Eté 2019. Vous lisez tranquillement Picsou magazine au bord de la piscine de votre Airbnb dans le Larzac, lorsqu’un type un peu fou, vêtu d’une toge, passe le portail en frappant une casserole avec un bâton. Au milieu de ses élucubrations en latin, vous discernez quelques phrases ça et là, concernant principalement l’imminence du châtiment divin et une succession de catastrophes à laquelle l’humanité n’est pas préparée. Intrigué(e), vous l’écoutez avec amusement pendant quelques instants avant de le congédier et de retourner à vos activités, en vous disant qu’il faut être sacrément ravagé du bocal pour aller imaginer toutes ces sornettes.
Un an plus tard, le buzzer du Game 7 entre les Celtics et les Raptors retentit, et vous cochez, incrédule, la dernière case de la liste des prédictions faites par votre Nostradamus estival. Compétition suspendue plusieurs mois, boycott de rencontre, disparition d’une légende, tout y est passé. Cette saison 2019-2020 aura une place à part dans la grande Histoire de la ligue, il est donc logique que ce soit elle qui nous délivre la première finale de conférence Est à ne voir figurer aucun des deux meilleurs bilans en saison régulière. Un constat surprenant sur le papier, mais qui ne souffre d’aucune contestation sur le parquet. Miami et Boston ont largement prouvé leur valeur au tour précédent.
Le bilan du 2e tour
Le Heat possédait les atouts pour embêter royalement les Bucks, c’était indéniable. Une série tendue nous était promise, entre un rouleau compresseur programmé pour gagner et une armada de “casse-pieds” qui se ferait une joie de forcer l’adversaire à jouer son meilleur basket pour s’en sortir. Certains voyaient même le Heat capable de se qualifier aux dépens des Bucks, mais au prix d’un combat terrible. Il n’en fut rien.
De tous les scénarios envisagés, c’est le moins attendu qui se déroula : un quasi-gentleman sweep glacial, avec des Bucks complètement dominés tactiquement, dont les faiblesses ont été exploitées sans relâche par un Heat flairant l’odeur du sang. Mise à part une frayeur en fin de Game 2, les floridiens n’ont jamais été inquiétés par le prétendu Ogre du Wisconsin. Fidèles à eux-mêmes offensivement, Jimmy Butler (23.4pts, 5.8rbds, 4.4ast) et les siens ont surtout frappé les esprits grâce au plan de jeu mis en place pour stopper Giannis Antetokounmpo, un modèle du genre. C’est simple, pendant 3 matchs, le Greek Freak est apparu plus impuissant que jamais, avant de devoir rendre les armes sur blessure. En mettant l’accent sur une protection maximale de la raquette et en obligeant Giannis à sanctionner sur du tir, Spoelstra a complètement déréglé le jeu de Milwaukee, qui n’était déjà pas bien rassurant depuis la reprise de la NBA. Khris Middleton aura beau sauver l’honneur par la suite, la supériorité de Miami sur l’ensemble de la série ne fait aucun doute. Le momentum dont bénéficient les Floridiens suite à ce tour de force est, à juste titre, immense.
Heureusement pour les amateurs de combats acharnés, la série entre Boston et Toronto a tenu toutes ses promesses. Alors qu’ils étaient en passe de faire un break décisif et de mener 3-0, les Celtics se sont complètement troués défensivement sur l’ultime possession du match 3, permettant à OG Anunoby d’inscrire le tir de sa vie et de relancer complètement le champion sortant. Dès lors, les deux formations ne se sont plus lâchées, Toronto répondant au blow out du match 5 par une victoire en double prolongation, au cours de l’un des plus beaux matchs de ces playoffs. Le match 7, que tout le monde attendait, nous offrit une parfaite synthèse de cette série avec une intensité défensive ahurissante, des attaques qui peinent à inscrire le moindre panier et des ajustements incessants de la part de deux des plus fins tacticiens du championnat. Un récital pour connaisseurs, dont Boston sort vainqueur de manière méritée. Impériaux face au jeu de transition des Raptors, les Celtics ont pu bénéficier de quelques sursauts offensifs de leurs cadres (Jaylen Brown, Marcus Smart et Jayson Tatum), pour se présenter une troisième fois en quatre ans en finale de conférence. On espère pour eux qu’ils n’ont pas trop décompressé après la qualification, car ils risquent de devoir réactiver le mode “bataille de Verdun” très rapidement.
