A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 5 sur l’équipe masculine, c’est par ici !
Liste des épisodes précédents :
- Episode 1 : Les pionnières du basket (1893-1928)
- Episode 2 : Championnes avant l’heure (1929-1939)
- Episode 3 :La patte Busnel (1945-1957)
- Episode 4 : Survivre dans le basket soviétique (1957-1963)
Episode 5 : Génération Clermont (1964-1980)
Des championnes françaises, à défaut de championnes internationales
Vous l’aviez compris dans le précédent épisode, l’équipe de France est victime, comme beaucoup de pays, de la sur-domination du basketball soviétique qui règne sans partage, par l’équipe de l’URSS ou de ses Etats satellites, la Bulgarie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, ou encore la Hongrie, l’Ukraine. Cet état des lieux ne va pas changer avant un moment. Dans un tel contexte, il est tout simplement inenvisageable de voir les Bleues aller ou que ce soit sur la scène européenne et internationale, puisqu’à ce niveau, si le basket rouge ne réussit pas, c’est parce que c’est Team USA qui aura pris le dessus. Bref, dans ce monde de titans, de géants, de déesses guerrières du basket, les françaises étaient des Hobbits. Mais les Hobbits ont cette qualité de cultiver leur petit monde, et la France va en faire de même, en faisant émerger une nouvelle génération de basketteuses, qui se voudront les descendantes des Linnet’s de Saint-Maur, ou du Femina Marseille. Cette génération va marquer l’image du basket féminin français pendant des années et des années. Cette génération est connue sous le nom de la génération Clermontoise, ou plus précisément, les “Demoiselles de Clermont”.
Ces “Demoiselles de Clermont”, elles sont aujourd’hui au mur des légendes du basket, et surtout des “Gloires du sport” du Comité Olympique français, qui a voulu honorer en 2019, comme le relate France Bleu “celles qui ont dominé le basket dans les années 70 (…) Les filles du CUC ont été sacrées 13 fois championnes de France (dont 12 consécutivement) en 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1973, 1974, 1975, 1976, 1977, 1978, 1979 et 1981. Elles ont également atteint à cinq reprises la finale de la Coupe des Clubs champions en 1971, 1973, 1974, 1976 et 1977, sans jamais parvenir à en gagner une.” Sans jamais en gagner une ? Et vous voulez savoir pourquoi ? Dans l’épisode précédent, nous parlions d’une certaine Ouliana Semenova. Voilà pourquoi.
Mais qui sont les demoiselles de Clermont ? Et pourquoi Clermont ? Basket-Retro nous les présente : “Bien avant Bourges et Valenciennes s’il y a bien une équipe féminine qui est entrée dans la légende, c’est à coup sûr le Clermont Université Club (CUC). Dominant le basket français durant les années 1970, le club auvergnat a offert aux supporteurs ses premiers frissons sur la scène européenne. (…) Le CUC a souvent rimé avec équipe de France. En effet, un grand nombre de ses joueuses ont porté simultanément le maillot noir clermontois et la tunique tricolore. Le manager emblématique Joë Jaunay a même cumulé un temps les fonctions de sélectionneur national et d’entraineur de Clermont.“. Elles s’appellent Jacky Chazalon, Colette Passemard, et surtout, Elizabeth Riffiod. Riffiod qui comptera 247 sélections en équipe de France, soit une de plus qu’un certain Boris Diaw, qui n’a pas voulu dépasser ce record, et pour cause, Elizabeth Riffiod n’est autre que la maman de Boris Diaw. Vous pouvez fondre et essuyer vos larmes.
La mission de l’équipe de France de Clermont
C’est bien beau d’avoir une belle source de joueuses, une équipe dominante qui fournit un vivier intéressant, mais de la même manière que l’Olympique de Marseille jouait le vivier de l’équipe de France de football au début des années 90, sans trop de succès, l’arrivée de la génération Clermont dans les rangs bleus ne va pas non plus apporter de changement brutal à la hiérarchie, en tout cas, pas tout de suite. Et c’est aussi la mission de cette génération : sortir la France de l’écrasement soviétique. Première étape, avec l’Eurobasket 1964 en Hongrie, et clairement, la hiérarchie ne bouge pas d’un iota, et est même cruellement évocatrice : dans les deux groupes préliminaires, seules deux équipes terminent sans la moindre victoire : l’Italie, et la France, les deux seuls pays de l’Ouest. Devant ces formations, l’Union Soviétique, la Roumanie, la Yougoslavie, la Hongrie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Pologne, l’Allemagne de l’Est, sont toute qualifiées pour la phase finale, ou au moins pour des matchs de classement. Pourtant, la compétition avait débuté de manière intéressante, les françaises ne cédant que d’un point face à la Roumanie, avec toujours Yanick Stephan menant au scoring, accompagnée de Jacky Chazalon, d’ores-et-déjà présente dans les rangs bleus. Bref, compétition à oublier, toujours remportée par Semenova et les soviétiques, direction le tournoi suivant.
