La phrase est désormais connue. Elle a été dite et répétée encore et encore par un Damian Lillard tout fâché, sans que l’on sache exactement à qui il s’adressait. Et si le franchise player des Blazers, aussi fort soit-il, passe de plus en plus pour le grand Prince de la chouinerie, certains vétérans de la Ligue pourraient, eux, réclamer plus de respect pour leur carrière respective. Trois noms ont été identifiés : Carmelo Anthony, Chris Paul, Dwight Howard. Les profils sont distincts, mais les trajectoires se ressemblent : du statut de superstar à la raillerie populaire et quasi-unanime, ils ont tous su rebondir lors de cette saison 2019 – 2020. Évoquons les destins croisés de ces figures incontournables du paysage NBA de la fin des années 2000, dont le destin a basculé ces dernières saisons.
A trop frôler le soleil …
Que l’on s’entende bien : ici, nulle question de réaliser un portrait exhaustif des trois bonshommes. Le projet serait aventureux, voire hasardeux : leur carrière sont trop belles, trop remplies, pour se lancer aujourd’hui dans une telle aventure.
Néanmoins, il convient d’évoquer les sommets qu’Anthony, Paul et Howard ont tous les trois tutoyés. Pour parler de descente aux enfers, comment faire autrement ?
Opérons chronologiquement. Carmelo Anthony a été drafté dans la fameuse cuvée 2003, en 3è position, par les Nuggets de Denver. La hype est alors énorme, bien qu’occultée par celle de LeBron James : en effet, Melo venait de mener la faculté de Syracuse au titre NCAA, le troisième de l’Histoire de l’université, le premier depuis 1926. Scoreur ultra-complet et bon athlète, il est promis à une carrière incroyable et démontrera toute l’étendue de son talent dès sa première saison dans le Colorado, terminée avec 21 points, 6 rebonds et 3 passes décisives, malgré une précision branchée sur courant alternatif (42,6 %).
Il s’impose dès le jour 1 comme le meilleur joueur de la franchise, et parviendra à l’emmener en playoffs au bout du suspens (5 victoires lors des 7 dernières rencontres, une victoire d’avance sur le Jazz, 9è). Sur cette période, bien que rookie, Melo porta sa franchise avec 25 points à 46 % au tir, dont une pointe à 41 points pour venir à bout de bien pénibles Sonics. Et si Denver chutera au premier tour face aux Wolves de Kevin Garnett, nombreux sont les observateurs qui estiment que le titre de rookie de l’année 2004 aurait dû revenir à Carmelo Anthony, en lieu et place d’un LeBron James pas déméritant, mais pas qualifié en playoffs à l’Est.
2004, c’est l’année où notre second larron fait son entrée en NBA : Howard est ainsi sélectionné en première position par le Magic. Il arrive directement du lycée, suivant alors un modèle que l’on connaissait bien depuis une dizaine d’années. Doté d’un physique rarement aperçu pour un gamin de 19 ans, il est qualifié par son draft scouting report comme une superstar en devenir, dominateur sous les deux arceaux. Il y est très exactement décrit comme étant un “marvelous physical specimen”, que les franchises des années 1960 / 1970 n’auraient pas renié.
Dans une franchise d’Orlando en galère, entre les blessures à répétition de Grant Hill et le départ de Tracy McGrady, celui qui deviendra “Superman” occupe alors le poste d’ailier-fort titulaire. Il profite de ses 32,6 minutes par soir pour devenir l’un des 6 primo-débutants à présenter un double-double de moyenne : 12 points, 10 rebonds, 1 passe, 1 interception, 1,7 contre. Il est le plus jeune de ce club, puisqu’il est accompagné d’Hakeem Olajuwon, Blake Griffin, Karl-Anthony Towns, DeAndre Ayton, mais aussi par Emeka Okafor, son collègue de draft et futur rookie de l’année. Si les débuts sont moins tonitruants que ceux de Melo l’année précédente, les attentes autour du très musculeux intérieur sont immenses, et seront confirmées dès la saison suivante.