Les match-ups clés
Avec l’utilisation massive du switch qui s’annonce, il est difficile de trouver de véritables match-ups directs sur les extérieurs. Les trios Smart/Brown/Tatum et Butler/Crowder/Iguodala sont promis à une grosse bagarre, à laquelle viendront se greffer Bam Adebayo et Gordon Hayward, si les dernières informations concernant son retour durant la série sont à prendre au sérieux. Butler et Tatum essaieront vraisemblablement de ne pas se coller en permanence pour conserver de l’énergie en attaque, mais il est tout à fait envisageable de voir le floridien s’occuper personnellement du cas Tatum si ce dernier repart sur des bases offensives élevées. C’est le genre de la maison.
L’une des clés de ce match des extérieurs consistera également à créer et exploiter des mismatches. La tendance durant ces playoffs est à la recherche du point faible défensif adverse (cette vidéo l’explique très bien) et il y a fort à parier que les deux coachs joueront des changements sur les écrans pour cibler des défenseurs moins réputés. On pense évidemment à Kemba Walker ou Duncan Robinson. Cependant, cet aspect du jeu ne sera qu’une infime partie du duel qui s’annonce entre les deux coachs.
Brad Stevens vs Erik Spoelstra
Comment passer à côté ? Une nouvelle fois, nous sommes plus que gâtés sur les bancs avec l’affrontement de deux des meilleurs entraîneurs en activité. Réputés pour leurs ajustements et leur capacité à adapter leur plan de jeu aux forces et faiblesses de l’adversaire, Stevens et Spoelstra s’apprêtent à jouer une sacrée partie d’échecs.
Alors qu’il vient de renvoyer Mike Budenholzer à ses chères études, le double champion va devoir se creuser davantage les méninges pour ralentir une attaque plus variée et moins prévisible que celle des Bucks. On ne survit pas aux innombrables pièges tendus par Nick Nurse par hasard. En bon meneur d’hommes, Spo’ a parfaitement intégré Jae Crowder et Andre Iguodala dans son système pour renforcer considérablement sa défense, tout en continuant de proposer une animation offensive des plus efficaces avec Bam Adebayo en plaque tournante. Le disciple de Pat Riley possède l’expérience des grands rendez-vous, un atout important dans une série qui s’annonce très serrée.
De son côté, Stevens a l’occasion de passer enfin le cap des finales de conférence, ce qui viendrait récompenser un retour en force des plus magistraux. Même si sa capacité à taper du poing sur la table quand nécessaire pose parfois question, la manière dont l’équipe est repartie de l’avant ne laisse aucun doute sur la solidarité du vestiaire envers son coach. Patron d’une défense d’élite, c’est principalement en attaque que Stevens sera attendu. Boston connaît parfois des trous d’air offensifs, avec une animation offensive minimaliste débouchant sur du un contre un improductif. L’impact de ces difficultés a été régulièrement atténué par la défense, mais face à un adversaire possédant une puissance de feu supérieure à celle des Raptors, l’écart pourrait se creuser bien plus rapidement. Plutôt efficaces en transition sur ces playoffs (1.11 point par possession), les Celtics auraient peut-être intérêt à pousser un peu plus le ballon dans ces cas-là afin de faire sauter la chape de plomb.
La bataille des nerfs
Sauf – désagréable – surprise, on devrait avoir droit à notre lot de fins de rencontres à couteaux tirés. A ce petit jeu, la capacité de chaque équipe à garder son calme sera primordiale.
