Encore. Encore une année où la mouture des Chicago Bulls nous aura déçu. Comme les années précédentes, nous pensions que la franchise ferait un bond en avant et se battrait pour les Playoffs à l’Est. Mais à nouveau, elle a semblé incapable de produire quelque chose de cohérent. Que ce soit pour une raison (les blessures en 2018-2019), ou une autre, les Bulls ne cessent de nous prouver leur incapacité a réellement décoller. Le problème, c’est qu’après avoir réalisé un été solide : ajout de vétérans, draft de Coby White, récupération des blessés de la saison précédente, le staff semblait avoir fait le nécessaire pour permettre à l’ensemble de franchir le cap tant attendu. Sauf que voilà, l’ensemble fut une nouvelle fois indigeste. Parce que cette équipe défend correctement (voire bien !), mais attaque dramatiquement mal (29eme offensive rating). Un comble pour une équipe jeune, remplie d’athlète, et pourtant pas dénuée de fondamentaux. Et en dépit de leur médiocrité, cette faiblesse en attaque est probablement l’un des plus grands reproches que l’on puisse lui faire : non seulement cette jeune équipe perd, mais en plus, elle s’avère pénible à regarder. Absence de cohésion, énergie faible, manque de spectacle, elle ne génère pas l’emballement que peut prodiguer de voir une jeune équipe se construire. Ces Bulls frustrent, et il est difficile, au regard de l’effectif, de comprendre pourquoi.
Car oui, nous le disions, le travail proposé l’été dernier par les dirigeants n’avait rien de foncièrement mauvais. Souvent moqués, John Paxson et Gar Forman ont réuni un 5 de départ complet (aucun poste faible, contrairement à de nombreuses franchises en reconstruction), récupération de joueurs de qualité sans payer le prix fort (Thaddeus Young, Tomas Satoransky) et une draft intéressante (Coby White en #7, renforçant un poste de meneur problématique en 2018-2019 et Daniel Gafford, intérieur batailleur capable d’apporter de bonnes minutes en #38). Avec ces nouvelles acquisitions, le retour en forme de Kris Dunn, celui de Lauri Markkanen, un Zach LaVine prêt à confirmer ses progrès tous les éléments semblaient au vert.
Ou presque.
Parce qu’un élément trop peu médiatisé s’était immiscé dans l’été solide de la franchise : l’extension au poste de head coach de Jim Boylen. Affichant une gestion humaine compliquée lors du remplacement de Fred Hoiberg, désireux de marquer une transition, le nouveau maître à jouer des Bulls avait un mot d’ordre clair : rigueur, dureté. Si on pouvait espérer qu’un été entier à potasser sa stratégie pourrait changer les choses, difficile de ne pas être circonspect devant la décision de parier durablement sur un coach qui n’avait rien prouvé. Et vint l’exercice 2019-2020…
Mais alors, que faut-il faire du côté de l’Illinois et qu’est-ce qu’on peut attendre de cette longue trêve ?
Qu’est-ce qui cloche dans la franchise ?
Un coach incompétent ?
Lorsqu’une franchise va mal, le premier réflexe est souvent de blâmer le coach. Fusible le plus facile à faire sauter, il semble pourtant que la nécessité soit bien réelle à Chicago. Car si on peut douter de la source même du problème dans certaines franchises, Jim Boylen dépense lui beaucoup trop d’énergie à saborder sa propre crédibilité pour être épargné. Alors oui, le jeu offensif de la franchise est laborieux, pauvre, inesthétique. Oui, la défense est correcte voire bonne grâce au nombre important de défenseur solide dans l’effectif (Thaddeus Young, Wendell Carter Jr., Otto Porter Jr., Kris Dunn, etc). Le fait qu’elle ne soit pas élite pourrait l’attribuer à la jeunesse de l’effectif, au temps nécessaire pour le construire. En revanche, ce que l’on ne peut attribuer à l’effectif, ce sont les déclarations du coach, s’attaquant à ses joueurs de manière systématique en espérant générer une réaction, c’est l’emploi de phrase toutes faites, d’un champ lexical vide de sens (“rugosité”, “dureté”, “rigueur”) tant le rendu final est éloigné des idées prônées. Ce qu’il est difficile de pardonner, c’est l’absence d’identité, de réels schémas de chaque côté du terrain ou encore l’absence de coaching en fin de match.