La transition est toute trouvée, puisqu’en 4è choix de la draft 2005, les Hornets sélectionnent Chris Paul. A l’instar des deux joueurs susmentionnés, il deviendra immédiatement titulaire, occupant la mène de celle qui était alors appelée Nouvelle-Orléans Hornets. Si le roster brille par son absence de franchise player, mais également de lieutenant digne de ce nom hormis David West, Paul est, de très loin, le meilleur rookie de sa cuvée. Il mènera, dans tous les sens du terme, les Hornets à un bilan honnête (38 – 44). Il démontre d’ores et déjà les meilleures facettes de son jeu : bien que jeune, il dicte à merveille le tempo des siens. A cet égard, il est aujourd’hui le 4è meilleur rookie passeur de notre siècle, avec 7,8 caviars donnés aux copains par soirs. Devant lui ? Ben Simmons (2017 – 2018, 8,1 passes), Ricky Rubio (2008 – 2009, 8,2 passes) et John Wall (2009 – 2010, 8,3 passes).
C’est au cours de cette même saison que Carmelo Anthony, désormais en 3è année, explose véritablement : 26,5 points par soir (8è scoreur de la saison) à 48 % au tir. Il ne quittera plus le top 10 du classement du meilleur scoreur de la saison avant 2014. Il se retrouve cette saison-ci dans la All-NBA 3rd Team. Par contre, il enchaîne les éliminations au premier tour de playoffs. Tour qu’il n’a pas souvent passé en carrière, d’ailleurs.
Si nous devions donner tous les chiffres des trois superstars sur les dix années suivantes, nous aurions terminé après-demain. Contentons-nous des éléments principaux, qu’ils soient individuels ou collectifs : l’objectif est de prendre conscience que les trois hommes étaient, en cette époque qui s’étend de 2006 à 2012 pour les uns, 2016 pour un autre, les meilleurs joueurs à leur poste. Ou presque.
Il convient tout de même d’opérer un focus sur l’exercice 2008 – 2009. Melo, alors dans sa 6è saison, a été jusqu’alors éliminé 5 fois au premier tour des playoffs. S’il est transparent défensivement, il est une machine offensive exceptionnelle qui est allée jusqu’à inscrire 28,9 points par soir en 2006 – 2007. Cette année-ci, pourtant, ses chiffres sont en baisse : 22,8 points à 44 % au tir. En playoffs, l’animal a cependant senti l’odeur du sang. Son premier tour est disputé face à Chris Paul, qui est alors double meilleur passeur et double meilleur intercepteur de la ligue. En cette époque, CP3 est le meilleur meneur de la Ligue : le Point God, comme il sera ensuite surnommé. Ses lignes de stats filent le vertige : 22,8 points, 11 passes, 3 interceptions en 2008 – 2009.
Mais revenons-en à l’ailier des Nuggets : les Hornets sont écartés en 5 matchs. Les Mavericks de Nowitzki ? Même tarif. Denver en finale de conférence, ce n’est pas arrivé souvent, et la franchise n’a jamais fait mieux. Elle s’inclinera en 6 matchs face aux Lakers. Sur l’ensemble des 16 rencontres disputées, Melo affiche 27,2 points à 45 % au tir, 6 rebonds et 4 passes décisives. Il est le franchise player d’une équipe pouvant prétendre au titre NBA.
Dwight Howard dans tout cela ? En 2009, il est double meilleur rebondeur en titre de la Ligue. Depuis sa draft, il n’a jamais raté une seule rencontre. Il affiche cette année-ci 20,6 points et 14 rebonds et 3 contres (meilleur contreur de la saison). Il en profite pour terminer 4è du classement du MVP (Chris Paul, lui, est 5è) et remporte le premier de ses 3 titres de défenseur de l’année.