Et le tournois suivant, c’est encore l’Eurobasket, en Roumanie cette fois, en 1966. Oh surprise, certaines équipe de l’Ouest sont enfin capable de se hisser, pas très haut, mais c’est déjà une première. Ainsi, les Pays-Bas et l’Italie réussissent l’exploit de terminer… 5e et 6e de leur poule de 7, devant les hongroises. Et dans la poule de la France ? Le seul plus est que les Bleues gagnent un match, soit un de plus qu’en 1964… contre l’Allemagne de l’Ouest, qui terminera sans victoire, derrière la France, qui elle-même termine derrière les soviétiques, les allemandes de l’Est, la Bulgarie et la Yougoslavie. Bref, le plafond de verre, c’est pas du verre, c’est de l’acier. On notera d’ailleurs la rouste infligée aux ouest-allemandes par les est-allemandes : 105-51 ! Les Bleues elles, se défendent en ne perdant que de 7pts contre la Bulgarie, de 14 contre la Yougoslavie… Mais ça ne va pas plus haut, et encore une fois, les françaises ne sont ni en seconde phase, ni en match de classement. En revanche, c’est à cet Eurobasket que Chazalon prend le leadership au scoring devant Stephan, avec une moyenne de 11.7pts par match, ce qui est bien en deçà des capacités du groupe.
Sans la moindre possibilité de se classer, Georgette Coste-Vénitien fini par laisser la place de sélectionneuse, elle qui en fut la pionnière féminine. Les Verots, Chevalier, Cator, Delachet, Le Crom, Prudneau, Guinchard, Peter, Robert et bien entendu les Stephan, Passemard et Chazalon, ne verront rien du Mondial de 1967 en Tchécoslovaquie, remporté haut la main par les soviétiques.
Cette équipe de France de Clermont, à ce stade, ne peut pas faire mieux que de permettre à la France de participer aux compétitions locales, mais sans rien derrière. Et si Clermont trouve un peu plus la voie dans les compétitions européennes en club, c’est toujours Semenova, les équipes de Prague ou du Daugava Riga, que basket-retro surnomme “la malédiction du Daugava”, qui terminent devant elles sur le podium. Plus tard, bien plus tard, comme l’a raconté basketeurope.com, ces femmes se retrouveront, autour d’un verre, entre dames de classe, de prestige, de basket, dans un relatif anonymat public, autour de la grande légende Ouliana Semenova toujours aussi dominante sur la photo, malgré le sourire. Un bel épilogue, pour ce qui était pourtant une guerre sans merci sur les parquets.
Jaunay et les bonnes nouvelles arrivent enfin
Bonne nouvelle en effet, car les nouvelles joueuses sont toutes aussi bonnes que les pionnières de la génération Clermont. A Passemard et Chazalon, se joignent Irène Guidotti, et “Mama Diaw” Elizabeth Riffiod. Joë Jaunay, figure centrale du basket français, reprend la tête du groupe de Coste-Venitien, qui termine avec 28 victoires pour 51 défaites en 9 années de coaching, en plus du record de série de défaites. Un bilan qui ne met pas en valeur la pionnière qu’était Coste-Vénitien. Jaunay n’a donc pas forcément beaucoup à craindre, puisqu’il ne part pas de très haut. Mais Jaunay n’est pas non plus une assurance tout risque, notamment lorsqu’il s’occupait aussi des garçons en bleus ! Nous en avions parlé dans notre série sur l’équipe de France masculine, Jaunay vous faisait parfois vous tirer les cheveux, comme lors d’une tournée internationale, ou les Français auront fait « des démonstrations pitoyables (…) Joë Jaunay fait des expériences à trois pivots. » (Gérard Bosc, Une Histoire du Basket Français, Tome I, p239). Jaunay, c’est aussi le coach d’une équipe de France masculine au fond du gouffre, mais c’est visiblement tout le basket international français qui s’y trouve avec lui de toute manière. Mais Jaunay était aussi ce coach de Clermont, qui brille sur la scène européenne.
