Si l’Ouest à son Houston vs OKC, la série qui sent le souffre à l’Est opposera le Heat aux Pacers. Bien sûr, on peut regarder cela via le prisme de l’American Way of Life qui est teinté de soleil, de néons et de sable à Miami et de champ, d’alcool frelaté et d’huile de moteur du côté d’Indiana. Comme dans les meilleurs épopée, chacun va envoyer son champion défier l’autre, et là aussi deux styles s’opposent, entre TJ “Bubble” Warren et Jimmy Butler.
Le bilan des saisons
A l’instar de ce que votre serviteur avait fait pour la preview des Raptors vs Nets, nous allons plutôt pointer ici ce qui s’est passé dans la bulle d’Orlando plus que pendant la saison régulière, notamment au regard laps de temps sans match (merci COVID-19).
Honneur à South Beach, avec une nouvelle saison régulière sans accroc pour les hommes d’Erik Spoelstra.
Si on avait hâte de voir Jimmy Butler être à nouveau coaché par une pointure, on n’a pas été déçu du résultat, ni même étonné. Le garçon tourne sur sa vingtaine de points, accompagné de pratiquement 7 rebonds et 6 assists de moyenne, ce qui est tout à fait honorable et témoigne de ce que Butler était venu apporter au Heat : constance, sérénité, et haut-niveau dans les moments chauds. Au-delà de ça, on sait tous désormais que Jimmy aime se lever à 4h (ou 3 selon l’humeur) pour aller à la salle et empiler les paniers et soulever des kilos de fonte. Là où le changement a eu lieu en revanche, c’est sur l’attitude générale, et notamment les déclarations. Dans ses précédentes aventures, Bulter a eu à redire sur ses comparses, qu’il jugeait sur l’échelle de la Ricorée, souvent comme étant très faible. Un verbe acerbe, des sorties piquantes, et une image de petit con – pour rester poli – qui lui colle encore parfois à la peau. Mais à Miami, rien de tout cela. Jimmy semble se plaire dans son environnement de travail, et c’est tout le mal qu’on souhaitait, aussi bien à lui, qu’au Miami Heat.
Par ailleurs, la saison du Heat a été enjolivée par l’arrivée/révélation de nombreux jeunes joueurs, parmi lesquels, en premier plan, Tyler Herro, Kendrick Nunn et Duncan Robinson. Une jolie triplette qui en aura poussé d’autres sur le banc au fil des efforts fournis, parvenant à gratter des minutes à force de drive, de tirs derrière l’arc et de volonté de fer. Bref, sans même parler du reste de l’effectif, Miami a gagné en profondeur… encore.
Si l’équipe ne compte pas de superstars en-dehors de Butler, l’ensemble extrêmement homogène du roster à de quoi faire peur aux adversaires puisqu’il faut encore ajouter Andre Igodala, Goran Dragic, Kelly Olynyk, Jae Crowder et bien sûr, le très précieux Bam Adebayo, qui a encore passé une étape dans son développement cette saison, au point d’être nominé pour le trophée de Meilleure progression de l’Année. Miami est plus que jamais paré pour affronter n’importe qui, sans que l’issue ne soit jouée d’avance.
Et ce constat s’est révélé tout aussi correct dans la bulle, où Miami a repris sa saison comme si le COVID-19 n’avait jamais existé. Bien que placé “loin” dans la hiérarchie de l’Est, le Heat représentera une menace qu’il faudra prendre avec le plus grand sérieux. Le genre d’équipes qu’on n’aime pas affronter, encore moins au premier tour…
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Pour les Pacers, la saison a confirmé que ces derniers étaient tout autant capable de battre les Bucks et de prendre une giga-branloute par les Raptors. Pourtant, malgré cela et le fait qu’ils soient orphelins de Victor Oladipo une large partie de la saison, les Pacers finissent 4è à l’Est, devant leur salut à un homme en particulier : Domantas Sabonis. Finalement ce trade de Paul George… Bon, ne nous fâchons pas. Désolé.
A l’image de Miami, c’est un effectif bien balancé, équilibré et pétri de talents que les Pacers possèdent, et il ne manque pas grand chose au final pour qu’on arrête enfin de prendre les Pacers de haut. Combien d’équipes auraient pu aussi bien gérer l’absence longue durée de leur franchise player ? Peu, très peu.