En plus de cela, Howard est le franchise player du Magic d’Orlando, qui fera la nique à l’ensemble de la conférence Est (Sixers, Celtics de Pierce, Cavaliers de LeBron) pour aller défier les Lakers en finale NBA (défaite 4 – 1). C’est la seconde finale NBA de la franchise, après celle de 1995, perdue contre les Rockets d’Olajuwon.
Résumons : cette année-ci, les trois compères se partagent les places d’honneur suivantes :
- Carmelo Anthony : 8è meilleur scoreur, finale de conférence Ouest, playoffs exceptionnelles,
- Dwight Howard : meilleur rebondeur, meilleur contreur, finale NBA, défenseur de l’année, 4è du MVP, All-NBA 1st Team,
- Chris Paul : meilleur passeur, meilleur intercepteur, 7è meilleur scoreur, 5è du MVP, All-defensive Team, All-NBA 2nd Team.
C’est dire si, cette saison-là, il était difficile pour leurs adversaires de se tailler une part du gâteau.
La suite est une sorte d’immense CTRL + C / CTRL + V. Dwight Howard sera à nouveau DPOY en 2010 et 2011 et squattera la All-NBA 1st Team jusqu’en 2012, soit 5 sélections consécutives dans la meilleure équipe NBA. Il en profitera pour glaner 3 nouveaux titres de meilleur rebondeur, au passage. Son véritable prime durera jusqu’en 2012, et sera d’abord freiné par une hernie discale diagnostiquée au mois d’avril 2012. Il ne récupérera jamais son entier potentiel physique. Il sera transféré aux Lakers à l’été 2012, puis à Houston. Hors de la Floride, son niveau déclinera petit à petit, et de multiples problèmes relationnels viendront miner sa carrière : c’est le début de ses problèmes.
Carmelo Anthony, lui, sera meilleur scoreur de la saison 2012 – 2013 (28,7 points à 45 %). Cette année-ci, il termine d’ailleurs 3è du classement du MVP. Il s’est affirmé comme l’une des trois meilleurs armes au scoring de la Ligue des dix dernières années, aux côtés de Kobe Bryant et Kevin Durant. Cependant, ses résultats collectifs vont rapidement se dégrader. Son transfert aux Knicks en 2011 est un véritable blockbuster et New-York ne s’en relèvera jamais réellement. Son image en prend un coup : c’est le début de ses problèmes.
Chris Paul est celui qui affiche la plus grande longévité. Si l’on devait réaliser un top 100 des meilleurs joueurs de l’Histoire de la NBA, les 3 y figurerait, mais c’est CP3 que l’on retrouverait le plus haut. Il est ainsi quadruple meilleur passeur et sextuple meilleur intercepteur de la Ligue et se retrouve à 7 reprises dans le top 7 du MVP entre 2008 et 2016. Mais au-delà d’être un joueur exceptionnel balle en main, il est également un défenseur coriace (9 sélections en All-defensive Team). Là où le bât blesse, c’est sur l’aspect collectif. Transféré aux Clippers en 2011, il forme avec Blake Griffin et DeAndre Jordan la fameuse Lob City, porteuse d’espoirs pour la seconde franchise de Los Angeles. Hélas, les Clippers ne passeront jamais les demi-finales de conférence.
Il est tradé aux Rockets le 28 juin 2017, contre 7 joueurs, parmi lesquels on retrouve Pat’ Beverley, Montrezl Harrell et Lou Williams. En finale de conférence 2018, Houston mène 3 – 2 face aux Warriors du trio Curry – Thompson – Durant. Une blessure à la cuisse en fin de game 5 vient définitivement doucher les espoirs des Rockets, qui s’inclineront 4 – 3. Il se forge peu à peu une image de poissard. En sortie de playoffs, alors que les observateurs s’attendaient à le voir négocier un salaire “correct” pour permettre à Houston de bâtir un roster capable de rivaliser avec les Warriors, il signe un contrat de 160 millions de dollars sur 5 ans, flinguant par la même occasion le budget de la franchise : c’est le début de ses problèmes.