Et sa première campagne ne semble pas pour autant contrer les craintes. A l’Eurobasket 1968, les françaises retombent dans les fonds de classement : défaites contre l’Allemagne de l’Est (61-46), contre la Yougoslavie (65-56) et la Hongrie (48-47). Dernières de leur poule, et 11e de l’Eurobasket, devant seulement les Pays-Bas et l’Allemagne de l’Ouest. Si Jaunay a emmené en Italie les jeunes Riffiod et Guidotti, Chazalon elle, n’arrive pas à prendre le leadership, et c’est surtout la native de Mulhouse Danielle Peter qui plafonne péniblement à 10pts par match. Pas fameux. Danielle Peter qui d’ailleurs, décédera prématurément quelques années plus tard, à 35 ans.
Jaunay en route donc pour un doublé de médiocrité garçons-filles en bleu ? C’est sans compter sur le talent de la génération Clermont qu’il dirige. A l’Eurobasket 1970 aux Pays-Bas, c’est le bal des habituées : les machines de l’Est, toutes rodées, face aux petits poucets de l’Ouest. Jaunay part avec Chazalon, Delachet, d’Engremont, Dulac, Guidotti, Guinchard, Hemeryck, Martin, Passemard, Peter, Riffiod, Stephan. Un groupe à la fois composé de jeunes et de joueuses expérimentées. Et soudain, le bloc de l’Est va se faire marteler par les tricolores. Basket-retro.com nous relate le premier match contre la Pologne : “L’adversaire du jour des françaises pensait bien avoir abattu la Bande à Joe, en menant les débats à la 34è minute sur le score de 63-54. Neuf points d’écart ! Tout semblait perdu, mais c’est à cet instant que les françaises démontrèrent tout leur talent avec sang-froid. (…) Avec la puissance d’Elizabeth Riffiod au rebond, les françaises multipliaient les contre-attaques, souvent conclues par Jacky Chazalon. Effondrées, les Polonaises encaissèrent un 12-0, (…) les Bleues enregistrent leur première victoire sur le score de 68-67. Une simple victoire d’un point, mais contre une équipe de l’Est… Une première depuis plus d’une décennie. S’en suit une victoire face à l’Italie (56-52), puis les hollandaises (69-50). Les soviétiques mettront la quasi-traditionnelle pâtée aux françaises (77-41) avant que les Bleues ne se ressaisissent contre la Hongrie. Exceptionnel : les Bleues sont 2e de leur poule, et joueront les demi-finales. Face à la Bulgarie, les françaises marchent sur l’eau, Chazalon a enfin son leadership, inscrivant 34 points, et Riffiod 17, et après un match serré, mais maîtrisé, les françaises s’imposent, 69-64 ! Énorme.
Pour la première fois dans l’après-guerre, la France trouve un podium en compétition internationale. L’exploit face aux soviétiques en finale n’aura pas lieu, défaite 94-33, mais quelle aventure ! Et une médaille d’argent. La finale est d’ailleurs retransmise, n’hésitez pas à y jeter un coup d’œil, pour observer le jeu des françaises, mais la surdomination des soviétiques.
En une compétition, Jaunay et les clermontoises ont soudainement imposé leur style à l’Europe entière : « L’Equipe de France est celle qui présente le jeu le plus varié tant sur le plan offensif que défensif. Son adaptation au jeu de adversaire est tout à fait étonnante et atteste d’une grande maturité collective. Leur deuxième place la situe exactement dans la hiérarchie européenne et elle est d’autant plus méritoire que le niveau du basket féminin s’est accru ces dernières années. » déclare l’entraîneur soviétique Spandariak, Jaunay, lui, résume : “Il a fallu trois ans pour faire l’équipe de France féminine. Trois mois pour la parfaire. Trois jours pour qu’elle connaisse la gloire.” (propos relayés par Basket-Retro.com).
Clermont face au monde
La place à l’Eurobasket débloque enfin les choses : la France participera au mondial 1971 au Brésil. Si de belles écuries sont présentes (URSS, USA, Brésil, Tchécoslovaquie) on est cette fois-ci libéré de l’armada du bloc communiste, avec aussi des équipe comme l’Argentine, l’Equateur, le Japon, et même Madagascar. La France tombe dans le groupe de la Corée du Sud, des USA et de l’Equateur.
