Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Débuté il y a plusieurs mois maintenant, le Magnéto était pour nous, rédacteurs, l’occasion de retracer dans les grandes lignes l’histoire de la Grande Ligue. Qui dit NBA dit forcément franchises plus ou moins historiques, champions impressionnants ou magnifiques losers. Depuis maintenant plus de trente épisodes, de nombreuses équipes sont passées au crible à travers différents monuments de leurs effectifs : les Pistons avec notamment Hill et Thomas, les Knicks avec King, les Nuggets à travers Lever ou encore les Spurs avec Ginobili.
Aujourd’hui, il est temps de mettre sur la carte l’une des franchises les plus clivantes de ces dernières années, qui a connu son âge d’or durant le milieu des 90’s : les Rockets de San Diego, puis de Houston. Et qui de mieux pour les représenter que Calvin Murphy ?
Même si le nom de ronronne pas autant que ceux d’Hakeem Olajuwon, de James Harden ou de Danuel House Jr, le Pocket Rocket est un acteur éminemment important de la décennie 70’s de sa franchise. Gros scoreur et passeur plus qu’honnête, il portera sur ses épaules les fusées du Texas sur toute la durée de sa carrière.
Doté de capacités physiques aussi impressionnantes que celles d’Isaiah Thomas (175cm pour 74kg), Cal détiendra pendant longtemps le record au scoring de sa franchise malgré les exceptionnels joueurs qui y joueront plus tard.
En effet, même si le physique a une importance capitale en NBA, Murphy est la preuve vivante que lorsque l’on est talentueux, les centimètres ou les kilogrammes peuvent être relégués au rang de détails.
Action !
09 mai 1948, Norwalk, Connecticut. C’est dans cette petite ville du nord-est des Etats-Unis que Calvin Jerome Murphy vit le jour. Avant de commencer à dribbler, balle orange entre les mains, le jeune Calvin était reconnu dans son entourage pour sa capacité à faire du…bâton. En effet, influencé par sa famille, il performera dans le twirling bâton, forme dérivée de gymnastique.
Il commencera le basket au lycée de Norwalk, quelques années plus tard. Ses débuts tardifs ne l’empêcheront cependant pas d’être immédiatement excellent, comme en attestent ses trois nominations au sein de la All State Team, et ses deux au sein de la All America Team.
Ces belles saisons dans l’High School de sa ville natale lui permettront d’intégrer un programme universitaire. Certes, ce n’est ni Duke, ni Kentucky ou UCLA, mais Calvin est très heureux de pouvoir montrer l’étendue de ses talents à la NCAA. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on le verra passer.
Au sein de la Niagara University, il réalisera trois saisons de très haut vol. Il tournera respectivement à 48,9 (!!!), 38,2, 32,4 et 29,4 points de moyenne sur ses différents exercices, lui permettant de décrocher une place dans la First-Team All America en 1970 et dans la Second Team deux ans auparavant.
Il restera dans les mémoires de la ligue universitaire comme l’un des plus grands scoreurs de son histoire, détenant encore aujourd’hui la quatrième meilleure moyenne au scoring de la compétition (33,1 points de moyenne sur 77 rencontres). Son plus grand carton ? 68 points scorés contre Syracuse le 7 décembre 1968. Surtout, il place sa toute petite faculté sur la carte américaine, créant même des files d’attente interminables … au restaurant. En effet, tous les supporters souhaitaient dîner tôt pour pouvoir ensuite aller observer le meneur de poche sur les parquets, obligeant les restaurateurs à rivaliser d’ingéniosité(s) pour accroître leur productivité.
Le Pocket Rocket décide alors de se présenter à la draft 1970. Entre Pete Maravich, Dave Cowens, Bob Lanier, Nate Archibald ou Dan Issel, il réussit à être sélectionné par les San Diego Rockets, qui détenaient le premier choix du second tour (en plus du second choix du premier, avec lequel ils ont choisis Rudy Tomjanovich).
L’effectif de la franchise californienne à l’aube de la saison 1970 – 1971 est alors plus qu’intéressant. En plus des deux rookies cités quelques mots plus tôt, nous retrouvons Elvin Hayes, alors au top de sa forme, et Stu Lanz, combo guard méconnu, tournant néanmoins à plus de 20 points par match lors de cet exercice.
