Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
“Légende (nom féminin, du latin legenda – chose à lire) :
- récit à caractère merveilleux, où les faits historiques sont transformés par l’imagination populaire ou l’invention poétique,
- représentation embellie de la vie, des exploits de quelqu’un et qui se conserve dans la mémoire collective”.
La fonction même du média est d’être un biais, par lequel des faits, des personnalités, des contextes, seront mis en relief par le prisme de la subjectivité de l’auteur, selon sa propre sensibilité, ses impressions, analyses.
Lorsque, depuis maintenant trois décennies, l’ensemble des médias – professionnels ou amateurs – approche de manière consensuelle ou unanime la vie d’un seul homme, leurs récits, revêtant des caractères “merveilleux” parfois “poétiques”, pas nécessairement embellis mais jamais dénués d’emphase, alors oui, c’est qu’il est question d’une légende.
Comment aborder Arvydas Sabonis ?
Si l’on s’en tient au registre des émotions personnelles, il (r)éveille une forme d’euphorie, mêlée d’admiration, celle d’un pré-adolescent qui découvre ce qui sera son sport au cours des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, avec l’attachante équipe de Lituanie, puis qui vit, stupéfait, l’élimination de l’équipe de son géant préféré par les irréductibles limougeauds au printemps 1993.
Si l’on vient stimuler la fibre analytique, il est impossible de ne pas verser dans l’uchronie, tant le profil du pivot était atypique et en avance sur son temps. Enfin, si l’on adopte une approche plus globale, alors on peut transposer ce que Robert Zemeckis (lui-même d’origine lituanienne) avait voulu faire de Forrest Gump : un fil conducteur sur une période historique majeure.
En complément de mes camarades Benjamin et Vincent, qui ont brillamment traité du parcours NBA et de club de Sabonis, je vais à mon tour m’employer à rendre compte de ces différents prismes au travers de la carrière internationale du monstre Arvydas, dans ce troisième volet de la trilogie QiBasket dédiée à l’ogre de Lituanie.
Les débuts tonitruants d’un colosse
Né en Lituanie, 24 ans après l’annexion par l’URSS, Arvydas Sabonis ne se destinait pas à une carrière sportive.
Sous le joug communiste, la Lituanie avait été le dernier pays indépendant des républiques soviétiques à remporter le Championnat d’Europe de basketball (1937 et 1939). Issu d’une famille de la classe moyenne supérieure, dont aucun membre ne pratiquait de sport, il aurait pu poursuivre l’accordéon et se lancer, comme sa sœur, dans une carrière musicale… mais en s’exposant à vivre dans l’oppression, et avec l’épée de Damoclès de l’envoi au goulag, dont sa mère et ses grand-parents furent victimes, respectivement pendant 9 et 12 ans.
En 1973, Sabonis débute le basket, puis rejoint une équipe de quartier de Kaunas à 11 ans, avant d’être repéré par les recruteurs soviétiques pour jouer en équipe nationale “jeunes” à 15 ans.
En 1981, en dépit des pressions subies pour rejoindre le club de l’Armée Rouge, le CSKA Moscou, Sabonis justifie d’un cursus scolaire à l’Académie d’Agriculture, dont l’école était alors affiliée au Zalgiris Kaunas – pour en savoir un peu plus, je ne peux que vous recommander le volet précédent de cette trilogie.
C’est en 1982 qu’Arvydas débute en équipe nationale d’URSS, et il est alors le plus jeune membre d’un effectif qui ira décrocher une médaille d’Or aux Championnats du Monde en Colombie, face aux Etats-Unis de Doc Rivers. En dépit d’un rôle limité (9.6 points par match tout de même!), derrière les vétérans Tkachenko, Belostenny et Deryugin, il intègre, alors qu’il n’a pas encore 18 ans, l’équipe du coach Aleksandr Gomelsky, donc l’objectif ultime est la victoire aux Jeux Olympiques de Séoul 6 ans plus tard (Trust the Process).
En 1983, la France du Basket accueille les Championnats d’Europe, avec en tête d’affiche l’URSS d’un Sabonis déjà érigé au rang de star, à 18 ans et demi, et l’Italie de Dino Meneghin.
Las, malgré les démonstrations des deux sélections (invaincues, URSS meilleure attaque et défense), le format de compétition oppose l’Espagne de San Epifanio à la sélection soviétique, qui ne parviendra pas à s’adapter au jeu des Ibères.
A une époque où l’information n’est pas diffusée de manière aussi rapide et massive qu’aujourd’hui, Jean Bogey donne une idée dans MaxiBasket de l’état d’esprit ambiant :
“Déception des joueurs et de l’entraîneur, bien entendu, mais également des spectateurs.
Ainsi donc, les équipes soviétique et italienne ne se rencontreraient pas pour ce qui promettait d’être un sommet du tournoi. La faute en incombe à la formule retenue.
Rêvez donc un instant : entre-deux Sabonis-Meneghin, et début d’un bras de fer qui aurait permis au public français de se rendre compte du talent phénoménal du soviétique, sans doute le premier européen à avoir le potentiel suffisant pour évoluer en NBA“.
Alors encore “junior”, le pivot lituanien crève en effet l’écran, et détruit les cercles, littéralement (par deux fois durant la compétition). Il impressionne par sa dextérité et sa vitesse pour un joueur d’un tel gabarit, démontrant par ailleurs des qualités athlétiques rarement observées, Arvydas est tout simplement inarrêtable : en 26.8 minutes par match, il tourne ainsi à 18 points à 65.7% aux tirs, 9,1 rebonds et 2,4 contres. Et on le rappelle : il n’a même pas 19 ans.