Jaunay fait confiance au cœur de son groupe : Chazalon, Guidotti, Delachet, Pessemard, Guinchard, Riffiod, Peter, et ajoute Annie Prugneau, Françoise Quielier, Dominique Leray. Les Bleues commencent en trombe face à l’Equateur (80-49) avec 28 pions de Chazalon. Et puis les françaises décident de marquer le coup, et bottent les américaines ! Riffiod domine la raquette avec 20pts, et la France l’emporte 68-51 ! Qualifiées, les Bleues laissent passer les coréennes (62-51). La France jouera le dernier tour pour la gagne, encore un exploit immense de Jaunay et des clermontoises qui dominent totalement le groupe en stats.
Mais les Bleues vont baisser de régime : défaite contre le Brésil (55-51), la Corée du Sud (72-47), le Japon (68-67), la Tchécoslovaquie (75-58) et l’URSS (80-52). La France termine avec une seule pénible victoire contre les cubaines, avec Chazalon et Pessemard au scoring (17 et 16pts chacune). La France clermontoise termine 6e, un exploit quoi qu’il en soit.
Les compétitions s’enchaînent et se ressemblent : les Bleues vont mieux, mais ça ne passe pas encore suffisamment pour aller attraper un titre. A l’image de l’Eurobasket 1972 en Bulgarie, où les équipes de l’Est sont déterminées à remettre les choses en ordre. Comme d’habitude, les soviétiques dominent, accompagnées des hongroises, des roumaines, des yougoslaves, des polonaises… Mais la France, elle, ne va pas se laisser faire.
L’orgueil des clermontoises qui fait de plus en plus grincer des dents en France est-il une arme pour moquer leurs adversaires avec le maillot bleu ? Possible, car dans une poule relevée, la France défait les néerlandaises (64-37), contre les autrichiennes (72-48) et les Est-allemande (58-47). Malgré deux défaites contre les bulgares et les tchèques, le trio magique clermontois est prolifique et équilibré : Chazalon tourne à 18pts par match, Guidotti à 13 et Riffiod à 11. Jaunay là encore, mise de plus en plus sur l’expérience : Stephan, Dulac, Delachet, Passemard, Guinchard sont encore là. Le groupe est régulier dans ses performances, mais les résultats du premier tour sont intégrés à la phase de poule finale, autant dire que ce bon premier tour ne sera pas suffisant. La preuve, les françaises défont les roumaines, puis les hongroises ! Mais le groupe de Jaunay termine 4e malgré ces deux victoires admirables. Pas de médaille, certes, mais encore un bon classement.
Mais la confirmation n’intervient pas, l’Eurobasket 1974 en Italie est une déception, la France tousse au premier tour face au Danemark et aux Pays-Bas, avant de s’effondrer dans le tour final, pour terminer 7e et manquer le mondial 1975.
Désormais, le groupe de Jaunay sait que son niveau risque de baisser en intensité, et l’URSS est toujours là, et Semenova est toujours là aussi, pour la France comme pour le CUC. Les espoirs se tournent désormais vers 1976.
L’Eurobasket 1976 : l’occasion manquée de marquer l’histoire
Pour l’Eurobasket 1976, la compétition a lieu en France. La génération Clermont est bien là : 8 joueuses sur 12 chez les Bleues sont tout simplement chez elles, autant sur le plan symbolique que physique, puisque c’est à Clermont que se jouera la compétition.
C’est la consécration, et la chance de cette génération. D’autant que la FIBA fait une fleur particulièrement osée aux françaises : puisque la compétition à lieu dans l’Hexagone, alors les Bleues se passeront du tour préliminaire, et débuteront la compétition directement dans le tour final. Oui, au lieu de se baser dans les phases de poules, la France aura 6 matchs pour accéder à une médaille.
Une ambition de titre ? Non, Jaunay lui-même ne veut prétendre au maximum qu’à la 2e place, Semenova est toujours là, avec son armée rouge. En revanche, une médaille et une possibilité de se préparer correctement au tournoi Olympique pour Montréal semblent être des objectifs réalistes. Jaunay mise sur son groupe : Delachet, Passemard, Riffiod, Chazalon, Guidotti, mais intègre de nouveaux éléments, toujours clermontoises bien sur : Salloir, Rougerie, Quiblier, Demarle, et aussi Catherine Malfois, que basket-retro.com est venu interrogé sur cette compétition : “Cette compétition était la dernière pour un certain nombre d’entre nous (une première pour moi), l’attente était grande, ce devait être une nouvelle consécration.“. Malfois qui craignait également que les blessures ne viennent tout gâcher, alors que Chazalon s’était fracturé le radius.
Lors du premier match, les Bleues commencent en trombe, et Chazalon est bien présente : 22pts et une victoire 58-41. Mais rapidement, les espoirs vont s’évaporer : défaite contre la Tchécoslovaquie (62-56), l’URSS (83-56) et une défaite cruelle contre la Bulgarie (53-50) et Chazalon limitée à 15 unités. Certes, la bande à Jaunay relève la tête contre la Yougoslavie (70-60) avec 22pts de Guidotti, puis contre la Pologne (53-52) mais il était alors trop tard, la défaite contre la Bulgarie avait scellé le sort des bleues.
A l’issue de la compétition, basket-retro.com relaye les conclusions de la presse à l’époque : “Ce fut un mini krach”, l’Équipe de France se classant 4ème avec 3 victoires pour 3 défaites. La très belle performance contre la Yougoslavie avait entrouvert une brèche mais le revers cruel contre la Bulgarie nous privait de la médaille de bronze. Le dernier succès contre la Pologne n’était qu’un maigre lot de consolation ! Les journaux soulignèrent l’échec sportif : “On attendait une meilleure performance d’une équipe qui s’annonçait très homogène puisqu’elle comprenait 8 joueuses du CUC, finaliste de la Coupe d’Europe. Les françaises ont malheureusement perdu devant la Bulgarie le match qu’il ne fallait pas perdre pour mériter la 3ème place…”. Ils pointèrent aussi la quasi “dépendance” de l’équipe au duo Chazalon/Guidotti.
L’occasion était trop belle, et la France n’a pas su capitaliser dessus, ni pendant, ni après. Jaunay parti sur cet échec de 1976, c’était Jean-Paul Cormy qui prenait le relais. En dépit de l’envie de Cormy de miser sur la formation et la progression, il n’y aura pas de qualification aux jeux de Montréal, et malgré un bon Eurobasket 1978, où elle termine 4e, la sélection française ne sait pas, encore une fois, achever le travail dans la poule finale du mondial 1979, terminant 7e. A l’Eurobasket 1980, l’équipe de France féminine avait retrouvé la place qu’elle avait, avant l’arrivée de Jaunay, et stagnait dans les ventres mous des compétitions.
L’échec de la génération Clermont ?
Dès 1976, Gérard Albouy dans Le Monde, annonçait le déclin des “Demoiselles de Clermont” qui “ont fait preuve d’une certaine lassitude et de maladresses inhabituelles. Certains s’interrogent sur les raisons de ce déclin : mauvaises habitudes prises dans un championnat national trop déséquilibré, difficultés de sacrifier à un entraînement bi-quotidien pour disputer moins de dix matches intéressants par an, fatigue née de cette monotonie ? “.
Sur Antenne 2 (l’ancêtre de France 2), en 1978, les joueuses sont décrites comme “fatiguées“, avec un entraîneur qui semble parler dans le vide, Colette Passemard qui explique “qu’on nous insulte“, en mentionnant un arbitre dénonçant les joueuses de “salopes qui se prennent pour des vedettes” le Directeur du club Michel Canque qui préfère parler de “puberté” du groupe, tout en étant traité de dictateur… Ambiance, et critiques acerbes absolument injustifiées face aux seules joueuses qui ont su lever le menton face aux basket international. Mais si le CUC faiblit, inévitablement la France aussi.
Pourtant, peut-on parler d’un échec ? Non. Si le déclin de la génération Clermont annonce la conclusion d’une période sans titre, elle n’en fut pas moins une grosse période de compétitivité. Les Bleues, la France, est devenue l’une des rares nations, parfois la seule, à faire face aux équipes de l’Est. A plus de quatre reprises, les françaises sont la première nation occidentales dans les classements derrières les soviétiques, les bulgares, les polonaises ou les tchécoslovaques. Jaunay a ramené le groupe dans les compétitions officielles dont il s’était longuement éloigné, et a surtout obtenu une médaille d’argent. Le sélectionneur a également su exploiter son vivier clermontois, sa jeunesse, et a fait confiance à ses cadres, comme Chazalon et Riffiod. Depuis longtemps, nous n’avions pas vu un cœur d’équipe aussi stable.
Sans apporter le succès escompté, les “Demoiselles de Clermont” auront au moins réussi a replacer la France dans les compétitions internationales, d’autant que le basket mondial et européen féminins redevient favorable à la variété, la domination soviétique arrivant enfin à son terme. Face à la transition “post-Clermont”, il faut désormais engager la période de réanimation de l’équipe de France.
Prochain épisode : En réanimation (1980-1990)