Alors oui, une défense fait appel aux efforts des joueurs, et l’équipe a montré du mieux de ce côté-là, durant la saison. Mais trop souvent nous avons vu Boylen tout simplement inapte à gérer son équipe, comme lors de l’affrontement face aux Lakers, le 6 novembre dernier. Dans une rencontre bien engagée, le coach croit tenir une nouvelle opportunité de remplir la mission dont il semble avoir fait vœu : celle d’apprendre à cette équipe à montrer du caractère. Une occasion qui va, une fois de plus, aboutir sur un raté des plus dérangeants. Alors que l’équipe s’est forgée une avance confortable, ce dernier va regarder son banc la liquider face au banc des pourpres et or. Sans bouger, sans prendre de temps mort, Jim Boylen va tout simplement perdre un match qui semblait plié alors que James et Davis étaient sur le banc. En fin de rencontre, les justifications habituelles “le besoin de dureté”, “la nécessité d’apprendre à son banc à tenir bon et prendre des initiatives”. Une fois de plus, ce dernier a assisté, passif, à la débâcle, mais pense avoir fait le nécessaire, laissant passer une belle chance de briller face à une des meilleures équipes de la ligue.
Essayant en début de saison de réaliser un bilan du début de leur exercice, déjà désastreux (dans un article non paru), j’écrivais ceci :
Outre la décision douteuse, la justification démontre aussi une absence d’urgence qui semble inquiétante de la part du technicien des Bulls. Pourtant, après bientôt 1 an à la tête de l’équipe, il semblerait que le message ne passe pas et que le training camp n’ait rien changé au problème. Et forcément, sans capitaine à la tête du navire, c’est la saison de Chicago qui semble s’engager sur une voie neurasthénique.
8 mois plus tard, la situation de Chicago n’a pas réellement changé. La saison est terminée et la troupe de Jim Boylen n’a gagné que 33,8% de ses rencontres, avec un maigre bilan de 22 victoires pour 43 défaites. Le coach en chef est toujours en place, et son coaching n’a pas vraiment porté de fruits. Nous aurons, certes, vu une défense en progression. Mais, nous avons aussi vu une rupture avec ses joueurs se creuser, laissant planer un doute sur les chances de ce dernier de construire une relation avec ses joueurs.
Un effectif en mal de révolte
Toutefois, difficile de blâmer uniquement le coaching staff lorsqu’une franchise peine à montrer quoi que ce soit. Et c’est là que le bas blesse, car comme nous l’indiquions dans notre preview de début d’année, peu d’équipes à ce stade de leur reconstruction affichent un roster aussi complet que celui des Bulls. Et pourtant, la sauce ne prend pas et la révolte ne semble pas vraiment venir. Si nous avons vu, chacun leur tour, Zach LaVine et Wendell Carter Jr. parler de leur désarroi ou de leur colère face aux résultats de l’équipe, aucun vent du changement n’est arrivé.
D’un côté, on voit des joueurs continuer leur progression, comme les deux joueurs susmentionnés, mais sans que cela se concrétise par des résultats collectifs. De l’autre, on voit la régression inquiétante de Lauri Markkanen, qui est apparu diminué par période, perdu durant d’autres – ou celle d’Otto Porter Jr qui semble loin de l’ailier solide que les Wizards avaient révélé durant ses premières saisons NBA. On espérait pourtant que l’ajout de vétéran, une année supplémentaire chez de nombreux jeunes joueurs offriraient de nouvelles perspectives. De toute évidence, il n’en fut rien.
Pire, l’équipe n’a toujours pas permis de trouver une lineup vraiment stable autour de laquelle construire. En 65 matchs, Jim Boylen a aligné 559 lineups de 5 joueurs différentes et la plus utilisée (Satoransky, LaVine, Dunn, Markkanen, Carter Jr) n’a jouée que 22 fois ensemble, pour seulement 317 minutes. Un donnée qui en dit long sur l’incapacité des joueurs, au sein même de l’effectif, à trouver des habitudes et une cohésion. Certes, la responsabilité est probablement partagée avec le coach, toujours est-il que rien ne semble s’imbriquer. Un constat qui laisse la franchise dans une position délicate : que faire pour vraiment aller de l’avant ?
Choisir un messi ?
Longtemps critiqué, la paire John Paxson (Vice President of basketball operations) – Gar Forman (General Manager) a pourtant été à l’origine du projet bâti autour de Derrick Rose, solide prétendant au titre avant que les blessures ne détruisent en poussière les espérances de la franchise. Depuis, en revanche, ces derniers n’ont jamais réellement réussi à reconstruire un effectif stable, cohérent, avec une véritable vision. Entre leur tentative autour du trio Rondo-Wade-Butler, équipe coupée dans ses ambitions par son aspect anachronique, ils ont ensuite tenté une reconstruction, dont nous parlions dans cet article, qui peine désespéramment à prendre son envol.