Les recrues de l’été, Malcolm Brogdon et Jeremy Lamb au premier plan, se sont plus qu’intégrées dans l’effectif en place, et la draft a apporté une petit vent de l’Est pas vilain du tout en la personne de Goga Bitadze. Brogdon, arrivé de Milwaukee dans un rôle de général en chef de l’armée d’Indiana, s’est comporté en véritable chef d’orchestre de la maison (7,1 assists par match), tout en se montrant toujours aussi capable défensivement parlant.
Mais au sein de la franchise de l’Indiana, c’est surtout Domantas Sabonis qui fut l’attraction de la saison, et qui a brillé en l’absence de Pipo. Avec un rôle d’autant plus important offensivement (18.5pts, 12.5rbds et 5ast par match), le fils Sabonis a du rendre fier son papa, et a mis un sérieux coup d’ombre à Myles Turner sur qui la franchise avait, à une époque pas si lointaine, misé gros. Malheureusement, celui-ci se révèle assez décevant en comparaison avec les attentes placées en lui, et c’est bel et bien le lituanien qui fut convié au match des étoiles pour la première fois de sa carrière, rendant fier, avec lui, tous les fans de la franchise.
Malheureusement pour les Pacers, le retour de Victor Oladipo sur les parquets aura coïncidé avec une terrible nouvelle : une blessure au pied – à la voûte plantaire plus précisément – lors de la reprise pour Domantas Sabonis, contraignant ce dernier à quitter la bulle de Disney World prématurément pour voir un spécialiste. Si son forfait définitif pour la suite de la saison n’a pas été clairement annoncé, il y a fort à parier que l’intérieur néo-All Star ne soit pas de la partie.
Pour Indiana, plus que le retour de Pipo aux affaires, la bulle aura surtout été l’occasion du TJ Warren Show. Venu d’une autre équipe qui lui a volé la vedette dans la bulle, les Phoenix Suns, contre deux pistaches et un scoubidou, Warren aura été l’une des belles histoires de cette reprise et l’une des attractions les plus spectaculaires de Disney Word en cette période morose. Pour le 1er match, 53 pions sur le nez des Sixers, puis 34 contre les Wizards, 32 contre le Magic et 39 contre les Lakers : niveau comptable, on est pas mal. Aucun doute : Warren aura été la goutte de nitroglycérine qui aura permis aux Pacers de se rappeler aux bons souvenirs des fans de NBA.
Les match-up clés
Jimmy Butler vs TJ Warren
La bisbille entre les deux gaillards date du début de l’année. Le 9 janvier, Miami allait battre Indiana à l’extérieur (122 – 108). Envoyé en mission défensive sur un Butler très en jambe, Bubble Warren a dégoupillé en seconde mi-temps, levant à son adversaire le plus long de ses cinq doigts. Ce fût ensuite l’escalade de la poésie, au terme de laquelle le Pacers fût expulsé pour une seconde faute technique. Ce à quoi Jimmy, jamais avare de trashtalking, a répondu par un baiser remplit de malice.
Mais au-delà des retrouvailles qui sentiront la foudre, la match-up entre les deux hommes possède également un attrait sportif non indéniable. On a eu l’occasion de le dire, l’ailier des Pacers a entamé la reprise tambours battants, avec quatre pointes à plus de 30 points, pour autant de victoires des siens. Il arrivera d’ailleurs frais pour le premier match de la série, lui qui fût laissé en tribune lors des deux dernières rencontres de saison régulière. Frais, Butler le sera également, puisqu’il a été mis au repos à quatre reprises depuis que la NBA a repris.
L’opposition des deux bonhommes est également celle de deux styles. L’arrière Miaméen est un modèle de régularité, ce qu’il a suffisamment démontré depuis son explosion en 2014. C’est un général en chef, avec lequel on n’hésiterait pas à partir à la guerre armé de deux cure-dents et d’une brosse à dent taillée en biseau. Il semble admirablement bien intégré dans l’effectif du Heat et semble capable d’emmener l’ensemble du roster dans son sillage.
En face, Warren est un scoreur plus que jamais isolé. Alors qu’il partageait jusqu’alors les responsabilités offensives avec Domantas Sabonis, la blessure du géant lituanien laisse l’ailier seul face à ses responsabilités. Responsabilités qu’il n’a pas hésité à endosser, en même temps que son costume de super-héros. Alors que les défenses vont de resserrer et que les arbitres cesseront peut-être de siffler à tort et à travers, la défense proposée par Erik Spoelstra sera un bel enjeu pour T.J.W. Si l’on met le nez dans les statistiques, on s’aperçoit que parmi ses douze match-ups offensives les plus fréquentes de la saison, on retrouve deux Heatmans, Butler et Crowder. Et si le second lui réussit plutôt bien (54,5 % au tir, 60 % derrière l’arc) lorsqu’il le défend, ce n’est pas le cas du premier, qui le limite à un vilain 33,3 % de réussite au tir. Mais s’il affiche son niveau de jeu aperçu au mois d’août, Warren peut-il réellement être stoppé ?
Le collectif floridien, mené par son aboyeur en chef, devra parvenir à limiter Warren pour espérer une série “tranquille”. De son côté, le numéro 1 des Pacers devra encore surchauffer pour permettre à Indiana d’aller défier les Bucks en demi-finale de conférence.
Nate McMillan vs Erik Spoelstra
La nouvelle est tombée la semaine dernière : Indiana et Nate McMillan, son coach principal depuis 2016 (après avoir été assistant) sont parvenus à un accord tendant à une prolongation de leur relation contractuelle. Cela ressemble à une bonne nouvelle pour la franchise, installée dans le top 5 de la conférence Est depuis que ce dernier a pris les manettes.
En face de lui, Erik Spoelstra est unanimement salué comme étant l’un des tous meilleurs coachs de la Ligue. Très expérimenté est double bagué en tant qu’entraîneur des Tres amigos, le natif de l’Illinois est reconnu pour ses tactiques défensives de tout premier ordre. Mais pas que : n’oublions pas qu’il est parvenu à transformer la principale faiblesse des Heatles (la taille) en une qualité indéniable, en optant pour un small-ball assumé : LeBron James en 4, Chris Bosh en 5. Bref, face à McMillan se dresse un fin tacticien que l’on ne reconnaît pas suffisamment à sa juste valeur.
Les deux hommes se situent-ils dans la même galaxie ? Sans vouloir ôter un quelconque crédit à McMillan, il semblerait que son homologue se trouve, depuis longtemps désormais, dans une toute autre strate. Sous sa houlette Indiana est devenue une très bonne équipe de saison régulière. Par contre, les Pacers ne sont jamais parvenus à dépasser le premier tour des playoffs, se heurtant souvent aux Cavaliers de LeBron James. Ils n’étaient d’ailleurs pas loin de jouer un bien mauvais tour au King en 2018 (4 – 3). Mais les faits sont là : jusqu’à présent, McMillan est un coach de saison régulière. En 16 années de coaching, il n’a passé le premier tour des playoffs qu’une fois, en 2004 – 2005 avec Seattle. Sans parler d’un potentiel outcoaching, le C.V de McMillan n’est pas encore au niveau de son rival. Nul ne doute qu’une qualification pour les demi-finales nous ferait revoir notre jugement.
L’homme de l’ombre du Heat, lui, possède un curriculum XXL. Il a démontré depuis longtemps qu’en plus de savoir gérer les égos les plus grands, il était parfaitement capable de diriger une équipe à des bilans exceptionnels en saison régulière (66 – 16 en 2012 – 2013). Cette année, sans avoir un roster des plus ronflants, il a su tirer le meilleur de ses jeunes joueurs (cinq de ses principaux hommes ont moins de 26 ans) pour devenir l’une des darling de la saison (chez QiBasket, nous estimions qu’ils termineraient 7è de la conférence).
Avantage Spoelstra, donc. McMillan devra rivaliser d’ingéniosité pour contourner la défense concoctée par son homologue. Un retour en forme d’Oladipo, à cet égard, ne serait pas de refus. Parviendra-t-il à réaliser des ajustements pertinents en cours de série, mais également en cours de match ? Si tel est le cas, les Pacers devraient être bien plus qu’un poil à gratter dans le short d’un Heat qui devra alors cravacher pour poursuivre son aventure estivale.
Myles Turner vs Bam Adebayo
Si l’on remonte dans le temps, direction 2018, Myles Turner est un pivot auquel un avenir brillant est prédit. Contreur devant l’éternel, scoreur correct et doté d’un tir longue distance que l’immense majorité des pivots lui envie, il devait être l’une des pierres angulaires du “projet Pacers”, à l’instar d’Oladipo. Depuis ? Les critiques lui criblent les épaules : manque de hustle, pas toujours concerné, régression … Domantas Sabonis est désormais indéniablement l’intérieur dominant des jaune et bleu. Certes, mais il est absent. Dès lors, dans la raquette, Indiana aura besoin d’un Samouraï Turner en mode 2018. Nous y reviendrons.
Bam Adebayo a connu une courbe totalement inversée. De role player, il est désormais un All-star en lice pour le trophée de MIP et devrait figurer dans la première équipe défensive de la saison. La match-up pourrait paraître déséquilibrée. A la vue de la saison, elle l’est d’ailleurs certainement : l’un vient de réaliser l’une de ses plus mauvaise saison en carrière là où l’autre sort d’un exercice excellent et inattendu.
Pourtant, Turner possède certains arguments pour embêter le jeune Bam. Le premier d’entre-eux, c’est le spacing qu’il apporte sur le terrain. Le jeune homme (on a tendance à l’oublier, mais il n’a que 23 ans !) prenait 4 tirs longue-distance par soir cette année. Son adresse était moyenne (34 %), lui qui a frôlé les 39 % la saison passée. Ce sera l’une des clés de la série : si Turner commence à faire ficelle à trois-points, hors de question de le laisser tirer : Adebayo devra alors le chasser et Miami perdra sa présence, si bénéfique, sous le cercle.
De l’autre côté, le tout aussi jeune Heatman, par son énergie débordante, est également susceptible d’appuyer là où ça fait mal. Alors qu’il est reproché à Turner de laisser échapper des rebonds par manque de hustle, Adebayo ne se fera pas prier pour en gober par paquet de douze. Or, laisser des secondes chances à Miami et à ses snipers maison n’est peut être pas la meilleure idée pour survivre dans cette série. La balle est désormais dans le camp de Turner, dont l’avenir dans sa franchise de toujours dépendra notamment de ses performances dans les deux semaines à venir.
A quoi s’attendre?
Nous n’imaginons pas une série qui se résumerait à une querelle entre T.J Warren et Jimmy Butler. Par contre, les back-courts proposeront à coup sûr une opposition intéressante : Brogdon, Oladipo et Warren disposent de tous les arguments pour emmerder Nunn, Butler et Robinson. La réciproque est également véridique. L’absence de véritable star peut rendre la série particulièrement indécise, ce qui ne ferait pas de mal au suspens de la conférence Est, qui devrait autrement être aux abonnés absent.
Cependant, comme souvent lorsque la série semble serrée sur le papier, il n’est pas à exclure que plusieurs rencontres se terminent sur des blowouts, La défense d’Indiana, solide en saison régulière (6è au defensive rating) parviendra-t-elle à prendre le pas sur les fulgurances de l’attaque du Heat (7è à l’offensive rating). A l’inverse, les plans concoctés par Spoelstra suffiront-t-ils à étouffer le back-court adverse ? A l’instar d’une série des années 1990, le salut et la qualification semblent dépendre de la défense. Mullin, Miller et autres Mourning apprécieront !
Calendrier
Les aficionados des deux franchises sont gâtés : les quatre premières rencontres se disputeront toutes à des heures européennes !
- Match 1 : mardi 18/08 à 22h,
- Match 2 : jeudi 20/08 à 19h,
- Match 3 : samedi 22/08 à 21h30,
- Match 4 : mardi 25/08 à 0h30,
- Match 5 (si nécessaire) : mercredi 26/08, heure à définir,
- Match 6 (si nécessaire) : vendredi 28/08, heure à définir,
- Match 7 (si nécessaire) : dimanche 30/08, heure à définir.
Pronostic
Miami 4-2 Pacers
La série promet d’être de qualité. Indiana risque de pâtir de l’absence de Domantas Sabonis et du fait que Victor Oladipo ne semble pas être parvenu à revenir de sa blessure à son meilleur niveau. L’absence de véritable star nous semble difficilement surmontable pour les hommes de Nate McMillan. Toutefois, ce serait faire injure aux cœur et aux qualités des Pacers que d’imaginer une série moins serrée.
Nous l’avons dit, à notre sens, la profondeur du roster, les match-ups, le coaching semblent être à l’avantage du Heat. Pour déjouer ces éléments purement théoriques, Indiana devra compter sur un McMillan au rendez-vous, un Oladipo retrouvé et un Turner en jambe. Cela peut sembler beaucoup. Est-ce impensable ?