Bon. Lorsque l’on évoque la série Bucks – Magic sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, l’enthousiasme n’est pas des plus débordants. Cette opposition entre le 1er et le 8è de la conférence Est semble, pour beaucoup, être un simple échauffement en 5v5 pour les hommes de Budenholzer. Et qui peut, aujourd’hui les contredire ? L’écart entre les deux franchises parait tellement imposant que les seuls débats qui prennent place sont de savoir si un sweep aura lieu ou si Giannis et consorts auront la décence de laisser un match à la bande d’Evan Fournier. Mais vous connaissez le refrain en NBA, il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Ce ne seront pas les Mavs de 2007 qui vous diront le contraire.
Le bilan des saisons
Comme l’on peut si attendre lorsqu’un premier de conférence affronte un 8è, les dynamiques ne se ressemblent pas vraiment.
D’un côté, on retrouve le rouleau-compresseur de la ligue, mené par un Giannis “MVP” Antetokounmpo de haute volée. Avec un bilan de 56 victoires pour 17 défaites (dont 9 sur les 13 dernières rencontres), les résidents du Wisconsin ont survolés leur conférence, et même la ligue toute entière. Malgré la perte de Brogdon lors de la dernière free agency, les Bucks restent sur les mêmes bases que l’an passé, et les plus optimistes pourront même y voir une certaine progression. Meilleur net rating de la ligue, mais également meilleur defensive rating et meilleure attaque en nombre de points inscrits, le roster profond qualitativement et quantitativement des daims a tout simplement fait des ravages.
Car oui, en plus du monstre grec, favori à sa propre succession pour le trophée de MVP, il est important, et même obligatoire de souligner la profondeur et la qualité de l’effectif à la disposition de coach Bud’. Premier de la liste, le lieutenant de luxe Khris Middleton, récompensé d’une grosse prolongation cet été. Ce dernier a amplement justifié l’investissement placé en lui sur cette saison régulière, se montrant redoutable d’efficacité offensivement, passant à 0,3% d’entrer dans le club des joueurs ayant réalisé une saison en 50-40-90 à plus de 20 points de moyenne : 20,9 points, 6,2 rebonds et 4,3 passes à 49,7% au shoot, 41,5% longue distance et 91% aux lancers. Par ici la deuxième sélection au All Star Game (en attendant une sélection dans une All NBA Team ?).
Le reste du 5 majeur a également répondu présent toute la saison durant. Que ce soit Eric Bledsoe, Brook Lopez ou Wes Matthews, tous ont contribué efficacement, chacun dans leur rôle, dans le respect des règles dictées par coach Budenholzer. Mention spécial pour le pivot, qui, malgré une légère chute d’adresse longue distance (34% l’an passé, 31 cette saison), a de nouveau rempli à merveille son devoir, tantôt en ouvrant la raquette en attaque, tantôt en se montrant efficace au poste bas, tout en bloquant l’accès au cercle du mieux possible de l’autre côté du terrain grâce à sa science du placement et son sens de l’anticipation (2,4 blocks de moyenne).
Comment évoquer la saison des Bucks sans évoquer l’apport magistral du banc ? George Hill, Donte Divicenzo ou Pat Connaughton pour ne citer qu’eux, ont tous apportés leur pierre à l’édifice, continuant sur la bonne lancée de la saison 2018-19, en progressant encore et encore. “Seulement” 8è banc de la ligue en terme de points inscrits par rencontre, les role players du banc se sont souvent illustrés par une volonté de fer, rendant la défense des Bucks, déjà bien en place avec les titulaires, encore plus étouffante. De fait, lorsque les rotations se mettent en place, la dynamique semble toujours être la même, et l’impression de rouleau-compresseur constant n’est jamais loin.
Dans la bulle de Disney World, les performances des hommes de Bud’ n’ont cependant pas été au niveau de ce qu’ils ont produit le reste de la saison. Si Giannis a semblé un peu contrarié par ces résultats, ceux-ci peuvent s’expliquer en partie par l’avance accumulée lors de la saison régulière. Il y a fort à parier que l’ensemble du roster avait déjà sûrement l’esprit accaparé par les joutes de playoffs à venir. Et si d’aventure les jambes étaient un peu rouillées ou que les mécanismes de jeu avaient besoin d’un peu d’huile dans le moteur, ce premier tour face au Magic a tout de l’occasion rêvée pour se remettre d’aplomb et repartir à la conquête du Graal.
