Voici donc la première affiche annoncée, pour les demi-Finales de la Conférence Est :
Les Toronto Raptors, champions en titre, 2ème tête de série, affronteront leurs rivaux de la Division Antlantic, les Boston Celtics, 3èmes de Conférence.
Un duel alléchant, apparaissant comme un classique des Playoffs depuis le milieu de la décennie 2010.
Et pourtant, bien qu’il s’agisse des deux franchises effectivement les plus représentées en termes de matchs de post-season depuis 6 ans (66 pour les Canadiens, 60 pour les Stevens’ boys), le Game 1 dans la nuit de jeudi sera leur première confrontation en Playoffs !
Nonobstant (oui, c’était un défi sémantique) un statut à l’entame de la saison régulière diamétralement opposé, d’un côté Boston, qui empruntait un virage franc en confiant les clés du camion à sa jeune garde (exit Kyrie, Horford, Morris, Baynes, Rozier & welcome Kemba), et de l’autre le champion en titre au sujet desquels on peut à posteriori affirmer que la confiance et l’expérience n’avaient d’égal que le pessimisme du grand public d’amateurs de la balle orange, en lien avec le départ de Leonard et Danny Green vers la Californie.
Mais comment expliquer que l’on puisse d’ores et déjà s’enthousiasmer sur cette affiche, alors même que les séries à l’Ouest battent leur plein ?
Et bien, d’une part il s’agit de l’Est et un massacre était plus ou moins annoncé, mais il fût encore plus violent que prévu.
Revenons rapidement sur le parcours des deux protagonistes.
Le bilan du premier tour
“Expéditif”.
Si l’on s’en tient à l’aspect statistique brut, ces deux affrontements furent sans appel, un coup de balai pour les futurs adversaires.
Toronto affrontait Brooklyn, équipe décimée, et qui jouait donc sans pression, si ce n’est pour les joueurs restant de pouvoir performer suffisament pour s’assurer une place au sein d’un roster voué à jouer le titre en 2021 ou simplement s’assurer un spot dans un effectif pour le prochain exercice.
Et en dépit des scores, finalement largement à l’avantage des hommes de Nick Nurse, l’opposition fut sérieuse, intense et aura permis sans nul doute à l’ensemble du roster des Raptors de se mettre en jambes (à noter d’ailleurs les 100 points du banc lors du Game 4).
Résultats :
Game 1 : Toronto : 134 – Brooklyn : 110
Game 2 : Toronto : 104 – Brooklyn : 99
Game 3 : Toronto : 117 – Brooklyn : 92
Game 4 : Toronto 150 – Brooklyn : 122
Il s’agit d’ailleurs du premier sweep de l’Histoire (récente certes) des Toronto Raptors.
A noter donc, les deux matchs en dessous de la barre symbolique des 100 points encaissés, confirmant leur statut de meilleure défense des seeding games (4ème sur la saison régulière), tout en appuyant sur ses points forts (défense à 3 points, transition) mais aussi un offensive rating “élite” à 122.7 (!!!) et une réussite à 3pts à 43.3% sur la série, tout en insistant sur sa force principale, le jeu de transition.
D’un point de vue individuel, Nurse aura pu ouvrir sa rotation (10 joueurs à 10min ou plus, aucun à plus de 34 min) et responsabiliser les Matt Thomas et Terence Davis qui seront chargés d’emmener une forme d’alternance, mais nous y reviendrons.
***
De son côté, l’équipe du Massachusetts (défi orthographique cette fois) était opposée à ses rivaux historiques de Pennsylvannie, les Philadephia Sixers.
Alors que cette opposition, si les partenaires de Joel Embiid avaient été au complet, paraissait être la pire pour les Celtics, la défection de leur créateur principal Ben Simmons changeait totalement la donne.
