Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Nous y voilà. Pour traiter cet exercice à cheval sur deux siècles, nous étions d’abord parti pour parler de Jason Williams, meneur génial bien qu’inconstant, qui fit le beau temps et la pluie du côté de Sacramento et de Miami. Pour être tout à fait franc, l’idée de parler du White Chocolate nous plaisait énormément. Pourtant, après quelques récentes réflexions, nous nous sommes surpris à dire : quel joueur représente mieux le concept du Magnéto que Grant Hill ? Puisque nous sommes arrivés à la conclusion que la réponse était “probablement personne”, il a immédiatement été question de faire une place au Nice Guy dans notre calendrier. C’est Jason Williams qui en fit les frais, mais rien n’exclut qu’on lui trouve, un jour ou l’autre, une petite place pour parler de ses extravagances balle en main.
S’attaquer à Grant Hill, c’est s’attaquer à une montagne, à un emblème de la NBA. C’est surtout un challenge pour le rédacteur, qui, peu habitué à faire court, doit cette fois-ci trier les informations, sous peine de rédiger un articles de 15 000 mots. Chose qui n’arrivera pas, rassurez-vous.
Grant Henry Hill a vu le jour le 5 octobre 1972 à Dallas. Il possède le morphotype idéal pour un ailier, du haut de ses 2m03 et sa grosse centaine de kilos. Un corps que son premier coach, Don Chaney, ne manquera pas de mettre en avant :
“Hill a le corps le plus parfait que j’ai jamais vu. Idéalement proportionné, des qualités athlétiques uniques : il est le prototype parfait du basketteur de la fin du siècle”.
Un corps qu’il mettait à contribution pour s’exprimer dans tous les compartiments du jeu. Très complet, Hill scorait, rebondait et passait, en atteignant un niveau élite dans chacune de ces catégories. Particulièrement altruiste, et plaçant le vivre ensemble collectif devant ses ambitions personnelles, il fût un joueur majeur de la Grande Ligue de la fin des années 1990, au point que certain(e)s voyaient en lui le digne successeur du célèbre numéro 23 des Bulls de Chicago.
Action !
Puisque ce ne sont pas les anecdotes qui manquent sur sa carrière professionnelle, nous n’allons que très brièvement évoquer son parcours universitaire. Et pourtant, en tant que Duke men, Hill fût triple finaliste et double champion NCAA. En effet, aux côtés notamment de Christian Laettner, membre de la Dream Team 1992, il remporta les titres de 1991 et 1992. Duke est ainsi la première équipe, depuis les Bruins de UCLA de Bill Walton, à réaliser un back-to-back. Il perdra la finale 1994, avant de se présenter à la draft NBA, aux termes d’un cursus universitaire complet. Pour certains, il est le meilleur joueur universitaire de la fin du siècle dernier. Les bases sont posées.
Dans cette cuvée 1994, les bons coups se trouvaient aux seconde et troisième places. Certes, Glenn Robinson, choisis avec le premier choix par Milwaukee, s’est par la suite révélé être un joueur excellent, qui scora 20 points de moyenne à 8 reprises lors de ses 9 premières saisons (21,9 points, 6,4 rebonds, 2,5 passes décisives et 1,5 interception en tant que rookie). Derrière lui Dallas n’opta pas pour l’enfant de la ville, mais bel et bien pour le meilleur meneur des quinze saisons à venir, en la personne de Jason Kidd. En troisième, sélectionné par des Pistons au fond du gouffre, c’est le nom de Grant Hill qui résonna dans la salle.
Dans le Michigan, il enfila le numéro 33. Il se retrouve dans une équipe en reconstruction, qui court après son glorieux passé, pourtant pas si lointain, et duquel ne survit que Joe Dumars, l’autre Nice Guy.
Dans l’ère moderne, rares sont les rookies qui ont su s’imposer en NBA avec autant d’autorité que Grant Hill. Son adaptation au monde professionnel fût instantanée. Cette première saison marqua l’Histoire de la Grande Ligue, et même, par un aspect au moins, celui du sport américain.
