conviendrait de braquer la lumière de quelques projecteurs), Mike Riordan et l’inévitable Elvin Hayes. En défense, c’est une autre paire de manches. Physiquement, bien sûr, le jeune meneur n’est pas taillé pour ralentir ses vis-à-vis. Cela se retrouve d’ailleurs dans les statistiques : Kevin Porter est le joueur qui a effectué le plus de fautes dans la saison 1972 – 1973.
Tout ce beau monde s’inclinera – à nouveau – face aux Knicks, qui faisaient alors figure de terreurs, au premier tour des playoffs.
L’arrivée de Wes Unseld, pivot au physique de frigo américain, changera absolument tout les Bullets (de Washington). Certes, celui qui se fait petit à petit surnommer The Conductor fait toujours autant de fautes (4 en moyenne par rencontre). Néanmoins, cela n’handicape pas outre mesure cette équipe, dont la raquette Hayes – Unseld est l’une des plus impressionnantes de l’Histoire. La prise de volume du premier cité est une véritable aubaine pour son meneur, qui va distribuer des passes décisives par paquets de 12 pendant toute la saison. Ceci est illustré – encore une fois – par la première rencontre de la saison, disputée le 19 octobre 1974 : 16 points, 15 passes décisives, dans une victoire contre le Jazz.
Sur les 81 rencontres de cette troisième saison professionnelle, il distribuera au moins 10 passes à 29 reprises. Mieux, il reste comme l’unique joueur de l’Histoire à avoir distribué au moins 20 passes décisives lors de deux rencontres consécutives :
- 2 mars 1974 vs Los Angeles : 4 points, 3 rebonds, 21 passes décisives, dans une victoire (+13). Cette rencontre illustre à merveille le tournant opéré par Kevin Porter cette saison-ci. Moins scoreur (11 points de moyenne contre 15 l’exercice précédent), il est devenu un véritable meneur gestionnaire et distributeur,
- 5 mars 1974 vs Atlanta : 14 points, 2 rebonds, 22 passes décisives, dans une victoire (+6).
La fin de la saison nous permet de mettre deux éléments en exergue. Le premier concerne directement Kevin Porter qui, pour la première fois – mais pas la dernière ! – est le meilleur passeur de la saison. On remarque cependant, si on veut jouer les pisse-froid, que la moyenne qu’il présente (8,02 passes par match) est la plus faible depuis celle de Bob Cousy en 1958. A cela aussi, Porter va rapidement remédier.
Le second concerne la franchise des Bullets, qui cette fois-ci parviendra à dépasser le premier tour de playoffs (4 – 3 contre Boston). Le parcours du club de la capitale s’achèvera en finale NBA, malheureusement perdue sèchement face aux Warriors. Pour plus d’informations sur cette finale, nous vous renvoyons au 8è épisode du Magnéto, consacré à Rick Barry.
Cette quatrième rencontre de finale, perdue comme les trois premières, sera la dernière de Porter à Washington. A la fin du mois d’août, il est tradé à Détroit contre la légende Dave Bing et un premier tour de draft. Cependant, sa saison tournera court, en raison d’une blessure au genou qui le poussera à ranger les baskets au mois de décembre, après 19 rencontres (12,6 points et 10,2 passes sur cet échantillon de matchs). Son retour, en 1976 – 1977 sera tellement mitigé que les Pistons, en fin de saison, l’enverront au New-Jersey.
Désormais âgé de 28 ans, celui qui n’aura jamais l’honneur d’être All-star retrouva ses couleurs d’antan chez les Nets. Il y réalisera en effet ce qu’il savait faire de mieux, en rajoutant par-ci, par-là, quelques belles performances au scoring. A nouveau, il distribuera au moins 10 passes à 29 reprises. Il atteindra ou dépassera la barre symbolique des 20 offrandes en trois occurrences. L’une d’entre elle reste historique, même 42 ans plus tard.
En effet, le 24 février 1978, les Nets recevaient les Rockets dans une rencontre qui brillait alors pour son absence de suspens collectif, les deux franchises étant classées dans les bas-fond de leur conférence respective (14 – 46 de bilan pour les Nets avant la rencontre). Emmené par un duo Calvin Murphy – Moses Malone, les Rockets sont tout de même favoris de la rencontre. Ils la perdront. La faute, en partie, à un Kevin Porter stratosphérique.