Très rapidement, Murphy va se faire une place de choix dans le roster dirigé par Alex Hannum. Il jouera plus de 24 minutes par match lors de la saison régulière, souvent associé à Lanz sur le backcourt. Dès ses premiers pas en NBA, Cal semble à l’aise, prenant petit à petit la pleine mesure de l’attente réservée à un joueur de calibre All-Star dans la grande ligue.
Les premières rencontres professionnelles du guard se sont soldées par trois lourdes défaites (-15, -18, -8), mais Murphy a individuellement répondu présent : il score successivement 17 points, 17 points et…17 points. Appelez la police. A peine arrivé, déjà indispensable.
Cependant, comme tout rookie qui se respecte, sa saison sera marquée par une irrégularité importante, passant de soirs où le panier est semblable à un océan à des rencontres où inscrire ne serait-ce qu’un lay-up est impossible.
Cette première saison permet au moins d’apercevoir les qualités de pyromane du joueur. Parce que quand le bonhomme est dans un bon soir, il l’est vraiment :
- 25 octobre 1970 @ Phoenix : 29 points et 3 passes à 52% au tir dans une défaite (-19),
- 05 janvier 1971 @ Chicago : 36 points, 5 rebonds et 4 passes à 77% au tir dans une défaite (-13),
- 19 février 1971 @ San Francisco : 30 points et 3 rebonds à 59% au tir dans une victoire (+6),
- 23 février 1971 @ New York : 29 points à 64% au shoot dans une victoire (+17).
Les pics au scoring ne sont pas (encore) extrêmement hauts, mais une particularité impressionne : Calvin, dans les bons soirs a une capacité à scorer beaucoup, en tirant peu. Mais l’inverse est aussi valable. Sur cette même saison, il réalisera quelques performances assez… en deçà : 1/8, 2/10 ou 3/11 au tir par exemple.
Il conclura cette première saison avec une ligne statistique plus qu’honorable : 15,8 points, 4 passes et 3 rebonds. Il intégrera alors la All Rookie NBA Team, aux côtés de Cowens, Maravich, Petries et Lanier. Il ne pourra malheureusement pas être dans la course du ROY, Dave Cowens ayant de meilleures statistiques.
La rencontre du 21 mars 1971 verra les Rockets disputer pour la dernière fois à l’entre-deux à San Diego. En effet, Texas Sports Investiments rachète l’organisation à l’été et la déplace dans le Texas, à Houston, pour donner naissance à la franchise que l’on connait aujourd’hui.
Calvin Murphy, comme tous ses coéquipiers, fera également le trajet. Mais ni le jet lag ni le dépaysement ne le mettra en difficulté. La saison sophomore du guard sera de meilleure facture que l’exercice précédent, inscrivant ainsi plus de 18 points par rencontre. Il s’installera comme un joueur plus que fiable, perdant peu à peu son statut de feu-follet à la gâchette aléatoire, pour devenir plus sobre et efficace. Ses 39 rencontres à plus de 20 points inscrits le prouvent. Tout comme ses 45,5 % au tir, malgré 3 tirs de plus par soir, et les 89 % de réussite sur la ligne des lancers (+7 points). Il s’installe alors comme une véritable seconde option pour big E, formant un excellent quatuor avec Tomjanovich et Lantz.
Malheureusement, malgré la présence de 3 multiples All Stars et l’émergence des deux sophomores, la saison collective des Rockets est encore décevante (34 – 48). Les fans devront encore attendre avant de voir de la NBA en avril et mai dans le Texas.
Il n’y a pas grand-chose à retenir de cet exercice, si ce n’est un détail. Les Rockets finiront la saison avec la 4è Pace de la Ligue, ce qui se traduit par la 7è place des meilleures attaques au nombre de points inscrits par soir. Toutefois, l’offensif rating, lui, est désastreux : 14è, dans une Ligue qui abrite alors 17 franchises.
Tex Winter, head coach, sent alors qu’il tient quelque chose. Il décide alors de maximiser son attaque : lors de l’exercice suivant (1972 – 1973), les Rockets seront premier du classement concernant la Pace et du nombre de points inscrits par match. La suite logique aurait donc été de voir les rouges se qualifier en post-season et Calvin Murphy dépasser pour la première fois les 20 points par match.