L’élimination des favoris ne semble tenir qu’à l’obstination tactique de Gomelsky, en place depuis les années 60, et dont les schémas commencent à être éventés.
Au cours d’une interview donnée aux médias français, Sabonis justifie sa progression exponentielle par une hygiène de vie irréprochable (jusqu’alors) et la très grande intensité mise dans la préparation, que l’on pourrait qualifier de stakahnoviste sans broncher.
En effet, d’octobre 1982 à juin 1983, se sont enchaînés Championnat d’URSS avec le Zalgiris Kaunas, tournée aux Etats-Unis, fin du championnat national, Championnat d’Europe et enfin, Spartakiade (championnat des républiques soviétiques), le tout accompagné de deux entraînements par jour, et programme de musculation estival concocté par Gomelsky. Rien qu’à en faire la liste, mes genoux tremblent.
Le contexte géopolitique entre les blocs de l’Est et de l’Ouest auront eu pour répercussion le boycott réciproque des deux grandes puissances, respectivement des Jeux Olympiques de Moscou en 1980 par les Etats-Unis, et ceux de 1984 à Los Angeles par l’URSS.
Les rendez-vous étaient donc pris : Championnats du Monde 1986 en Espagne et Jeux Olympiques 1988 à Séoul.
Au début de l’été 1985, Sabonis est rejoint en équipe nationale par Valdemaras Chomicius et Rimas Kurtinaitis, ses partenaires de club. Avec ces deux joueurs, aux qualités de création et de shooting de haut-niveau, la sélection soviétique dispose d’une configuration tactique bien plus apte à s’adapter au jeu “moderne” (à noter que la “PACE” – la donnée évaluant la vitesse de jeu – dans les années 80 est comparable à celle de 2020, toutes proportions gardées).
Fort de ce nouveau schéma, l’URSS se rend en Allemagne de l’Ouest, afin d’y disputer le Championnat d’Europe.
La leçon à tirer de cette compétition ? L’équipe dont la tête de gondole est dorénavant le pivot lituanien est prête à en découdre avec les USA l’année suivante : 8 matchs, 7 victoires en scorant à chaque fois plus de 100 points (la seule défaite étant contre l’Espagne de Jordi Villacampa, Fernando Martin et Juan San Epifanio une fois de plus, sur le score de 99-92) et victoire de 31 points en finale contre les Tchèques.
Arvydas Sabonis est logiquement élu MVP de la compétition, avec des moyennes de 20.1 points et 14.4 rebonds par match. Ce qu’on appelle communément, un chantier.
22 ans, et premier affrontement avec les américains
L’été 1986 et l’Espagne accueillaient donc ce qui devait être la scène de la première manche entre l’URSS et les Etats-Unis. Inutile de mettre cet affrontement en parallèle avec le climat politique de l’époque, vous aurez compris par vous-même que la tension était on ne peut plus présente.
Pour cette compétition, le casting est exceptionnel, avec des équipes au meilleur de leur forme et une pléiade de grands joueurs : Arvydas Sabonis, Oscar Schmidt, Nikos Galis, Drazen Petrovic, Dino Meneghin, … Bref, tout était réuni pour ce véritable sommet. Et le public ne fut pas déçu :
- du groupe A, se qualifiaient le Brésil d’Oscar Schmidt, la Grèce de Nikos Galis et la bête noire de Sabonis, l’Espagne,
- du groupe B, sortait donc l’URSS, invaincu (meilleure attaque et défense) avec un différentiel moyen de 57 points par match (!!!), accompagnée d’Israël et Cuba,
- du groupe C sortaient les Etats-Unis et l’Italie de Meneghin, avec la Chine in extremis,
- enfin, la Yougoslavie de Petrovic, Paspalj et consorts terminait en tête du groupe D, avec le Canada et l’Argentine pour l’accompagner.
Après un second tour rondement mené, les demi-finales voyaient s’affronter USA et Brésil d’un côté, Union Soviétique et Yougoslavie de l’autre. Et la finale tant attendue entre les deux puissances mondiales eut bien lieu.
L’URSS de Sabonis, éprouvée après une victoire 91-90 après prolongations contre la Yougoslavie en demi-finale, allait s’incliner en finale contre Team USA, au potentiel athlétique bien supérieur, et composée en son sein de futurs grands noms : Mugsy Bogues, Sean Elliot, Steve Kerr, Derrick McKey, David Robinson, Ronny Seikaly, Charles Smith ou encore Kenny Smith.
Pour l’anecdote, voici le 5 majeur de la compétition : Drazen Petrovic – Oscar Schmidt – Valeri Tikhonenko – David Robinson – Arvydas Sabonis. Si avec ça, on peut pas jouer au basket…
A la fin de l’été 1986, et après s’être vu sélectionné à la draft par les Portland Trailblazers, Arvydas Sabonis allait subir sa première lourde blessure, une rupture du tendon d’Achille gauche, conséquences de plusieurs années d’efforts intenses, sans véritable temps de repos, et avec un accompagnement thérapeutique somme toute très relatif.
Oui, parce qu’à la fin de tout ce que nous venons ne vous raconter, Arvydas Sabonis n’a pas encore 22 ans.
