Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Vous savourez le vent de scoring qui souffle actuellement sur Le Magnéto, accompagnant le retour des beaux jours et la réunion avec Dame Lillard Nature ? Si tel est le cas, il nous faut vous préciser que les lignes qui suivent pourraient vous dérouter, et vous ramener brusquement à la réalité. Se plonger dans la carrière de Ben Wallace, c’est faire une croix sur tout ce qui fait habituellement rêver les lecteurs d’épopées basketballistiques, pour entrer dans un monde rugueux, où rien n’est donné et où chaque parcelle de terrain doit être acquise à la force des bras. Et vu le bestiau, on vous conseille d’augmenter sérieusement la cadence niveau poussée de fonte.
Histoire de prouver qu’on ne plaisante pas, posons directement les bases : Ben Wallace a remporté quatre fois le titre de défenseur de l’année, et compte plus de sélections dans les All-Defensive Teams (6) que de points par match en carrière (5.7). Nous sommes en présence d’un défenseur d’élite, sans doute le meilleur des années 2000. Et aussi d’un sacré manchot, avouons-le.
Cette faiblesse en attaque n’a cependant aucune importance. Tout au long de sa carrière, Wallace a montré sa capacité à peser de tout son poids sur les rencontres malgré ses contributions offensives quasiment inexistantes. Une prouesse qui n’est pas sans rappeler l’un de ses illustres prédécesseurs dans la Motor City, Dennis Rodman. Petit pour un pivot (2m06), Wallace a pourtant terrorisé les attaquants de tout le pays pendant une décennie, compensant son déficit de taille par une éthique de travail et une intensité des plus frénétiques. Nombreux sont les joueurs ayant misé sur les mêmes atouts pour effacer l’absence de prédispositions naturelles pour ce sport, mais peu sont parvenus à avoir l’aura et le succès de Ben Wallace.
C’est pourquoi nous avons choisi de lui rendre hommage aujourd’hui. Il est temps d’enfiler le bleu de chauffe et de se retrousser les manches, ça va transpirer.
Action !
Benjamin Cameron est le dixième né de la famille Wallace. Il voit le jour le 10 septembre 1974 à White Hall, Alabama. Son enfance est marquée d’une empreinte commune à beaucoup de joueurs NBA, à savoir une grande précarité et la nécessité de travailler d’arrache pied pour joindre les deux bouts et maintenir l’équilibre de la famille. Une notion que Ben et ses frères mettent rapidement en pratique, enchaînant les petits boulots pour pouvoir se payer un panneau de basket. Les 8 garçons s’adonnent régulièrement à des 4 vs 4 endiablés, les forçant à coopérer pour renverser la moitié de fratrie adverse. Comme il est le plus jeune, Ben doit fournir une double dose d’efforts pour tirer son épingle du jeu. On est bien loin du 1 vs 1 avec papa dans le jardin, et cet apprentissage se retrouvera évidemment dans son jeu plus tard. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le joueur dont il s’inspire se nomme Charles Oakley et non Michael Jordan.
Lors de l’été 1990, Ben, alors lycéen, occupe son week-end en coupant les cheveux du voisinage afin de récolter les 50$ nécessaires pour participer à un camp de basket tenu par Oakley dans la région. L’intérieur des Knicks, jugeant que Ben ne prend pas forcément la chose au sérieux, le défie en 1 vs 1 durant le camp. Loin de se démonter, Wallace accepte le challenge et rend coup pour coup. Le Knick est séduit par cette mentalité de guerrier – quelle surprise – et retient le nom de Ben Wallace dans un coin de son esprit.
Quelques années plus tard, alors que Ben évolue dans l’anonymat du Cuyahoga Community College de Cleveland, Oakley reçoit un coup de téléphone de son alma mater, Virginia Union. “Tu n’aurais pas un big man sous la main ?”. La mémoire d’Oakley fait le reste et Wallace rejoint VU en 1994, pour deux saisons bouclées avec 13.4 pts, 10 rbds et 3.6 contres de moyenne. Durant son cursus universitaire, il développe un appétit féroce pour la musculation, qu’il perçoit comme une nécessité absolue pour parvenir à percer au plus haut niveau.
Il devra néanmoins attendre pour cela. Handicapé par sa taille, il ne trouve grâce aux yeux d’aucune franchise à la sortie de la fac. Spéciale dédicace aux Celtics, qui essaient de le convaincre de passer sur le poste 2 pour espérer un futur dans la NBA. MAIS PUISQU’ON VOUS DIT QU’IL EST PETIT !
Il se voit alors contraint de rejoindre l’Italie pour une pige au Viola Reggio Calabria (équipe d’un certain Manu Ginóbili), avant d’être convié au camp d’été des Washington Bullets/Wizards. Il ne passe pas loin de se faire couper mais l’équipe de Wes Unseld a besoin de viande, et le contrat est signé.
Avec seulement 34 matchs et 6 minutes de temps de jeu en moyenne lors de sa saison rookie, on peut dire que l’entrée de Wallace dans la ligue se fait dans la discrétion. La donne change cependant dès l’année suivante, où il s’installe dans la rotation en tant que remplaçant sur les postes 4 et 5. Washington est miné par les blessures, ce qui lui donne l’opportunité d’intégrer le cinq majeur au cours du mois de février 1998, avec à la clé une production annonciatrice des années futures : 4.9 pts et 7.8 rbds. Sa popularité auprès du public de la capitale, conquis comme le fut Oakley quelques années plus tôt par ce style de jeu tout en intensité, monte en flèche.
Ajoutez à cela un pari pris avec Chris Webber et Darvin Ham, consistant à être celui qui se coupera les cheveux en dernier, et vous obtenez une coupe afro qui ne tardera pas à entrer dans la légende de la ligue. Mais Wallace a bien plus à proposer qu’une personnalité et une image attachantes. En 1998-1999, son temps de jeu et ses statistiques font un nouveau bond en avant. Sa montée en puissance annuelle se confirme, même si les Wizards sont à la peine collectivement (18-32). Les premiers matchs “à la Ben Wallace” font leur apparition :
- 20 avril 1999 vs Chicago : 11 points, 9 rebonds, 5 contres dans une défaite (-6),
- 26 avril 1999 vs Milwaukee : 14 points, 14 rebonds, 3 contres dans une défaite (-8),
- 29 avril 1999 vs Cleveland : 20 points (ça n’arrivera pas souvent), 10 rebonds dans une victoire (+11).
Pourtant, lors de l’été 1999, la direction décide d’inclure Wallace dans un trade avec Orlando pour récupérer Isaac Austin. Cela nous permet d’introduire notre premier nominé dans la catégorie “les Wizards se débarrassent d’un futur champion NBA, et avec le recul ils ont quand même l’air un peu cons”. Si vous supportez la franchise de la capitale, les passages qui vont suivre s’annoncent douloureux.
Pour Wallace, l’arrivée en Floride se traduit par une présence solide dans le 5 majeur, et un apport conforme à ses habitudes. Il passe d’ailleurs la barre des 20 rebonds à deux reprises. Hors des parquets, il partage une passion bien particulière avec son coéquipier Chucky Atkins, les voitures téléguidées. D’une manière générale, Wallace est friand de technologie, comme en témoigne sa première folie financière lors de la signature de son contrat à Washington : un Chevrolet Tahoe converti en station de gaming avec télévisions, Playstation, son surround et tout un tas d’autres joyeusetés. Des occupations posées, qui tranchent nettement avec son hyperactivité sur le terrain.
Nous voilà tranquillement parvenus à l’été 2000, qui va voir la carrière de Wallace prendre un virage décisif. À quelques 1500 kilomètres d’Orlando, Grant Hill, auteur d’une saison incroyable à Detroit, a des envies d’ailleurs. En fin de contrat, il signe un contrat de 7 ans chez les Pistons – maximisant ainsi le nombre de zéros sur le chèque – avant d’être échangé dans la foulée à Orlando, contre Ben Wallace et Chucky Atkins. Évidemment.
Pour son premier move en tant que General Manager, Joe Dumars frappe très fort. Sur le moment, beaucoup pensent que les Pistons se font détrousser, mais avec le recul, on peut tout simplement parler de l’un des échanges les plus décisifs de l’histoire récente. La première pierre d’une reconstruction mythique.
Bien que plaisants à regarder pour leur duo Grant Hill – Jerry Stackhouse, les Pistons de la fin des années 1990 étaient une véritable passoire ambulante, à l’opposé complet de la glorieuse époque des bad boys. Pas de défense dans la Motor City ? Oui messieurs dames, et ça ne plait pas du tout à Dumars qui décide de remettre l’église sur la place du village. Un retour aux sources doit s’effectuer à Detroit, et Ben Wallace en sera la figure de proue.
La saison 2000-2001 sert de préchauffage. Alors qu’il a toujours alterné entre les postes 4 et 5, Wallace évolue désormais en tant que pivot la grande majorité du temps, ce qui signifie aussi un déficit de taille systématique par rapport à son vis à vis. Cela ne l’empêche pas de passer pour la première fois au-dessus des 10 rebonds de moyenne, avec la manière (13.2 prises par match). Le 17 avril 2001, il en gobe 28 face aux Raptors, son record personnel. Les Pistons amorcent leur transformation : ils sont devenus catastrophiques en attaque (4e offensive rating en 1999-2000, 25e en 2000-2001) mais leur défense ne fait plus rire personne (21e defensive rating en 1999-2000, 8e en 2000-2001). Tout lien avec l’arrivée d’un séquoia surmonté d’une coupe afro est bien évidemment à exclure.
Ces évolutions inverses maintiennent le bilan à 32 victoires pour 50 défaites. C’est encore faiblard, mais compte tenu de la perte de Grant Hill, c’est presque encourageant. En dehors de Jerry Stackhouse et ses 29.8 pts, le talent ne court pas les rues mais Dumars dispose d’une base de travail intéressante. C’est l’heure pour lui de sortir la carte “changement de coach” de sa manche.
Champion avec les Celtics en 1986, Rick Carlisle n’a joué que 5 petites saisons en NBA avant de se tourner vers sa passion ultime, le coaching. Alors qu’il est âgé de 42 ans en 2001, cela fait une décennie qu’il distille son savoir en tant qu’assistant auprès de monstres sacrés comme Bill Fitch et Chuck Daly. Il sait donc à peu près de quoi il parle, et reconnaître une absurdité quand il en voit une. Même vous, lecteurs attentifs que vous êtes, devriez bondir à la lecture de ce que l’auteur s’apprête à vous dévoiler. Malgré leur indigence offensive, les Pistons étaient l’équipe avec le plus grand nombre de possessions jouées par match en 2000-2001. On est plus proche du masochisme que d’un système de jeu à proprement parler.
Carlisle siffle la fin de la récréation d’entrée de jeu et ralentit sensiblement le rythme de son équipe. Désormais, si les Pistons doivent gagner, ce sera grâce à une défense et une envie supérieures à l’adversaire, point final.
Et ça marche. Les Pistons jouent dur, bloquent l’accès au poste, aident de manière agressive. “Comme un groupe de mecs qui ont quelque chose à prouver”, selon leur coach assistant Kevin O’Neill. Les victoires s’enchaînent grâce à ce dispositif ultra rôdé, au centre duquel la tour de contrôle Big Ben régale par sa science de la défense. Nous ne sommes plus en présence d’un joueur de rotation solide, mais d’un véritable leader par l’exemple, capable de faire basculer des rencontres à lui seul. Il ne score pas, mais il est toujours là pour distiller le contre qui va initier un run, ou prendre le rebond offensif permettant à Detroit de garder la possession dans une fin de rencontre tendue.
“Un Jason Kidd en version intérieur, un gars qui peut dominer sans scorer”, Doc Rivers.
Dans le cas de Big Ben, il ne faut pas s’en tenir aux chiffres, même si cela ne l’empêche pas de noircir violemment la feuille de match de temps à autre :
- 15 février 2002 vs New York : 19 points, 22 rebonds dans une victoire (+11),
- 24 février 2002 vs Milwaukee : 10 points, 17 rebonds, 10 contres dans une défaite (-7),
- 24 mars 2002 vs Boston : 13 points, 28 rebonds, 6 contres dans une victoire (+8).
Wallace termine l’exercice en tant que meilleur rebondeur (13.0) et contreur (3.5) de la ligue, une performance seulement réalisée par Kareem Abdul-Jabbar, Bill Walton et Hakeem Olajuwon avant lui. Vous ne verrez donc pas d’objection à ce qu’il soit nommé défenseur de l’année ? Nous non plus. Devenus de sérieux concurrents à l’Est (50-32), les Pistons se hissent jusqu’en demi-finale de conférence, où ils se font éliminer par les Celtics. Pour l’anecdote, Wallace ne fait pas dans la dentelle pour son tout premier match de playoffs : 19 pts, 20 rbds, 3 ints, 3 ctrs, sur le nez des Raptors.
Et ce qu’il y a de bien avec tout ça, c’est que ce n’est que le début.
L’oscar de la saison 2002-2003
Avant de nous lancer, revenons rapidement sur l’été 2002, crucial dans la construction des Pistons puisque Joe Dumars va rameuter 3 futurs cadres de l’équipe. Il y en a pour tous les goûts, allant de la draft inspirée (Tayshaun Prince) à la signature avisée (Chauncey Billups) en passant par un transfert osé mais plus que payant sur le long terme, consistant à envoyer Jerry Stackhouse du côté de Washington pour récupérer Richard Hamilton (Wizards, futur champion, tout ça tout ça…). Au regard de la suite des événements, on est sur un florilège de décisions gagnantes.
Forts des certitudes conférées par leur défense, et malgré la nécessité de prendre leurs marques avec leur nouveau backcourt, les Pistons sortent des starting blocks en boulet de canon avec 12 victoires sur les 16 premiers matchs. Quand vous encaissez à peine plus de 79 points par match, vous avez une légère tendance à engranger les victoires par barquettes.
Les statistiques défensives de Ben Wallace sur la période sont terrifiantes : 15.7 rebonds, 3.1 contres et 1.1 interception. La barre des 20 rebonds a déjà été dépassée quatre fois, celle des 5 contres trois fois. Le 20 novembre 2002, il punit le Heat à sa manière avec 12 points, 19 rebonds et 10 contres dans une victoire Pistons-esque (75-72). A chaque action défensive, chaque rebond, chaque panier, un énorme son de cloche retentit dans le Palace d’Auburn Hills pour rendre hommage au surnom de son leader, devenu l’idole de toute une ville.
Mais la notoriété de Wallace dépasse désormais largement Detroit. Déjà admiré par les connaisseurs, il se fait apprécier de plus en plus par le grand public. Le combo coupe afro / muscles surdimensionnés / mentalité de guerrier fait des ravages, et tout cela débouche sur une première sélection au All-Star Game, en tant que titulaire s’il vous plaît. Le meilleur pivot de la conférence Est, sans aucune contestation possible. L’histoire est sublime mais son baptême du feu sera malheureusement entaché par le décès de sa mère, quelques jours avant le match des étoiles. Il sera tout de même présent à Atlanta pour faire ce qu’il sait faire de mieux, défendre.
Les rencontres s’enchaînent et même si les Pistons patinent après le All-Star Break (18-17), Wallace ne faiblit pas. Entre le 12 et le 20 mars, il nous gratifie d’une série de cinq rencontres consécutives à plus de 20 rebonds. Seuls 3 autres joueurs ont réalisé une telle prouesse depuis 1983-1984 : Clint Capela, Kevin Willis et l’inévitable Dennis Rodman. Au total, Wallace dépasse les 20 rebonds 16 fois, parmi lesquelles figure ce cadeau offert aux Wizards (coucou) en souvenir du bon vieux temps, le 14 mars : 17 points (son plus haut total de la saison !), 24 rebonds, 3 contres, 3 passes décisives.
Sans aucune surprise, Wallace est réélu défenseur de l’année, et obtient même quelques votes pour le titre de MVP. Son apport offensif ultra-limité (6.9 pts à 48% au tir et 45% aux lancers francs…), ne lui permet pas de figurer sur le podium, ce qui peut se comprendre. Wallace est cependant le meilleur joueur de la meilleure équipe de l’Est, bouclant l’exercice avec 15.4 rebonds par match, la 10e meilleure moyenne dans l’exercice depuis 1980, auxquels s’ajoutent 3.2 contres et 1.4 interception. Et seulement 2.5 fautes par match. Avec une telle activité défensive, une telle intensité et sur un poste aussi “dangereux” en termes de coups de sifflet… du grand art, tout simplement.
Malgré leur baisse de régime, les Pistons obtiennent la première place de l’Est avec un bilan identique à la saison précédente, 50-32. La lutte pour se faire exploser par les Spurs en finale la couronne est très ouverte, puisque seulement 8 victoires les séparent de leur adversaire du premier tour, le Magic d’Orlando. Et ils ne vont pas passer loin de la catastrophe.
Après 4 matchs, le score de la série est de 3-1 en faveur du Magic.Tracy McGrady est incandescent (43pts au match 1, 46pts au match 2) et Detroit n’a tout simplement pas les armes pour lutter dans ce registre. Wallace collectionne les rebonds par paquets de 20 mais ce n’est pas de lui que peut venir la lumière offensive. Il faudra une grosse remise en question collective et la montée en pression du backcourt Billups-Hamilton pour renverser la vapeur.
L’apport de Ben Wallace n’est jamais aussi savoureux que lorsque ses coéquipiers sont également de la partie, et le pivot profite du regain de forme généralisé pour s’offrir deux feux d’artifices sur la fin de la série : 14 pts, 21 rbds, 4 ints, 3 ctrs au match 5; 20 pts, 17 rbds, 4 ints, 5 ctrs au match 6. Orlando y a cru, mais Detroit a su retrouver son basket au meilleur moment.
Les joueurs de Carlisle parviennent à se qualifier en finale de conférence où ils subissent la loi des Nets, finalistes sortants. 2003 est un grand cru sur le plan individuel pour Wallace, mais il manque toujours la consécration collective. A l’image des Bad Boys, cette cuvée des Pistons progresse d’année en année et échoue de plus en plus près de son but. Jusqu’à ce que…
Le générique de fin
La saison 2003-2004 est celle du sacre pour les Pistons et Ben Wallace. Joe Dumars termine son chef d’oeuvre en donnant les rênes à Larry Brown en lieu et place de Rick Carlisle, et en faisant venir Rasheed Wallace (tiens donc, un autre ex-Wizard) à la trade deadline. La raquette était déjà un territoire dangereux avec un seul Wallace à se coltiner, alors avec deux… Detroit se fait ainsi une spécialité de tenir ses adversaires sous les 70 points, et profite de l’arrivée du Sheed pour décharger le duo Billups-Hamilton du scoring. Big Ben se permet même de prendre des tirs à mi-distance et de frôler les 10 points par match (9.5), car Larry Brown lui donne plus de liberté offensive que son prédécesseur. Cette fois, rien ne viendra contrecarrer les plans des Pistons, pas même les Lakers de Shaq, Kobe, Malone et Payton (les deux derniers nommés étant passablement carbonisés, soyons francs).
Au cours de cette finale historique, Ben joue les yeux dans les yeux avec Shaq, faisant tout ce qu’il est possible de faire pour lui rendre la vie difficile. Contestation au poste, sens du placement, aide, timing sur les rebonds, sa finale est un condensé de tout ce qu’un défenseur intérieur doit maîtriser, en version premium.
A l’image de leur roc défensif, les Pistons dévorent les Lakers dans l’engagement. Le “5 game sweep” se termine en apothéose au Palace, avec 18 points et 22 rebonds pour Wallace, et une action qui résume à elle seule la série.
Les joueurs du Michigan ne sont pas rassasiés pour autant. Bien installés sur le trône, ils dominent une nouvelle fois la conférence Est l’année suivante, Wallace en profitant pour remettre la main sur le trophée de meilleur défenseur, prêté à Ron Artest durant un an. Les deux hommes se retrouvent d’ailleurs au coeur de la plus grande baston de l’histoire de la ligue le 19 novembre 2004. Cela sera sans incidence sur le parcours des Pistons, qui reviennent en finale mais s’inclinent face aux Spurs, au terme d’une série très accrochée (4-3). Amoureux de fondamentaux, le duel entre Tim Duncan et les deux Wallace est fait pour vous.
Larry Brown s’en va et est remplacé par Flip Saunders, qui mène les Pistons à un bilan de 64-18 en 2005-2006. Cependant, les relations entre Wallace et son nouveau coach ne sont pas au beau fixe. L’aventure se termine en eau de boudin, avec quelques embrouilles et une élimination en finale de conférence contre le Heat. En fin de contrat, Ben décide de changer d’air et signe chez les Bulls, non sans avoir raflé un quatrième trophée de DPOY en cinq ans. La séparation est brutale, mais heureusement temporaire.
Après une saison très solide dans l’Illinois, Wallace amorce son déclin. En 2008, il est transféré à Cleveland pour prêter main forte à LeBron dans sa quête de titre. Il joue un rôle important dans la demi-finale de conférence perdue 4-3 contre les Celtics, et est encore solidement installé dans le 5 majeur avant que sa première “vraie” blessure ne vienne le couper dans son élan. Son rôle se réduit drastiquement lors des playoffs 2009.
Il est ensuite transféré à Phoenix, mais se fait couper dans la foulée. Sentant la fin de sa carrière approcher, Wallace fait le choix du coeur et signe son dernier contrat chez les Pistons. Mais on ne parle pas là d’un dernier contrat symbolique, avant une retraite bien méritée. Wallace repart pour 3 ans de bagarre dans les raquettes de l’Est, et claque d’ailleurs son plus gros total de points en saison régulière (23) le 12 novembre 2010, à 36 ans. Comme pour boucler la boucle, et terminer sa carrière sans regrets dans la ville où il a tout gagné. Son palmarès est éloquent :
- Champion NBA en 2004,
- All-Star, à 4 reprises,
- All-Defensive, à 6 reprises,
- All-NBA, à 5 reprises,
- Défenseur de l’année, à 4 reprises.
Le meilleur joueur non drafté de l’histoire, tout simplement.
Crédits et hommages
Vous avez sans doute remarqué qu’il manque une ligne “Hall-of-fame” ci-dessus. Recalé de la dernière élection, le pivot attend son heure. Certes, Wallace n’évoluait que d’un côté du terrain et cela joue en sa défaveur. Mais sa capacité à prendre le match à son compte tout en scorant 5 points était bien réelle. Son impact ne se mesure d’ailleurs pas qu’à ses trophées ou ses sélections dans les All-Defensive Teams. Pendant 5 ans, il a été le visage, le cœur, l’âme et même les cheveux de la meilleure équipe de la conférence Est.
“Ben Wallace incarne tout ce à quoi les gens pensent quand ils pensent Detroit Basketball”, Stan Van Gundy
Les Pistons l’ont d’ailleurs bien compris, et le n°3 plane fièrement au-dessus du parquet de la Little Caesars Arena. Detroit a permis à Wallace de devenir un joueur de légende, Wallace a permis à Detroit de retrouver une ferveur et des émotions perdues depuis le début des années 90. Un mariage parfait, qui nous a offert une des équipes les plus emblématiques de l’histoire récente.
“C’est le compétiteur ultime, et peu importe le joueur en face. Des gars pesaient parfois 20kg de plus que lui et il les affrontait encore et encore. Il a donné confiance à tellement de gars, moi en particulier. Je savais que si j’étais dépassé par mon adversaire, j’avais quelqu’un derrière moi pour l’arrêter”, Jerry Stackhouse.
On n’aurait pas mieux résumé, Jerry.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72),