Si l’on avait eu à écrire une preview pour cette série la saison passée, le contraste entre les dynamiques des deux équipes aurait certainement été évoqué. L’une avait le vent en poupe au sortir d’une saison régulière des plus solides tandis que l’autre, pourtant considérée comme une favorite en puissance, n’en finissait pas de décevoir. Un an plus tard, le même constat s’offre à nous avec toutefois des rôles inversés. Rivaux historiques de la conférence Est, Celtics et Sixers s’apprêtent à écrire un nouveau chapitre de leur histoire commune, comme pour rappeler que malgré le contexte particulier de cette saison, certaines choses ne sont pas près de changer. Ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Le bilan des saisons
Il y aurait bien des choses à raconter au sujet de Philadelphie, mais nous allons tâcher de rester concis.
Malgré le départ de Jimmy Butler pour Miami, la prolongation de Tobias Harris et les arrivées de Josh Richardson ainsi que Al Horford laissaient rêver à une lutte dans les plus hautes sphères de la ligue. Une suite logique après avoir poussé le futur champion Toronto au Game 7 la saison passée. Le potentiel défensif de l’équipe, la domination du tandem Embiid-Simmons ou la capacité d’Harris et Horford à compléter le duo de stars étaient autant de raisons de croire à un exercice de haute volée, malgré quelques interrogations concernant, notamment, le manque de puissance de feu extérieure et de spacing.
Il va sans dire que ces points d’interrogation ont pris de plus en plus de place dans les têtes, au fur et à mesure que Philadelphie gravait son nom dans la liste des équipes terrifiantes sur le papier qui n’arrivent pas à confirmer leur statut sur le parquet.
Redoutables dans leur enceinte (31-4) mais spectaculairement mauvais loin de leurs bases (11-26), les Sixers ont fait preuve d’irrégularité tout au long du voyage et échouent à une triste 6è place, bien loin du résultat attendu. En progression constante depuis trois saisons, la franchise, qui s’est engagée dans une course à l’armement avec un focus sur les résultats à court terme, ne s’attendait pas à subir un tel coup d’arrêt. Alors que l’on pensait que le déséquilibre de l’effectif – beaucoup de taille mais peu de shoot – serait rattrapé par le talent de ses individualités, l’enchaînement des rencontres a montré que ce problème était bien plus pesant que prévu, à tel point que la complémentarité entre les deux patrons du système, Embiid et Simmons, se voyait remise en question avec insistance.
Pour fignoler le tableau, les blessures sont venues sonner à la porte de plusieurs cadres dont Josh Richardson, Joel Embiid et le dernier en date, Ben Simmons, dont la saison est vraisemblablement terminée. De quoi faire perdre encore plus de repères à cette équipe à quelques encablures de la postseason.
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Dans le Massachusetts, l’ambiance est radicalement différente. Loin des turbulences de la saison 2018-19, le vestiaire s’est débarrassé de quelques éléments “encombrants” et semble vivre bien mieux au quotidien, comme en témoigne l’intégration impeccable de Kemba Walker, débarqué des Hornets cet été. Ce contexte plus sain a eu l’effet d’une bouffée d’air frais pour chaque membre de l’effectif, qui semble s’épanouir dans le rôle qui lui est attribué au sein d’une hiérarchie sensiblement mieux définie.
Auteurs d’un départ canon (11-2), les Celtics ont connu quelques périodes plus compliquées par la suite, qui leur ont certes coûté la deuxième place à l’Est mais n’ont été que des grains de sable dans une mécanique somme toute bien huilée. Détentrice des 4è attaque et défense de la ligue, la franchise a réalisé un exercice complet sur un modèle atypique où personne n’émerge comme le leader incontesté, et où le jeu s’oriente naturellement vers le joueur ayant la main chaude sur le moment.
Au rayon des satisfactions, outre l’état d’esprit exemplaire qui a animé l’équipe, il faut bien sûr évoquer les progressions de Jaylen Brown et Jayson Tatum, qui ont chacun franchi un (des ?) palier(s), leur permettant de trôner pour la première fois de leur carrière à plus de 20 points de moyenne. Plus réjouissant encore, ce développement s’est fait naturellement, en s’inscrivant dans le collectif plutôt qu’en vampirisant celui-ci, signe d’une certaine maturité et d’une envie d’impliquer tout le monde pour aller le plus haut possible. Le retour aux affaires de Gordon Hayward, véritable couteau suisse de l’attaque celte, est également à saluer dans cette saison, de laquelle peu de choses négatives se dégagent. On savait que les Celtics pourraient être bons, et ils l’ont été.
Reste à montrer ce qu’ils ont dans le ventre lorsque le ton se durcit.
Les match-ups clés
Joel Embiid vs les intérieurs de Boston
Au cours des affrontements précédents, le casse-pieds en chef utilisé par Brad Stevens pour pourrir la vie de Joel Embiid se nommait Al Horford. A moins de réussir à corrompre son ancien joueur, le coach des Celtics va devoir composer avec les pivots à sa disposition pour tenter de freiner le camerounais. La mission s’annonce compliquée.
Daniel Theis s’est révélé bien plus solide que prévu au cours de la saison et sa capacité à tirer de loin pourrait embêter Embiid, qui n’aime pas trop s’écarter de la raquette en défense. Cependant, l’allemand n’a pas les armes pour contenir ou même ralentir son vis-à-vis de l’autre côté du parquet et les Celtics s’exposent à un véritable festival s’ils laissent le un contre un s’opérer trop souvent. Plus athlétique que son coéquipier, Robert Williams pourrait être mis à contribution, mais son manque de lucidité laisse craindre une avalanche de fautes à son encontre. Enes Kanter n’est pas plus catastrophique qu’un autre sur du 1 vs 1 au poste, mais si les 76ers font en sorte de l’obliger à aider et faire des choix, on pourrait rapidement verser dans de la bonne grosse rigolade à l’ancienne.
Boston risque donc de recourir aux prises à deux lorsque la domination d’Embiid sera trop forte, et dispose d’extérieurs athlétiques à même de couvrir les inévitables espaces concédés à l’adversaire avec cette stratégie. Cependant, si les Tobias Harris, Josh Richardson, Shake Milton et autres Furkan Korkmaz sont capables de planter suffisamment de banderilles extérieures pour faire payer aux Celtics leur focus sur Embiid, les 76ers peuvent faire mal.
Dixièmes au nombre de points par possession sur les tirs en spot-up, les joueurs de Brett Brown ont toujours préféré la qualité à la quantité en matière de tirs derrière l’arc. Pour continuer dans cette voie, il faudra bien faire circuler la balle sur le périmètre, tout en se méfiant de la défense agressive des hommes en vert sur les lignes de passe (6e au nombre d’interceptions).
Jaylen Brown/Jayson Tatum vs Josh Richardson/Tobias Harris
Duel alléchant sur les extérieurs, entre deux stars sur la pente ascendante et deux ailiers patentés. Privé du candidat idéal pour empoisonner la vie de Jayson Tatum, Brett Brown devra trouver d’autres solutions pour gérer le n°0, sans pour autant relâcher l’attention sur un Brown qui n’en demande pas tant.
Comme évoqué plus haut, les jeunes Celtics sortent d’une saison de tous les records sur le plan individuel, que ce soit statistiquement ou dans l’emprise sur le jeu de leur équipe. Revanchards après une saison galère, Brown et Tatum ont peaufiné leurs skills pour consolider leur adresse extérieure (38% et 40% respectivement) et devenir plus efficaces en un contre un, sans laisser de côté le playmaking. A l’heure actuelle, leur panoplie offensive présente peu de faiblesses.
En face, Tobias Harris s’est appliqué à justifier son contrat maximum avec 19.6 pts et 6.9 rbds, assumant parfaitement son statut de lieutenant derrière Simmons et Embiid. En revanche, la saison de Josh Richardson a été délicate, entre absences et performances irrégulières. Plus gênant, sa défense, souvent louée par le passé, n’a pas été à la hauteur de ses standards habituels. Il faudra que cela change si Philly veut avoir une chance, car ces quatre-là risquent de souvent se regarder dans le blanc des yeux, même s’il y a du monde pour alterner les match-ups côté Celtics avec Marcus Smart, Gordon Hayward ou même Semi Ojeleye et Grant Williams. Côté Sixers, Al Horford aura sans doute du mal à tenir le rythme face à la vitesse de ses anciens coéquipiers, ce qui fait de Matisse Thybulle le défenseur extérieur le plus à même de gêner les deux Jay parmi les role players de Philly.
Les 76ers ont les moyens de peser dans ce duel, mais le momentum, la profondeur sur les extérieurs et les meilleurs repères – Richardson et Harris devront s’habituer au déficit de créativité engendré par le forfait du Fresh Prince – font pencher la balance du côté de Boston, sur le papier.
Le mental
Dans quel état d’esprit les 76ers vont-ils aborder cette série ? La blessure de Ben Simmons pourrait avoir planté le dernier clou dans le cercueil d’une saison moribonde. Dans le cas où leur adversaire remporterait facilement les deux premières rencontres, l’idée de voir les Sixers paniquer ne paraît pas si saugrenue compte tenu du déroulement de la saison et des problèmes de cohésion révélés semaine après semaine.
En face, Boston affiche une sérénité de façade et aura probablement à cœur de faire oublier le fiasco des playoffs 2019. Cependant, cette équipe a montré qu’elle pouvait connaître de gros trous d’air, avec à la clé des cafouillages en fin de match ou des vendanges de 20 points d’avance en un temps record. Quand on sait l’antagonisme qui règne entre les deux franchises, ce genre de défaillance peut être le déclic parfait pour que les 76ers flairent l’odeur du sang et retrouvent magiquement une unité. Coller une bonne trempe à un rival, voilà de quoi soigner bien des maux, même temporairement. De plus, une fenêtre s’est ouverte pour des role players qui ne s’imaginaient pas nécessairement avoir un temps de jeu conséquent à ce stade de la saison, ce qui pourrait décupler leur motivation et leur envie de montrer qu’ils méritent leur place.
A quoi s’attendre ?
Dépossédés de l’un des meilleurs défenseurs extérieurs de la ligue, les 76ers auront fort à faire pour contenir l’attaque de Boston. Solide mais lente, la raquette Horford-Embiid va devoir sortir le grand jeu pour contenir les extérieurs adverses, qui excellent sur les tirs en pull-up (48,8% effectif) et ne peuvent donc pas être laissés tranquilles en sortie d’écran.
Le pivot all-star sera probablement ciblé à de nombreuses reprises dans ces cas-là, d’une part car il n’est pas à l’aise loin du cercle en défense, et surtout car mettre Embiid en foul trouble reste la meilleure stratégie défensive à disposition des Celtics pour freiner le pivot camerounais. Entre Tatum, Brown, Hayward et Walker dans un registre plus vif, les armes ne manquent pas pour attaquer le cercle de manière tranchante et provoquer des coups de sifflet. Sans parler des possibilités offertes sur le périmètre si la défense de Philly vient en aide de manière excessive.
L’effet domino créé par la blessure de Simmons pose un autre problème pour Philly. En théorie, les match-ups extérieurs devaient ressembler à Simmons vs Tatum, Brown vs Harris et Walker vs Richardson.
Comme annoncé plus haut, le forfait de l’australien risque de forcer Richardson à se frotter à JT ou JB, laissant le rookie Shake Milton pour s’occuper de Kemba Walker et ses 20 points par match. Si Brett Brown veut éviter cela, il peut décider de laisser Richardson sur Walker, mais cela obligerait Horford à défendre sur Tatum pendant que Milton fait face à Gordon Hayward. Quel que soit le choix du coach, il y aura forcément au moins une opposition très désavantageuse pour ses joueurs. Vous pouvez compter sur les Celtics et Brad Stevens pour l’exploiter sans relâche. L’alternative serait d’introduire Matisse Thybulle dans le 5 en lieu et place de Milton, mais cela pourrait avoir un impact négatif sur la production offensive.
Une chose paraît en tout cas certaine : Joel Embiid sera gavé de ballons sous le cercle. Les Sixers jouent dans une configuration inhabituelle et dans ces cas-là, rien de mieux que de se recentrer sur les fondamentaux, surtout quand personne ne peut présenter d’opposition crédible en face. Au-delà du scoring – les 30 points de moyenne sur la série sont très largement envisageables -, la capacité du pivot à faire de bonnes lectures lors des prises à deux sera déterminante, d’autant que le spacing des Sixers sera forcément de meilleure qualité sans Simmons. Pour le reste, Philly a peu de garanties offensives en dehors de Tobias Harris, excellent depuis la reprise, et semble donc condamné à expérimenter au fil des matchs pour trouver des recettes qui fonctionnent.
Personne n’en voudra aux Sixers s’ils se font éliminer au cours de cette série, ce qui peut avoir un effet libératoire sur les artilleurs de l’effectif. Boston devra notamment se méfier d’Alec Burks, en feu depuis quelques matchs (14 pts à 57% à 3 points). Furkan Korkmaz, jamais le dernier pour enquiller les triples un soir donné, sera également sous surveillance. Il faudra aux Sixers un surplus de réussite pour faire sauter le verrou d’une équipe qui n’autorise que 34% de réussite adverse à 3 points, la deuxième meilleure marque de la ligue. Capables de venir aider puis de récupérer leur vis-à-vis sur le périmètre avec une efficacité remarquable, les extérieurs de Boston sont les engrenages d’une machine bien rodée et sûre de sa force, là où les Sixers doivent s’adapter à une nouvelle situation dans l’urgence.
A ce titre, les choix de Brett Brown au cours de cette série seront suivis avec attention. De plus en plus contesté, et battu à plate couture tactiquement par Stevens lors de la série de 2018, le coach des Sixers a une grosse pression sur ses épaules. Sans être favoris, les siens ont tout de même les moyens de chatouiller les Celtics. S’ils n’y parviennent pas, cela pourrait constituer l’impair de trop pour Brown. Celui-ci bénéficiera cependant de l’apport d’un assistant coach insolite en la personne d’Al Horford, patron de la défense verte 3 années durant. Malgré son intégration difficile en Pennsylvanie et ses 34 ans, il reste un joueur redoutable des deux côtés du terrain. Nul doute que sa connaissance accrue de l’adversaire sera mise à contribution, notamment pour trouver des failles dans la défense de Brad Stevens.
Calendrier
Game 1 : Boston – Philadelphie : mardi 18 août à 0h30
Game 2 : Boston – Philadelphie : jeudi 20 août à 0h30
Game 3 : Philadelphie – Boston : samedi 22 août à 0h30
Game 4 : Philadelphie – Boston : dimanche 23 août à 19h
Game 5 (si nécessaire) : Boston – Philadelphie : mardi 25 août, horaire à déterminer
Game 6 (si nécessaire) : Philadelphie – Boston : jeudi 27 août, horaire à déterminer
Game 7 (si nécessaire) : Boston – Philadelphie : dimanche 29 août, horaire à déterminer
Pronostic
Boston Celtics 4 – 2 Philadelphia 76ers
Honneur à la constance. Pendant que les Sixers se démenaient pour obtenir des certitudes, Boston repartait de l’avant dans la sérénité avec une saison digne d’un candidat au titre. Une saison qui n’est pas censée s’arrêter au premier tour, surtout quand l’un des joueurs pouvant vous causer le plus de soucis n’est pas là.
Que l’on ne s’y trompe pas, le problème insoluble lié à la présence de Joel Embiid devrait permettre à Philly de faire bonne figure, voire de créer l’upset si les étoiles sont alignées. Mais le déséquilibre annoncé sur l’extérieur, couplé à la capacité des Celtics à contenir au maximum toutes les menaces n’étant pas floquées du n°21, nous obligent à croire en une victoire de Boston au final.