Mais comme vous devez maintenant le savoir, rien ne se passe comme prévu… Winter est gentiment remercié après un début de saison catastrophique d’un point de vue comptable (17 – 30). Cela peut en effet s’expliquer par le départ d’Hayes (pour les Bullets), qui, rappelons le, est alors septuple All-star, et qui affiche 20,5 points et 12 rebonds aux termes de 572 rencontres disputées avec les Rockets. En plus de la perte du franchise player, Houston déplore la perte d’influence de son meneur ; Murphy joue 8 minutes de moins, et pèse forcément moins le jeu de son équipe. Les Rockets peinent à décoller.
La saison 1973 – 1974 sera celle du renouveau individuel pour le Pocket Rocket. Un renouveau qui n’aura guère d’impact sur le jeu global de sa franchise. Il dépassera pour la première fois les 20 points de moyenne sur une saison, gratifiant les spectateurs de l’Hofheinz Pavilion de plusieurs cartons. Il fait irruption dans la catégorie des guards – passeurs, distribuant pour la première fois de sa carrière plus de 7 passes décisives par rencontre (son précédent record était de 4,8 passes par match). Il est le seul joueur de cette saison a réaliser de telles statistiques.
Voici, en vrac, les meilleures lignes statistiques du numéro 23 des Rockets lors de cette grosse saison individuelle :
- 05 décembre 1973 vs Capital : 33 points, 8 passes et 4 interceptions dans une victoire (+20),
- 19 décembre 1973 vs Seattle : 39 points et 7 passes dans une défaite (-6),
- 26 décembre 1973 vs Kansas City : 33 points, 10 passes et 2 rebonds dans une victoire (+15),
- 29 décembre 1973 @ Atlanta : 35 points dans une défaite (-4).
Las, avec 32 victoires et 50 défaites, les Rockets sont de nouveau mieux placés pour la draft que pour les playoffs.
Ce début de carrière ressemble à de nombreux autres jeunes qui n’arrivent pas à franchir certains caps : grosses performances individuelles pour peu de résultats collectifs.
Houston, nous avons un problème ! Voilà, maintenant que nous avons utilisés de tous les poncifs imaginables (et usés jusqu’à la corde), il s’avère que pour la première fois de leur Histoire (franchise créée en 1967), les Rockets vont terminer une saison avec un bilan … à l’équilibre ! Bilan qui permet à la franchise texane de visiter les playoffs pour la seconde fois (après 1969).
L’artisan majeur de cette saison enfin réussie est Tomjanovich, All-star incontestable depuis maintenant deux saisons, dépassant pour la seconde fois de sa carrière les 20 points de moyenne. Muprhy n’est pas en reste, avec un rôle de seconde option offensive qui lui va comme un gant : 18,7 points, 4,9 passes et une adresse toujours excellente (48,4 % au tir, 88,3 % aux lancers).
Pour ce premier tour de post-season, les Rockets pêchent un gros poisson : les Knicks de d’Earl Monroe et de Walt Frazier, deux joueurs trouvant aisément leur place dans un top 100 All-Time, et dont l’association a permis à la franchise de New-York de vivre sa meilleure période.
Mais les new-yorkais ne feront pas le poids. Grâce à leur très bon duo de stars, les texans éliminent les champions 1973. Murphy ne descendra pas sous les 20 points lors de cette série (22, 20 et 20 points respectivement sur les trois rencontres).
En demi-finale, ce sont les Celtics d’Havlicek, JoJo White et Dave Cowens qui s’avancent. L’écart de niveau semble impossible à combler. La logique sportive rejoindra ici celle du papier, et Boston se qualifiera en finale en 5 petites rencontres. Murphy sortira avec les honneurs : plus de 26 points de moyenne sur la série, connaissant même un pic à 35 lors du game 4.
Malgré l’élimination, la franchise semble (enfin) sur les bons rails. Avec plus d’automatismes et quelques pièces supplémentaires, ils pourraient alors jouer les rôles de trouble-fête dans cette conférence Est relevée (oui, Houston était à l’Est à l’époque).
La saison 2 d’un projet est toujours très importante. Reste à voir qui de la confirmation ou de la déception attendra la franchise texane au terminal.
L’oscar de la saison 1975 – 1976
Le roster, toujours dirigé par Johnny Egan, n’a pourtant rien pour faire peur au reste de la conférence Est. Chose que les Celtics n’hésitent pas à rappeler à des Rockets hagards lors de la première rencontre de la saison (- 15). Les 10 premières rencontres sont le parfait miroir de ce que sera finalement la saison globale de la bande de Murphy, avec 5 victoires et autant de défaites. Pourtant, le petit meneur performe … des deux côtés du terrain.