Certes, le meneur (de poche, allions-nous écrire, avant de nous souvenir que Calvin Murphy mesurait 175 centimètres) n’a inscrit que 14 points. C’est John Williamson et ses 39 points qui permirent, à cet égard, aux Nets de prendre le meilleur sur les texans. Bernard King n’était pas en reste, avec 35 points à 74 % au tir. Pourtant, le grand homme de la rencontre portait bel et bien le n° 10. En effet, Porter distribua ce soir-ci 29 passes décisives. Le record NBA, jusqu’alors co-détenu par Bob Cousy et Guy Rodgers (28 passes) et qui tenait depuis 1959, est battu. Rendez-vous compte : sur les 38 passes décisives réalisées par la franchise en cette soirée, 29 vinrent des mains de Kevin Porter.
Ce record, il le gardera jusqu’au 30 décembre 1990, où il sera battu d’un souffle par Scott Skiles (30 passes). Depuis lors, personne n’a plus jamais réalisé une telle performance. Des passeurs de génie, comme Magic Johnson, John Stockton, Isiah Thomas, Steve Nash ou Jason Kidd se sont cassés les dents sur la marque de Porter. C’est dire si, ce soir là, c’est l’histoire qui fût écrite.
En fin de saison, c’est d’ailleurs lui qui est meilleur passeur de la saison (10,2 de moyenne). Cependant, en la matière, et alors même que l’on pensait avoir tout vu, Porter avait encore de la réserve.
L’oscar de la saison 1978 – 1979
Comme on s’échangeait, lors de nos années d’insouciance, les cartes Pokémon au milieu de la cours de récréation, Kevin Porter fît l’objet d’un nouveau transfert, direction … Détroit. Son retour dans le Michigan le voit être intégré dans un roster orphelin de grande qualité, si l’on excepte la présence ultra-dominante de Bob Lanier dans la raquette. Nous ne serons pas taxés de pessimisme si l’on écrit que cette fin des années 1970 ne sont pas les plus belles de la franchise, qui n’aura cependant plus longtemps à attendre pour changer de dimension.
Les cinq premières rencontres, toutes perdues, donne le la : la saison va être particulièrement longue. On recherche alors les motifs de satisfaction où l’on peut. On est ainsi content lorsque Bob Lanier pose un immense 38 points 16 rebonds – dans la défaite, bien sûr – contre Atlanta. On se dit que la vie n’est pas si moche quand Kevin Porter balance au moins 10 passes lors de 5 rencontres consécutives. On se demande comment effectuer un nœud coulant efficace lorsqu’on enchaîne à nouveau 4 défaites consécutives, dont une immense branlée contre les Knicks, qui faisaient alors moins peur.
Porter, lui, poursuit sa lancée de l’exercice précédent. Puisque même le site basketballreference n’est pas infaillible, nous ne disposons de ses statistiques complètes “que” pour 72 des 82 matchs disputés. Cela suffit néanmoins amplement pour en tirer des conclusions. On sait ainsi que sur ces 72 rencontres, Porter a réalisé 7 passes décisives à … 70 reprises. Il est loin, le meneur qui remportait le titre de meilleur passeur avec 8 passes de moyenne.
En effet, nous assistons à ce qui se faisait alors de mieux dans l’art de balancer des cadeaux aux copains. Jusqu’alors, la meilleur moyenne de passe sur une saison était détenue par l’inénarrable Oscar Robertson (11,48 en 1964 – 1965). S’il ne pouvait – physiquement parlant – regarder le Big O de haut que s’il grimpait sur des échasses, Kevin Porter va, très rapidement, pulvériser le record détenu par l’ancien Royals. Et si on peut nous reprocher une emphase parfois trop présente, le terme “pulvériser” est ici plus qu’adéquat.
Et pour cause, sur notre échantillon de 72 matchs, le meneur Détroitien (nous sommes d’accord, ce n’est pas le meilleur gentilé du pays) se paiera le luxe d’atteindre les 12 passes décisives en 45 occurrences. On imagine aisément, dès lors, que le record de Robertson vivait ses derniers instants. 45, c’est également le nombre de double – double points / passes décisives qu’il réalisera. C’est aussi le numéro du département du Loiret, ce qu’on oublie trop souvent de préciser.