Jeux Olympiques de Seoul, le dernier Kazatchok
La saison 1986-87 fut donc écourtée pour Sabas. Mais Gomelsky insista pour que le géant reprenne avec son club du Zalgiris Kaunas dans le championnat d’URSS, bien qu’il ait été prévu qu’il fasse l’impasse sur le Championnat d’Europe 1987 en Grèce, qui sera d’ailleurs gagné par les hommes de Nik The Greek (103-101 en finale contre… l’URSS).
Je vous laisse d’ailleurs apprécier les performances de l’arrière hélène durant la compétition domestique.
Un point cependant à noter, puisqu’il va avoir un impact sur la suite de la carrière de Sabonis : lors de cette compétition, débutait un combo guard, au style atypique, à la démarche chaloupée et au geste signature que l’on appelle aujourd’hui “Euro Step”, Sarunas Marciulonis. Celui-ci allait d’ailleurs être, pour ses premières joutes internationales meilleur scoreur et passeur de l’équipe soviétique.
Le 14 juin 1987 s’achevait donc ce championnat d’Europe.
Cinq jours plus tard, à Kaunas, c’est cette fois le tendon d’Achille droit du colosse qui cédait.
Après de longues et difficiles négociations entre la Fédération soviétique, la NBA, le staff médical des Portland Trail Blazers, Aleksandr Gomelsky et Arvydas Sabonis, il était décidé d’envoyer le grand lituanien se faire opérer et effectuer sa rééducation dans l’Oregon (au grand dam de personnalités comme le récemment disparu John Thompson, qui déplorait que les USA décident de “réparer” l’arme principale de leur “ennemi” en vue des J.O de Séoul, l’été suivant).
Pour Sabonis, c’était d’abord et surtout l’occasion de tâter le terrain avant de rejoindre la Grande Ligue “pour de vrai”, et la perspective de ne pas jouer les Jeux Olympiques pour l’URSS était grandement envisageable.
En effet, les membres de la sélection soviétique “non-russes”, à l’instar de Sabonis, percevaient parfois le fait de jouer avec cette tunique rouge comme une contrainte et un affront pour leur pays natal. D’une certaine manière, il est possible d’imaginer que les joueurs lituaniens, estoniens, géorgiens aient pu développer, du fait du poids et de la frustration de cette contrainte, une forme d’abnégation, un jusqu’au-boutisme dans la performance. Une sorte de transposition au sportif du syndrome de Stockholm.
Quoi qu’il en soit, alors que l’équipe médicale ayant pris en charge Sabonis préconisait une poursuite de la convalescence du pivot, une délégation de spécialistes de l’URSS déclara au printemps 1988 que le joueur était apte à rentrer au pays pour préparer les Jeux Olympiques.
Pour l’URSS, la situation politique se dégradait de jour en jour, et l’issue semblait désormais inéluctable. La vitrine que pouvait offrir les Jeux Olympiques, qui plus est à Séoul, prenait de fait vraisemblablement la forme d’un sursaut d’orgueil dans la stratégie de communication.
Mais à l’heure du Glasnost, il aurait été plus juste de percevoir cette compétition comme un chant du cygne. Mais quel chant ce fut !
La compétition se déroulait du 17 au 30 septembre 1988. Douze équipes seulement, parmi lesquelles on notait l’absence des champions d’Europe en titre, la Grèce. Douze équipes, mais une ribambelle de stars, devenues légendes du jeu FIBA.
Oscar Schmidt ouvrit le bal des performances en scorant 36 points pour le Brésil lors d’un blowout contre le Canada, alors nation émergente (125-109).
La deuxième journée de compétition avait la particularité d’offrir d’emblée trois énormes affiches :
- les Australiens d’Andrew Gaze (ex-Bullets et Spurs), Mark Bradtke (ex-Sixers et Olympiacos) et Luc Longley (qui par la suite sera du second three-peat des Bulls) disposaient de Puerto Rico, et son pivot légendaire José Ortiz (passé par le Jazz avant de dominer en Europe dans les 90’s), 81-77,
- Team USA, dont ce fut la dernière version “universitaire”, d’une qualité remarquable (David Robinson, Danny Manning, Dan Majerle, Stacey Augmon, JR Reid, Hersey Hawkins, Mitch Richmond, Charles Smith, Bimbo Coles, Willie Anderson et Jeff Grayer), écrasa une équipe d’Espagne en reconstruction, 97-53,
- Enfin, dans le sommet de cette première journée, la Grande équipe de Yougoslavie (de Toni Kukoc, Drazen Petrovic, Zarko Paspalj,Stojko Vrankovic, Vlade Divac, Dino Radja, et leurs meneurs Jurij Zdovc et Zeljko Obradovic) donnait forte impression en battant l’Union Soviétique d’un Arvydas Sabonis très émoussé, à 11 points, 4 rebonds, 2 passes décisives, 1 interception et un contre, et leurs shooteurs Marciulonis et Tiit Sokk (20 points chacun). En face, comme à l’accoutumée, Mozart faisait son récital (25 points), bien secondé par l’intérieur Paspalj.
Cette défaite en ouverture pour l’URSS n’eut qu’une seule signification : ils croiseraient logiquement la route de Team USA, leurs bourreaux de 1986. En effet, il aurait fallu compter sur deux défaites de la Yougoslavie, ou deux défaites des Etats-Unis afin de renverser la situation.
Or, si l’équipe des Balkans concéda une défaite à la surprise générale contre Porto-Rico en dernière journée, les américains quant à eux donnèrent l’impression de monter en puissance, avec un jeu collectif léché et une dimension physique d’élite (2ème attaque, meilleure défense, +37 de différentiel moyen).