Offensivement, avec 23,6 points par soir, il mène le jeu des siens. Il est toujours capable de prendre feu, comme en témoignent ses 40 points contre Détroit (défaite -4, au demeurant). Il se démarque toujours par sa propreté, lui qui n’aura raté que deux lancers, sur les 70 tentés lors des 10 premières rencontres. D’ailleurs, c’est lui qui détenait le record du plus grand nombre de lancers inscrits consécutivement : 78. Voilà pour la funfact.
Défensivement, quand bien même il mesure la taille de l’enfant de 8 ans qu’était Akeem Olajuwon, il se distingue par une pression tout terrain particulièrement épuisante pour son vis-à-vis de meneur, un peu à l’instar de ce que réalise notre frenchy Andrew Albicy du côté de Saint-Pétersbourg et sur la scène internationale.
Ce mélange de festival offensif et d’acharnement défensif place Murphy dans la course au All-star game pour la première fois de sa jeune carrière. Néanmoins, est c’est un point négatif à une époque où les convocations aux matchs des étoiles dépendaient énormément des résultats collectifs (le cas de Trae Young en 2020 n’existait alors pas), Houston est rapidement distancé à la course aux playoffs. Un quintet de tête se détache ainsi : Boston, Cleveland, Washington, Philadelphie et Buffalo, avec les Rockets en chasse-patate, chef de meute du gruppetto.
Le pire, si l’on peut dire ainsi, c’est que de nombreuses défaites sont concédées contre des équipes pourtant bien plus concernées par la course au tanking que celle des playoffs. Il en est ainsi que la double victoire contre Cleveland, au cours desquelles Murphy a martyrisé Jim Cleamons, sont effacées par des défaites contre les Pistons, les Knicks et le Jazz. Malheureusement, en cette époque, la conférence Est était bien plus relevée que son homologue de la West Coast. En cela, les résultats de la fin de saison sont éloquents : 5 franchises de l’Est termineront avec un bilan positif (56 % de victoire au minimum parmi elles), là où 3 équipes de l’Ouest atteignent ce bilan (51,2 % au plus bas parmi elles).
Pour garder un espoir de valider les progrès collectifs de la saison passée, Murphy passe la démultipliée. Face au cercle, une fois n’est pas coutume, il est inconstant. Toutefois, rares sont les meneurs qui remportent leur face-à-face avec lui. A l’inverse de Lenny Wilkens, qui s’éteignait lorsqu’il rencontrait K.C Jones, peu de guards parviennent à canaliser la pile électrique des Rockets tout en parvenant à scorer efficacement de l’autre côté du terrain. Au final, rencontrer Calvin Murphy, c’est l’assurance de passer une soirée compliquée. Pas forcément infernale, mais assurément pénible.
Le 6 décembre 1975, soir de la 20è journée, Houston reste sur 6 victoires lors des 7 derniers matchs. Ironiquement, ce sont des grosses écuries qui passent à la casserole, comme cette double victoire contre les Bullets d’Hayes, Unseld et Bing. Bien épaulé par Tomjanovic et par le plus méconnu Mike Newlin, Pocket Rocket continue de sortir des standards qui étaient jusqu’alors les siens, dépassant plus souvent qu’à son tour la barre des 25 points.
Cependant, au soir de sélectionner les guards de la conférence Est, Cal ne figure pas dans la liste des trois meneurs retenus. Pourtant, si l’on compare froidement les statistiques des 4 hommes, c’est bel et bien lui qui domine les débats, avec ses 21 points, 7,3 passes décisives et même quasiment 3 rebonds. Dave Bing, Jo Jo White et Walt Frazier, tous trois conviés à la fête, présentent tous des statistiques moindres au point et à la passe. Pour les deux premiers cités, le bilan collectif de leur franchise respective ne laissent pas de doute sur la raison de leur nouvelle étoile.
En ce qui concerne Frazier, encore joueur des Knicks (il terminera sa carrière aux Cavaliers), l’argument du bilan collectif n’opère pas. Son poids dans la Ligue, toutefois, en fait un candidat naturel au All-star game. Murphy, lui, attendra encore 3 années pour disputer son unique match des étoiles en carrière.