En effet, comment résoudre l’équation consistant “simplement” à trouver suffisamment de soldats chez les Sixers pour défendre les shooteurs de Boston, tout en créant suffisamment de danger dans l’attaque de la peinture pour dégager les espaces nécessaires à leur omnipotent pivot, afin qu’il enfonce le clou, là où il était attendu, à savoir dans la faiblement dense raquette des Celtics ?
La réponse est dans la question.
Bien qu’Embiid ait eu la production escomptée, jamais Philly ne fut en mesure de contenir la furia offensive de l’équipe de Stevens, et ce malgré la blessure précoce de Gordon Hayward.
Résultats :
Game 1 : Boston : 109 – Philadelphie : 101
Game 2 : Boston : 128 – Philadelphie : 101
Game 3 : Boston : 102 – Philadelphie : 94
Game 4 : Boston : 110 – Philadelphie : 106
Quels enseignements tirer de cette série ?
Sur le plan offensif, Boston a insisté sur ses points forts, à savoir la conservation du ballon, le tir au périmètre, la tir après dribble, et une optimisation du jeu demi-terrain.
Par l’intermédiaire d’un Kemba Walker constant dans l’excellence, les Celtics ont ajouté à leur arsenal une utilisation du tir mi-distance pertinente et efficace, obligeant Embiid à consommer de l’énergie pour venir combler les zones négligées.
Défensivement, les Bostonians réussirent à mettre en place leur schémas habituels, avec une excellente défense sur le tir longue distance (certes face à une équipe pour laquelle ce pan du jeu était déjà problématique), esseulant Embiid poste bas, en envoyant à tour de rôle Theis, les Williams et Kanter (dont les efforts sont à souligner), puis limitant au maximum le jeu de transition adverse.
Les match-ups clés
De nombreux duels sautent aux yeux lorsque l’on observe les line-ups potentielles.
Néanmoins, si l’on se penche sur les oppositions au cours de la saison régulière et des seeding games, ces oppositions directes ne sont plus si évidentes.
Jetons donc un succinct coup d’oeil dans le retro.
Raptors et Celtics se sont affrontés à quatre occasions :
25 Octobre 2019 : Boston gagne à Toronto 112-106
25 Décembre 2019 : Boston gagne à Toronto 118-102
28 Décembre 2019 : Toronto gagne à Boston 113-97
7 Août 2020 (Orlando) : Boston bat Toronto 122-100
Il est délicat de dégager des invariants de ses oppositions, tant les blessures ont pu impacter les starting five des deux formations (pour les Celtics, leurs Top 6 joueurs n’ont pu être alignés que 19 fois sur 76 matchs ; pour les Raptors, leurs Top 7 joueurs ne l’ont été que 26 fois).
Ce qui transparait de manière assez flagrante est la capacité chez l’équipe gagnante d’imposer son identité, plutôt que de s’adapter en premier lieu aux lacunes de l’adversaire (implication globale au scoring et ralentissement de la pace avec allongement des possessions chez les Celtics, rudesse et agressivité sur les extérieurs avec focus sur l’adresse à 3 points pour les Raptors, afin de forcer les récupérations de balle et booster la transition).
Lors de ce second tour de Playoffs, le match-up principal sera donc vraisemblablement celui des coachs.
Nick Nurse / Brad Stevens : A qui gagne, gagne !
Nick Nurse… Entraineur sophomore en NBA, plébiscité lors des votes pour l’éléction du Coach of The Year 2020 (90 votes sur 100 l’ont placé premier) n’a eu de cesse que de surprendre et d’impressionner les observateurs au cours de la saison.
Il a su faire preuve d’une ingéniosité, d’un culot et d’une capacité à adapter ses schémas, des deux côtés du terrain, et a ainsi réussi l’exploit de maintenir son équipe tout en haut de la Conférence, alors même qu’il avait perdu son franchise player, MVP des Finales, ainsi qu’un role player de référence.
Sous sa direction, les Raptors, moins efficace en attaque (13ème offensive rating) ont en revanche encore renforcé leur défense (2ème au defensive rating), en développant une expertise sur jeu de transition :
- 27.8 points par match (à savoir 21.6% de leur production offensive globale, évidemment tout en haut du classement dans ce domaine)
- 1ère équipe pour sanctionner son adversaire lorsque l’on sort du demi-terrain
- 7ème au rebond défensif, 2ème aux interceptions
- et point essentiel dans le basket moderne, ils étaient la 2ème équipe lorsqu’il s’agit de laisser des tentatives de tir à 3 points à leur adversaire, tout en étant 1er au pourcentage (29 tentatives, pour moins de 34% de réussite)
D’autre part, la “perte” de Kawhi a responsabilisé encore davantage Kyle Lowry, mais a également renforcé la prise de pouvoir de Pascal Siakam et Fred Van Vleet, qui usent et abusent du playbook de leur tacticien faisant la part-belle au pick & roll pour le backcourt et au short roll et aux situations de post-up pour l’ailier fort camerounais.
En somme, une machine de guerre défensive, adaptable, dont le but ultime est de provoquer des pertes de balle et ayant une versatilité offensive considérable.
Côté points faibles, en relation directe finalement avec leurs forces, les Raptors sont une équipe moyenne sur demi-terrain et sur isolation (16ème de la ligue), mais rencontrent également de grandes difficultés pour attaquer sur zone (0.77 point par possession).
***
Du côté de Boston, Brad Stevens, en poste depuis 2013, semble avoir structuré un collectif assez homogène, et finalement capable sans avoir recours à de trop grandes modulations de s’adapter à une grande partie de leur adversaires.
- 4ème attaque
- 4ème défense
- 4ème à l’efficacité générale
- 6ème aux pertes de balle
- 2ème en défense sur le tir à 3 points
- 1ère équipe à la réussite au tir après dribble
Etonnant dès lors de constater la perception générale d’équipe essentiellement tournée vers l’offensive lorsque l’on observe les statistiques.
L’explication est relativement simple, Boston maitrise le tempo. Ils tentent d’imposer plutôt que de s’adapter. L’utilisation de nombreux créateurs offensifs (Tatum, Walker, Brown, Hayward) va en ce sens.
Il parait important de souligner que les Celtics sont une des meilleures équipes pour défendre open-court, ou tout du moins limiter le jeu en transition (17.7 points concédés, 5ème en NBA).
Lors du premier tour, et malgré l’absence de Gordon Hayward pour 4 semaines (cheville), cette propension à pouvoir créer facilement, à utiliser les espaces, à ne pas hésiter à prendre le tir par peur de rencontrer des difficultés pour retrouver l’opportunité fut criante fasse à des Sixers en souffrance.
Enfin, l’utilisation de la défense de zone par séquences (3ème équipe à l’utiliser le plus en proportion, première à l’efficacité) est également un point fort (0.80 point par possession).
Qui pour défendre qui ?
Alors qu’il serait tentant pour nous, amoureux du storytelling, d’imaginer un duel de stars émergentes entre Pascal Siakam et Jayson Tatum, il est plus probable que nous assistions durant ces Semi-Finals à une multiplication de différentes match-ups.
Lors de leurs rencontres cette saison, c’est Kyle Lowry qui a essentiellement défendu Tatum alors que Brown et Smart ont été affectés à Siakam.
Cependant, l’absence de Gordon Hayward pour cette série pourrait emmener à des oppositions par poste (Siakam-Tatum, Anunoby-Brown, Lowry-Walker).
Point statistique intéressant, les Raptors étaient cette saison une des équipes les plus aptes à punir la défense longue distance lorsque ceux-ci leurs laissaient une distance d’environ 6 pieds (1.80m) alors que les Celtics sont les plus efficaces lorsqu’un défenseur est à moins de 4 pieds (1.20m). La question du passage au-dessus ou sous le pick sera donc cruciale.
Le rôle des second units
La démonstration de force du banc de Toronto lors du 4ème match de la série contre les Nets (100 points marqués) a dû retentir comme un coup de semonce aux oreilles du coaching staff des C’s.
Alors que depuis le début de la saison, est déploré dans le Massachusetts le manque de profondeur et d’impact de leur banc (Smart, Wanamaker, Grant Williams, Enes Kanter, Semi Ojeleye et en fin de saison Robert Williams et Rome Langford), les Raptors présentent quant à eux des apports conséquents, qui ont su encore élever leur niveau de jeu depuis l’entrée dans la “bulle” (Norman Powell, Serge Ibaka en tête, sans oublier Terence Davis, Chris Boucher, et l’ex Valencian Matt Thomas dans le rôle du sniper).
Il s’agira d’un enjeu majeur de cette série, entre Toronto qui cherchera à s’appuyer sur ce différentiel entre les rosters.
A quoi s’attendre ?
La recherche du point de bascule :
Sur le papier, Boston semble être en possession des outils permettant de contrecarer le plan de jeu et l’identité même des champions en titre.
Ils sont “élite” dans la défense de transition, sur tir à 3 points et dans l’utilisation de la zone, ce qui en théorie pourrait les ériger en Nemesis ultime.
Mais de leur côté, Toronto, au sortir d’une saison record, maitrisée de bout en bout, se présentera au soir du premier match avec le plein de confiance, d’expérience, sur de ses forces et connaissant The Stairway to Heaven.
Il apparait donc évident que nous allons assister d’emblée à un rapport de force, ou chacun essaiera d’imposer son identité de jeu, jusqu’au point de rupture.
L’intérêt pour Toronto est de précipiter le tir ou la perte de balle chez son adversaire, afin de pouvoir installer son expertise de la transition. Autre intérêt, majorer la dépense d’énergie afin de forcer une rotation rapide et prendre l’avantage grâce à sa second unit.
Boston en revanche, tentera vraisemblablement de réduire la pace sollicitera le jeu en isolation, en insistant probablement sur le tir longue distance afin de créer de l’espace avant de pouvoir attaquer les zones faibles (mi-distance comme contre Philadelphie).
Afin de générer ces espaces, il n’est pas impossible que Kanter soit utilisé rapidement comme point d’ancrage poste bas, notamment face à Gasol où il subira moins le manque de mobilité que face à Ibaka.
En défense, il serait logique de voir les Raptors user d’une grande intensité physique et alternaner entre prises à deux et zone and one afin de court-circuiter la prise de rythme des créateurs offensifs de Boston.
En ce qui concerne la défense de zone justement, il ne serait pas surprenant que les Celtics l’utilisent par séquence pour prévenir l’utilisation fréquente du pick haut pour Lowry et Van Vleet.
En définitive, une série alléchante, tension à tous les étages!!!
Calendrier
Match 1 : Jeudi 27 Août, 00h30
Match 2 : Samedi 29 Août
Match 3 : Lundi 31 Août
Match 4 : Mercredi 2 Septembre
Match 5 (si nécessaire) : Vendredi 4 Septembre
Match 6 (si nécessaire) : Dimanche 6 Septembre
Match 7 (si nécessaire) : Mardi 8 Septembre
Pronostic
Boston Celtics 4-3 Toronto Raptors
Série extrêmement délicate à pronostiquer (surtout lorsque l’on “saigne vert” depuis 25 ans), l’affrontement entre Toronto et Boston s’annonce à coup sûr comme une série intense, équilibrée, qui dépassera selon toute logique les 6 matchs, et on va pas pas bouder notre plaisir.
On pourrait forcer le trait et présenter ce duel comme une opposition entre deux diptyques :
EXPERIENCE/FORCE vs JEUNESSE/TALENT
Dans une ligue où expérience et talent ont une importance équivalente, je tire mon chapeau à celui qui saura qui prendre à coup sûr l’avantage, afin d’avoir la chance de disputer le titre de la Conférence Est, d’une saison dont nous nous rappellerons longtemps.
Reste à savoir s’il s’agira de la confirmation des Raptors, ou de l’envol des Celtics.