L’équipe de Sabonis s’employa donc à redresser la barre et à acquérir des repères collectifs en vue des quarts de finale. Voici un bref resumé de leur parcours :
- 20 septembre – URSS 91 – Australie 69 : Sabonis : 17 pts, 20 rbds, 4 passes décisives, 2 interceptions, 2 contres face à Longley,
- 21 septembre – URSS 93 – Porto Rico 81 : Arvidas au repos, c’est son compatriote Marciulonis qui menait la barque avec 32 points,
- 23 septembre – URSS 110 – Corée 73 : dans un match qui tourna rapidement à la correction, le pivot fut limité à 18 minutes, pour 12 pts et 8 rbds,
- 24 septembre – URSS 87 – Centrafrique 78 : résultat surprenant s’il en est, et un match au cours duquel Sabonis (peu utilisé ceci dit : 16 min pour 8 pts, 10 rbds et 3 contres) fut confronté à l’enthousiasme des joueurs centrafricains et de leur leader, Anicet Lavodrama (poste 4 longiligne scoreur, drafté à sa sortie de Houston par les Clippers et qui eut par la suite une longue carrière en Liga ACB).
Bilan final de cette phase de groupe :
- dans le groupe A, la Yougoslavie terminait en tête, avec un bilan de 4 victoires pour 1 défaite. Suivaient l’URSS (4-1), l’Australie (3-2) et Porto-Rico (3-2),
- dans le groupe B, Team USA faisait carton plein avec 5 victoires, l’Espagne s’adjugeait la deuxième place (4-1) aux dépens du Brésil (meilleure attaque à 118 points par match) lors de la dernière journée, au cours d’une victoire 118-110 et malgré les 55 points d’Oscar Schmidt (jetez un oeil curieux aux statistiques du swingman brésilien pendant la compétition, et prenez un peu d’eau).
Lors des premiers matchs à élimination directe, autant les victoires de la Yougoslavie contre le Canada (95-73) et des USA contre Porto-Rico (94-57) furent prévisibles que maîtrisées, autant les affrontements entre Espagne et Australie d’un côté et URSS et Brésil de l’autre livrèrent de tout autres scénarios.
Les Aussies créèrent la surprise en s’imposant de justesse (77-74) contre l’Espagne pour atteindre ce qui reste toujours leur plus haut palier lors des Olympiades.
Face au Brésil d’un Schmidt toujours aussi stratosphérique (46pts à 5/8 à 3pts, 5 rbds, 2 passes, 2 interceptions en 37 min), l’équipe soviétique encaissa son total le plus important depuis 10 ans en compétition (victoire 110-105) et avec un Arvydas Sabonis encore en délicatesse physiquement (en 30 min, 12 points, 9 rebonds, 2 passes décisives), et ne dut son salut qu’à l’adresse de ses artilleurs, Rimas Kurtinaitis en tête.
L’URSS rejoignait donc en demi-finale sa Némésis américaine, pour un affrontement à la symbolique flagrante dont l’issue désignerait l’adversaire de la Yougoslavie (vainqueurs faciles de l’Australie 90-71 avec un Petrovic tout en contrôle : 24 points à 6/8 à 3 points).
Arvydas et les siens abordaient cette rencontre avec un statut d’outsider. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, le parcours de Team USA ne souffrait d’aucun doute quant à la domination physique au regard de l’ensemble des équipes engagées. S’appuyant sur un effectif profond, d’athlètes, Thompson avait réussi à imposer son rythme, en ralentissant les possessions, densifiant la raquette et s’appuyant sur cet impact physique pour réduire la réussite et provoquer fautes, pertes de balles, etc…
Face à une équipe soviétique moins souveraine que lors des précédentes échéances internationales, qui sembla empruntée et parfois hors rythme lors des matchs de poule, à l’image de son leader, le duel s’annonçait légèrement en faveur des universitaires. Les cinqs de départ :
USA : Charles Edward Smith (Georgetown) – Mitch Richmond (Kansas State) – Dan Majerle (Central Michigan) – Danny Manning (Kansas) – David Robinson (Navy).
URSS : Tiit Sokk (Estonien-Kalev Tallinn) – Sarunas Marciulonis (Lituanien – BC Statyba) – Valeri Tikhonenko (Russe – SKA Alma Ata) – Alexandr Volkov (Russe – CSKA Moscou) – Arvydas Sabonis (Lituanien – Zalgiris Kaunas).
Gomelsky, décrié les années précédentes pour son manque d’adaptabilité dans les systèmes de jeu prit l’ensemble de ses détracteurs à contre-pied sur ce match ; il décida pour cette rencontre d’adopter un jeu rapide, en ralentissant les possessions et en forçant ses adversaires à venir défendre au large, en se montrant agressif et en prenant des tirs longue distance, par l’intermédiaire de ses extérieurs (Sokk, Marciulonis et Kurtinaitis en sortie de banc).
En limitant les déplacements de Sabonis au court trajet poste bas-poste haut et en l’utilisant essentiellement comme point d’ancrage et de renversement côté fort/côté faible, l’équipe américaine, si elle souhaitait aller presser le porteur de balle, devait donc régulièrement laisser libre un des artilleurs soviétiques.
En appliquant scrupuleusement, et simplement cette stratégie, l’URSS parvint à prendre le contrôle du match, et malgré les efforts et la débauche d’énergie des américains, mena pendant la quasi intégralité de la rencontre.
Pour une description plus en détail du déroulé de ce match, je vous renvoie vers l’excellent article des camarades de Clutch Time.