Il termine sa saison aussi fort qu’il ne l’avait entamée. L’équation est d’ailleurs relativement simple, puisque s’il score 30 points ou plus, Houston quitte les parquets avec la victoire 70 % du temps. Il est ainsi décisif dans plusieurs rencontres remportées, dans cette lutte pour revenir sur les Braves, 5è et dernier qualifié de la conférence Est :
- 11 févr. 1976 vs Boston : 31 points, 5 passes décisives à 53 % au tir, dans une victoire (+12),
- 27 févr. 1976 @ Buffalo : 33 points, dans une victoire (+6),
- 10 mars 1976 vs Portland : 31 points, 9 passes décisives à 61 % au tir, dans une victoire (+3),
- 5 avr. 1976 @ Philadelphie : 36 points, 4 rebonds, 11 passes décisives à 62,5 % au tir, dans une défaite (-1).
Cette dernière rencontre est symptomatique de la fin de saison des Rockets, qui, à bout de souffle, craqueront définitivement à la mi mars, pour concéder 8 défaites sur les 12 dernières confrontations, hypothéquant définitivement toute chance de retourner en playoffs. Il faut dire que le calendrier de la franchise n’était alors pas propice à l’exploit, la franchise jouant coup sur coup l’ensemble des cadors de sa conférence.
Avec 21 points, 2,5 rebonds, 7,3 passes décisives et 2 interceptions (49,3 % au tir, 90,7 aux lancers et un TS % de 55,6), Calvin Murphy vient de réaliser la meilleure saison de sa carrière. En tant que leader, il mena sa jeune franchise à 40 victoires pour 42 défaites, bilan qui, certaines années, aurait permis aux Rockets de tenter leur chance une fois le printemps venu. Il fallait pourtant remporter au moins 46 victoires cette année-ci pour y prétendre.
Ce bilan collectif l’empêchera d’ailleurs de terminer dans la seconde All-NBA Team, se voyant prendre la place par Phil Smith, combo guards des Warriors (59 victoires), malgré, encore et toujours, des statistiques moindres, et un collectif bien plus homogène et riche en talent.
La saison de la confirmation se solda donc par une déception collective. Elle ne sera que passagère. Sous peu, Houston deviendra une franchise sur laquelle il convient de compter, pour la première fois de son histoire. Calvin Murphy en sera, bien entendu, un artisan majeur.
Le générique de fin
Il n’en sera toutefois pas l’artisan principal. Si le duo Murphy / Tomjanovic est encore aux manettes de la franchise en 1977, pour ce qui sera une franche réussite, les clés du camion seront confiées, dès la saison suivante, à un tout jeune intérieur promis au plus rayonnant des avenirs. Le 18 octobre 1976, les Braves de Buffalo font l’acquisition d’un prometteur rebondeur. L’association avec Bob McAdoo peut alors faire saliver. Cependant, le 24 octobre, le prometteur rebondeur en question sera prié de plier bagages, direction Houston. Çà y est, Moses Malone est arrivé dans le Texas.
Il se contentera d’être la troisième, voire la quatrième option de son équipe pour sa première saison (13,5 / 13,5 tout de même). Murphy, lui, réalise une saison moyenne pour lui. Par “moyenne”, comprenez que les chiffres qu’il produira sont ceux de sa moyenne en carrière : 17,9 points, 2,1 rebonds, 4,7 passes décisives. Un parfait complément à un Tomjanovic retrouvé. Le trio mène Houston à 49 victoires en saison régulière. La franchise se présente pour la première fois dans le costume de favori de sa confrontation de premier tour des playoffs (la demi-finale), disputé contre les Bullets.
Si les Rockets perdent 2 – 1, les 22 points du Pocket Rocket, qui limita Tom Henderson à 11 petites unités, permettent aux Texans d’égaliser (107 – 103). La game 5 sera un véritable récital, avec 40 points du meneur, qui, associés au 22 – 25 de Moses Malone, permirent à Houston de prendre la tête dans la série pour la première fois. Le 6è match sera synonyme de qualification pour les premières finales de conférence de la franchise.
C’est Philadelphie qui s’en sortira en 6 rencontres. Cal, comme à son habitude, réalisa une série solide, avec 20 points et 8 passes à 50 % au tir. Sauf qu’en face, le trio Julius Erving – Doug Collins et George McGinnis était tout simplement beaucoup trop fort.