On l’a dit, les Celtics ne dégagent pas toujours une grande sérénité lorsque la tension se fait maximale, ce qui se traduit surtout en attaque. Sans un contre décisif de Marcus Smart sur Norman Powell, Boston était parti pour encaisser un terrible 9-0 alors que le match 7 semblait bien en main, et n’a inscrit qu’un seul petit point dans les 3 dernières minutes. Les joueurs de Stevens s’en sont sortis, certes, mais ils ont encore bien failli s’écrouler sur la fin, comme aux matchs 3 et 4.
Malgré sa victoire confortable, Miami a également connu son lot d’accidents face aux Bucks, en dilapidant une avance de 6 points en 43 secondes dans le match 2 ou en proposant une bouillie de basket sur la fin du match 4. Avec Jimmy Butler et Tyler Herro, le Heat possède deux joueurs quasiment imperméables à la pression mais ça ne l’empêche pas de connaître certaines difficultés. Voir Miami perdre un match après avoir compté 10 points d’avance n’était pas si rare cette saison, un phénomène dangereux quand on connaît la faculté des Celtics à appuyer sur l’accélérateur à tout moment.
Saupoudrez tout cela d’une bonne dose d’engagement et de dureté de la part des deux équipes – vous avez vu les bestiaux ? – et vous avez là un millier de raisons de se ronger les ongles pour les fans des deux équipes, ou magnifique cocktail à savourer dans le money time pour ceux n’ayant pas de préférence dans cette histoire.
A quoi s’attendre ?
A une guerre de tranchées, pardi.
Concrètement, Miami a joué dans un fauteuil en demi-finale de conférence, avec une défense de Milwaukee très permissive sur ses principaux points forts. Vous êtes la deuxième meilleure équipe de la ligue à 3 points ? Pas de souci, on continue de protéger la raquette. Bam Adebayo est votre plaque tournante ? Ok, on garde notre défense en drop coverage pour bieeeen lui laisser l’espace de visualiser les courses de ses coéquipiers. Si Miami a réussi à s’imposer, c’est aussi parce que la défense de Bud convenait parfaitement à l’attaque de Spoelstra. C’est beaucoup moins le cas de celle de Brad Stevens.
En effet, les Celtics excellent sur plusieurs axes forts de l’attaque de Miami, à commencer par le tir longue distance. Même si Boston cherche en premier lieu à empêcher les tirs tout près du cercle (25.9 tirs par match dans la restricted area, 3e plus petit total de la ligue), cela ne se fait pas au détriment d’une grosse présence sur le périmètre. Les adversaires de Boston ne shootent ainsi qu’à 34% derrière l’arc, soit la deuxième plus petite moyenne de la ligue. On l’a évoqué à maintes reprises, Smart et consorts sont de véritables experts dans l’aide puis la récupération de leurs vis-à-vis, ce qui permet de limiter à la fois les pénétrations et de contester sérieusement les tirs extérieurs.
Cette agressivité sera cruciale pour contrer l’un des atouts offensifs les plus importants du Heat, le handoff entre Bam Adebayo et ses shooteurs, en particulier Duncan Robinson. Redoutables sur ces séquences, les floridiens vont se frotter à ce qui se fait de mieux en la matière (0.83 point encaissé par possession) et devront vraisemblablement sortir des sentiers battus pour ne pas s’engouffrer là où ils sont le plus attendus. Parmi les équipes les plus agréables à voir jouer cette année, Miami pourra s’appuyer sur le mouvement incessant de ses joueurs loin du ballon pour essayer de semer la zizanie dans les changements off ball opérés habituellement par les Celtics, et exploiter les déséquilibres qui pourraient en découler. La lecture du jeu d’Adebayo en tête de raquette sera alors primordiale pour continuer à permettre au Heat de scorer à foison sur des coupes et autres backdoors.
L’autre facteur qui pourrait aider le Heat à faire sauter le verrou réside dans la profondeur du banc. Les rotations ont beau se resserrer lorsque l’on s’approche des Finals, Brad Stevens a dû imposer des temps de jeu D’Antoni-esques à ses titulaires pour se défaire de Toronto. La faiblesse offensive des role players de Boston n’est pas un sujet nouveau et Miami pourrait en profiter. Avec Tyler Herro, Kendrick Nunn et Kelly Olynyk, Spoelstra a de quoi proposer une menace constante et épuiser la défense gourmande en énergie de Celtics limités dans leur capacité à faire souffler les titulaires.
