L’affiche n’est pas surprenante. Les Lakers du duo James-Davis face aux Rockets de James Harden. S’il n’est pas étonnant de voir les deux équipes accéder à ce stade des playoffs, leurs trajectoires auront été on ne peut plus différentes.
Les Rockets viennent à peine d’achever une série haletante face à un Thunder qui n’a cessé de suspendre tout au long de la saison : leur qualification en playoff faisait presque augure de miracle (on le rappelle, 0.2% de chances d’accéder aux playoffs selon ESPN), leur lutte face aux Rockets aura continué dans cette lancée.
Les Lakers arrivent eux reposés après un premier tour paisible, et voudront faire respecter la logique le plus rapidement possible. Les plus optimistes y verront un simple tour de rodage avant le (probable) derby de LA en Finales de Conférences, les plus pessimistes y verront une série où les Lakers devront s’employer au maximum pour avoir une chance de s’imposer. La vérité, comme souvent, repose sûrement entre les deux.
Bilan du premier tour
Un premier tour en mode patron pour les Lakers
Si le Thunder a été surprenant, on ne peut pas en dire autant pour les Lakers. Les hommes de Frank Vogel ont rendu la copie attendue. Un début de série manqué avec une défaite au premier match face au pyromane Damian Lillard qui n’aura pas manqué de nourrir les doutes sur Twitter, puis une réaction en mode patron de l’ultra-favori de la série. A l’arrivée, une victoire logique en 5 matchs qui aura rassuré, mais n’aura pas fait taire tous les doutes.
Dans une attaque encore en rodage, le duo LeBron James-Anthony Davis aura profité des largesses d’une équipe de Portland tout simplement pas équipée pour défendre de tels monstres. Les deux leaders offensifs, défensifs, tactiques, techniques des Lakers auront assuré l’essentiel, n’hésitant pas à lever le pied lorsque la victoire se profilait. LeBron sort une copie extrêmement propre avec 27 points, 10 passes (mais 5 balles perdues), 10 rebonds, mais surtout une efficacité prometteuse : 60% aux tirs, 46% à trois points et un rassurant 73.7% aux lancers. Rien de surprenant jusque-là.
La blessure de Damian Lillard achèvera de vaillants Blazers, les Lakers filant vers un succès attendu. Même avant sa blessure, la défense des Lakers avait réussi à limiter l’arme offensive la plus inarrêtable de la bulle : moins de scoring, des pourcentages en baisse, moins de passes décisives et plus de balles perdues. Bref, la défense collective des Lakers a fonctionné face à un joueur extérieur dominant, de bon augure avant d’affronter James Harden.
Les Rockets ont entendu le tonnerre gronder
Les Rockets ont eu dû s’employer pour battre un excellent Thunder. Dans un duel 4-5 qui a tenu toutes ses promesses, les fusées miniatures s’en sortiront au dernier round, le nez ensanglanté, une arcade pétée, et le cardio plus bas que terre.
Mike D’Antoni aura fait confiance à ses principes en défense, mais n’aura pas hésité à innover offensivement. Peut-être en réaction à James Harden qui, dans la lignée des années précédentes, devient moins tranchant en playoffs, certains Rockets se sont vu confier davantage de responsabilités. Jeff Green par exemple (https://streamable.com/o/337py8#) jouera tout d’un coup des pick and roll en tant que porteur de balle, quelque chose qu’il n’a presque pas fait durant la saison régulière. De manière générale, davantage de pick and roll, moins d’isolation et un peu plus de mouvement.
C’est défensivement que les Rockets ont respecté leurs principes : une stratégie avec beaucoup de changements sur écran (parfois trop) où l’on n’hésite pas à laisser les joueurs les moins dangereux tirer : c’est ainsi que Lugentz Dort, chien de garde de James Harden durant toute la série, s’est tranformé en Ray Allen (version Sonics) au match 7. Et ça fait partie du plan de jeu du duo D’Antoni/Morey : se focaliser sur les joueurs dangereux, quitte à donner les miettes à des joueurs inefficaces. Dort prenait 2 tirs à trois-points par match en saison régulière, il en a pris 8 en moyenne par match dans la série. De même pour Darius Bazley et autres Hamidou Diallo et Terrence Ferguson.
Les Rockets ont donc joué le jeu de probabilité, et l’ont remporté de justesse. Le retour de blessure de Russell Westbrook aura sans surprise mis en péril l’équilibre offensif des Rockets. Un impact offensif abyssal (un offensive rating de 86 sur les trois matchs joués au premier tour) un apport défensif irrégulier (il aura bien terminé le game 7), Westbrook reste une énigme, que D’Antoni avait semble-t-il résolue au cours de la saison régulière. Il devra le faire à nouveau s’il espère l’emporter face aux Lakers, un adversaire d’un tout autre niveau.
Les match-up clés
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Après Damian Lillard, place à James Harden pour les arrières angelinos
Ce n’est pas une surprise, une des clefs de la série sera James Harden. Le Texan barbu pourrait poser énormément de problèmes aux Lakers s’il revient à sa forme de saison régulière. Dans sa forme actuelle plus modérée, les Lakers pourraient avoir les armes pour, non pas le stopper totalement, mais limiter son impact offensif. Pour les Lakers se pose la même problématique qu’au moment d’aborder la série face aux Blazers et Damian Lillard : en l’absence d’Avery Bradley, qui sera responsable de tenir James Harden ?
Une question d’autant plus importante lorsque l’on parle de James Harden, le joueur isolationniste par excellence, et contre qui l’action de son défenseur direct prime sur toute organisation collective. La lourde tâche de le limiter reviendra sûrement à une combinaison de Danny Green et Kentavious Caldwell-Pope. Deux défenseurs loin du niveau de Lugentz Dort, qui avait réussi un travail phénoménal au premier tour. Le salut des Lakers pourrait venir, sur de courtes séquences, de LeBron James, qui a encore prouvé cette année qu’il pouvait être un des tous meilleurs défenseurs de la ligue lorsqu’il était totalement impliqué.
Il n’y a pas de réponse toute faite au défi posé par James Harden, mais les Lakers pourraient limiter la casse en le forçant à prendre des tirs qu’il n’aime pas : le forcer à sa droite où sa capacité à trouver ses coéquipiers est drastiquement réduite et éventuellement lui donner des opportunités à mi-distance où il est moins efficace. Surtout, il sera primordial pour tous les défenseurs qui croiseront la route du barbu de ne pas l’envoyer sur la ligne des lancers-francs, peut-être son endroit préféré sur le parquet. Le Thunder avait au premier tour brillé par sa discipline en « limitant » Harden à 8.6 lancers-francs par match, contre 11.8 en saison régulière.
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Harden et Westbrook peuvent-ils cohabiter ?
C’est un questionnement éternel lorsque l’on regarde l’effectif des Rockets : le small-ball et le spacing à l’extrême y est prôné. Russell Westbrook affiche pourtant des faiblesses qui limitent énormément son intégration dans ce système bien particulier.
L’attaque des Rockets est moins efficace lorsque James Harden et Russell Westbrook partagent le terrain que lorsque Westbrook est absent : les Rockets marquent en moyenne 4 points de moins par 100 possessions avec Westbrook que sans lui ; une statistique difficile à digérer lorsqu’on se rappelle la complémentarité entre Chris Paul et James Harden.
Le casse-tête s’amplifie lorsqu’on imagine les Lakers profiter de la présence de Westbrook sur le terrain pour venir contester les pénétrations de Harden. Frank Vogel pourrait en profiter pour utiliser Anthony Davis en défenseur hors-ballon, pouvant ignorer Westbrook pour assurer ponctuellement les rotations et aides défensives. LeBron James pourrait également profiter d’être assigné à l’ancien MVP pour laisser s’exprimer son incroyable défense loin du ballon.
Westbrook avait très bien joué en saison régulière lorsqu’il était défendu par Anthony Davis, profitant de ses qualités athlétiques pour compenser les dizaines de centimètres qu’il rend à l’ancien Blue Devil. Seulement, depuis son retour de blessure, c’est bien cet avantage d’explosivité qu’il semble lui manquer.
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Les role players peuvent-ils remplir leur rôle ?
Pour Houston : une adresse à (re)trouver
Si les Rockets veulent jouer leur rôle de poil à gratter, cela passera par une augmentation de leur réussite à trois points. Presque paradoxalement, pour une équipe qui génère autant de tirs extérieurs, ils n’étaient que la 24ème équipe la plus adroite à trois points durant la saison régulière. Un résultat assez logique quand on considère leur effectif, rempli de joueurs moyens, au moins, à trois points : Harden, House, Rivers et Tucker oscillent autour de 36%, la moyenne de la ligue, tandis que Green, Covington et Gordon sont bien en dessus, malgré des volumes de tirs importants.
La clef pour la défense des Lakers pour éviter un réveil des tireurs texans sera de boucher les corner : les Rockets sont beaucoup plus efficaces lorsqu’il tire des coins, et les Lakers les laisseront volontiers tirer à trois points au-dessus de la ligne des lancers-francs. Il faudra pour cela ajuster leurs rotations défensives, de la même manière que Boston l’exécute contre les Raptors.
Pour les Lakers : une rigueur défensive à trouver et des tirs à rentrer
Avec Rajon Rondo toujours absent et Dion Waiters très peu utilisé, les Lakers manquent toujours terriblement de création si la balle n’est pas entre les mains de LeBron James, ou dans une moindre mesure dans celles d’Anthony Davis. Kyle Kuzma n’aura pas brillé face à Portland, JR Smith confirme que sa place dans une équipe qui prétend au titre est plutôt là pour booster les audiences et enflammer Twitter que pour jouer au basket.
Danny Green, Kyle Kuzma et KCP feraient bien de commencer à rentrer leurs tirs, qui pourraient leurs être très précieux plus tard dans les playoffs. De l’autre côté du terrain, les pivots des Lakers pourraient souffrir face au jeu espacé des Rockets : si Dwight Howard peut avoir la mobilité nécessaire, Javale McGee pourrait payer son manque d’impact défensif au large par un séjour prolongé sur le banc.
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Anthony Davis : un couteau suisse qui fera pencher la balance
Un intérieur capable de protéger le cercle sur le pénetration de James Harden et Russell Westbrook et assez mobile pour défendre au large sur les tireurs, les Lakers en ont un exemple : Anthony Davis. Lui qui a si longtemps rechigné à jouer poste 5 pourrait y être forcé face aux Rockets. Ce qui serait un atout en défense ne devrait pas tellement handicaper une attaque des Lakers qui aime jouer grand : Anthony Davis pourrait s’épanouir près du cercle, même face aux longs et rugueux défenseurs que sont Robert Covington et PJ Tucker.
Ce qui apparait comme une belle opportunité d’espacer l’attaque en profitant de l’avantage physique de Davis sans pour autant perdre en efficacité défensive pourrait être la clef pour faire rompre les Rockets, qui adorent profiter de la présence de postes 5 « traditionnels » pour générer des tirs ouverts. Frank Vogel et son staff seront peut-être amené à jouer sans McGee ou Howard, une situation qu’ils ont pour l’instant évité d’utiliser.
A quoi s’attendre ?
James Harden et Russell Westbrook pourraient prendre feu, mais sûrement jamais en même temps. Si les Lakers sont disciplinés sur leur repli défensif, ils pourraient absolument profiter de la présence de Westbrook pour limiter les pénétrations de Harden. Il faudra faire confiance à Mike D’Antoni pour soit adapter l’utilisation de son meneur, soit le clouer au banc au risque de provoquer un incident diplomatique. Eric Gordon, Danuel House Jr, Jeff Green et PJ Tucker devront se muer en tireur d’élites pour faciliter les pénétrations de leur duo d’arrière et espérer réellement contester l’hégémonie des Lakers.
Ces mêmes Lakers seront peut-être sujet à un démarrage délicat, dû à leur temps de repos plus conséquent et à un premier où ils n’ont pas eu à s’employer. Le début de série pourrait très bien tourner à l’avantage des Rockets si les Lakers ont les pneus froids en sortie de stand. Dans ce cas-là, la réaction des Lakers pourrait être dangereuse. LeBron James et Anthony Davis devraient pouvoir profiter des largesses défensives intérieures des Rockets. James pourrait, si la série s’avère aisée pour son équipe, prendre du recul au niveau du scoring et mettre ses coéquipiers en confiance : attention aux matchs à 15 points pour autant de passes décisives.
Anthony Davis pourrait également prendre feu, profitant du manque de protection de cercle côté Rockets et se gavant de rebonds offensifs. Même si son tir extérieur reste en perdition, il devrait poser un véritable casse-tête aux pauvres PJ Tucker, Jeff Green et Robert Convington qui vont s’en alterner la garde.
Calendrier
Game 1 : 05 septembre, 3h
Game 2 : 07 septembre, 3h
Game 3 : 09 septembre, 3h
Game 4 : 10 septembre, à définir
Game 5 : 12 septembre, à définir
Game 6 : 14 septembre, à définir
Game 7 : 16 septembre, à définir
Pronostic
Los Angeles Lakers 4 – 1 Houston Rockets
Les Lakers voudront monter en puissance avant d’affronter leur némésis en finales de conférence. Plus impliqués qu’au premier tour mais toujours en rôdage, il n’est pas impossible de voir les Lakers lâcher un, voire deux matchs à cette très bonne équipe des Rockets. Les Lakers ont les armes pour lutter avec n’importe quelle équipe NBA. On ne peut pas en dire de même pour les Rockets, qui auraient sûrement préféré affronter l’autre équipe de Los Angeles.
Les Lakers ne sont toutefois pas à l’abri d’une équipe de Houston qui prend feu à trois points, un incendie qu’il faudra vite éteindre pour s’éviter de mauvaises surprises et d’y laisser quelques plumes bien nécessaires pour le reste du parcours.
En conclusion, une série qui s’annonce passionnante même si potentiellement peu disputée. James Harden voudra se débarrasser de l’étiquette de choker qu’on lui a injustement mis sur le dos, LeBron James voudra enclencher la deuxième vitesse du mode playoffs… que le meilleur gagne.