Guess who’s back ? demandait Eminem en 2002. Murphy le pyroman aurait pu poser la même question à l’ensemble de la Ligue un quart de siècle auparavant. Sur le papier, Houston fait désormais peur, avec un big three identifié par l’ensemble de la NBA. Rien ne va pourtant aller dans le Texas. Certes, autour de Murphy, Tomjanovic et Malone, l’effectif est faiblard. Mais ce sont surtout les blessures vont tout venir ruiner.
La problématique, c’est que les trois joueurs ne joueront finalement que très peu ensemble. Murphy ratera 5 rencontres en début de saison, bien gérées par les Rockets. Malone, lui, en ratera 23 en fin d’exercice. Tomjanovic ? Sa saison sera stoppée le 9 décembre 1977, suite à une altercation avec Kermit Washington, dont le poing lui fracassera nez, mâchoire et crâne, et mettra fin à sa saison.
Au final, bien souvent, Cal sera l’unique star valide sur le terrain. Cela se traduira dans des statistiques incroyables. A compter de la blessure de Moses Malone, il affiche des chiffres dignes d’un James Harden on fire : 32,3 points en 23 rencontres, avec quelques accès de pyromanie dont il a le secret. Il en passera 46 aux Bullets, 42 au Jazz, mais surtout 57 aux Nets. Cette marque de 57 points constituera le record de la franchise de Houston pendant 40 ans. Hakeem Olajuwon ne l’atteindra pas. Il faudra attendre le 30 janvier 2018 pour voir un barbu réaliser l’un des plus grands triple-double de tous les temps (60 points, 10 rebonds, 11 passes) pour que le record de Murphy soit battu.
Avec 25,6 points par soir, Pocket Rocket termine 5è scoreur de la Ligue. La bataille au scoring faisait d’ailleurs rage cette année-ci, avec la lutte acharnée entre David Thompson et George Gervin, que nous vous avons narré il y a quelques temps. Collectivement ? 28 victoires. Superman ne faisait manifestement pas 1m75, et le poids des blessures était plus important que celui des exploits de Calvin Murphy.
Il réalisera encore deux saisons de très haut niveau. La première d’entre-elle lui permettra, on l’a dit, de disputer le All-star game. Il devient alors le meilleur joueur de l’Histoire des Rockets, et domine de nombreux classements internes. En effet, dans la jeune histoire de la franchise, nul n’est apte à lui disputer le titre d’icone absolue, si ce n’est son collègue de draft, Tomjanovich.
Step-by-step, comme ils disent, Houston va s’approcher du titre NBA. Une défaite au premier tour en 1979, en demi-finale de conférence en 1980, mais surtout en finale NBA en 1981. Cal a alors 32 ans. Il joue moins (25 minutes par soir) et partage le poste de meneur avec Allen Leavell. Il score toujours quelques 17 points, mais distribuent bien moins le jeu, laissant la création à Mike Dunleavy et Robert Reid. Moses Malone, lui, est le meilleur joueur de la planète, et explose tous les compteurs jamais observés dans la franchise, avec 28 points et 15 rebonds par soir.
Toutefois, en playoffs, Malone ne sera pas seul pour écraser l’entière conférence (Ouest, désormais). Les Lakers de Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar seront éliminés (2 – 1), et Murphy se fera pas de complexe face au meilleur meneur de l’Histoire, se permettant de passer 29 points et 8 passes sur Magic lors du game 2. Mieux, plus la série avance, moins Johnson aura d’influence sur le jeu des siens, particulièrement emmerdé par la pression tout terrain de celui qui lui rendait pourtant plus de 30 centimètres.
En demi, ce sont les Spurs de George Gervin qui se présentent. Le derby texan sera synonyme de cure de jouvence pour Cal, étincelant et tellement clutch. Voyez plutôt : 21, 34, 10, 15, 36, 20 et 42. Si la série ira en 7 rencontres, Murphy claquera plus de 30 points à trois reprises, pour mener les siens à 2 victoires à l’arrachée (+ 6 au game 5 pour mener 3 – 2, +5 au game 7 pour plier la série). Moses Malone ? Exceptionnel. Mais le héros de cette demi-finale est le meneur vétéran, dont le numéro 23 donna des cauchemars aux fans des Spurs.