Il faut bien avoir à l’esprit que Kevin Porter n’a jamais été un meneur ultra-dominant. Il n’était pas un grand shooteur, n’a jamais été autre chose qu’un scoreur moyen, et son physique l’empêchait de défendre convenablement (même si, on a dans l’Histoire des exemples de petits qui défendaient très bien). Il n’a jamais été All-star, et, bien entendu, ne figure dans aucune All-NBA team. Son palmarès, à dire vrai, est parfaitement vierge. Parfaitement ? Peut-être pas. Cependant, son niveau intrinsèque est largement moindre que celui d’autres joueurs dont nous avons dressé le portrait dans les 35 premiers épisodes de notre série.
Pourtant, lorsqu’il s’agit de la passe décisive, nous n’écrirons plus sur quelqu’un d’aussi fort. Certes, notre sixième article portait sur Jason Kidd, passé maître dans l’art de la passe, et dont la moyenne en carrière est d’ailleurs supérieure à celle de Porter, bien qu’il ait joué deux fois plus longtemps. Mais, si l’on ne devait tenir compte que du niveau affiché par le chicagoan lors de cette saison 1978 – 1979, même Jason Kidd se trouve dans le rétroviseur.
Collectivement, pourtant, nous avons eu l’occasion de le mentionner, les supporters des Pistons n’ont rien de consistant à se mettre sous la molaire. 30 petites victoires au compteur, largement insuffisant pour palpiter lors des joutes printanières.
Comprenez, dès lors, que l’on s’axe simplement sur les performances de Porter. Il enverra 20 passes dans une défaite face aux Lakers le 15 novembre, avant de devenir multi-récidiviste en la matière :
- 15 nov. 1978 vs Los Angeles : 12 points, 1 rebond, 20 passes décisives, 1 interception, 2 contres, dans une défaite (-7),
- 23 déc. 1978 vs San Antonio : 10 points, 1 rebond, 22 passes décisives, dans une défaite (-4),
- 27 déc. 1978 vs Houston : 20 points, 3 rebonds, 23 passes décisives, dans une victoire (+12).
Profitons de cette dernière rencontre pour mentionner que les rencontres réalisées avec 20 points et 23 passes ne sont pas légion dans l’Histoire. On ne retrouve, tout d’abord, que 46 rencontres terminées avec au moins 23 passes décisives. C’est vous dire si cela n’arrive pas tous les ans. Profitons-en pour mettre en lumière le fait que sur ces 46 prestations, le nom de Kevin Porter apparaît 6 fois (13 %). C’est autant que Magic Johnson. C’est trois fois plus qu’Isiah Thomas. Seul John Stockton (10 matchs avec au moins 23 passes) fait mieux.
Parmi ces 46 performances, seules 19 d’entre elles ont vu le joueur scorer également 20 points.
- 6 févr. 1979 @ Houston : 19 points, 0 rebond, 21 passes décisives, dans une défaite (-5). Notons que c’est devenu une habitude pour lui de prendre les Rockets comme paillasson. Nous en connaissons, dans l’équipe de rédaction, qui seront ravis de lire ces lignes.
- 27 févr. 1979 @ Chicago : 32 points, 5 rebonds, 22 passes décisives, 4 interceptions, dans une défaite (-4). Seriez-vous étonné(e)s si on vous disait que jamais, Ô grand jamais, cette ligne statistique a été aperçue depuis ?
- 9 mars 1979 vs Boston : 30 points, 3 rebonds, 25 passes décisives, dans une victoire (+43).
Alors alors. Des 30 points / 25 passes, nous n’en retrouvons que deux dans l’Histoire. Le second est Bob Cousy, qui réalisa 31 points et 28 passes décisives en 1959. Toutefois, là où Cousy joua 45 minutes, Porter ne passa “que” 37 minutes sur le parquet ce soir-là. 25 passes, c’est entrer dans l’élite de l’élite. The Conductor le savait, puisqu’il en avait envoyé 29 l’année précédente. En guise d’illustration, notons qu’au 21è siècle, cette barre symbolique des 25 passes décisives n’a été atteinte qu’une seule fois, par Rajon Rondo en 2017. Pourtant, nous ne manquons pas de passeurs prolifiques ces dernières années.