L’URSS s’imposa 82-76, dans une opposition finalement dominée de la tête et des épaules. Quelques statistiques illustrant aussi bien la réussite du plan de Gomelsky que l’échec collectif américain :
- seulement 4 passes décisives pour Team USA (à pondérer du fait de “l’appréciation” de ce qu’était une passe décisive jusqu’alors, qui devait donner lieu à un panier sans nécessité par le scoreur de faire une différence),
- 32 fautes, et deux exclusions (Bimbo Coles et Willie Anderson, deux joueurs extérieurs),
- 7 tirs à 3 points tentés par Team USA, contre 17 pour l’URSS (volume conséquent dans une période où le tir à mi-distance faisait loi).
Côté performances individuelles, on peut noter les 19 points, 12 rebonds dont 6 offensifs, 2 interceptions et 2 contres du futur MVP 1995 David Robinson, à qui s’opposera Arvydas Sabonis et ses 13 points, 13 rebonds, 2 passes décisives, 1 interception, 1 contre.
Ses compatriotes lituaniens Rimas Kurtinaitis (28 points, 5 rebonds) et Sarunas Marciulonis (19 points, 4 rebonds, 3 passes) étaient quand à eux les héros de cette demi-finale.
En finale, l’URSS était opposée à la Yougoslavie, une dernière fois unifiée pour des Jeux Olympiques.
Paradoxalement, en dépit des cinq défaites sur leur six dernières rencontres, l’équipe soviétique, certainement galvanisée (et encore plus vraisemblablement mise sur un piédestal par les médias du fait de leur probante victoire lors du match précédant) revêtait le costume de favori.
Malgré un départ poussif (24-12 en faveur des joueurs des Balkans à moins de la moitié de la première mi-temps), les soldats du sexagénaire Gomelsky ne semblèrent jamais douter et réussirent progressivement à prendre l’ascendant sur l’équipe de Petrovic. Celui-ci, qui allait après la compétition faire ses débuts pour le Real Madrid, répondit présent lors de cette finale (24 points à 8/17, 3 rebonds, 4 passes décisives, 2 interceptions, 1 seule perte de balle). Hélas pour Mozart et ses talentueux coéquipiers, Arvydas Sabonis avait décidé que ce jour-ci serait celui de la consécration pour l’URSS, l’aboutissement d’années de sacrifices, aux dépens (mais il ne le savait pas encore) de son physique et donc de sa carrière.
En 37 minutes de jeu, il compilait 20 points (à 8/14, 4/4 aux lancers), 15 rebonds dont 4 offensifs et 3 contres. Une performance dantesque, qui additionnée aux 21 points,3 rebonds et 6 passes de son compère Marciulonis n’avait laissé aucune possibilité à la Yougoslavie de pouvoir rivaliser.
Score final : 76 – 63. L’équipe d’URSS décrochait la médaille d’Or de ces Jeux Olympiques.
Sabas eu l’occasion de disputer une dernière compétition sous le maillot rouge de l’Union (qui quant à elle joua également le Championnat du Monde 1990, décrochant la médaille d’Argent après une défaite 92-75 contre la Yougoslavie).
En 1989, la Yougoslavie accueillait l’Eurobasket. Cette compétition, remportée par les locaux, allait marquer le début d’une domination sans partage de cette équipe, jusqu’au déclenchement de la guerre (médailles d’Or aux Eurobasket 1989 et 1991, ainsi qu’aux Championnats du Monde 1990).
L’URSS, orpheline de leur Maréchal, Gomelsky, était pour la première fois dirigée par l’ancien coach du Zalgiris Kaunas, Vladas Garastas, dont nous parlerons plus tard.
Parfois poussive, quelque peu suffisante, à l’image de son géant pivot, qui ne dépassa qu’une fois la barre des 20 points, l’équipe Unioniste accéda sans difficulté à la demi-finale. A ce stade de la compétition, ils rencontraient la Grèce de Nikos Galis.
Dans un Dom Sportova de Zagreb et ses 10.000 spectateurs, Nikos Galis plantait 45 points sur les 81 de son équipe pour terrasser le champion olympique en titre d’un petit point 81-80 (et ce après trois premiers matchs à 30, 30 et 43 points).
En finale, la Yougoslavie battra la Grèce 98-77, avec en trame de fond un duel Petrovic (28 points) – Galis (30 points).
Il s’agissait de la dernière compétition de Sabonis avec l’URSS.
L’équipe soviétique, serait représentée une ultime fois sur la scène internationale lors des Mondiaux de 1990 en Argentine, décrochant l’Argent derrière la Yougoslavie et devant les Etats-Unis.
Entre temps :
- le 9 Novembre 1989, chutait le Mur de Berlin,
- le 11 Mars 1990, la Lituanie proclamait son indépendance,
- le 31 Mars 1991 débutait les “guerres de Yougoslavie”.
1989-1992 : A la croisée des chemins
Indéniablement, ces événements majeurs de la scène géopolitique mondiale ne pouvaient qu’avoir un impact sur la dynamique des compétitions internationales. Elles furent accompagnées d’une décision politico-sportive, au printemps 1989, qui changea à jamais le visage que le basketball, dans son ensemble allait adopter et son aura dans le monde entier.
Remontons vingt ans avant ces Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone, direction Munich, 1972. Des Olympiades tragiquement célèbres, du fait de l’attentat terroriste perpétré par le groupuscule Septembre Noir contre des athlètes israëliens.
Au cours de cette compétition, l’équipe des Etats-Unis allait subir sa première défaite aux Jeux, contre l’équipe d’URSS, lors d’un match aux dernières minutes rocambolesques et qui laisseront un goût amer aux membres de la délégation américaine (qui refuseront leur médaille).
Je vous renvoie d’ailleurs à cet excellent épisode du podcast “Les Grands Récits” d’Eurosport.
Si je fais référence à cet événement, c’est qu’un des joueurs américains, Tom McMillen, plus tard élu au Congrès américain, joua un rôle prépondérant dans les actions qui mèneront à l’intégration des basketteurs de NBA aux Jeux Olympiques de Barcelone.
D’un vécu de préjudice irréparable à une décision inénarrable.
De leur côté, après avoir refusé la convocation pour le Mondial 1990 avec l’URSS, les joueurs lituaniens (Sabonis, Marciulions, Chomicius et Kurtinaitis) participèrent activement aux démarches tout d’abord de renaissance des instances basketballistiques en Lituanie, puis de la réintégration de leur nation au sein de la FIBA, fin 1991.
Mais rien n’était encore fait pour l’équipe balte, et aux critères sportifs de qualification s’étaient ajoutées des questions purement logistiques (pas d’équipementier, pas de fonds).
Grâce à la notoriété de leur arrière NBAer, Sarunas Marciulionis, et la démarche prosélyte du journaliste George Shirk pour le San Francisco Chronicle, le rockband Grateful Dead décida de soutenir cette jeune nation, leur fournissant l’équipement, moyennant un peu de publicité.
Ainsi naissait Skully, imaginé par l’artiste Greg Speirs, qui devait représenter la renaissance d’une nation. A noter, que ce personnage fut intronisé au FIBA Hall of Fame.
Quant au staff, une fois de plus, Marciulonis jouerait de son influence et son charisme dans la ligue nord-américaine afin de mobiliser Donnie Nelson (le fils de l’ancien coach des Mavericks et Warriors) en tant que manager.
Pour entraîner cette équipe, c’est l’ancien assistant de Gomelsky, et coach en chef de l’URSS en 1989, Vladas Garastas, qui prendrait la tête de l’équipe (qu’il quittera en 1997, à 65 ans).
De l’éclatement géopolitique de l’Europe naquirent une myriade de nations, toutes animées par cette furieuse volonté d’exister aux yeux du monde. Aussi, afin de pouvoir départager ces nouvelles équipes, fut organisé en Espagne, entre le 22 Juin et le 5 Juillet 1992 (dans les villes de Bilbao, Grenade, Badajoz, Murcie et Saragosse) un tournoi pré-Olympique.
25 équipes engagées, dont sept “nouvelles” nations (Lettonie, Slovénie, Croatie, Lituanie, Estonie, Albanie et la C.E.I, qui deviendrait la Russie par la suite). Les coéquipiers de Sabas roulèrent sur la concurrence avec 12 victoires en autant de rencontres, dont une victoire “d’orgueil” contre la Communauté des Etats Indépendants d’ex-URSS (116-79).
Les Jeux Olympiques de Barcelone 1992 pouvaient ouvrir.
1992 : La Renaissance
Il est évident que l’attraction principale de ce tournoi olympique, aux yeux du monde, était la présence de la meilleure équipe de basket, voire de sport collectif jamais construite, la Dream Team.
De fait, le déséquilibre flagrant entre les deux poules était passé au second plan.
Dans un Groupe A constitué de :
- la Dream Team,
- la Croatie de Petrovic, Kukoc, Radja, Vrankovic,
- le Brésil de l’immortel Oscar Schmidt (encore 24.8 points par match sur les Jeux)
- l’Allemagne de Detlef Schrempf et Uwe Blab,
- l’Espagne de Villacampa, San Epifanio, Herreros et Orenga,
- l’Angola, au sujet duquel Charles Barkley ne savait “pas grand chose”.
Les ibères et les champions d’Afrique restaient sur le carreau.
Bien que Sabonis soit toujours un des joueurs les plus dominants en Europe, avec son club de Valladolid (qu’il quitterait pour Madrid la saison suivante), et seulement âgé de 27 ans, les souvenirs laissés par le géant de Kaunas de ses dernières compétitions internationales, disputées pour l’URSS, étaient loin de son niveau intrinsèque.
Et lors de cette compétition, le talent d’Arvydas éclata à la face du monde. De joueur majeur aux capacités uniques mais connu d’un public averti, il eu l’occasion de s’offrir, le temps d’une quinzaine olympique une tribune qui allait changer le cours de sa carrière et le destin sportif d’un pays.
Lors de leur premier match, contre la Chine, les lituaniens firent une démonstration de maestria et de puissance (112-75). Aux 31 points à 5/6 longue distance de Kurtinaitis, s’ajoutaient les 19 points, 14 rebonds, 2 passes, 4 interceptions et 5 contres de son pivot.
Contre un Venezuela accrocheur (87-79), rebelote ! Sabonis jouait l’intégralité de la rencontre, cumulant 24 points, 11 rebonds, 3 interceptions et 2 contres. Porto Rico ne fit pas le poids non plus en s’inclinant de 13 points (104-91), et si Sabas ne joua pas l’ensemble du match, à cause d’une cinquième faute à 3 minutes de la fin, cela ne l’empêcha pas de noircir la feuille de match (31 points, 13 rebonds, 2 passes, 5 interceptions, 4 contres).