C’est donc avec une impression de facilitée – qui frôlait l’insolence – que le numéro 33 des Pistons réalisa 6 premières rencontres d’exception :
Son premier match en carrière est presque unique. En effet, avec 25 points, 10 rebonds et 5 passes décisives, il est l’un des 4 primo-débutants à réaliser une telle performance pour son grand baptême professionnel. Avant lui, on ne retrouve que des légendes d’avant-hier, à savoir Maurice Stokes (1955, dont vous pourriez bien entendre parler dans les semaines à venir) Elgin Baylor (1958), et, bien entendu, Kareem Abdul-Jabbar en 1969.
Il maintiendra un niveau presque similaire sur l’exercice entier, au point de conquérir immédiatement le cœur des observateurs de tout le pays. Collectivement, pourtant, les Pistons sont toujours immondes, dans la droite lignée de leur saison précédente, conclue avec 20 victoires. Néanmoins, on le sait, le titre de rookie de l’année ne tient généralement pas compte des résultats collectifs. Luka Doncic, et bien d’autres avant lui, sont là pour le prouver.
S’il connaîtra un pépin physique au mois de janvier 1995, Grant Hill impressionne. Au point d’être l’unique rookie de tous les temps à avoir récolté le plus de voix des fans pour le All-star game. Avec 1 289 585 votes, le jeune ailier est en effet en tête des suffrages, devançant Shaquille O’Neal de quelques 23 000 voix. Jamais, dans l’Histoire des 4 sports majeurs aux USA, un rookie n’avait terminé en tête des votes. Jusqu’à ce mois de février 1995, au cours duquel Grant Hill disputa donc son premier match des étoiles.
Après 40 rencontres dans la Grande Ligue, le constat est sans appel : G-Money est un franchise player. Ou, à tout le moins, possède l’étoffe, les épaules et les capacités physiques et techniques pour le devenir sous peu. Tout n’était toutefois pas simple. Si, sportivement, son arrivée dans la Ligue fût fracassante, l’homme a immédiatement été affublé de l’étiquette du “gentil”. Le surnom de Nice Guy, s’il peut paraître flatteur au premier regard, peut également avoir pour synonyme, dans la culture sportive américaine, des mots péjoratifs tels que soft, voire même loser. Comme chacun le sait, ce genre d’étiquette ne se détache qu’avec le temps et les preuves sportives. Mais si nombreux sont les joueurs, tout sport confondu, à être tombés dans un piège médiatique centré sur l’image renvoyée, Hill n’en a strictement rien à faire.
Et c’est ainsi que le gentil va dominer la Ligue.
S’il est quelque chose qui distingue l’ailier des autres superstars, c’est son sens du collectif. Certes, les ballons passent fréquemment entre ses mains. Mais il a toujours eu la bonne habitude de le rendre aux copains, bien souvent de manière très propre. Pour lui, une équipe soudée ira toujours plus loin que l’addition d’individualités talentueuses. Il ne cherche donc pas à se mettre en avant, ni sur les parquets, ni dans les médias. Comme s’il avait, sciemment, voulu alimenter son image de gentleman en toutes circonstances. Entre Joe Dumars et Grant Hill, les Pistons ont définitivement abandonné leur image de Bad Boys.
Il termine sa première saison avec le titre de co-rookie de l’année, partagé avec Jason Kidd, malgré les 28 petits succès de Détroit sur l’ensemble de la saison. Avec 19,9 points, 6,4 rebonds, 5 passes décisives, 2 interceptions et 1 contre, il est le joueur all-around par excellence. Au point qu’une seconde étiquette lui sera rapidement collée. Ici, pas question d’y voir un sens péjoratif. Le voici surnommé le Cyborg. Il est d’ailleurs adoubé par Chuck Daly, entraîneur historique des Bad Boys de Détroit, qui déclarait peu après le All-star game 1995 :
“Grant Hill bouleverse toutes les habitudes du basket NBA. Il est déjà l’un des joueurs les plus complets de l’Histoire”.
Sans craindre le blasphème, nous pouvons le dire : Grant Hill, c’était le pont entre Michael Jordan et LeBron James. Tout était d’ailleurs réunit pour qu’il ce soit le King avant l’heure. Ce qu’il fût, d’ailleurs.
Sa saison sophomore débute avec un nouveau coach, en la personne de Doug Collins, qui eu notamment sous ses ordres un certain Michael Jordan. L’objectif est désormais d’aller visiter les playoffs, voir ce qu’il s’y fait.
Sous Collins, le rôle d’Hill au sein des Pistons va encore s’accroître. Il est désormais le leader incontesté de l’attaque de la franchise. Son temps de jeu dépasse fréquemment la quarantaine de minutes. La confiance qui lui est accordée, G-Money va la rendre instantanément, transformant les ballons qu’il touche en panier, en caviar et souvent en or.
Cette seconde saison rime avec une deuxième étoile de All-star, en terminant à nouveau premier du vote des fans, devant, s’il-vous-plaît, Michael Jordan, sorti de sa retraite. Il réalisa 10 triples-doubles (record NBA cette saison-ci), et s’impose comme le meilleur des intérieurs passeurs. Elle lui permet surtout de qualifier les Pistons en playoffs, avec 46 victoires. En l’espace de deux ans, la franchise a ainsi plus que doublé son total de victoires. L’explication majeure porte le numéro 33. Gentil, certes, mais certainement pas loser.
La qualité du roster ne permettra toutefois pas d’espérer une qualification en demi-finale de conférence (défaite 3 – 0 contre le Magic).
La saison n’était toutefois pas terminée, et Hill sera membre de la Dream Team II, présente aux Jeux Olympiques d’Atlanta pour atomiser la concurrence, comme l’avait fait son illustre aînée, quatre ans plus tôt.
Les trois saisons suivantes présentent des signes indubitables de gémellité. Dans la continuité de ses deux premières saisons, le Nice Guy s’impose comme l’un des tous meilleurs joueurs de la Ligue. En cette période, il affiche la même confiance et le même sentiment de domination que les plus grands. On n’en vient presque à regretter son altruisme, qui plombe sa moyenne de points. Toutefois, comme il le déclarait lui-même en sortie de Jeux Olympiques, marquer 30 points par soir ne l’a jamais intéressé. Le collectif avant l’individuel, toujours. Au plus grand dam des statisticiens chevronnés.
Malgré cela, il s’inscrit rapidement dans les lignes statistiques de certains de ses glorieux prédécesseurs, triés sur le volet. Il termine sa saison avec plus de 21 points, 9 rebonds et 7 passes décisives, ce qui n’avait plus été observé depuis la saison 1989 – 1990 de Larry Bird, et qui ne sera plus vu avant la saison en 2016 – 2017 de Russell Westbrook. Hill se sert de ses qualités athlétiques uniques pour s’imposer au rebond, mais également pour agresser le panier. Sa menace est constante, puisqu’il est capable de dégainer de loin, et de servir un coéquipier démarqué. Il est le véritable chef d’orchestre de son équipe.
Il réalisera 13 nouveaux triples-doubles, ce qui constitue alors 35 % du nombre total de triple-double sur l’ensemble de la saison. Le plus beau est sans conteste celui réalisé le 18 janvier 1997, après 2 prolongations, pour venir à bout des Lakers d’O’Neal et du tout jeune Kobe Bryant : 34 points, 15 rebonds, 14 passes décisives à 52 % au tir. Après cette rencontre, Détroit tutoie les sommets, avec 28 victoires pour 8 défaites. Malgré un roster limité en talent (Lindsey Hunter à la mène, le vieillissant Joe Dumars à l’arrière, Terry Mills et Otis Thorpe dans la raquette), Hill mène les Pistons à la gagne à 54 reprises. Charles Barkley, tout juste transféré chez les Rockets, confirme d’ailleurs que l’effectif dirigé par Doug Collins n’avait alors rien pour faire peur :
“Les Pistons ne sont pas si bons que cela sur le papier. Ils gagnent car Grant Hill les porte”. (Propos rapportés au Washington Post, le 23 février 1997).
Il terminera 3è du classement du MVP, derrière Karl Malone et Michael Jordan, et remportera le NBA IBM award, remis au joueur qui eu le meilleur impact statistique pour sa franchise au cours de la saison régulière. Accessoirement, on le retrouve dans la All-NBA 1st Team.
Le magazine SLAM, en consacrant sa une à l’ailier des Pistons, résumera son début de carrière avec un titre choc, et tellement révélateur de la “Hill mania” qui s’était alors emparée des États-Unis :
Il se présente pour la seconde fois consécutive en playoffs, cette fois-ci avec le statut de favori de son premier tour, face aux Hawks de Mookie Blaylock et de Dikembe Mutombo. Ce sont néanmoins les faucons qui se qualifieront (3 – 2). Difficile d’imputer cette nouvelle élimination à Grant Hill, qui, avec 23,5 points, 7 rebonds et 5,5 passes, avait enfilé son costume de leader.
Ce sera une constante. En 6 saison avec les Pistons, il ne passera jamais un tour de playoffs. Il continue pourtant d’affoler les compteurs individuels. Au cours des saisons 1997 – 1998 et 1998 – 1999, il mènera les statistiques de sa franchise aux points, aux rebonds et à la passe décisive. Si l’accomplissement peut paraître anecdotique, il n’en est rien, en vérité. A ce jour, seuls Wilt Chamberlain, Elgin Baylor et Grant Hill y sont parvenus plusieurs fois consécutives.
La séquence suivante, qui se déroule en deux temps le 16 mars 1998 sur le parquet du Heat, démontre à la perfection les facettes du franchise player, qu’elles soient comportementales ou basketballistiques. On remarque d’abord un accrochage entre Hill et Alonzo Mourning, pivot star du Heat. Alors que celui-ci, réputé pour son sang chaud, se relève immédiatement manifestement prêt à en découdre, l’ailier, lui, ne pipe pas un mot. Il répondra sur l’action suivante, où, après avoir crossé Dan Majerle, il ira exploser Mourning d’un dunk d’une rare violence. Et alors qu’il se trouvait sur l’autoroute du trashtalking, il n’ira pas chambrer le pivot adverse. En Nice Guy.
Le Cyborg porte terriblement bien son nom, et rien ne semble pouvoir y venir à bout. Âgé de 26 ans, il ne semble même pas encore être dans ses plus belles années, les joueurs NBA connaissant généralement leur prime vers 27 / 28 ans. Pourtant, s’il reste un scoreur relativement modeste (21,4 points de moyenne au mieux, pour l’heure) pour les raisons que l’on connait désormais, il est difficile de l’imaginer dominer encore plus.
Et pourtant.
L’oscar de la saison 1999 – 2000
41 points, 9 rebonds, 5 passes décisives en 52 minutes. En commençant sa saison de cette manière, à nouveau face au Heat (défaite -6), Hill posa les bases de ce qui allait être son plus grande exercice individuel. Désormais dirigés par Alvin Gentry, les Pistons ne font toujours pas rêver sur le papier, quand bien même Christian Laettner est venu poser sa grande carcasse au poste de pivot. C’est là le grand malheur du passage de Grant Hill à Détroit : il n’a jamais eu, collectivement, les moyens de jouer le titre. Un peu, pour pousser la comparaison, comme LeBron James lors de son premier passage à Cleveland. La grande différence entre les deux, c’est que la conférence Est de la fin des années 1990 était autrement plus compétitive que celle qui sera dominée par le King dix ans plus tard.
Globalement, cette sixième saison dans l’élite rompra avec les précédentes. S’il n’a jamais eu autant le ballon (30,5 % d’usage, entre 25 et 29 % depuis le début de sa carrière), il distribue moins le jeu, et se recentre sur l’objectif premier du basketball : marquer des points. A l’instar de Magic Johnson (1986 – 1987), la transition s’effectuera avec une facilité agaçante. Marquer 30 points par soir ne l’a jamais intéressé ? Cela ne l’empêche cependant pas de le faire.
Dans son sillage, les Pistons … perdent. On ne décompte que deux petites victoires au soir de la 8è journée. Pour remédier à cela, le Nice Guy va se fâcher. Il quitte la tenue bleue claire de Détroit pour enfiler celle, plus foncée, de Superman, et réalise 13 rencontres consécutives d’un niveau sensationnel. Cela se ponctue, d’ailleurs, par 8 victoires :
C’était acté dans la tête de l’immense majorité des observateurs, mais cette saison le parachèvera en beauté : le meilleur ailier de la fin du millénaire n’est nul autre que Grant Hill. Il n’y a guère que l’illustre Scottie Pippen qui peut venir lui faire de l’ombre, bien que ses meilleures années soient désormais derrière lui. On remarque surtout ce que l’on pressentait jusqu’alors : le costume de scoreur lui sied parfaitement. Il faut dire qu’avec sa palette plus que complète, le numéro 33 donne l’impression qu’il peut scorer n’importe où, de n’importe quand.
Détroit se met petit à petit en marche, sans pour autant devenir un épouvantail collectif. Pourtant, après deux matchs moyens, Hill changera à nouveau de dimension. Alors que Shaquille O’Neal réalise l’une des saisons les plus dominatrices de l’Histoire, il n’y a guère que le G-Money qui peut, individuellement parlant, venir lui faire de l’ombre. Ainsi, entre les 25 et 36è rencontres de la saison, il affichera 32,1 points, 6 rebonds, 6,2 passes décisives, 2 interceptions et 0,8 contre à 53,2 % au tir, 48 % à trois-points et 84,8 % au lancer-franc. Si, pour l’écrivain Gaëtan Faucer, “l’emphase est la méthode qu’utilise l’ignorant pour impressionner”, il est particulièrement malaisé ici de ne pas céder au dithyrambisme. Passons nous donc de tout commentaire, au risque de passer pour des ignorants.
Il ratera quelques rencontres à la mi-janvier, avant de revenir au niveau qui était le sien, pour participer à son 5è All-star game, édition de laquelle nous retiendrons surtout l’historique prestation de Vince Carter lors du concours de dunk.
Victime des performances mitigées des siens, Alvin Gentry sera remercié après 58 rencontres (28 – 30), remplacé par George Irvine, qui n’avait jusqu’alors jamais brillé en tant qu’head coach (54 victoires pour 130 défaites lors de ses 3 saisons à Indiana au milieu des années 1980). Toutefois, comme le disait si bien Laurent Sciarra, qui citait manifestement son ami Antoine Mendy :
“D’un dauphin, t’en fais pas un requin”.
Si la formule prête à rire, l’ancien meneur français n’en est pas moins dans le vrai. L’effectif des Pistons n’est pas suffisamment armé pour lutter face aux Lakers, Jazz, Pacers, Knicks et autre Heat. Alors, quitte à changer d’entraîneur, il aurait fallu placer sur le banc un véritable magicien pour permettre à cette équipe de Détroit d’effectuer un long parcours en playoffs. La voie a pourtant été montrée l’année précédente par les Knicks du vieillissant Patrick Ewing, 8è à l’Est dans une saison raccourcie par un lockout, et finalement finaliste malheureux face aux Spurs de Duncan et Robinson.
L’espoir est donc permis, mais nul ne semble y croire. L’équation ne semble pas avoir d’inconnu : si Grant Hill est exceptionnel, il se pourrait que les Pistons parviennent à passer un tour de post-season.
C’était sans compter le scénario catastrophe. Alors qu’il sortait à nouveau d’une série Lebronesque, avec 29 points, 8 rebonds et 5 passes sur 10 rencontres, Hill se blessera à la cheville contre Charlotte, lors de la 74è rencontre de la saison. Un coup d’arrêt pour le joueur, qui n’avait encore jamais connu de grosses blessures. Excroissance osseuse, affirme le service médical de sa franchise. Il continuera tout de même à jouer, sur une cheville, à l’instar d’un Isiah Thomas héroïque lors de la sixième rencontre des finales 1988. Diminué, il se permettra tout de même de planter 36 points sur la tête de Kevin Garnett.
Néanmoins, malgré une 42è et dernière victoire contre le Heat (+17), cette blessure gêne indubitablement son jeu si délié. Au premier tour des playoffs, c’est ce même Heat, 2è de conférence, qui se présente. Hill disputera les deux premières rencontres, avec un impact quasi nul. On le sent : s’il est présent sur le terrain, c’est uniquement pour ne pas laisser tomber ses coéquipiers. La douleur vaincra toutefois, et il ne jouera pas la troisième rencontre, synonyme d’élimination.
On ne le savait alors pas, et on ne peut que le déplorer aujourd’hui : on ne reverra plus jamais le flamboyant Grant Hill. Cette rencontre face à Charlotte signe la fin de sa carrière au (très) très haut niveau, celle d’un joueur de calibre MVP. Qui sait, sans cette blessure, quels sommets il aurait pu atteindre ? La question est digne des plus gros What If.
Cependant, bien que diminué, il gratifiera les fans de sa présence encore 13 longues années, aux cours desquelles il rendra de fiers services à ses franchises respectives. Le Cyborg était touché, certes. Mais le Nice Guy, lui, n’a jamais abandonné.
Le générique de fin
Au-delà de sa blessure, autre chose traînait en cette fin de saison 1999 – 2000. En effet, Hill était alors en fin de contrat avec les Pistons, et répétait à qui voulait bien l’entendre (c’est à dire à l’ensemble des journalistes) qu’il ne savait pas de quoi son avenir sera fait. C’est finalement cette blessure, et le comportement du staff médical de la franchise, qui le poussa, semble-t-il, à plier bagage. Il semblerait que les médecins lui ont tout simplement caché la gravité de sa blessure. Alors qu’ils lui parlaient d’une excroissance osseuse, il s’avère en réalité que la cheville … était tout simplement cassée !
Il quitte donc Détroit, direction Orlando, pour former un duo aussi prometteur qu’excitant avec Tracy McGrady. En 6 saisons, il aura inscrit 9 393 points, pris 3 417 rebonds et distribué 2 720 passes décisives. Dans l’Histoire, seuls Oscar Robertson, Larry Bird et LeBron James affichent des chiffres supérieurs après 6 exercices. Encore une fois, cela se passe de mot(s).
Pour Détroit, la situation avait de quoi être catastrophique. Et pourtant, dans le malheur de perdre leur meilleur joueur depuis Isiah Thomas, les Pistons vont, sans le savoir, poser la première pierre de leur titre de 2004. En effet, dans le transfert qui envoie Hill en Floride, Détroit récupérera Chucky Atkins, mais surtout Ben Wallace. On peut ici parler d’un modèle de reconstruction.
Ce que l’on sait mal, c’est que la saison des transferts du Magic n’était pas terminée. Un énorme trade est dans les coulisses, et rien ne semble faire obstacle à sa concrétisation :
“J’étais très proche de partir. Très très proche”. Tim Duncan.
Tout semblait réuni pour que le meilleur ailier fort de l’Histoire vienne composer un exceptionnel big-three à Orlando. Imaginez quelle serait la face de la NBA si ce transfert avait eu lieu ! Et pourtant, le transfert capota, car … Doc Rivers refusa que la famille de Duncan accompagne l’équipe lors de certains déplacements ! En l’espace de 5 années, le Magic refusa donc de donner un contrat maximal à Shaquille O’Neal, et vit Tim Duncan lui passer sous le nez pour de futiles raisons.
Voilà à quoi cela tient, une Histoire.
Quand rien ne sourit … Le passage de Grant Hill au Magic sera catastrophique. Il y restera 7 saisons, au total. A l’issue de la 4è d’entre elle, il n’avait disputé que 47 rencontres : 4 lors de la saison 2000 – 2001, au cours de laquelle il passa le plus clair de son temps à soigner sa cheville cassée. Celle-ci ne lui fichera pas la paix la saison suivante (14 rencontres). Il semblait toutefois reprendre quelques couleurs, avec 17 points, 9 rebonds et 4,5 passes décisives. Ses 29 matchs de la saison 2002 – 2003 seront suivis par une nouvelle opération à la cheville, en mars 2003. Celle-ci se passera mal, et Hill souffrira d’une infection (staphylocoque) qui mettra sa vie en danger. Après Tom Gugliotta, voilà donc le second joueur dont nous parlons qui frôla la mort en cours de carrière.
Il est réopéré en urgence et sera placé sous antibiotiques pendant 6 mois. Il rate donc intégralement l’exercice 2003 – 2004, à la fin duquel Tracy McGrady partira chez les Rockets. Le rêve d’un duo explosif est donc tombé à l’eau en même temps que la santé de Grant Hill. Celui-ci redeviendra toutefois All-star dès la saison suivante, alors âgé de 32 ans : 19,7 points, 4,7 rebonds, 3,3 passes décisives à 51% au tir, en 67 rencontres. S’il n’est toutefois plus l’ailier virevoltant et explosif qu’il était, la renaissance est à signaler.
Alors qu’il est vivement critiqué dans les médias, en raison de son contrat (106 millions sur 7 ans) et de sa production, forcément impactée par sa longue période d’inactivité, Hill va trouver une nouvelle aventure, du côté de Phoenix, franchise réputée pour son staff médical. Aux côtés de Steve Nash et d’Amar’e Stoudmire, il joue désormais le rôle du vétéran de luxe (il a alors 35 ans), principalement utilisé pour ses capacités défensives. Il ne manque cependant pas de se rappeler aux souvenirs nostalgiques de ses fans, en laissant, de temps à autre, ressurgir la superstar qu’il était il y a déjà 10 ans.
C’est chez les Suns, en 2010 (et coaché par Alvin Gentry), qu’il connaîtra ses premiers véritables frissons en playoffs, avec une élimination en finale de conférence face aux Lakers de Kobe Bryant et Pau Gasol. Ironiquement, entre 2008 et 2010, il disputera 163 des 164 rencontres de Phoenix. Comme pour prendre, tardivement certes, une revanche sur la santé qui lui a ôté les plus belles années de sa carrière.
Il prendra sa retraite en 2013, à 40 ans, après une saison anecdotique chez les Clippers. A l’instar d’un Penny Hardaway, ou d’un Bill Walton, il fait partie de cette catégorie de joueurs à qui l’Olympe était promis, mais dont le corps n’a pas supporté l’ascension. Son palmarès ne reflète donc en rien l’immense joueur qu’il fût :
- Hall-of-famer, intronisé en 2018,
- All-NBA, à 5 reprises,
- All-star, à 7 reprises,
- Rookie de l’année, ex-aequo avec Jason Kidd, en 1995,
- Joueur le plus fair-play, en 2005, 2008, 2010.
Ce dernier titre illustre tout ce que nous disions jusqu’alors. Même lorsque plus personne ne croyait en un hypothétique retour au plus haut niveau, Grant Hill parvenait à se mettre en avant grâce à son comportement, toujours irréprochable.
Crédits et hommages
Rares sont les joueurs qui, parmi leurs paires, sont parvenues à faire l’unanimité – ou presque – pendant près de 20 années. Bien entendu, la trajectoire qu’a suivi la carrière de Grant Hill attire la sympathie de quiconque possède un palpitant. Mais tout de même, ce ne sont pas les hommages qui manquent. Nombreux furent les membres de la sphère NBA qui eurent une pensée pour celui qui était appelé à succéder à Jordan, à commencer par Shareef Abdur-Raheem, qui qualifiait “d’exceptionnel” la force de caractère démontrée par l’ancien joueur des Pistons lorsqu’il renaquit du côté de Phoenix.
Doug Collins, sous les ordres duquel il s’est véritablement révélé, n’a pas non plus tari d’éloges au sujet de son franchise player, en 1997 :
“Où serions-nous aujourd’hui sans lui ? Michael Jordan est toujours le meilleur joueur, mais Grant est le plus méritant et celui qui a le plus de valeur pour son équipe. Je crois sincèrement qu’il est très proche d’être le meilleur joueur”.
Et le principal intéressé, que pense-t-il de sa carrière ? Il s’est livré lors de son introduction au Hall-of-fame, en déclarant :
“Si je dois être honnête avec moi, cela m’ennuie vraiment d’avoir été blessé. C’est pour cela que le Hall-of-fame est une vraie récompense pour moi […]. J’ai tout de même fait quelques bonnes choses, j’ai joué les Jeux Olympiques, j’étais dans l’élite pendant une période. Dans un sens, tout n’a pas été mauvais”.
Plus question ici de s’en tenir au sens péjoratif du terme. Grant Hill est définitivement le meilleur Nice Guy que la NBA ait connu.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62),