Pourtant, tout n’est pas noir. La paire s’avère douée à la draft, rarement leurs picks ne s’avèrent des “busts” et si leurs échanges ne sont pas réellement gagnants, il arrivent en général à récupérer de la valeur dans leurs transactions. Le souci, finalement, semble ailleurs. Après s’être longuement appuyés sur Tom Thibodeau, très proche de ses joueurs, la franchise a rompu sa relation avec le head coach en le mettant, sans ménagement, à la porte. Elle a également connu de véritables déboires avec son ancienne star, Jimmy Butler, clôturant leur chapitre par un échange et une relation visiblement tendue. Finalement, après l’échec autour de Fred Hoiberg, qui n’a jamais été capable de s’adapter à la dimension NBA, la franchise s’est appuyée sur Jim Boylen, coach adepte des déclarations tapageuses et aux résultats peu convaincants, ce qui n’a pas empêché le duo de lui donner un extension sur le long terme dès l’été suivant .
En fin de compte, le soucis de ce duo semble avoir résidé non pas dans sa faculté à trouver des talents, mais à les mettre dans les conditions de réussites optimales. Si l’on sait que Tom Thibodeau et Jimmy Butler n’allaient pas s’avérer des cas faciles dans la suite de leurs carrières respectives, nuançant certainement le portrait que l’on avait pu se faire de leur rôle dans ces débâcles successives, toujours est-il qu’au fil des années, ce duo de dirigeants emblématiques semblait avoir fait son temps. Et l’inévitable se produit : la volonté de trouver un homme providentiel pour changer tout cela.
Arturas Karnisovas en sauveur ?
Scout pour les Houstons Rockets durant 5 années, Arturas Karnisovas s’est taillé une solide réputation en NBA en devenant Assistant General Manager pour les Denver Nuggets, aux côtés de Tim Connelly, en 2013. Face à la faculté de ce duo à reconstruire la franchise du Colorado, Karnisovas a rapidement suscité l’intérêt de nombreuses franchises. D’un tempérament déterminé, habile à la draft, sa paire avec Connelly lui a valu plusieurs sollicitations. Les Nets, en 2016, puis les Bucks en 2017. Pourtant, alors que Milwaukee semble le voir comme l’un des candidats majeurs pour ce poste, les Nuggets vont sécuriser sa position en le nommant General Manager, tandis que son prédécesseur continuait son ascension dans l’organisation de Denver. Après avoir accepté une prolongation de plusieurs années avec Denver durant l’été 2019, l’homme allait finalement quitter la navire, quelques mois plus tard, pour prendre un nouveau poste chez les Chicago Bulls. John Paxson licencié, Arturas Karnisovas obtenait les pleins pouvoirs pour remanier l’organigramme de la franchise aux 6 bannières de champions et insuffler un vent nouveau dans sa gestion.
Pour Jerry Reinsdorf, l’idée était claire : amener un homme extérieur au microcosme actuel, ayant à la fois un esprit basketball acéré, mais aussi capable de franchir un cap dans sa carrière en ayant une vision long termiste : pour les 10 voire 15 années à venir. Après avoir interrogé de nombreux dirigeants de la ligue, l’un des noms qui revenait en boucle était Arturas. Quelques longues discussions avec ce dernier plus tard, Reinsdorf a décidé de lui confier l’avenir de sa franchise avec la liberté nécessaire pour mettre les bonnes personnes à la tête de l’équipe.
Qu’attendre de cette nouvelle direction ?
Lorsqu’on souhaite évaluer le travail d’un homme, avec une vision extérieure de l’organisation, difficile de savoir quelle part ce dernier a joué dans la direction de la franchise. Était-il un artisan majeur chez les Denver Nuggets, était-il sur la même longue d’onde que ses partenaires, ou suivait-il l’empreinte de l’homme au-dessus (Tim Connelly) ?
Dans cette prospection, nous allons imaginer que Karnisovas a joué plus que sa partition et que nous pouvons attendre une orientation similaire pour les Bulls. Dès lors, que savons-nous ?
Tout d’abord, les Chicago Bulls ont souvent construit par la draft. Si plusieurs noms clinquants ont pu signer ou être proches de signer avec la franchise lors des deux dernières décennies, toujours est-il que l’essentiel des talents majeurs ayant évolués dans la franchise ont été acquis durant la draft. A ce titre, après avoir tenté l’expérience D-Wade/Jimmy Butler, la franchise a abdiqué et décidé de relancer un nouveau cycle par la sélection annuelle de jeunes talents. Comme précédemment évoqué, le département scouting de Chicago a souvent eu le nez creux en mettant la main mise sur plusieurs talents très intéressants, parfois même en dépit du scepticisme de la fan base (Lauri Markkanen avec le 7eme choix, par exemple). S’il y a eu quelques bévues (monter dans la draft pour récupérer Doug McDermott, contre deux picks à Denver devenus Gary Harris et Jusuf Nurkic), dans l’ensemble, les Bulls semblent faire partie des bons élèves. Là où le bas blesse, c’est évidemment que l’assemblage de ces jeunes talents ne fonctionne pas jusqu’ici.
Dès lors, qu’attendre du nouveau Vice président des opérations basket ? Faire encore mieux durant la draft. C’est clairement ce que l’on peut attendre d’Arturas Karnisovas. Ancien scout, il a semblé particulièrement compétent en la matière, permettant à sa précédente franchise une reconstruction très rapide. Les Nuggets ont joué la carte de la jeunesse, mais pas que. Ils n’ont pas hésité à aller chercher des vétérans pour insuffler une mentalité à l’équipe. Si on peut s’attendre à voir Karnisovas placer des hommes de confiance dans le département scouting, il lui reviendra surtout de faire fructifier l’existant en sélectionnant les bonnes pièces pour créer un ensemble cohérent. Ce qu’il ne faut pas attendre, en revanche, ce sont des trades brillants. Durant ses années à la tête de Denver, nous avons rarement vu la franchise sortir grande gagnantes des échanges avec d’autres franchises. Visiblement assez frileux quant à l’idée de faire des échanges majeurs, il semble n’y avoir recours que sous la contrainte (mécontentement de Jusuf Nurkic et besoin de confier la raquette à Nikola Jokic, surcharge du banc lors de l’échange de Malik Beasley, Juancho Hernangomez et Jared Vanderbilt). Si on peut se dire que la sauce sera différente à Chicago (quid de l’influence de Tim Connelly, d’une potentielle stratégie différente ?), toujours est-il que la formation semble le maître mot pour Karnisovas. Une voie plus sage, très certainement.
Quid de l’organigramme des Bulls ?
Maintenant que Karnisovas est en place, il convient de savoir quelles en seront les conséquences ?
D’un côté, nous avons un John Paxson qui, bien que démis de ses fonctions, restera proche de la franchise en tant que conseiller. Une manière de le conserver au contact d’une organisation dans laquelle il a évolué plus de 35 ans (Joueur, commentateur, GM, VP). De l’autre, son acolyte depuis 2009, Gar Forman, connaît un traitement moins chaleureux. Annoncé démis de ses fonctions avant même qu’une décision officielle soit prise par Karsinovas, ce dernier confirmera la nouvelle quelques jours plus tard. Pour Justification, Arturas précisera qu’après discussion, leurs visions aux antipodes ne fonctionnerait pas.
Lorsque l’on veut changer des habitudes, sortir de l’échec, conserver ceux qui ont créé la situation actuelle n’est pas évident. Un fait dont le nouveau VP des opérations basket semble conscient. Dès lors, qui pour les remplacer ? A ce jour, aucun candidat n’émerge en tête, et alors que les Bulls font partie des 8 équipes en vacances avant l’heure, Karnisovas dispose d’encore beaucoup de temps pour étudier toutes les options et trouver le bon partenaire.
Les changements ne arrêteront pas là, puisque plutôt que de revoir tout l’organigramme de la franchise, il entend aussi développer ce dernier (en nombre, et en pratique). Une idée que le propriétaire, Jerry Reinsdorf a confirmé ces derniers mois :
Il pense que l’organisation a besoin de changements et d’améliorations. Il pense que nous sommes coincés dans nos habitudes. Et quand on se penche là-dessus, notre département basketball a pendant longtemps été le plus petit de la ligue. Il ne s’est pas vraiment développé avec le temps.
Deux choses donc. D’une part, l’impression que les Bulls n’ont pas vraiment amélioré leur effectif malgré des revenus toujours plus élevés. D’autre part, l’idée que la franchise n’a pas pris tous les tournants que d’autres franchises ont pu saisir au cours de la dernière décennie. Après avoir régné sur la NBA dans les 90s, peut-être que Chicago n’a pas su prendre, pleinement, les virages que la grande ligue a connu (santé, suivi des joueurs, analytics, etc).
Alors que l’ensemble de la franchise semble en plein boom, sous l’impulsion de Karnosivas, un homme est resté le principal centre d’attention : Jim Boylen. Après plusieurs semaines de discussion, notamment sur le style de jeu, le nouvel homme fort des Bulls n’a toujours pas pris de décision. Puisque son équipe n’est pas prête de rejouer, il convient de prendre le temps. L’idée est de donner tout le loisir à Boylen ou son futur remplaçant de constituer une équipe en accord avec les préceptes de jeu choisis. Puisque Boylen a su s’entourer d’assistants expérimentés, il pourrait dès lors avoir gagné un nouveau sursis. Quand bien même, il est assis sur l’un des sièges les plus facilement éjectables de toute la ligue. Rien n’est toutefois joué, puisque l’essentiel des éléments recueillis l’ont été sans rencontre physique avec le staff et les joueurs. Considérant que les décisions autour du coaching sont “les plus dures à prendre dans cette ligue“, Karnisovas attend d’avoir vu le coach et ses joueurs à l’oeuvre avant d’avancer sur le sujet.
Et côté joueur ?
Si restructurer la franchise avec plus de temps représente un avantage certain pour le nouveau Vice Président, il n’en va pas de même en ce qui concerne les joueurs. Pour ces derniers, l’objectif semble d’avoir plus de monde pour les entourer, préparer leur développement et les accompagner durant la longue trêve. D’autant que comme le précise Arturas : “ne pas jouer pendant 8 mois [nous] donne un désavantage compétitif.”. Pour gérer au mieux cette longue inactivité, ce dernier aimerait d’ailleurs qu’Adam Silver permette aux 8 équipes inactives de réaliser une sorte de “summer league” pour permettre à leurs éléments, surtout les plus jeunes, de retrouver un rythme et d’avoir un objectif plus proche sur lequel se concentrer.
Considérant que l’équipe a sous-performé ces deux dernières saisons, le nouveau dirigeant semble vouloir conserver la majeure partie du groupe actuel. Pas d’échange d’envergure en ligne de mire, pour tester cette jeunesse dans un cadre qu’il aura lui-même bâti.
Les discussions avec ses joueurs l’ayant assuré que “l’objectif individuel de chacun est de gagner”, tout porte à croire que l’été sera assez calme sur le marché. Si certains joueurs pourraient venir garnir les rangs, aucun élément clé ne devrait être ajouté. En revanche, il conviendra pour les fans d’avoir les yeux rivés vers la draft. Puisque les Bulls ont la main sur leurs picks de draft, on imagine que la loterie aura son importance, alors que les Bulls (11eme à l’Est), pourraient à nouveau obtenir un choix intéressant. Bien que cette cuvée s’annonce assez faible, nous ne sommes pas à l’abris de bonnes surprises. Un moyen notamment de garnir un banc qui mérite encore quelques améliorations.
Quels objectifs ? Quels challenges ?
Une fois ne sera pas coutume, les Chicago Bulls viseront le progrès tant annoncé l’année prochaine. Après 3 années à rebâtir un effectif, il est temps pour cette équipe de vraiment compter dans la conférence Est. Dès lors, qu’en sera-t-il ? Nouvelle déception ou décollage ?
Si les changements annoncés sont enthousiasmants, le flou autour du poste de coach rend la projection plus difficile. Le choix de conserver ou non Jim Boylen sera crucial, évidemment, alors qu’Adrian Griffin (Raptors) et Ime Udoka (Sixers) apparaissaient comme de solides prétendants à son remplacement. L’objectif sera évidemment de disputer les Playoffs, alors que l’effectif en place semble posséder toutes les armes pour être compétitif. En outre, plusieurs joueurs doivent enfin afficher les progrès attendus : Lauri Markkanen, évidemment, pour qui l’exercice en cours devait être l’année de l’envol, mais aussi des joueurs comme Kris Dunn (qui peine à vraiment développer son potentiel), ou Otto Porter Jr (qui semble pouvoir faire plus). Tous devront être accompagnés et particulièrement surveillés.
L’équipe, si elle n’en parle pas, devra aussi faire un choix sur le cas Zach LaVine. Probablement le joueur le plus fort offensivement de l’équipe, l’arrière n’est pourtant pas le choix idoine pour construire l’équipe. Combo guard au poste d’arrière, mauvais défenseur, attaquant talentueux mais pas assez complet, il ne fait pas office de leader idéal. Possédant déjà des statistiques dignes d’un All-Star, il n’a pas l’impact attendu d’un joueur de ce calibre. Dès lors, que faire ? Continuer de parier sur lui ? Préparer un échange ? Le pousser à changer de rôle ? Autant de questions auxquelles les dirigeants doivent répondre, alors qu’à l’heure actuelle, l’équipe semble dépendante de son arrière pour scorer.
Le style de jeu prôné aura d’ailleurs une part important dans l’évolution de la franchise, mais également dans le choix des joueurs sur lesquels elle va parier. Le socle de l’équipe sera-t-il formé autour des joueurs au profil défensif, alors que c’est le chantier le plus avancé de l’équipe (qui trônait dans le top 10 des défenses quand le groupe était en bonne santé), ou un virage offensif sera préféré pour mettre en valeur certains éléments clés, dont Markkanen, qui bénéficieraient beaucoup de plus de courses ?
Progresser à court terme en visant le titre : possible ?
Si la franchise veut progresser, l’objectif annoncé pour Karnisovas est clair “ramener un nouveau titre à Chicago”. Or les promesses d’un progrès à court terme, mêlées à un objectif de titre sur le long cours n’est pas toujours gage de sûreté. Comprenons-nous. Les Bulls n’ont pas, en l’état, de talents suffisants pour viser un titre. Il est toutefois bien plus simple de construire un effectif une fois que la pièce centrale est arrivée. En faisant le choix assumé de considérer que Zach LaVine n’est pas ce joueur, le fait de viser les Playoffs éloigne d’un choix de draft dans le top 5 (ce que la franchise ne possède déjà pas). Si ne pas posséder un “top pick” n’empêche pas de trouver ce franchise player (Giannis Antetokoumpo, Kawhi Leonard, Nikola Jokic en sont des exemples), toujours est-il que cela en réduit forcément les chances.
Or si la cuvée 2020 est annoncée comme faible, celle de 2021 retient en revanche l’attention de nombreuses franchises, avec divers talents attendus comme à très haut potentiel. Si les Denver Nuggets dont provient Karnisovas se sont construits sans top pick, on peut imaginer que des noms comme Cade Cunningham, Jalen Green, Jalen Johnson, Evan Mobley, Brandon Boston Jr., Jonathan Kuminga ou encore Ziaire Williams doivent résonner dans les têtes de nombreux dirigeants.
Dès lors, faire une progression éclair peut aussi devenir un handicap dans la course à la perle rare… dans un staff qui devrait, justement, baser sa construction sur le scouting et le processus de draft.
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Finalement, les Chicago Bulls ont décidé de tout changer en ne changeant presque rien. Plutôt que renier l’effectif en place, de nommer un 3eme coach en 2 ans (pour le moment), ils ont finalement décidé de se laisser tenter par l’idée chère à Jerry Krause (GM des Bulls durant les 2 threepeats de la franchuse) “les joueurs et les coachs ne gagnent pas de titres, les organisations le font.“. En nommant un nouvel homme fort, prisé par de nombreuses franchises, Jerry Reinsdorf entend renouveler son organigramme pour remettre sa franchise au goût du jour. Moderniser le staff, faire les choses différemment, insuffler de nouvelles idées … soit autant de choses qui ont semblé manquer à la franchise depuis la fin de l’ère Derrick Rose. En ce faisant, les Bulls espèrent donner une nouvelle chance à ces jeunes talents qui peinent à décoller.
Si les Chicago Bulls ne sont plus à une déception près, il est pourtant tout à fait cohérent de dire que la stratégie choisie fait sens, alors que la ligue a connu une transformation sans précédent. Pendant que le jeu était révolutionné, que de nouvelles pratiques émergeaient, les Bulls eux entraient dans un nouvel âge sombre de leur histoire. Imaginer Arturas Karnisovas ramener l’organisation dans l’air du temps, c’est admettre qu’un travail de longue haleine attend Chi-Town. Toutefois, si déception à court terme il y avait encore, il y aurait au moins l’impression qu’un mal nécessaire était à l’oeuvre, afin de servir un objectif plus grand : remettre la ville mythique de Chicago sur l’échiquier NBA et, par la même, redonner aux Bulls la vision long terme qu’elle avait perdue.