Le quatrième match des lituaniens se déroula contre l’équipe de la C.E.I. Dans une rencontre tendue, seuls Marciulonis (21 points, 7 rebonds, 8 passes) et Sabonis (40 minutes une fois de plus pour 21 points, 16 rebonds, 2 passes, 3 interceptions, 2 contres) furent capables de hausser leur niveau de jeu contre leurs anciens partenaires.
La C.E.I. s’imposait, sous la houlette de Tikhonenko (31 points, 7 rebonds) et le Hawk, Volkov (19 points, 9 rebonds, 4 passes, 4 interceptions). Cette défaite avait pour signification la seconde place du groupe et un duel en perspective contre l’offensif Brésil de Schmidt.
En conclusion de la phase de groupe, la Lituanie battait l’Australie de Gaze, Heal, Longley et Bradtke, bien emmenée par son quatuor, Chomicius (17 points), Kurtinaitis (21 points), Marciulonis (17 points, 5 rebonds, 8 passes) et donc Sabonis (26 points et 9 rebonds).
Une fois n’est pas coutume, les auriverde ne furent pas portés par Schmidt lors de ce quart de finale (victoire balte 114-96). Avec un leader maladroit (5/20 au tir), et en dépit d’un avantage à la mi-temps (52-48), le Brésil ne réussit à résister à la force de frappe lituanienne, portée par un Sabonis qui effectuait là son meilleur match (40 minutes, 32 points à 12/17, 13 rebonds, 3 passes) fluidifiant le jeu, facilitant l’articulation offensive et autorisant de fait Kurtinaitis, Marciulonis et le jeune Karnisovas à scorer 64 points à eux trois.
Exténués par l’enchaînement des matchs (18 matchs en 6 semaines, après une saison complète), sans réponse face au talent, à l’impact physique et l’omnipotence de Team USA, Sabonis (11 points, 8 rebonds, 2 passes, 4 contres) et ses coéquipiers ne purent exister lors de leur demi-finale (défaite 127-76).
Aucune honte à avoir, l’objectif était ailleurs. Le staff décidait d’ailleurs en fin de match d’ouvrir la rotation enfin de permettre à ses cadres de se restaurer avant le match pour le Bronze.
Le 8 Août 1992, et pour la troisième fois en quelques semaines, allaient s’affronter d’anciens coéquipiers, jadis médaillés sous les couleurs de l’URSS, ce jour à la lutte pour décrocher une médaille de Bronze à forte valeur symbolique.
Dans le vestiaire, le coach lituanien Garastas eut ces mots :
“Messieurs, vous jouez pour le peuple de Lituanie. Vous pouvez oublier toute ambition personnelle. Les gens vous regardent, vous suivent, à n’en pas dormir”.
Le match fut très disputé, les deux formations restant au contact tout du long de la rencontre. Au binôme russe Tikhonenko (24 points) – Volkov (18 points, 8 rebonds) répondaient les deux leaders de la sélection lituanienne, Sarunas Marciulonis (29 points, 8 rebonds, 3 passes, 2 interceptions) et Arvydas Sabonis avec une masterclass (27 points, 16 rebonds, 2 passes, 2 interceptions, 2 contres).
Victoire 82-78, la Lituanie parvenait à se défaire du fantôme de l’URSS pour voir son drapeau se lever et re-donner naissance au basket national. Les réactions a posteriori des acteurs du match ne laissaient aucune place au doute quant à l’importance que revêtait cet affrontement à leur yeux :
- Sarunas Marciulonis : “Nous n’avions pas d’autre choix. Il fallait gagner à coûte que coûte”,
- Donnie Nelson : “Dans le vestiaire, c’était incroyable, comme s’ils avaient gagné un titre NBA à cinq reprises”,
- Arvydas Sabonis : “La médaille à Séoul était en Or, mais ce Bronze est dans notre âme”.
Si l’on s’attarde autant sur ces Jeux Olympiques de Barcelone, c’est pour la valeur historique que cet événement a eu pour le basket mondial. En 2020, la Lituanie est connue pour être une des places fortes du basket européen. La Croatie, la Serbie, la Slovénie, la Lettonie, ont tous remporté des compétitions et/ou fournissent à la NBA des joueurs majeurs.
L’explosion médiatique consécutive à ces jeux a également permis de démocratiser ce sport et de concrétiser le rêve de David Stern et Boris Stankovic d’un sport “globalisé”.
Si pour le basket mondial, il y eut un avant et un après Barcelone, il est possible d’en dire de même pour Arvydas Sabonis. Son absence du podium de remise des médailles est significative. Il fut retrouvé le lendemain, passablement usé par une nuit arrosée avec les autres athlètes (dont les féminines russes). Arvydas était en mission, il avait tout donné, dont son corps, pour son pays, le reste importait peu. En 2012, Marius Markevicius réalisait The Other Dream Team, documentaire consacré à l’épopée lituanienne.
https://www.youtube.com/watch?v=ZYgeqoJ4B4Q&ab_channel=VintageNBAGames
Après 1995, plus rien à prouver, il reste la NBA :
Il s’agit des mots de Sabonis au mois de Mai de cette année. MVP de la saison régulière avec le Real Madrid en Liga, vainqueur et MVP de l’Euroleague, Sabonis, homme de défis s’apprêtait à disputer le Championnat d’Europe de Basket, en Grèce.
La Lituanie avait été absente de l’Eurobasket 1993, puis des Championnats du Monde 1994. Il s’agissait donc de l’occasion pour Sabas d’asseoir encore davantage sa domination, étoffer son palmarès avant de traverser l’Atlantique et rejoindre l’Oregon, pour ce qui pouvait être sa dernière échéance internationale.