Les trois hommes ont, chacun à leur manière, impactés de manière indélébile la décennie 2005 – 2015. Nous l’avons dit, ils ont trusté les plus belles places d’honneur, sans jamais obtenir le graal individuel ou collectif. Si leur carrière s’était arrêtée à l’aune de leur chute respective, ils auraient tous les trois été élus au hall-of-fame, sans conteste. Ceci, les fans l’oublient (trop) souvent. Le prime fût impressionnant. La descente (aux enfers, pour deux d’entre eux) le sera tout autant.
… on finit par se brûler
Que l’on ne nous fasse pas dire ce qu’on ne souhaite pas dire. La vindicte populaire à laquelle Anthony, Howard et Paul ont été livrés n’est pas sortie de nulle part. Dans aucun des trois cas. Cependant, la sempiternelle culture de l’instant a fait oublier à certains aficionados de la Grande Ligue qu’avant de connaître des difficultés, les trois joueurs étaient ce qui se faisait de mieux en NBA depuis près de 10 ans. Les embûches rencontrées au cours d’une carrière doivent-elles tout occulter ?
Carmelo Anthony : moi ? Remplaçant ?
Arrivé à New-York contre la totalité du roster, alors que le début de saison était très prometteur, Anthony s’est rapidement donné l’image du violoniste qui continuait de jouer alors que le Titanic coulait. Cependant, à l’inverse de Wallace Henry Hartley, le jeu proposé par Melo était dénué d’altruisme : l’homme donnait l’impression de jouer seul, pour lui, alors qu’il portait le maillot de l’une des plus fameuses franchises de la Ligue. Et cela s’est fait ressentir petit à petit. Jusqu’en 2013, les Knicks font illusions, réalisant même une excellente saison 2012 – 2013 (54 – 28, meilleur bilan depuis 1996 – 1997, défaite en demi finale de conférence, avec un collectif de vétérans). Cependant, entre les 22M d’Anthony et les 21M de Stoudemire, le cap n’est pas au beau fixe. Ajoutez au tableau la bonne idée de filer 11M à Andrea Bargnani, et vous vous retrouverez rapidement sans aucune flexibilité financière.
S’en suivront des saisons catastrophiques pour les Knicks : certes, Melo score à outrance, comme il a toujours su le faire. Mais l’équipe ne gagne jamais, pour ainsi dire. Depuis la signature de son nouveau contrat en 2014, la ville qui ne dort jamais n’a plus remporté plus de 32 rencontres par saison. La faute à un roster explosé pour le faire venir, certes. La faute également à une blessure au genou que l’ailier a traîné plusieurs mois, à cheval sur l’exercice 2014 – 2015, pour pouvoir disputer le All-star game au Madison Square Garden. Une accumulation de difficultés qui minent encore aujourd’hui New-York, et qui ont poursuivi Anthony pendant des années.
Lui, arrivé comme le messie dans le plus gros marché du pays, est désormais considéré comme l’un des principaux responsables des résultats collectifs lamentables des Knicks. La responsabilité doit évidemment être partagée, et James Dolan, propriétaire de la franchise, en prend régulièrement pour son grade. Cependant, la rupture entre Carmelo Anthony et New-York semble être consommée : trop égoïste, trop insolent, son avenir se dessinait alors en pointillés dans la Big Apple.
Il est transféré à l’été 2017 à Oklahoma, contre Enes Kanter, Doug McDermott et un 2nd tour de draft, signe révélateur qu’il n’était plus réellement attirant, comme si son individualisme poussé à l’extrême avait fait de lui, dans l’imaginaire collectif gravitant autour de la NBA, une pale copie de lui-même.
Il ne semble d’ailleurs pas conscient de la régression lente, mais réelle, de son niveau de jeu. Ni du fait que son profil, très “années 2000”, fait d’isolations et de tir à mi-distance (il n’a jamais été le plus adroit de loin, 34,9 % en carrière), n’était plus réellement en phase avec la NBA moderne. Son arrivée à OKC, où il devait former un big-three avec Russell Westbrook et Paul George, n’est d’ailleurs pas concluante. Au point que l’on se pose une question alors impensable quelques années auparavant : faut-il faire sortir Carmelo Anthony du banc ? Il semblerait en effet que lorsqu’il joue beaucoup, il nuit aux résultats de son équipe. Cette question a donné lieu à une scène lunaire, le joueur n’arrivant manifestement pas à se faire à l’idée d’être remplaçant au coup d’envoi.
OKC, pourtant favori de sa série, se fera éliminer par Utah au premier tour des playoffs. Ses performances, mais également celles de l’autoproclamé Playoffs P, sont alors indignes de leur statut dans la Ligue : 11,8 points à 37,5 % au tir et 21,4 % à trois-points pour Anthony, 2 / 16 au tir pour Paul George dans le game 6 couperet. Ne souhaitant pas faire l’effort d’adapter son jeu à la NBA d’aujourd’hui, il est envoyé à Atlanta, qui le coupera dans la foulée. Le grand Carmelo Anthony se retrouve sans franchise. Il sera signé par les Rockets, où il fréquentera Chris Paul. Mais les problèmes demeurent, et avec lui, Houston n’y arrive pas. Ni d’une, ni deux, après dix rencontres, il est tradé à Chicago au mois de janvier 2019, et sera coupé.
D’ailier superstar à joueur “démodé” dont plus personne ne veut, il y a un gouffre dans lequel Melo a sauté à pied joint. Il semblerait que la principale cause de son passage à vide, qui a tout de même duré 4 saisons, ne soit pas le niveau de jeu affiché, mais bel et bien sa mentalité. Une absence de remise en question permanente d’un joueur qui n’était plus celui qu’il était.
La mentalité, c’est le trait commun des difficultés que connurent les trois joueurs. Elle ne s’est toutefois pas manifestée de la même manière, et n’a pas toujours été l’unique critique faite à l’encontre de l’ancienne superstar.
Dwight Howard : souriant ou sale con ?
La chute de Carmelo Anthony semble être, avec un peu de recul, au moins aussi spectaculaire que celle de Dwight Howard. Comme si l’ancien de Syracuse, inconscient du danger, s’était approché trop près du mur, et surtout trop vite, pour pouvoir freiner à temps. La dégringolade de l’ancien big man du Magic reste cependant, à sa manière, assez unique. Là où il était reproché à Melo de ne plus être adapté au jeu de la Ligue et – surtout – de ne pas s’en rendre compte, Dwight est devenu une sorte de paria dans la paysage NBA. Lui l’ultra-dominant, lui le Superman, lui qui a emmené le Magic en finale NBA, est devenu un nobody, l’un de ces joueurs auquel personne ne veut plus s’identifier.
Tout commença en 2012 – 13, lors de son transfert chez les Lakers. Sur le papier, les Angelinos avaient une équipe alléchante. Nash à la mène, Kobe pour compléter le back-court, Ron Artest, Antawn Jamison et Pau Gasol sur les ailes et Dwight Howard dans la raquette. Cependant, comme cela a d’ores et déjà été narré sur le site – et de fort belle manière ! – la mayonnaise ne prendra jamais, et la soi-disant superteam se fera sweeper au premier tour des playoffs. Entouré de cadors, Howard semble perdu. Pire encore, il semblait même perdre son légendaire sourire, qu’il arborait jusqu’alors en toutes circonstances.
Ses statistiques restaient bien sûr plus qu’honnêtes : 17,1 points, 12,4 rebonds (meilleur rebondeur de la saison) et 2,5 contres. Le problème semble être plus psychologique que physique : en témoigne sa moyenne au lancer-franc, descendue à 49,2 %, soit près de 20 points de moins que lors de sa saison rookie (67,1 %) ! Rien de plus tentant pour le coach adverse que de se lancer dans une grande vague de hack-a-Dwight. Rien de plus énervant pour un Kobe Bryant en quête d’une sixième bague, pour égaler son modèle de toujours.
Tout commença lors de son transfert, disions-nous. Il convient de revenir sur les circonstances de celui-ci, puisqu’au-delà du fiasco sportif et de la perte de confiance, son départ d’Orlando fût la première pierre de sa (très) mauvaise réputation dans la Ligue. Ainsi donc, avant de se prendre le bec avec Steve Nash ou Kobe Bryant (qui le trouvaient bien trop soft), c’est sur un coup de trafalgar – restons poli – qu’Howard a quitté Orlando. Il a ainsi démenti publiquement les propos tenus par Stan Van Gundy, son coach de l’époque, qui expliquait aux médias que son pivot dominant souhaitait voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Tout cela pour demander son trade dans la foulée. Inutile de dire que nous avons connu plus classe.
Quoi qu’il en soit, sa première pige aux Lakers ne sera que de courte durée, et reste comme un échec. Libre, il signe à Houston, où il restera trois années. Alors qu’il devait être la partenaire idéal de pick & roll de James Harden, les relations entre les deux seront toujours froides, au mieux. Pourtant, avec 18 points et 12 rebonds pour sa première saison texane, Dwight faisait ce qu’il savait faire de mieux sur un terrain.
Malheureusement, il semblerait que lorsqu’il est chassé par la porte, le naturel revient au galop par la fenêtre. Une fois de plus, ce sont des histoires extra-sportives, de coulisses, qui pousseront Houston à ne lui proposer aucun contrat à l’issue des trois années. Harden faisait alors pression pour que Clint Capela joue en lieu et place du triple DPOY.
Suivra ensuite une saison à Atlanta (13,7 / 13), où le gaillard réussira à se mettre le vestiaire à dos en quelques mois seulement. Les reproches qui lui sont faits sont les mêmes que ceux qui étaient proférés aux Lakers : un manque d’investissement flagrant, des paroles non suivies par les actes. La rumeur raconte que ses coéquipiers ont applaudi son transfert, c’est dire s’il était devenu persona non grata chez les Hawks, lui le natif d’Atlanta.
Sans surprise, cela ne se passera pas mieux aux Hornets (2017 – 2018, 16,5 / 12,5, et une rencontre terminée en 32 / 30) ni aux Wizards (2018 – 2019, 12,8 / 9,2), au sein d’un vestiaire qui avait d’ailleurs tout pour imploser (Wall, Rivers, Oubre, Portis, Morris, Howard, bonjour l’ambiance !). Il ne jouera d’ailleurs que neuf rencontres à Washington, mettant fin à sa saison dès le 18 novembre 2018 en raison d’une blessure.
Il convient donc de mettre la lumière sur le fait qu’il soit parvenu à se faire haïr de l’ensemble des vestiaires, ou presque, dans lesquels il est passé depuis 2012 et son départ d’Orlando. L’exploit est de taille. Et, forcément, lorsqu’un joueur est détesté par l’ensemble de ses coéquipiers, le public le prend en grippe à son tour. Le cheminement est logique.
S’il fallait absolument répondre à notre titre, l’on pourrait certainement dire que Dwight Howard fût un sale con souriant. Manifestement, l’une de ces deux facettes était de trop, ce qui fît de lui l’un des joueurs les plus dénigrés de la décennie. Était-ce mérité ? Sans nul doute, tant l’animosité unanime exprimée à l’encontre du pivot rendrait jaloux l’actuel Président Biélorusse.
Le chemin de la rédemption n’en est d’ailleurs que plus beau.
Chris Paul : money, money, money
Le dilemme, concernant Chris Paul, est bien moins tortueux. Le joueur a toujours jouit d’une popularité fluctuante, qu’il n’a pas soignée lors de son passage Houstonian. De longue date, il est un adepte chevronné du flopping et autres coups vicieux qui énervent. Il a également été présenté comme étant particulièrement exigeant – restons polis, encore – avec ses coéquipiers. Depuis son arrivée dans le Texas, entre une bagarre avec Rajon Rondo (2 matchs de suspension) et une escapade dans les tunnels du Staples Center pour aller se castagner avec ses anciens coéquipiers des Clippers, le Président de l’association des joueurs de la NBA n’a pas réellement redoré son blason.
Ce qui le fera basculer du côté obscur de la popularité, c’est le contrat démesuré qu’il a signé en 2018, alors âgé de 33 ans. Un contrat qui, comme on l’a dit, a miné définitivement les finances des Rockets. Un contrat devenu fardeau à chaque mauvaise performance, à chaque blessure, lui qui n’a disputé que 58 rencontres de saison régulière en 2018 – 2019. Un contrat qui lui a été jeté à la trogne lorsque Houston s’est encore incliné face aux Warriors, en demi-finale de conférence, alors que Durant s’était blessé.
Soudainement considéré comme un meneur average et comme étant titulaire du pire contrat de la Ligue, Paul était la cible de tous les quolibets la saison dernière, quolibets sur lesquels certains médias influents de notre hexagone n’ont pas hésité à surfer jusqu’à plus soif.
C’est tout ? C’est tout. Le “cas CP3” n’est pas aussi obscur que ceux d’Anthony et Howard. Surtout, le meneur n’a été cloué au pilori qu’une seule saison. Son trade pour OKC, contre la légende locale qu’est Russell Westbrook, est intervenu tôt. Et alors que tout le monde le voyait rejoindre le Heat de Miami, il n’en fût rien, et il devint le chef de meute d’un Thunder intéressant.
***
La mentalité. Là où l’un a révélé son incapacité à se remettre en cause, où le second avait une compétence royale pour se faire détester et où le dernier a joué la carte de l’égoïsme financier, les supporters ont toujours réagi de la même manière : passer de l’amour à la détestation. Les franchises NBA ont, dans certains cas et de manière plus mesurée, suivi le mouvement.
Mais ça, c’était avant la saison 2019 – 2020, qui par bien des aspects, fût particulièrement spéciale.
La résurrection des phénix
Lorsque le soleil et la tempête se côtoient, ils laissent place à un arc-en-ciel. La métaphore s’applique à la carrière de nos trois joueurs du jour, l’arc-en-ciel rayonnant lors de la saison 2019 – 2020 encore en cours, où ils sont tous encore en lice pour les Bubble playoffs.
En effet, après leurs galères respectives, Anthony, Howard et Paul ont su tous les trois sortir de la rivière du Styx, au sein de laquelle ils étaient plongés (pour Paul), voire quasi noyés. “Les héros ne meurent jamais”, titrait Maurizo Lucidi, il y a cinquante ans. Armés d’un état d’esprit nouveau, d’une maturité acquise et d’une science du jeu exceptionnelle (à vous de relier les caractéristiques au bon joueur), les parias sont revenus en grâce. Et cette fois-ci, la culture de l’instant, véhiculée par les réseaux sociaux, mais aussi la nostalgie, ont réalisé un travail tout à fait salutaire.
Ainsi, intégré dans le roster des Lakers pour la seconde fois de sa carrière, Dwight Howard est devenu un précieux joueur de rotation. Surtout, pour la première fois depuis bien longtemps, Superman ne semble faire aucune vague dans le vestiaire, au sein duquel il est parfaitement intégré. D’aucuns estimeraient que cette intégration silencieuse est liée à la présence de LeBron James chez les Angelinos, et nous aurions beaucoup de mal à les contredire.
Mais passons. Au cours de cette saison, sa 16è dans la Ligue, Howard s’est confectionné une image nouvelle. Loin du franchise player ultra-dominant qu’il fût, il est avec JaVale McGee l’une des deux rotations sur le poste 5. Il rentabilise ses minutes, en affichant le meilleur offensive rating de sa carrière.
Surtout, Howard est arrivé dans la cité des Anges avec un contrat non garanti, signe de l’évolution psychologique dont il a fait preuve. Cet exercice et ses performances (qualitatives, si on les compare avec son temps de jeu), ont contribué à faire remonter la côte de l’ancien numéro 12 d’Orlando.
Suffisamment pour lui rendre le crédit qu’il mérite au vu de ce qu’il a déjà réalisé ? A notre sens, non. Il semblerait qu’il ait traîné ses casseroles trop longtemps pour qu’on se souvienne de lui autrement que comme un joueur talentueux mais ingérable. Nul doute, que, son intronisation au hall-of-fame (99,4 % de chance, selon bballref) fera jaser. Et ce sera injuste : put some respect on his name.
Chris Paul, lui, est passé de joueur surpayé à chef d’un orchestre aussi magnifique que surprenant. Alors que l’immense majorité de la communauté voyait OKC sortir les chenilles, les hommes de Billy Donovan ont terminé 5è de la jungle de l’Ouest, s’offrant le droit d’affronter les Rockets au premier tour des playoffs. All-star pour la première fois depuis 2016, CP3 est l’artisan premier de l’exceptionnelle saison du Thunder, et a rappelé à tout le monde qu’il a été, et qu’il est toujours, l’un des tous meilleurs meneurs de notre siècle.
Désormais 7è au classement des meilleurs passeurs de tous les temps (il devrait atteindre le cercle fermé des 10 000 passes en carrière la saison prochaine, et ainsi rejoindre Stockton, Kidd, Nash, Jackson et Magic), il lui manque toujours cette bague, qui le ferait entrer dans la caste des plus grands de tous les temps. Mais peu importe, pourrait-on dire : plus personne ne nous rabâche les esgourdes avec des considérations salariales. Comme dirait notre Gallois favori, Chris Paul est à nouveau considéré en tant que tel.
Que dire de Carmelo Anthony ? En septembre, l’on pouvait craindre que sa carrière se termine comme cela, sans franchise, après avoir été coupé par des Bulls peu convainquant. C’était sans compter la confiance accordée par Terry Stotts et les Blazers. Titulaire au poste 4, il joue le rôle du spot-up shooter. Il ne défend pas un gramme de plus qu’avant, malgré quelques bonnes séquences, mais a désormais compris qu’il n’était plus le Melo d’il y a 15 ans. Il laisse les clés du camion à Lillard et McCollum, et s’occupe d’être particulièrement clutch lorsqu’un ballon chaud lui arrive dans les pattes (15,5 points à 43 % au tir, mais 38,5 % à trois-points).
L’arrogant, égoïste, a laissé place à un vétéran mature. Il a ainsi contribué à la très belle remontada des Blazers, en étant la troisième option offensive d’une équipe orpheline d’un intérieur dominant. Qu’on l’aime ou non (nous avons des fans dans l’équipe de rédaction, votre serviteur est, quant à lui, plutôt indifférent), difficile de rester de marbre devant ce nouveau Melo. Difficile, également, de ne pas se taper la tête avec trois doigts après avoir vu le bonhomme faire ficelle.
L’on aura pu apprendre une chose de cet exercice 2019 – 20 : le respect se gagne, il ne se quémande pas. N’en déplaise à Messieurs Lillard et Durant, superstars absolues : le demander tous les trois jours ne mène nul part. Regardez Anthony, Howard et Paul. Regardez ces anciens exclus. Regardez les briller.
Respect.
Excellent Article, Merci Bien!