De l’énergie, il en faudra également aux verts de l’autre côté du terrain. Avec sa défense très flexible, le Heat peut se mettre en travers de bien des schémas offensifs. Même si la zone est moins utilisée depuis que Miami peut switcher absolument tout, le succès des Raptors face à Boston dans cet exercice n’aura certainement pas échappé à Spoelstra. Parmi les éléments majeurs à surveiller, on trouve bien sûr la défense sur les pick and rolls, Boston étant très efficace sur les tirs en pull-up. Avec Adebayo et Olynyk, Miami possède des intérieurs mobiles qui peuvent contenir une pénétration de manière honnête sans avoir besoin de descendre trop bas pour anticiper, ce qui ne sera pas de refus pour éviter de s’exposer à une myriade de tirs en sortie d’écran. Comptons sur le staff du Heat pour nous proposer diverses variations sur ces séquences, avec un peu de switch, un peu de drop, et des prises à deux sur le porteur de temps à autre.
Dans tous les cas, si les Celtics veulent s’en sortir, il va falloir penser à mettre dedans. Corrects dans l’exercice du tir à 3 points (36.4%), leur pourcentage est tombé à 34% en playoffs, ce qui les place dans le fond de la classe. Miami faisait partie des équipes autorisant le plus de tirs extérieurs durant la saison régulière, il serait donc bon de capitaliser sur ces opportunités… tout en sachant proposer de la variation si les tirs ne rentrent pas. Complètement à la rue pour l’instant sur les séquences en isolation (0.63 point par possession en playoffs !), les Celtics ont besoin de retrouver leur assise offensive après un rude combat face à la défense redoutable de Toronto.
Dans cette optique, le retour de Gordon Hayward au cours de la série apporterait du soutien dans la création balle en main et permettrait de créer du déséquilibre sur l’extérieur. Si Butler et Crowder gèrent Tatum et Brown, qui s’occupe d’Hayward ? On ne sait pas si l’ailier va effectivement revenir, ni dans quel rythme, mais on est obligé de l’évoquer tant son retour pèserait dans l’équilibre de la série, ne serait-ce que pour la profondeur d’effectif des Celtics. Il est d’ailleurs possible que Stevens fasse sortir Hayward du banc, étant donné le déficit cruel de celui-ci en matière de scoring et la très bonne tenue du cinq majeur depuis que Marcus Smart l’a intégré. Cependant, tout ceci relève pour le moment de la supposition.
Calendrier
Game 1 : 16 septembre à 0h30
Game 2 : 18 septembre, horaire à déterminer
Game 3 : 20 septembre à 2h30
Game 4 : 22 septembre, horaire à déterminer
Game 5 : 24 septembre, si nécessaire
Game 6 : 26 septembre, si nécessaire
Game 7 : 27 septembre, si nécessaire
Pronostic
Boston Celtics 4 – 3 Miami Heat
Pour ne rien vous cacher, la rédaction de QiBasket a rarement été aussi partagée, et c’est bien logique. Cette affiche s’annonce ultra-disputée et peut pencher d’un côté ou de l’autre pour des dizaines de raisons plus valables les unes que les autres. Nous espérons, humblement, que cet article vous aura aidés à les identifier.
Grâce à sa destruction de Milwaukee, Miami arrive avec le vent en poupe mais Boston vient de prouver que les ingrédients étaient là pour se sortir des griffes d’un adversaire des plus coriaces. Malgré leur jeunesse, les Celtics commencent déjà à posséder une belle petite expérience de la postseason alors que plusieurs joueurs clés de Miami – Tyler Herro, Duncan Robinson, Bam Adebayo – découvrent les joies d’une longue campagne de playoffs. En revanche, la fraîcheur sera clairement du côté du Heat, de quoi laisser présager un début de série en trombe. Mais puisqu’il faut se mouiller et que l’auteur s’autorise un péché de chauvinisme, optons pour Boston en 7.