A la vue des chiffres, on comprend parfaitement pourquoi – et de quelle manière – le record de 11,48 passes de moyenne sur une saison a été battu. Parce qu’en plus, le meneur des Pistons n’en avait pas tout à fait terminé :
- 17 mars 1979 vs Indiana : 16 points, 3 rebonds, 20 passes décisives, dans une victoire (+7). D’ailleurs, quatre jours avant, il avait réalisé 23 points et 18 passes décisives contre ces mêmes Pacers,
- 30 mars 1979 @ Los Angeles : 15 points, 3 rebonds, 23 passes décisives, dans une défaite (-11),
- 1 avril 1979 @ Phoenix : 13 points, 3 rebonds, 25 passes décisives, dans une défaite (-11).
Si l’on reste très terre à terre, on remarque donc qu’en l’espace de 2 mois, il aura réalisé 20 passes décisives à six reprises. Heureusement que Twitter n’existait pas en 1979, sans quoi la sempiternelle culture de l’instant aurait propulsé Kevin Porter comme le meilleur meneur de sa génération, ce qui, nous l’avons dit, est indubitablement excessif.
Force est néanmoins de constater qu’en dehors de Stockton et Thomas, la NBA n’a jamais vu une telle orgie de caviars. Au final, c’est avec 13,40 passes décisives de moyenne que Porter souleva son troisième trophée de meilleur passeur de la saison. C’est la 6è meilleure moyenne de l’Histoire, seulement devancée par Stockton (4x) et Thomas. Il est alors le premier joueur de l’Histoire à dépasser les 1 000 passes décisives sur une saison (1 099). Et puisque les chiffres sont démentiels, voici sa moyenne statistique sur les 5 derniers matchs de la saison :
19,8 passes décisives de moyenne. Certes, 30 % de réussite au tir. But, who cares ?
Le générique de fin
En cette saison 1978 – 1979, les Bullets remportèrent leur unique titre NBA. Cette bague, Porter la rata de peu, puisqu’il signe le 12 juillet – jour béni des français – 1979 dans son premier club, en tant que free agent. Il y jouera d’abord deux saisons, toutes deux conclues avec 39 victoires au compteur. Signe que bien qu’il soit un passeur de génie, il n’était pas suffisamment fort pour faire gagner les siens.
Lors de son retour, il occupe le poste de meneur back-up, comme lors de ses débuts. Il ne passe cependant que 20 minutes sur le terrain par soir, insuffisant pour rester dans les standards qui étaient les siens la saison précédente (de 15,4 points et 13,4 passes à 7,3 points et 6,5 passes, une ligne divisée par deux).
Ce sera infiniment plus satisfaisant la saison suivante, où, à nouveau titulaire, il deviendra meilleur passeur de la saison pour la 4è et dernière fois de sa carrière. Quatre fois, ce n’est pas un record, loin de là. Mais en terme de palmarès individuel, cela se pose là. C’est autant, par exemple, que Chris Paul et Magic Johnson. Énonçons tout de même que Steve Nash (5), Jason Kidd (5), Oscar Robertson (7), Bob Cousy (8) et John Stockton (9) font mieux.
Une nouvelle blessure – une rupture du tendon d’achille – le privera de la saison 1981 – 1982. Le privera de sa fin de carrière, aurait-on pu écrire, puisqu’il ne disputera plus que 11 rencontres avant d’être coupé par les Bullets au milieu de la saison suivante, qui sera sa dernière.
Voici donc la carrière d’un homme qui n’aura rien gagné collectivement, qui n’était pas suffisamment complet pour faire gagner son équipe, mais qui est sans contestation, l’un des meilleurs passeurs passés par la Grande Ligue. On le retrouve dans le top 60 des passeurs les plus prolifiques de tous les temps, et, dans ce classement, il est celui qui a disputé le moins de matchs : 659 seulement en carrière.
Crédits et hommages
C’est presque devenu une marotte : lorsque les joueurs n’ont pas eu un impact exceptionnel sur la Ligue, il est difficile de conclure le portrait par les hommages qu’ils ont reçus. Logique : à par les girondins, qui a loué la carrière de Franck Jurietti ?
Passons donc notre chemin pour les hommages. Passons le même pour ce qui est de ses meilleurs highlights, difficilement trouvables. Contentons-nous de dire que celui qui disputa une finale NBA reste l’un des meneurs les plus sous-estimés de tous les temps. Les américains semblent partager ce constat ; nous retrouvons plusieurs articles qui louent le talent trop mésestimé du chicagoan. Laissons, dès lors, le mot de la fin à David Astramskas, qui titrait en février 2018 :
Remembering the greatest unknown passer in NBA History : Kevin Porter.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75)
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53)
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09).
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83).
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55).
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03).
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).