Il sera moins bon en finale de conférence, mais les Kings furent tout de même balayés (4 – 1) et arrivera physiquement diminué en finale, face aux Celtics de Larry Bird, au point qu’il ne disputera que 4 des 6 rencontres (défaite 4 – 2). Nous étions donc à peu de chose de voir une franchise terminer championne NBA avec un bilan négatif (40 – 42 en saison régulière).
Murphy disputera encore deux saisons, aux cours desquelles il sortira du banc. Sa sortie sera collectivement calamiteuse, avec le départ de Moses Malone chez les Sixers qui laissa Houston dans le plus grand des dénuements (14 – 68 en 1983).
A l’heure de tirer sa révérence, il est le meilleur scoreur et le joueur le plus emblématique de sa franchise de toujours, dont il aura défendu les couleurs pendant 13 saisons. Son rayonnement n’aura jamais autant brillé sur la Ligue qu’il n’aura éclairé le microcosme des Rockets, comme en témoigne son palmarès, finalement très vide :
- All-star, à une reprise,
- All-rookie Team, en 1971,
- Maillot retiré, numéro 23,
- Meilleur scoreur de l’Histoire des Rockets, avec 17 949 points (2è derrière Olajuwon aujourd’hui, avec 21 points de plus que James Harden).
Toutefois, s’il n’a jamais remporté de titre, ni fait partie d’une All-NBA Team, il aura les honneurs du Hall-of-fame en 1993, en ultime signe de reconnaissance pour celui qui fût si rapide, agile, habile et dont la vision du jeu n’avait pas grand chose à envier aux meilleurs de son temps. Il aura marqué son époque par son endurance hors du commun, qui lui permettait de mener un jeu up-tempo lorsqu’il avait la balle en main, et de défendre inlassablement pendant souvent près de 40 minutes. Son impact sur la NBA fut tel qu’il est l’un des rares joueurs intronisé au Hall-of-fame alors qu’il n’a qu’une sélection au All-star game. Bill Bradley est notamment dans cette situation.
C’est le signe que le tout petit, qui n’a jamais laissé quiconque considérer que son gabarit était un point faible, fut une figure majeure de la plus grande Ligue du monde à une époque, de surcroît, où le jeu était ultra-dominé par les pivots colossaux (fin de carrière de Chamberlain, prime d’Abdul-Jabbar, Dave Cowens, Moses Malone, Bill Walton, les noms sont légions). Calvin Murphy, au-delà d’être le visage des Rockets, était alors la preuve que le basket n’était pas unidimensionnel. Il fût le prédécesseur et celui qui a, notamment, inspiré des légendes telles qu’Isiah Thomas ou Allen Iverson.
C’est aussi une belle ligne au palmarès.
Crédits et hommages
Bien-sûr, c’est par sa taille que Murphy s’est démarqué en NBA, ironiquement. C’est ce que note Major Jones, qui l’a côtoyé au sein de la franchise texane, qui déclarait :
“Il était comme un poids coq qui osait aller au combat contre des poids lourds”.
Lui-même se battait pour être reconnu comme un joueur à part entière, sans être réduit à un “petit dans un monde de grand”. Il était d’ailleurs passablement énervé de n’avoir été sélectionné qu’au second tour de la draft alors que ses performances à l’université, on l’a vu, étaient exceptionnelles. Comment ont-ils pu me traiter de la sorte ? a-t-il déclaré à la fin de la cérémonie, casquette des Rockets vissée sur la caboche.
C’est de son physique qu’il tire toute sa compétitivité, comme s’il avait toujours eu à faire plus que les autres pour être considérés comme eux. C’est ce que notait déjà Dee Rowe, entraîneur d’un lycée du Connecticut et qui eu sous ses ordres le tout jeune Calvin Murphy lors d’un All-star tournament :
“Je ne l’ai coaché qu’une fois, et je me souviens qu’il a scoré 66 points. Mais il pleurait dans le vestiaire après la rencontre car il avait perdu. C’était ce genre de compétiteur”.
Dans une ère où, de l’avis d’Evan Fournier, “certains ne jouent que pour des likes sur Instagram”, la mentalité du jeune Calvin Murphy pourrait prêter à la dérision. Elle pourrait, si ce n’était pas elle qui avait porté le petit bonhomme aussi haut.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach),