Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre-eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau
Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Nous voici dans la seconde moitié du projet Magnéto. Si nous étions pirates, voguant sur les mers à la recherche du One Piece, nous pourrions dire que venons de faire notre entrée dans le Nouveau Monde. Toutefois, pour filer la métaphore, nul Empereur, Marine ou membre du Gouvernement Mondial ne s’est lancé à notre poursuite. A l’inverse ! C’est nous qui sommes à la poursuite de quelque chose : le glorieux passé de la NBA.
Dans notre rétroviseur, nous retrouvons 30 portraits, qui ont, tour à tour, concerné des joueurs mé(in)connus du grand public, comme Tom Gugliotta ou Larry Foust, des All-star confirmés, avec Baron Davis ou Terry Cummings, et des légendes absolues dont, à notre sens, on ne parle pas assez : Isiah Thomas, Bernard King ou autre Grant Hill.
Parmi tous ces noms, il se peut qu’aucun n’ait autant apporté à la NBA que Lenny Wilkens. Ce n’est pas là minimiser l’apport de ces joueurs qui, à leur(s) manières, ont tous façonné la NBA que nous connaissons aujourd’hui. Simplement, Wilkens est l’un de ceux qui ont accompagné la Grand Ligue pendant l’immense majorité de son existence (à elle, comme à lui).
De joueur superstar à entraîneur légendaire, la carrière sportive de l’ancien meneur mériterait plus que le portrait que nous nous apprêtons à dresser. A ce sujet, puisque la vie est extrêmement bien faite, nous ne traiterons aujourd’hui que du joueur que fût Lenny Wilkens. Le coach, lui, se verra accorder les honneurs d’un article autonome, qui paraîtra demain (04/07/20), sous la plume de ce bon @ValWhatIf.
Cela devient tout doucement une habitude. Ces dernières semaines, de manière absolument fortuite, nous avons souvent parlé de joueurs complets, aussi bien capables de mettre la balle dans le panier, de lire savamment le jeu, que faire passer un sale (trois) quart d’heure à son adversaire direct. Il en ira de même ici. En effet, doté d’un physique classique pour son époque, mais qui le ferait presque passer pour “Monsieur tout le monde” aujourd’hui (1m85 et 82 kilos), Len était un meneur organisateur. Très à l’aise balle en main, héritage de son enfance passée sur les playgrounds de Brooklyn, le gaucher a développé, au fur et à mesure, une excellente capacité de finition près du cercle. Il était également un solide défenseur sur l’homme. C’est en capitalisant sur l’ensemble de ces qualités qu’il parvint à devenir une figure emblématique de la NBA.
Action !
Certains destins naissent du plus grand des hasards. D’autres meurent et renaissent, sans que l’on puisse réellement mettre le doigt sur le pourquoi du comment. Jacques Brel dirait que le feu peut rejaillir du volcan que l’on croyait trop vieux. En dégrossissant un peu le trait, la carrière de basketteur de Lenny Wilkens en est un exemple convaincant.
Fils d’un père noir et d’une mère blanche, le jeune adolescent qu’était Lenny se frotta au racisme à un âge où les seuls problèmes de la vie devraient être les devoirs de mathématiques. Dans ce climat hostile, il évoluera sous les couleurs de la Boys High School, lors de sa première année lycéenne, avant de laisser tomber les parquets les deux saisons suivantes. La raison ? Il estimait qu’il n’était pas suffisamment bon pour jouer. L’on peut se dire, déjà, que sa carrière est morte avant d’avoir réellement eu l’opportunité de démarrer.
Poussé (il faudrait peut-être ici peut-être parler de harcèlement) par un de ses amis, il rechaussera les sneakers converses lors de sa dernière année au lycée. Il ne disputera que la moitié de la saison, hypothéquant alors ses chances de décrocher une bourse universitaire. C’était sans compter la main tendue par son entraîneur de l’époque, qui fit jouer ses contacts pour le faire intégrer l’Université Catholique de Providence à la rentrée 1956.
Il y réalisera un cursus complet, conformément aux usages de la fin des années 1950. Avec le maillot des Friars, il échouera en demi-finale du tournoi NIT, géré par la NCAA, en 1959, puis en finale l’année suivante. Il quitte la faculté auréolé du titre de MVP de cette finale perdue, en tant que membre de la Consensus Second Team All-America et co-MVP (avec Jerry West) au All-star game organisé par la NCAA. Un sacré palmarès, donc, pour celui qui s’estimait insuffisamment talentueux pour représenter son équipe lycéenne. Et pourtant, il ne sera pas convié dans l’équipe américaine qui ira disputer les Jeux Olympiques de Rome.
Quoi qu’il en soit, sa sortie de l’Université le mène à la croisée des chemins. L’université de Providence lui promet un poste d’enseignant en économie. Une entreprise New-Yorkaise lui propose 9 500 $ pour qu’il aille travailler et jouer chez elle. La draft 1960, elle, lui offre un avenir au sein de la franchise des Hawks de Saint-Louis, qui l’a sélectionné en 6è position.
Et là, c’est presque le drame : Wilkens ne sait pas s’il veut rejoindre la NBA. Il n’a d’ailleurs jamais vu, de son propre aveux, une seule rencontre de la Grande Ligue avant qu’il ne soit drafté. A l’ère où les jeunes prospects pensent, mangent, vivent basketball dès leur plus jeune âge, cela paraît impensable. Alors qu’il semblait parti pour abandonner la voie du sport professionnel, il assiste à une rencontre de pré-saison opposant les Hawks au Celtics. C’est en voyant les performances de Johnny McCarthy et de Phil Rollins, les meneurs de Saint-Louis, qu’il décida (du moins c’est ce que la légende raconte) finalement de consacrer sa vie au basket, considérant cette fois-ci qu’il était suffisamment talentueux pour reléguer ses deux coéquipiers au bout du banc des remplaçants.
Le feu a donc rejaillit deux fois de l’ancien volcan que l’on croyait trop vieux.
Il intègre une équipe sacrée championne en 1958, et qui possède encore un roster intéressant, bien qu’essentiellement tourné vers la raquette, comme le voulait alors le jeu de l’époque. On y retrouve ainsi Cliff Hagan et Bob Pettit sur les ailes, le poste de pivot étant occupé conjointement par les désormais vieillissants Larry Foust et Clyde Lovellette. Ce qui nous donne un total de 4 futurs hall-of-famer au sein du quintet de départ. Sur le papier, les Hawks possèdent donc les armes pour faire la nique aux deux mastodontes qu’étaient les Lakers et les Celtics. Dieu que cette phrase fût étrange à écrire.
Scoreur moyen, comme il l’a toujours été, Wilkens ne s’est pas vu totalement confier les rênes de l’équipe. Avec 25 minutes de jeu par soir, il participe néanmoins activement à la belle saison régulière de Saint-Louis. Il est alors un rebondeur honnête et un passeur peu prolifique. Le temps où Ernie Calverley terminait double meilleur passeur de la Ligue avec respectivement 3,42 et 2,53 passes par rencontre est en effet bien loin (1947 et 1948). Entre temps, Bob Cousy est passé par là, et a élevé la passe au rang d’art. Un art que s’apprêtait alors à faire sien un jeune homme répondant au nom d’Oscar Robertson.
Si ses statistiques sont relativement modestes, elles doivent être replacées dans le contexte de la période, celle du début de la décennie 1960. Ils n’étaient alors que 8, à titre d’exemple, à distribuer plus de 5 passes décisives par soir (ils étaient (sont ?) 37 lors de la saison 2019 – 2020). De la même manière, scorer 16 points par soir vous assurait une place dans le top 20 des meilleurs marqueurs de la saison (61 joueurs cette année).
Dans ce contexte, les 11,7 points, 4,5 rebonds et 3 passes décisives de Lenny Wilkens (en 25 minutes) sont loin d’être ridicules. D’autant plus que le meneur s’est fendu, de temps à autres, de quelques rencontres de grande classe. Contentons-nous d’évoquer celle du 26 février 1961, contre les Royals du futur rookie de l’année, Robertson, qu’il termina avec 29 points, 7 rebonds et 16 passes décisives (sachant que son second meilleur total de passes décisives (tous les chiffres ne sont pas disponibles) est de … 5 !).
Les Hawks, forts de leurs 51 victoires, vaincront les Lakers au premier tour des playoffs, synonyme de … finale de conférence (4 – 3). Avec ses 21 points et 12 rebonds, Len fût un artisan majeur de la 7è et ultime rencontre, remportée 105 – 103. En finale, les Celtics transformeront toutefois Saint-Louis en petit bois (4 – 1).
Être basketteur dans les USA des années 1960, c’est concilier son métier de sportif professionnel avec les devoirs du drapeau. Ainsi, à l’instar de Paul Arizin, par exemple, Lenny Wilkens quitta sa franchise pour réaliser son exercice militaire en 1961 – 1962. La saison sera d’ailleurs une débâcle totale pour l’équipe du Missouri, qui perdit non seulement son meneur titulaire, mais aussi son remplaçant (McCarthy, blessé, rata 65 rencontres). La raquette fût également décimée, avec les blessures conjointes de Foust et Lovellette.
Au final, lorsque Wilkens effectue son retour à la mi-janvier 1962, les Hawks n’ont déjà plus rien à jouer, et rateront les playoffs en terminant dernier de sa conférence. Avec cette fin de saison en roue libre, son temps de jeu explose (43,8 minutes), et malgré une adresse moyenne (38,5 %), ses statistiques comportent leurs lots de promesses : 18,2 points, 6,6 rebonds, 5,8 passes décisives.
Il arrive parfois, notamment en raison des blessures, qu’une grande franchise connaisse une saison blanche. Ce ne sont pas les actuels Warriors qui nous soutiendrons l’inverse. Cependant, le propre d’une équipe solide, c’est de se relever. Et les Hawks démontrèrent alors qu’ils étaient une grande équipe.
Désormais dirigé par Harry Gallatin, le roster prend toutefois de l’âge. Bob Pettit vient de dépasser la trentaine, Cliff Hagan n’est plus de toute première jeunesse et Clyde Lovellette est allé compléter son armoire à trophée en rejoignant les imbattables Celtics. C’est par la draft que Saint-Louis trouvera son nouveau joyau, en sélectionnant Zelmo Beaty, un jeune pivot plus connu pour avoir fait les beaux jours de la ABA au début des années 1970.
Individuellement, Lenny Wilkens ne brillera pas particulièrement au cours de cet exercice 1962 – 1963. S’il est toutefois une chose à noter, c’est la consécration de son nouveau statut de passeur. Avec 5,1 passes par rencontre (34 minutes de moyenne), il truste la 5è place de la Ligue. Ses 11,8 points et 5,4 rebonds, mais surtout le bon bilan collectif, lui offrent sa première étoile de All-star, disputé pour la toute première fois à Los Angeles. Cette édition du match des étoiles reste marquée par la confrontation entre Wilt Chamberlain et Bill Russell, remportée par ce dernier (19 points, 24 rebonds, MVP de la rencontre, victoire de la conférence Est).
Les chiffres présentés par le meneur des Hawks n’ont pas de quoi faire soulever les foules. Cependant, Wilkens n’avait guère besoin d’en faire plus. Il distribuait le jeu à merveille, et alimentait comme il faut la bête qu’était encore Pettit (28,4 points, 15,1 rebonds, 3,1 passes décisives à 30 ans). Comme Stockton pour Malone (toute proportion gardée, bien sûr), Wilkens sacrifiait sa production statistique pour faire briller son intérieur de compère, et surtout pour le bien de la franchise. Ainsi, les Hawks dominent facilement les Pistons en demi-finale de conférence, nouveauté des playoffs 1962 (3 – 1). La finale de la conférence Ouest les voit faire face aux Lakers d’Elgin Baylor et Jerry West.
Dans cette série, l’avantage du terrain aura eu une importante déterminante, puisqu’aucune des franchises ne lâcha une rencontre disputée à domicile. C’est donc au terme d’un match 7, disputé au Memorial Sports Arena de … Los Angeles, que les Hawks baissèrent pavillon, sans avoir à rougir. Pettit fût exceptionnel (29 points, 14 rebonds de moyenne), et l’enjeu fît manifestement passer un cap à un Lenny Wilkens jusqu’alors bien timide. Hormis un game 5 où l’ensemble de l’équipe est passée au travers (défaite – 27), le meneur aura toujours scoré au moins 12 points. Il profite d’ailleurs de la victoire lors de la 4è rencontre pour valider le premier triple-double (recensé) de sa carrière, avec 17 points, 10 rebonds et 10 passes décisives. Au final, avec 14 points, 6 rebonds et 7,3 passes décisives par soir, il a su devenir le parfait complément des leaders offensifs qu’étaient Pettit et Hagan.
Le saviez-vous ? En plus d’être un basketteur talentueux, Len était également visionnaire. En effet, en 1964, c’est-à-dire 10 ans avant que l’inventeur Larry Tesler ne le popularise, le meneur a inventé le copier-coller. Où sont les preuves de ces élucubrations, me diriez vous. Les voici : 12 points, 4,5 rebonds, 4,6 passes décisives, All-star et une élimination au match 7 des finales de conférences. L’unique distinction à réaliser par rapport à l’exercice précédent concerne l’identité des bourreaux des Hawks. En effet, après avoir fait chuter les Lakers au premier tour (3 – 2), Saint-Louis fût battu par les Warriors de San Francisco et l’immense Wilt Chamberlain, meilleur scoreur et rebondeur … des 7 rencontres.
Lorsqu’on est fan des Hawks, l’année 1965 est marquée d’une pierre blanche. En raison d’un titre collectif ? Malheureusement pour eux, il n’en est rien. La raison se trouve dans le départ à la retraite de leur première superstar, premier MVP de l’Histoire, Bob Pettit. Sur le papier, l’équipe construite autour du Bombardier, pour sa der, semblait taillée pour jouer au mois de juin. A côté de Lenny Wilkens, c’est Richie Guérin qui complète le backcourt. Les ailes sont toujours occupées – depuis la nuit des temps, il semblerait – par les inusables Hagan et Pettit, là où le tout jeune Zelmo Beaty était aligné au poste de pivot.
Collectivement, la saison s’inscrira dans la même veine que les précédentes, avec 45 victoires pour 35 défaites (46 – 34 en 1964, 48 – 32 en 1963). Notons le limogeage en cours de saison d’Harry Gallatin, remplacé, comme cela se faisait alors parfois, par un joueur du roster. Mais cette histoire vous a déjà été narrée. Le début de saison de Lenny Wilkens s’inscrit à contre-courant des résultats collectifs. Lorsque Gallatin fût prié de prendre la porte, le meneur restait même sur une impressionnante série au scoring, profitant de la blessure de Bob Pettit pour endosser de plus grandes responsabilités offensives. Malheureusement, sur les 9 rencontres au cours desquelles Len se l’ait joué comme Westbrook (d’avant-hier), Saint-Louis s’est incliné à 6 reprises.
Si la précision au tir n’était pas forcément au rendez-vous, les chiffres de Wilkens sur cette (courte) période laissent penser qu’une équipe compétitive pourrait parfaitement être bâtie autour de lui, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’alors : 25,2 points, 5,1 rebonds, 4,9 passes décisives à 42,3 % au tir.
Il retomba dans des standards plus modestes avec Guérin à la tête des Hawks, et le retour de Pettit dans la raquette. Il valide tout de même une troisième étoile consécutive et réalise, individuellement, sa meilleure saison en carrière, avec plus de 16 points, 5 rebonds et 5,5 passes par soir (18è scoreur de la ligue, 4è passeur, 7è rebondeur parmi les guards). Pourtant, malgré cette nouvelle emprise sur le jeu, les Hawks s’inclineront en 4 rencontres face à Baltimore au premier tour des playoffs.
Le Bombardier étant désormais à la retraite, le poste de leader de la franchise était vacant. Il le restera la saison suivante. Non pas parce que Lenny Wilkens réalisa une saison en-deçà des espérances, mais parce que remplacer un joueur aussi dominant que ne le fût l’ailier-fort ne se fait pas en un claquement de doigt. C’est donc sur la base d’un collectif homogène, mais dirigé par un parfait leader vocal, que les Hawks entament leur saison 1965 – 1966.
L’oscar de la saison 1965 – 1966
S’il a réalisé une exceptionnelle carrière de coach, Lenny Wilkens laissait déjà entrapercevoir, lorsqu’il était sur les parquets, d’excellentes qualités de général en chef. Il a donc endossé, à l’été 1965, un costume qui lui seyait comme un gant, comme il le disait lui-même :
“Tout le monde m’a toujours dit que je me comportais comme un coach lorsque je jouais”.
Inutile de préciser que le bonhomme n’a pas eu à se creuser la soupière pour décider de sa future reconversion.
C’est par un déplacement à Cincinnati que la saison débute. Face à Robertson, Wilkens ne fera pas dans la dentelle, et sera l’artisan majeur de la victoire des siens (+11) avec 28 points, 6 rebonds et 7 passes décisives à 61 % au tir. Il n’occupera toutefois pas le rôle de leader offensif pour autant, laissant ce siège à Zelmo Beaty, qui tournait tout de même à 17 points et 12 rebonds au cours de l’exercice achevé.
Le meneur sera, et c’est à noter, particulièrement constant lors des premières rencontres. Pourtant, l’adversité rencontrée est cinq étoiles, puisqu’au bout de 10 rencontres, Saint-Louis a déjà rencontré deux fois Boston et trois fois Los Angeles. Le fait que la Ligue ne contienne que neuf franchises facilite, il est bien vrai, les rencontres avec les mastodontes. Quoi qu’il en soit, à part une plantade face à Baltimore (10 points, 3 / 12 au tir, défaite -20), Lenny Wilkens entre dans une nouvelle dimension, que tous les grands connaissent à un moment ou à un autre de leur carrière : le prime.
Statistiquement, le bon n’est pas extraordinaire. Collectivement, la perte de son intérieur légendaire pénalise forcément la franchise. Dans son nouveau rôle d’aboyeur en chef, le meneur s’épanouit toutefois, et cela se ressent dans son basket. Non content de valider la notable progression de la saison précédente, il fait tout un petit peu mieux. Il allait 7,2 fois par soir sur la ligne des lancers ? Il y ira 7,7 fois cette fois-ci, pour en convertir 79 % (contre 74,5). Il scorait 16,5 points ? Il en marquera 1,5 de plus. A cet égard, l’argument du temps de jeu peut bien entendu être soulevé. Cependant, on constate que s’il passe effectivement plus de temps sur les parquets (+ 2,4 minutes), il ne tire pas plus qu’avant. Simplement, il tire mieux, ce que confirment tous les indicateurs (43,1 % au tir, 52,3 de TS %, soit ses deux meilleures moyennes en carrière).
Globalement, lorsqu’il a le ballon entre les mains, il s’en sert mieux qu’avant. Vous en conviendrez, pour un meneur, c’est un avantage de taille.
Pourtant, lorsqu’il se trouve opposé à K.C Jones, meneur des Celtics particulièrement réputé pour sa défense, c’est une toute autre limonade. Et puisque les franchises s’affrontent alors 10 fois par saison, le numéro 25 de la maison verte a eu le temps de torturer son homologue rouge. Certes, toutes les confrontations ne furent pas catastrophiques ; on ne stoppe pas toujours le talentueux. Mais voyez plutôt : 4 points, 0 point, 2 points, 5 points, 11 points. Sur la moitié des rencontres, Len fût tout simplement méconnaissable, étouffé par celui qui bâtie sa carrière victorieuse sur sa défense. Comme un symbole cependant, Wilkens collera 25 points, 2 rebonds et 5 passes décisives sur Boston le 1 janvier 1966 (victoire +2).
Collectivement, les Hawks peinent à équilibrer leur bilan. L’on se dit que la franchise risque bien de louper les playoffs pour la seconde fois depuis 1955. C’est probablement en raison de ce bilan collectif moyennasse que Wilkens ne fût pas convié une 4è fois consécutive au All-star game, pour lequel lui ont été préférés des joueurs tels que Don Ohl ou Guy Rodgers, qui, certes, ne déméritaient pas au vu de leurs prestations respectives.
N’omettons pas de mentionner également le fait que, pour la première fois de sa carrière, le bonhomme connaît quelques soucis de santé. Rien de bien grave toutefois, puisqu’à l’issue de la saison, il aura disputé 69 rencontres, soit un total supérieur à celui d’un Kawhi Leonard en pleine forme. Mais toute de même, cette grosse dizaine de rencontres loupées ont forcément impacté sa (non) sélection au match des étoiles, et plus globalement le bilan de son équipe.
Cela se confirme sur la seconde moitié de saison, laquelle verra les Hawks remporter plus de 50 % de leurs rencontres, avec un Wilkens proche des 20 points par soir, avec 6 rebonds et 7 passes décisives. Signe que, si Zelmo Beaty est la première option offensive, c’est bel et bien lui qui pèse le plus sur le jeu de Saint-Louis.
Nous ne parvenons pas à résister à vous montrer une bizarrerie, sans que nous sachions s’il s’agit d’un bug du site, ou si la personne qui a préparé le calendrier de la saison était sous l’emprise de puissants psychotropes. Il semblerait ainsi qu’entre le 13 et le 30 janvier 1966 (18 jours, donc), les Hawks aient disputé … 14 rencontres ! Mieux, ils auraient joué tous les jours entre le 20 et le 25 janvier, inventant par là le back-to-back-to-back-to-back-to-back-to-back. Il semblerait que les dates soient exactes, puisqu’elles coïncident avec le calendrier de chaque adversaire, ce qui rend toute singulière cette fin de mois de janvier.
Sur la ligne d’arrivée, Saint-Louis aura remporté 36 de ses 80 rencontres. En l’absence de son meneur, la franchise s’est inclinée 63 % du temps. Pourtant pour une toute petite victoire, l’équipe du Missouri se qualifia en playoffs, au nez et à la barbe des Warriors. Ce fût alors le début d’une belle aventure.
Au premier tour, c’est Baltimore, équipe de Walt Bellamy et de Don Ohl (38 – 42 de bilan) qui se dresse face aux hommes de Richie Guérin. Enfin, “qui se dresse”. Trois petites rencontres, c’est tout ce qu’il faudra à Saint-Louis pour se qualifier (3 – 0). Wilkens réalisera deux rencontres de très haut niveau, avec 27 points, 2 rebonds et 7 passes décisives (70 % au tir) lors du game 1, et 30 points, 8 rebonds et 10 passes décisives (91 % au tir) lors de la dernière rencontre.
Mais l’homme providentiel de ce premier tour fût le jeune Bill Bridges, qui massacra la raquette Baltimorienne. Lui qui affichait 13 points et 12 rebonds de moyenne lors de la saison régulière, passa 24 points, 19,3 rebonds et 5 passes décisives de moyenne sur Walt Bellamy. Le coup de chaud est exceptionnel, et perdurera, toute proportion gardée, lors des finales de conférences, disputées (Ô surprise !) face aux Lakers.
Après 6 rencontres et 36 minutes, Saint-Louis et Los Angeles sont à égalité parfaite. 3 victoires partout, 91 – 91 au tableau d’affichage. Cliff Hagan et Bill Bridges, décidément, répondent coups pour coups à Jerry West et Elgin Baylor, de loin les deux meilleurs joueurs sur le terrain. Wilkens, lui, est dans un tout petit soir. Avec du recul, l’on peut se dire que s’il avait évolué au niveau qui était le sien, Saint-Louis aurait eu le droit de tenter sa chance face aux Celtics.
Puisqu’effectivement, les Lakers gagneront le dernier quart (39 – 30), compostant leur ticket pour … perdre la finale NBA, comme le voulait alors l’usage. Len, avec ses 12 petits points à 43 % au tir, perdit son face à face avec West et Hazzard, dont on reparlera bientôt. L’exploit était proche, et les Hawks auraient pu être l’une des rares équipe à disputer une finale NBA malgré un bilan négatif en saison régulière. C’est donc la troisième fois en quatre années que Wilkens et les siens furent éliminés en finale de conférence aux termes de 7 rencontres.
Voilà à quoi tient, finalement, un héritage collectif.