En qualifications, le 17 Novembre 1993, Sabonis avait signé dans une victoire contre la Lettonie un triple-double titanesque : 33 minutes, 21 points, 22 rebonds, 11 passes, 4 interceptions.
En Grèce, 14 équipes étaient en compétition pour monter sur le toit de l’Europe. Dans la poule A, la Yougoslavie (invitée de dernière minute sous cette appellation, il s’agissait de ce que l’on nommera ensuite la Serbie) faisait un sans faute, disposant de la Lituanie (seconde) sur le score de 70-61. Grèce et Italie venaient compléter le quatuor de qualifiés.
Dans l’autre poule, la Croatie, orpheline depuis 2 ans de Drazen Petrovic, dominait les débats et avançait au tour suivant en compagnie de l’Espagne, la Russie (vice-championne du Monde) et une jeune équipe de France.
En quart de finale, la Lituanie éliminait une nouvelle fois la Russie pour ensuite défaire la Croatie et rejoindre la finale. Sur l’autre tableau, la Yougoslavie de Bodiroga, Divac, Danilovic, Djordjevic, Obradovic, Paspalj et consorts battait tout d’abord facilement la France, puis la Grèce dans un match au couteau.
Le 2 Juillet 1995, la mythique arène de l’O.A.C.A, bondée (20.000 spectateurs, chauffés à blanc) allait être le théâtre d’une finale dont le niveau de jeu n’eut d’égal que l’intensité du scandale sportif qui en résultât.
Chaque coup de sifflet de M. George Toliver en faveur de la Yougoslavie fut accueilli par des cris, des insultes, en opposition à l’équipe qui avait éliminé lors du match précédent l’équipe hellène.
Toujours est-il que la pression subie par l’officiel du match eut pour effet de lui faire perdre ses moyens, et en conséquence, la maîtrise de la fin du match, que je vous invite à voir, pour le duel épique entre Djordjevic et Marciulonis.
La Yougoslavie sera championne d’Europe, aux détriment d’une équipe de Lituanie combative, mais battue (96-90).
A titre indicatif, et pour illustrer le niveau de jeu de Sabonis sur cette saison 94-95 :
- 18 points, 23 rebonds contre la Grèce,
- 18 points, 14 rebonds contre la Yougoslavie,
- 19 points, 19 rebonds contre l’Italie,
- 20 points, 12 rebonds en 17 minutes contre la Suède,
- 33 points, 14 rebonds contre la Russie,
- 26 points, 17 rebonds contre la Croatie,
- 20 points, 8 rebonds contre la Yougoslavie, en Finale.
Soit sur la compétition, une moyenne ahurissante de 21.8 points et 14.5 rebonds.
1996-1999 : Un petit tour et puis s’en va
Les Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, puis l’Eurobasket en France furent les dernières compétitions internationales disputées par Sabonis. En 1996, sortant d’une saison rookie aboutie avec Portland, Sabas effectua les 3 491 kilomètres séparant l’Oregon de la Géorgie pour disputer les 26è Jeux Olympiques.
Le corps usé, il serrera les dents une fois de plus et réussira à emmener son équipe jusqu’à la médaille de Bronze, qu’il ira décrocher contre l’Australie, à la sueur de son immense front (30 points, 13 rebonds).
S’il fut moins dominant que lors des précédents tournois, sa contribution (16.9 points, 10.1 rebonds, 3.2 passes) aura été primordiale au sein d’une équipe extrêmement homogène, une fois de plus dirigée par Garastas (5 médailles en 5 tournois pour deux nations !).
Le 3 Juillet 1999, le Palais Omnisport de Paris-Bercy fut la scène du dernier match international d’Arvydas Sabonis. Bien que le colosse ait eu un impact plus mesuré au cours de la compétition (13.2 points, 8.5 rebonds), dans une équipe balte en transition (avec Sarunas Jasikevicius, Saulius Stombergas), l’Histoire retiendra qu’après avoir fait ses débuts 17 ans plus tôt en Colombie, avec l’URSS, Sabonis termina sa carrière sur une victoire 103-72 contre la Russie. Joli pied-de-nez au destin.
Arvydas Sabonis en sélection nationale, c’est :
- 17 ans de carrière (1982-1989 : URSS / 1992-1999 : Lituanie),
- 15 compétitions internationales,
- Avec l’URSS : Champion du Monde 1982, Médaille de Bronze au Championnat d’Europe 1983, Champion d’Europe 1985, Vice-Champion du Monde 1986, Champion Olympique 1988, Médaille de Bronze au Championnat d’Europe 1989,
- Avec la Lituanie : Médaille de Bronze aux Jeux Olympiques 1992 et 1996, Vice Champion d’Europe 1995.
En 2011, le 24 Octobre, Arvydas Sabonis était élu Président de la Fédération de Basketball de Lituanie, clin d’œil, il remplaçait son ancien sélectionneur Vladas Garastas.
Pour terminer, nous tenions à citer Dino Radja, l’un des plus grands intérieurs de l’Histoire du basket Européen, membre de l’équipe de Yougoslavie multi-titrée, puis de l’équipe nationale de Croatie :
“Ce gars, sans les blessures, aurait été meilleur que David Robinson. Croyez-moi, il était de ce niveau-là. En 1985, c’était un monstre. Il traversait le terrain comme Ralph Sampson, pouvait tirer à trois points, dunker. Il aurait pu être All-Star dix ans de suite. C’est la vérité, je vous le dis.”
Légende.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne),