Le départ de Kemba Walker a marqué le début d’un nouveau cycle pour les Hornets. Habitués du ventre mou de la conférence Est, et rompus à la lutte pour le dernier billet qualificatif, les joueurs de James Borrego étaient cette fois promis à une année difficile, placée sous le signe des défaites en pagaille. Le genre de chose qui peut arriver quand 80% de votre cinq majeur change de visage et que vous opérez un rajeunissement massif de l’effectif.
Pourtant, Charlotte a longtemps fait belle impression au cours de la saison écoulée, et était quasiment à l’équilibre avant de connaître son premier véritable trou d’air. La fin d’exercice ne fut pas ridicule non plus, permettant aux frelons de terminer sur un bilan de 23 victoires pour 42 défaites. Il n’y a évidemment pas de quoi sauter au plafond, mais reconnaissons que peu d’entre nous auraient imaginé voir Charlotte figurer à la dixième place de la conférence Est, après les mouvements de l’été. Entre révélations et prises de pouvoir, des phénomènes intéressants se sont produits en Caroline du Nord, et il est temps de s’y pencher.
Nouveau look pour une nouvelle vie
Histoire d’illustrer les changements de personnel ayant pris effet pour l’édition 2019-2020, regardons l’évolution du 5 majeur d’une année sur l’autre.
2018-2019 : Kemba Walker – Jeremy Lamb – Nicolas Batum – Marvin Williams – Cody Zeller
2019-2020 : Devonte’ Graham – Terry Rozier – Miles Bridges – PJ Washington – Cody Zeller
Félicitations Cody, tu es le dernier debout sur les poteaux.
Au niveau du banc, c’est à peu près le même délire. Plus de Tony Parker ni de Frank Kaminsky, et si Michael Kidd-Gilchrist a débuté l’année sous le maillot des Hornets, il l’a terminée sous celui des Mavericks. Nicolas Batum a quant à lui totalement disparu de la circulation. Il faut ensuite ajouter à cela les arrivées de Jalen McDaniels et des jumeaux Martin (Cody et Caleb) via la draft et autres signatures estivales. Bref, l’équipe n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était.
James Borrego repartait donc de zéro, avec comme volonté évidente de donner du temps de jeu à ses jeunes, quitte à ne pas obtenir de résultats immédiats. La première bonne nouvelle, c’est que le coach n’a pas mis longtemps à trouver son cinq, puisqu’à l’exception du poste de pivot où Zeller et Bismack Biyombo se partageaient le rôle de titulaire, les quatre autres positions ont été rapidement verrouillées par les joueurs évoqués ci-dessus. Compte tenu des difficultés potentielles pour mettre en place une hiérarchie dans ce contexte de renouveau, cela mérite d’être mentionné. Les Hornets ayant été par ailleurs plutôt épargnés par les blessures, la formule a pu être éprouvée sur la durée, offrant un échantillon suffisamment important pour tirer des enseignements.
Nous sommes en présence d’une équipe en reconstruction, qui cherche à jauger ses atouts et à se créer une identité. L’idée n’est donc pas de faire le procès de Charlotte, mais plutôt de hiérarchiser les problèmes. En effet, si l’on se basait seulement sur les statistiques pour se faire une idée du niveau de l’équipe, on aurait tendance à rire un bon coup et passer à autre chose : 29e à l’offensive rating, 24e au defensive rating, à l’année prochaine. Effectivement, les Hornets nous ont parfois offert de la belle bouillie à l’ancienne, en faisant preuve d’une inspiration très limitée en attaque ou en sombrant complètement défensivement. Voire les deux en même temps, parce que c’est plus marrant.
En s’appuyant beaucoup sur le backcourt Devonte’ Graham – Terry Rozier, le plan de jeu de Charlotte était assez pauvre et ne permettait pas de se procurer assez de paniers “clé en main”, qui peuvent débloquer la situation lors d’une période de disette offensive. A ce manque de créativité s’ajoute cette tendance, classique chez les jeunes équipes, consistant à accumuler les pertes de balles dans les moments difficiles (23e au TOV%), comme pour s’assurer de bien galérer comme il faut. Ces erreurs de jeunesse étaient également présentes de l’autre côté du parquet, avec des rotations hasardeuses et des demi-secondes de réflexion en trop qui coûtent des points faciles.
Cela fait pas mal d’axes d’amélioration, et James Borrego a largement de quoi se racler la soupière durant cette intersaison XXL. Mais ces problèmes n’ont rien d’inquiétant. Dans le cas des reconstructions, la sonnette d’alarme doit être tirée lorsque le projet s’enlise et que les progressions attendues n’ont pas lieu. Or, au regard des saisons réalisées par certains membres de l’effectif, on a bien envie de croire que nous en sommes loin. Le développement a même été significatif par endroits, et c’est là le vrai point à retenir pour la suite.
Golden Graham
On ne pouvait évidemment pas passer à côté du dossier Devonte’ Graham. Le 34e choix de draft 2018 a passé son année rookie à apprendre les ficelles du métier auprès de Kemba Walker et Tony Parker avant d’exploser littéralement cette année avec 18.2 pts et 7.5 ast, au point de devenir ni plus ni moins que le meilleur joueur de l’équipe. Le jeu de Walker se retrouve d’ailleurs dans celui de Graham, avec cette capacité à dégainer très rapidement en sortie de dribble, qui fait de lui une menace redoutable sur pick and roll. Non content de performer à un niveau inattendu, Graham a réalisé de véritables festivals offensifs au cours des derniers mois, le meilleur exemple restant ses 40 points sur la tête des Nets au mois de décembre avec en prime deux tirs monstrueux pour plier l’affaire.
Quand un joueur “lambda” se met à balancer régulièrement ce genre de shoot (oui, il l’a fait plusieurs fois), difficile de résister à l’envie de s’enflammer.
Cette éclosion inattendue donne de nouvelles perspectives aux Hornets, et laisse rêver à la naissance d’un véritable projet. Car Graham n’est pas le seul à avoir fait forte impression. Sur les ailes, Miles Bridges et PJ Washington ont pris du galon en tant que titulaires. Le premier a montré une progression stable par rapport à l’an passé, et peut vraiment devenir un contributeur important s’il parvient à fiabiliser son tir extérieur. Le second a réalisé une saison rookie de très bonne facture (12.2 pts et 5.4 rbds), débutée, pour l’anecdote, par le plus grand nombre de paniers à 3 points inscrits par un rookie lors de son premier match (7).
Symboles du côté plaisant de cette franchise par leur dimension athlétique, Bridges et Washington ont prouvé qu’ils avaient le matériel nécessaire pour faire du bruit dans la ligue. Il faut encore qu’ils parviennent à se rendre moins dépendants de leurs coéquipiers pour scorer (surtout Bridges, s’il est amené à occuper le poste 3), mais ça tombe bien, ils auront tout le temps du monde pour travailler en ce sens la saison prochaine.
Dans des dimensions moindres, Cody et Caleb Martin ont également marqué des points grâce à leur ténacité défensive, alors que Jalen McDaniels a commencé à obtenir de plus en plus de temps de jeu après avoir passé une grosse partie de la saison en G-League. Malik Monk, quant à lui, peine toujours à franchir un palier – ses 28% à 3 points n’aident pas – mais peut toujours prendre feu un soir donné.
Normalement, à ce stade-là, vous devriez vous dire : “c’est mignon tout ça, mais Terry Rozier était blessé ou quoi ?”.
Nous y venons, chers amis. Bénéficiant d’un temps de jeu plus conséquent, Rozier a augmenté ses stats comme prévu (18 pts, 4.4 rbds, 4.1 ast à 40% à 3 points) et même si son contrat de 58 millions sur 3 ans paraissait excessif à la signature, les motifs de satisfaction sont là. Le rôle qu’il occupe, en revanche, n’est pas du tout celui attendu à la base.
Lorsqu’il est arrivé en Caroline du Nord, Rozier était clairement destiné à prendre les clés du camion et à s’installer en tant que meneur. Sauf que Devonte’ Graham en a décidé autrement, et qu’il a fallu lui faire de la place. Pour ne pas entraver la progression de son coéquipier, Rozier a dû s’adapter et glisser sur le poste 2, ce qui sous-entend d’évoluer plus souvent sans ballon et d’être à même de sanctionner sur du réception-tir. Et à ce compte-là, l’ancien Celtic s’en est très bien tiré. Seuls Seth Curry, JJ Redick et CJ McCollum ont présenté une meilleure réussite que lui sur les tirs à 3 points en catch and shoot (45.8%), ce qui classe le bonhomme. Discrètement, Rozier s’est glissé dans le gratin de la ligue dans le domaine du bombardement longue distance, et ça non plus, on ne l’avait pas vu venir. Même si l’on a encore droit, de temps en temps, à son célèbre “je dribble pendant deux plombes et j’envoie un parpaing”, son jeu a gagné en propreté, c’est indéniable.
Reste à savoir s’il sera à même de cohabiter avec Graham sur la durée. Il ne faut pas oublier que Rozier a voulu quitter Boston pour prendre en main les rênes d’une équipe, estimant que la présence d’une autre star sur le backcourt ne lui permettait pas d’exprimer son plein potentiel. Nous ne sommes pas en train de prétendre que Graham a déjà l’aura d’un All-Star, mais la possibilité qu’il le devienne dans un futur proche existe, rétrogradant potentiellement Rozier au rang de lieutenant.
Malgré l’évolution du jeu de Scary Terry, les Hornets tombaient régulièrement dans le cliché du “à toi à moi” entre les deux arrières, jusqu’à ce que l’un des deux ne crée une faille dans la défense ou ne termine le travail par lui-même, en mode “Blazers du pauvre”. A moins que les deux compères ne deviennent vraiment des monstres, un tel système ne semble pas offrir les meilleures garanties de succès. S’il faut changer les choses et que Graham parvient à se rendre indéboulonnable, le risque pour Rozier serait de se retrouver dans une position fragile et de revenir sur le banc qu’il souhaitait quitter avec ardeur, voire de devenir une monnaie d’échange en puissance. Pas vraiment le plan prévu à la base, vous en conviendrez.
Qu’attendre de l’intersaison ?
Quoi qu’il en soit, dans un futur proche, l’idée est simple. Continuer de développer le noyau créé cette année, et ajouter du talent si possible. Parmi les sujets qui fâchent, le secteur intérieur est le plus visible car pour le coup, la jeunesse n’est pas une excuse. Cody Zeller et Bismack Biyombo sont des joueurs NBA aguerris, mais n’ont simplement pas pu permettre à la raquette de Charlotte de tenir le choc. Pour les raisons évoquées ci-dessus, l’attaque ne risque pas de devenir redoutable du jour au lendemain, il faut faire quelque chose pour solidifier cet édifice défensif. Biyombo est en fin de contrat et ne devrait pas revenir, il y a donc fort à parier que les Hornets feront leur marché cet été pour amener des centimètres là-dedans.
La probabilité d’obtenir l’un des tout premiers choix étant assez faible, plaçons nous dans la situation où les Hornets sélectionnent en fin de top 10. James Wiseman et Obi Toppin déjà envolés, Charlotte pourrait explorer les pistes Onyeka Okongwu et Precious Archiuwa pour densifier le secteur intérieur et répondre aux deux problèmes que sont la protection de cercle et les rebonds défensifs, véritables plaies dans l’édifice des Hornets 2019-2020. Le fait d’arriver dans une raquette dépeuplée leur octroierait un temps de jeu important dès le départ, dans un contexte idéal où la pression du résultat n’est pas trop forte.
La free agency pourrait également apporter des réponses dans ce secteur. Si Mitch Kupchak choisit de prendre le plus gros talent disponible, indifféremment du poste, lors de la draft, il va falloir aller chasser de l’intérieur, une manœuvre coûteuse mais Charlotte possède quelques 25 millions de cap space (en supposant une renonciation aux droits de Bismack Biyombo et l’activation de la Player Option de Nicolas Batum). De quoi attirer du client. Un Tristan Thompson, par exemple, ferait énormément de bien à cette équipe mais il faudra allonger pas mal d’oseille sur la table pour l’attirer. A moindre frais, Aron Baynes ou Nerlens Noel pourraient rendre de fiers services en complément de l’un des prospects évoqués ci-dessus. Et tant qu’on est dans la liste au Père Noël, si Montrezl Harrell ou Christian Wood ne prolongent pas dans leurs équipes respectives, pourquoi ne pas se mettre sur le coup ? Enfin bref, que ce soit en jetant son dévolu sur des valeurs sûres ou sur des paris, la franchise a de quoi faire pour améliorer son talon d’achille.
Des mouvements plus spectaculaires pourraient avoir lieu (trade, recrutement sur l’un des postes occupés par le noyau dur de l’effectif) mais il est difficile de les anticiper à l’heure actuelle. Charlotte semble en mesure de construire une équipe intéressante, dont le plafond est encore inconnu. Il faudra engranger de l’expérience et des victoires pour en apprendre plus à ce sujet, mais en attendant, les pièces sont là pour que les joueurs de James Borrego jouent les poils à gratter. Pour devenir plus que cela, deux objectifs ont été mis en lumière par cet article : à court terme, améliorer la défense, notamment intérieure, et à moyen terme, mettre en place un fond de jeu plus riche. Et si ce n’est pas trop demander, on aimerait bien voir Devonte’ Graham continuer à balancer des mines à 9 mètres en fin de match. Cordialement.