Le générique de fin
Lenny Wilkens passera encore deux saisons dans le Missouri. Si la première ressemble à s’y méprendre à celle que l’on vient de décrire, la seconde mérite que l’on y consacre quelques mots. Nous sommes en 1967 – 1968, le meneur de 30 ans est en plein dans son prime. S’il est toujours inconstant au tir, le gaucher porte sur ses frêles épaules une équipe des Hawks qui n’en laisse pas beaucoup à la concurrence (16 victoires après 20 rencontres).
Le passeur qui sommeillait jusqu’alors au fond de lui se révéla au grand jour. Et de quelle manière ! Alors que l’exercice 1965 – 1966 constituait alors sa référence dans le domaine (6,2 / match), il réalise 44 rencontres à 8 passes ou plus, allant même jusqu’à distribuer 19 offrandes aux copains un soir de mars 1968 contre les Sonics, franchise qui dispute sa toute première saison dans l’élite (19 points, 6 rebonds, 19 passes décisives, victoire + 18).
A cette qualité de passe devenue soudainement exceptionnelle, le meneur ajoute son habituel sens du rebond, sa défense étouffante et une nouvelle appétence pour les paniers. C’est un Wilkens résolument plus offensif qui se dresse face à la concurrence, toujours constituée par les inusables Lakers à l’Ouest. Ainsi, lorsqu’il est dans un bon soir, Len est dominant, tout bonnement. En témoigne une autre rencontre disputée contre les Sonics (on croirait voir LeBron James affronter Toronto), qu’il termina avec 39 points, 7 rebonds et 18 passes décisives ! Ils ne sont d’ailleurs que 5 a avoir simultanément scoré 39 points et distribué 18 passes dans un seul et même match.
Dans son sillage, les Hawks réaliseront le meilleur bilan de leur Histoire, avec 56 victoires et 26 défaites. Bilan que celle désormais basée à Atlanta n’a battu que trois fois depuis (57 victoires en 1987 et 1994, 60 en 2015).
Avec 20 points, 5,3 rebonds et 8,3 passes décisives, Wilkens terminera second au classement du MVP, uniquement battu par Wilt Chamberlain (24 points, 24 rebonds). Pourtant, et cela manque finalement à son palmarès individuel, il ne sera nommé dans aucune des deux NBA teams de l’époque.
Après une élimination au premier tour des playoffs, le nouveau front-office des Hawks tape du poing sur la table, et prend deux décisions d’une extrême importance : déménager la franchise à Atlanta et trader son meneur phare. Le trade en question, monté avec Seattle, se révélera être une catastrophe pour la franchise. Wilkens est ainsi échangé contre Walt Hazzard, qui restait sur une saison très probante (26 points, 4 rebonds, 6 passes décisives). Sauf qu’une fois les valises posées à Atlanta, Hazzard ne sera plus que l’ombre de lui-même, et ne frôlera jamais plus le niveau qui était le sien en 1968. Tiens, cela fait écho à la trajectoire de son (presque) homonyme footballeur depuis son transfert dans la capitale espagnole.
Par contre, s’il en est un qui continua droit sur la lancée qui était la sienne, c’est bien Wilkens. Affublé de son numéro 19, il se retrouve toutefois dans un roster très faible. D’ailleurs, il ne rejouera plus jamais les playoffs de sa carrière, qui dura encore 7 ans. Son bilan collectif chez les Sonics l’empêchera de briller une nouvelle fois dans le classement du MVP. Il dispute tout de même son 6è All-star game et réalise quelques cartons dont il a désormais le secret :
- 2 nov. 1968 vs Chicago : 31 points, 5 rebonds, 15 passes décisives, à 62,5 % au tir, dans une victoire (+6),
- 16 févr. 1969 vs Détroit : 34 points, 14 rebonds, 12 passes décisives, à 40 % au tir, dans une victoire (+8),
- 23 févr. 1969 vs Boston : 35 points, 8 rebonds, 9 passes décisives, à 65 % au tir, dans une victoire (+2),
- 12 mars 1969 vs San Diego : 36 points, 14 rebonds, 14 passes décisives, à 43 % au tir, dans une victoire (+13).
Des statistiques en trompe l’œil, Seattle ne remportant que 30 victoires pour sa seconde saison NBA. Avec 22,4 points, 6,2 rebonds et 8,2 passes décisives tous les soirs, Wilkens est l’un des meilleurs meneurs de la Ligue, et atteint le sommet individuel de sa longue carrière.
Il devient entraîneur-joueur des Sonics la saison suivante, prenant exemple sur le tout juste retraité Bill Russell, qui portait également cette double casquette lors des finales NBA 1969, remportées après 7 rencontres acharnées face aux Lakers. S’il possède désormais deux rôles, Wilkens ne semble clairement pas dérangé par ce bouleversement, et deviendra meilleur passeur de la NBA (9,1 passes par soir). Notons qu’il distribuera ensuite 9,2 et 9,6 passes de moyenne lors des deux saisons suivantes, devenant alors l’un des tous meilleurs dans ce domaine.
Cependant, il faudra attendre sa 4è et dernière saison (1971 – 1972) du côté de Seattle pour voir sa franchise se battre pour rejoindre les playoffs (47 – 35 … mais non qualifiée ! Il semblerait que ce soit le meilleur bilan pour une franchise non qualifié en post-season). Entre temps, en 1971, il devient MVP du All-star game, à 33 ans, pour son avant-dernière sélection.
Il sera ensuite tradé vers Cleveland, où il disputera deux saisons. Il sera All-star à 35 ans pour son premier exercice dans l’Ohio (20,5 points, 4,6 rebonds, 8,4 passes décisives). Il terminera sa carrière de joueur à Portland en 1975, en côtoyant Geoff Petrie et Bill Walton. Dans l’Oregon, il possédera aussi la double fonction d’entraîneur – joueur.
Après 1 077 rencontres de saisons régulières et 15 saisons, celui qui ne s’est jamais vraiment blessé (cela fait du bien de rédiger un épisode du Magnéto sur un joueur en bonne santé !) décida de prendre sa retraite. La NBA perd alors l’un des 5 meilleurs meneurs de sa jeune Histoire :
- Hall-of-famer,
- All-star, à 9 reprises,
- Meilleur passeur en 1970,
- MVP du All-star game, en 1971,
- 9è meilleur scoreur de l’Histoire, au moment de prendre sa retraite : 17 772 points (79è aujourd’hui),
- 2è meilleur passeur de l’Histoire, au moment de prendre sa retraite : 7 211 passes (16è aujourd’hui),
- Membre des 50 greatest de 1997,
- Membre du top 10 des meilleurs coachs en 1997.
Nous l’avons énoncé. Wilkens ne s’éloignera jamais des parquets avant 2004. Mais ceci est une autre histoire, qui vous sera contée dans un autre article. Quoi qu’il en soit, si la NBA d’avant-hier eue son lot de superstars, Lenny Wilkens fût indubitablement l’une d’entre-elles.
Crédits et hommages
L’on ne se rend peut-être pas bien compte de l’impact qu’eût Lenny Wilkens en tant que joueur NBA. C’est vrai qu’il n’a pas forcément toujours brillé par ses statistiques, et qu’il n’a finalement jamais remporté de titre. La gloire sportive, qu’il n’a donc pas connu balle en main, il la connaîtra toutefois en tant que stratège hors pair. A cet égard, deux anecdotes sont révélatrices de son poids dans l’Histoire de la Ligue. Il est ainsi l’unique homme à avoir été élu conjointement dans le top 50 des meilleurs joueurs de tous les temps lors du All-star game 1997, mais aussi dans le top 10 des meilleurs coachs, qui furent nommés au même moment.
Il est également le seul à être intronisé au Hall-of-fame … à 3 reprises ! Il est ainsi l’un des trois monuments à y avoir eu droit en tant que joueur et entraîneur, avec Bill Sharman et John Wooden. Seulement, en tant que membre du staff de la légendaire Dream Team de 1992, Wilkens eut droit à un 3è siège au Panthéon de Springfield !
Sa carrière, c’est probablement lui qui en parle le mieux, lorsqu’il déclarait en 1978 :
“Si vous échouez une première fois, c’est juste une chance de tout recommencer”.
Il aura lui-même appliqué l’adage au pied de la lettre au cours des 45 années qu’il mit au service du basket américain.
Lenny Wilkens constitue une part majeure de la riche histoire de la NBA. Et dire que l’on croyait le volcan trop vieux !
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),