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Parlons-en du Magic ! Voguant sur une première qualification depuis 2012 en postseason l’an passé, la franchise a décide de renouveler sa confiance en ses troupes. Gros chèque pour Nikola Vucevic, prolongation de Terrence Ross et de Michael Carter-Williams, la continuité était le maître mot de l’intersaison floridienne. Un petit ajout à noter, en la personne d’Al Farouq Aminu, qui verra malheureusement sa saison prendre fin dès le mois de décembre.
Malheureusement, cette blessure ne sera pas la seule à faire du mal à Orlando. Jonathan Isaac, freak aux qualités défensives plus qu’évidentes et destiné à incarner le futur du Magic, se blesse gravement en début de saison après plusieurs rencontres prometteuses, ornées de 11 points de moyenne, quasiment 7 rebonds, plus de 2 contres et 1,5 interceptions par match. Il reviendra lors du début des matchs de la bulle de Disney, mais sera victime d’un coup du sort terrible après seulement deux matchs, avec une rupture des ligaments croisés au 4è quart-temps du match contre Sacramento, blessure qui mettait logiquement un terme à sa saison.
Rétrospectivement, la saison du Magic sera mi figue-mi raisin. Si une nouvelle fois, la qualification en playoffs sera acquise, la manière, elle, n’y sera pas vraiment, avec seulement 33 victoires pour 40 défaites, et une impression flagrante d’équipe confrontée à son plafond de verre.
Offensivement, si le Magic n’était pas attendu dans le top 5 des meilleures attaques de la ligue, force est de constater qu’en pointant au 23è rang de la ligue concernant l’offensive rating, la machine offensive était effectivement bien enrayée. Avec un Vucevic moins en verve que la saison passée, un Aaron Gordon qui peine encore à convaincre, malgré ses efforts, en tant que solution offensive de premier plan, ou encore le manque d’alternatives à Evan Fournier dans la création pure, le Magic a eu toutes les peines du monde à créer une quelconque alchimie offensive efficace.
Défensivement, les choses semblent plus solides pour les hommes de Steve Clifford. 10è rating défensif, 5è défense encaissant le moins de points bruts, le Magic a des armes à faire valoir quand il s’agir de protéger le cercle. Comme pour beaucoup de franchises, le physique y est pour quelque chose : Mo’ Bamba, Aaron Gordon ou encore Jonathan Isaac ont tous plus ou moins des profils de défenseurs de haut niveau.
Les principes de coach Clifford, réputé comme un coach résolument porté vers la défense, ont réussi à trouver un réel écho auprès de ses joueurs, avec notamment un système basé sur un repli très rapide et une sécurisation du rebond, évitant de laisser des points faciles aux adversaires : le Magic est en effet la franchise qui encaisse le moins de points sur second chance adverse, et est la deuxième meilleure équipe en nombre de points encaissés sur perte de balles.
Enfin, comment parler correctement d’Orlando sans souligner la bonne saison de relance de Markelle Fultz, qui semble enfin sortir la tête de l’eau après un début de carrière chaotique chez les 76ers. Profitant du peu de concurrence et de profondeur sur les lignes arrières, le jeune meneur a pris ses marques peu à peu, dans un environnement visiblement plus sain pour favoriser son éclosion. Au fil de ses sorties, Fultz a montré de très belles choses, trouvant sa place en tant que ball handler-créateur (5,1 passes décisives par rencontre, meilleur passeur de son équipe), une alternative plus que bienvenue dans un secteur où Orlando manquait cruellement de solutions.
Les matchs-up clés
Giannis, l’équation insolvable pour la défense d’Orlando ?
Steve Clifford doit avoir la tête qui chauffe à l’idée de devoir trouver une solution au problème Giannis Antetokounmpo. Avec un Jonathan Isaac sur le flan, le coach floridien doit partir à la guerre avec une munition en moins… Et à vrai dire, avec un chargeur qui ne compte que deux balles. En théorie, stopper le grec se joue en deux temps. Un premier joueur suffisamment athlétique et costaud pour ralentir la course du joueur, que ce soit en transition ou sur jeu placé, puis un second rideau fait d’intérieur qui va devoir le gêner lorsqu’il s’attaquera à la peinture. Problème, donc.
En effet, individuellement parlant, Clifford ne possède pas pléthore d’options à opposer au grec. Si Milwaukee démarre les match avec son habituel cinq majeur – Bledsoe, Matthews, Middleton, Antetokounmpo, Lopez – et que Clifford en fait de même, la logique voudrait qu’Aaron Gordon hérite de la tâche ingrate consistant à canaliser autant que possible Giannis. L’autre solution s’appelle James Ennis. Et c’est tout.
Or, si Gordon sait par séquence se montrer appliqué en défense, il est encore loin, très loin de pouvoir prétendre tenir Giannis sur la longueur d’une série en 7 matchs. A vrai dire, ils sont très peu à pouvoir relever ce défi, et malheureusement pour Orlando, aucun de ces élus ne figurent dans le roster. Gordon ou Ennis devraient ainsi probablement se relayer en défense sur le franchise player des Bucks, avec pour seul objectif de limiter son impact.
Car si le Magic veut réellement embêter Giannis et ses troupes, et ne pas servir de simple paillasson du premier tour, il leur faudra mettre en œuvre ce qu’il y a de mieux à faire lorsque l’on affronte un joueur surdominant : se concentrer sur les autres.
Il sera en effet impossible pour Orlando, en l’état, de stopper ou de freiner Giannis. Que Gordon, Ennis, voire Birch lui soit assigné en défense, le MVP en titre trouvera toujours une solution pour se frayer un chemin au cercle ou pour déclencher une rotation, créant ainsi naturellement un décalage pour l’un de ses coéquipiers au large. Alors plutôt que de s’user à réaliser l’impossible, mieux vaudrait pour les troupes de Clifford se concentrer sur ce qui est encore maitrisable : Evan Fournier devra être l’ombre d’un Khris Middleton, quand Fultz devra tenter de limiter au maximum les incursions de Bledsoe dans la peinture. La présence d’un Khem Birch, même par intermittence, pourrait également offrir une meilleure protection de cercle à Orlando, en relais d’un Vucevic, qui de son côté, ne devra pas laisser Brook Lopez l’attirer au large, tout en se montrant solide sur les confrontations au poste où Lopez sait faire parler sa technique.
Sans une vraie rigueur défensive collective, Orlando s’expose à une véritable boucherie. Si les espaces ne sont pas bouchés, que les aides sont tardives ou que les efforts ne sont pas faits en second rideau, Giannis transpercera sans mal la défense à chaque fois qu’il aura mis le pied sur l’accélérateur. Si en plus, les rotations ne sont pas effectuées, les shooteurs extérieurs de Milwaukee s’en donneront à coeur joie, et nul doute que Steve Clifford se passerait volontiers d’un feu d’artifice à Disney World contre sa propre équipe.
Bref, la mission défensive d’Orlando ressemble à s’y méprendre à un calvaire insoluble.
Comment Orlando peut parvenir à exister offensivement ?
Là encore, c’est une équation à plusieurs inconnues. La défense des Bucks, cette saison particulièrement, propose une efficacité défensive parmi les meilleures de l’histoire de cette ligue. En face, comme susmentionné, Orlando fait partie des cancres de la NBA offensivement. Vous l’aurez compris, dès le début, tout part de travers pour le Magic.
Dans les principes, la défense des Bucks s’appuie sur une théorie assez simple : faire de l’accès à la raquette un véritable un cauchemar. Avec une large panoplie de glue-guys sur les lignes extérieures (Eric Bledsoe, George Hill, Wes Matthews, Khris Middleton, Pat Connaughton… etc), l’objectif de Milwaukee pourrait être de ne pas laisser les extérieurs adverses exister. Loin s’en faut, les Bucks ne font pas une obsession du nouveau sésame de la NBA : le tir à 3 points. A l’inverse, l’équipe ne va cibler que les meilleurs shooteurs adverses et laisser les autres suffisamment d’espace pour s’essayer à l’exercice.
En revanche, quand l’adversaire va tenter de créer du mouvement et des décalages, c’est là que toute la mécanique se met en place. Les extérieurs vont mettre leurs qualités à l’œuvre, pour faciliter le travail de la paire intérieure : Giannis Antetokoumpo et Brook (ou Robin) Lopez. Leur rôle va être de ne laisser aucun espace, si l’adversaire joue le 1 contre 1, évidemment. Mais s’il y a écran, les Bucks seront très conservatifs, à savoir passer au-dessus, tout faire pour suivre le joueur et contester un éventuel tir. Grâce à la mobilité du Greek Freak, ce dernier couvrant une quantité phénoménale d’espaces entre la ligne des 3 points et la raquette, Milwaukee possède la faculté à dissuader l’accès à la raquette, forçant… un pull-up 3 si le pick est très haut, un tir à mi-distance s’il était à une distance plus raisonnable. Pour Giannis, l’objectif final étant de gêner le porteur de ballon adverse sans obliger Brook Lopez à quitter sa zone de confort.
Si néanmoins l’adversaire arrive à éviter l’affrontement avec le grec, c’est alors au pivot de faire son œuvre. A savoir, s’éloigner le moins possible de la raquette et contester l’accès à la raquette. Si le joueur tente le diable, il se trouve alors face à un des contreurs les plus efficaces de la ligue. Sinon, reste le tir à mi-distance ou un floateur. Typiquement ce que les Bucks veulent vous voir prendre.
Dès lors… Que reste-t-il à Orlando ? La possibilité d’attaquer Giannis sans relâche n’est pas une option dans la mesure où la franchise n’a pas une superstar capable d’exposer le grec. Dans la même mesure, l’équipe manque de création en attaque, comme nous l’évoquions plus tôt. Autrement dit, elle n’a pas assez de joueurs capables de faire la différence sur les lignes extérieures. Quant à la solution d’aller les affronter au poste, bien que la solution soit tentante en raison des qualités que possède Orlando (Nikola Vucevic, Aaron Gordon), cela semble faire parfaitement le jeu des frères Lopez, dès lors que Giannis est sur le terrain.
Conséquence… Il est fort probable que le Magic soit contraint d’accepter les tirs que les Bucks leur laisseront. Puisqu’attaquer la raquette est une gageure sans nom, nous risquons de voir le Magic prendre plus de tirs extérieurs et à mi-distance qu’à l’accoutumée. A moins qu’Orlando soit tenté d’imiter les Rockets et les Nets en abusant sans vergogne du tir à 3 points… en refusant la mi-distance. Auquel cas, les soirs sans… nous devrions voir le Magic allègrement sous les 100 points.
A quoi s’attendre ?
Les Milwaukee Bucks ne sont pas une équipe aux multiples visages. Depuis l’arrivée de Mike Buldenhozer à leur tête, la franchise est devenue le mastodonte de la conférence Est. Pour ce faire, le tacticien a instauré des préceptes offensifs et défensifs radicaux. De cette régularité s’est dégagé une identité nette qui fait la force de la franchise. Pour autant, si cette identité à une faiblesse, c’est qu’elle souffre de peu d’adaptabilité. Particulièrement en attaque où l’on peut considérer que Milwaukee a un plan A… et c’est tout.
La bonne nouvelle pour Buldenhozer ? Ce n’est à priori pas Orlando qui peut exposer cette faiblesse. Toutefois, étant une équipe au profil défensif, le Magic tiendra sûrement à expérimenter les différentes options offertes par son roster. Nous disions plus tôt que limiter Giannis en 1 contre 1 serait impossible pour Orlando. Pour autant, les Raptors ont montré l’an dernier qu’il était possible de faire dérailler les Bucks en coupant la tête de l’équipe. Pour cela, les canadiens avaient prévu une défense en deux temps. D’abord un joueur qui lutte au maximum avec ce dernier, parfois en commençant son travail très haut. Ensuite, un intérieur qui vient opposer sa taille au joueur, en évitant de faire faute.
Alors bien sûr, avec deux ex-DPOY (Marc Gasol, Kawhi Leonard), tout est plus simple. Mais imaginer Steve Clifford confier cette tâche, par séquence, à une paire Aaron Gordon-Khem Birch serait éventuellement un beau test pour son équipe. A noter que l’absence de Mo Bamba est particulièrement dommageable ici.
Toutefois, le contenu de la série semble en lui-même, peu importe les tests réalisés par le Magic, assez prévisible. En effet, avec un affrontement qui semble déséquilibré des deux côtés du terrain, il y a fort à parier que nous verrons plusieurs rencontres à sens unique. Quand bien même les Bucks n’ont pas affiché leur meilleure forme dans la bulle, l’écart semble trop grand pour espérer une série à rebondissement. Nous devrions voir plusieurs rencontres à sens unique, où, si Milwaukee retrouve sa défense, Orlando ne devrait pas exister. Les lacunes offensives d’Orlando étant énormes et l’absence d’Isaac et du profil de Mo Bamba réduisent drastiquement les options défensives.
De fait, Steve Clifford risque de manquer cruellement d’actions pour faire douter les Bucks. Dès lors, imaginer une équipe incapable d’emballer les rencontres offensivement faire trébucher les Bucks apparaît bien trop improbable.
Pronostic
Milwaukee Bucks 4-0 Orlando Magic
Même si on a envie d’espérer quelques surprises dans cet affrontement, soyons honnête, aucune série ne prétend aussi solidement à un sweep que celle-ci. Même en essayant de compter les options d’Orlando, nous tombons invariablement sur cette déduction : il y en a trop peu. Dès lors que vous êtes contraint de laisser la main à votre adversaire, d’accepter le jeu qu’il vous impose, difficile d’espérer autre chose qu’une défaite finale.
Si évidemment, en NBA, tout peut se passer, alors Orlando (qui est à domicile…. ouais, on fait ce qu’on peut) pourrait profiter de Bucks cherchant leur forme idéale pour arracher une rencontre. Mais même cela semble… délicat.