2 ans que nous l’attendions. Lorsque Michael Porter Jr fit ses premiers pas en NBA, ce n’était pas que les fans des Denver Nuggets qui virent leur attente récompensée, mais une grande partie des fans NBA qui attendaient de voir évoluer le phénomène. Attendu comme le meilleur prospect de la draft 2018 depuis ses années lycées, la carrière naissante du jeune espoir a pourtant pris plusieurs balles dans le pied. Une lourde blessure à la colonne vertébrale est en effet venue amputer son ascension, particulièrement sa carrière universitaire dont il ne disputera que 3 matchs. 3 matchs dans lesquels il évoluera évidemment diminué, au point d’arriver dans une draft très relevée avec un énorme point d’interrogation dans le dos.
L’histoire, vous la connaissez sans doute. Porter Jr, connaîtra en raison de l’immense scepticisme autour de sa blessure une lourde chute dans la draft. Initialement perçu comme le futur du poste 3, #1 incontestable de cette cuvée (… Luka Doncic n’étant pas américain), il sera finalement annoncé entre la 5eme place et la 8eme place, laissant place à la vague de talents émergeante durant ses blessures (Luka Doncic, Deandre Ayton, Trae Young, Marvin Bagley III, Jaren Jackson Jr. notamment). Pourtant, la pillule sera encore plus dure à avaler pour lui, puisqu’il chutera à la 14eme place pour finir dans une équipe déjà compétitive, les Denver Nuggets.
Encore une fois, privé de dossier médical, il était difficile de déterminer la raison expliquant 13 franchises battant le froid au prospect. On peut imaginer que la densité de la draft a joué en sa défaveur, dans une période où un choix de draft posséde une valeur inestimable dans la construction d’une franchise. On peut imaginer, néanmoins, que la blessure soit des plus épineuses, surtout touchant à une zone aussi sensible que la colonne vertébrale. A ce titre, il paraît presque logique que la première à se lancer, soit une franchise déjà compétitive cherchant plutôt LA pièce supplémentaire, que LA pièce centrale.
Toutefois, une fois drafté, plusieurs réalités apparurent comme inéluctables :
- Une saison blanche pour se remettre physiquement
- Une première saison complexifiée par la forte concurrence au sein même de l’équipe
- Un public (au sens large) intrigué par le joueur dans une franchise pourtant peu médiatisée
Trois suppositions devenues réelles au cours des quasi-24 derniers mois. Tout d’abord, nous n’avons en effet pas vu Michael Porter Jr. alors que Denver se transformait plus qu’en équipe de Playoffs, mais en véritable challenger à l’Ouest durant la saison 2018-2019. Les plus optimistes et les plus impatients virent d’ailleurs vite leurs espoirs douchés par l’annonce d’une seconde opération au dos par la franchise. Ensuite, l’attente autour de Michael Porter Jr. a parfois éclipsée à l’échelle basketball la saison des Nuggets, les fans de la balle orange interrogeant sans cesse la présence du rookie. Enfin, comme on pouvait le craindre, cette première saison, par ailleurs détraquée par les événements sanitaires, ne nous a pas permis d’avoir un échantillon aussi large qu’espéré du joueur. Entre un temps de jeu en dents de scie, critique envers Mike Malone et sa gestion des rotations et coups d’éclats, qu’avons-nous réellement pu apprendre de Michael Porter Jr. ?
Un contexte à prendre en compte
Évaluer un joueur n’a rien d’une science. De nombreux experts vont se pencher sur un joueur, accumulant leurs observations, l’analyse de sa production statistique (individuelle et collective), leurs ressentis sur sa personnalité, sa marge de progression, auxquels ils coupleront les dossiers médicaux. Un ensemble d’éléments dont le poids a changé au cours des dernières années. En effet, l’évolution dans l’utilisation des “datas” ont rendu l’étude de la contribution statistique du joueur un aspect déterminant. Or, s’il était clair que l’échantillon de jeu en NCAA de Michael Porter Jr. rendait cette étude impossible, qu’en est-il de cette première saison NBA ?
En effet, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, il n’a accumulé que peu de temps de jeu ~670 minutes sur l’ensemble de l’année, à l’heure actuelle. Ensuite, nous avons connu un joueur aux deux visages en fonction de son temps de jeu. Or l’étude de la production d’un joueur nécessite un échantillon nécessaire pour écraser les anomalies. Que peut-on dire ici ?
Selon Seth Partnow, ancien scout pour les Milwaukee Bucks, Porter Jr. serait à peine au-dessus du plancher du temps minimum pour tirer de premières tendances (+500 minutes). Néanmoins, il faut aussi prendre le contexte délicat : retour après quasiment deux ans sans jouer en compétition, adaptation à une lourde blessure, dans une équipe dont le développement d’un rookie n’est pas la priorité absolue (contrairement à ses compagnons de draft), ce qui, nous allons en rediscuter, ne lui facilite pas la tâche. Enfin, sa période la plus faste en temps de jeu (janvier), s’est vu contrecarrée par une entorse à la cheville, qui fut suivi par un retour à la compétition plus compliqué et un retour au temps de jeu irrégulier qui caractérisait sa saison jusqu’à la fin décembre.
Car oui, si nous sommes nombreux à penser que le développement du potentiel de MPJ est capital pour les chances de succès à moyen termes de la franchise, toujours est-il que désormais, les Denver Nuggets ont l’obligation du résultat et la pression qui va avec. Dans un effectif très profond, à fortiori avant l’épuration de la trade deadline, Mike Malone devait jongler avec un groupe dont tous les joueurs pouvaient prétendre à des minutes en NBA. Par ailleurs, le coach de Denver, n’a semble-t-il pas décidé d’être tendre avec son rookie, entraînant un phénomène problématique pour son développement : peu de marge d’erreur. Car si de nombreux coachs de franchises en constructions peuvent être durs avec leurs joueurs, ils ont aussi la possibilité de les laisser faire leurs erreurs sur de longues minutes, avant d’en débriefer. A l’inverse, Porter Jr. a lui connu un traitement compliqué, puisque il était rappelé rapidement sur le banc, parfois après 1 action suivant son entrée sur la parquet. Une situation compliquée à digérer pour un joueur annoncé comme un top prospect pendant des années, mais aussi en termes de confiance pour quelqu’un qui doit (ré)apprendre la compétition au plus haut niveau.
En somme, si on peut comprendre la position de Malone ou le blâmer pour son manque d’adaptation sur un dossier très important (à terme) pour l’avenir de la franchise, toujours est-il qu’il est nécessaire d’avoir en tête cet inconfort pour le joueur dans la lecture de ce qui va suivre.
Quel joueur est Michael Porter Jr. ?
Au cas où vous le découvririez ou n’auriez pas passé beaucoup de temps à regarder Denver, il peut être intéressant de savoir pourquoi MPJ faisait saliver tous les scouts NBA.
Premièrement, rappelons qu’aujourd’hui, le poste 3 est un poste devenu crucial en NBA. Dans une ligue où la polyvalence des joueurs ne cesse d’être indispensable, quel poste représente plus cette dimension que le poste d’ailier ? Question réthorique : aucun. Aussi, il ne faut pas s’étonner de voir que plusieurs des principales stars NBA, quelle que soit devenue leur utilisation par la suite, sont étiquetées en tant qu’ailiers. Pour les principales, on peut citer LeBron James, Kevin Durant, Giannis Antetokoumpo et Kawhi Leonard. A cette liste, on peut ajouter des Paul George, Jimmy Butler (même s’ils peuvent être catalogués comme de grands arrières). Alors que les intérieurs classiques sont en phase d’adaptation à cette nouvelle NBA, il n’est plus rare de voir les ailiers prendre la place d’un des deux intérieurs pour gagner en spacing, mobilité, faculté à défendre diverses positions. Bref, vous ne serez peut-être pas étonnés non plus de noter que tous les MVP des finales depuis 2012 étaient… des ailiers (LeBron James, Kawhi Leonard, Kevin Durant et André Iguodala).
Et Porter Jr dans tout ça ? Eh bien, quand bien même un faible nombre d’images ont pu sortir sur le joueur avant sa draft, en raison de sa trajectoire compliquée, il faut comprendre que le joueur de 21 ans est le prototype même de ce que vous cherchez sur ce poste. Une petite liste s’impose :
- Un joueur de très grande taille, même pour le poste (2m08 à 19 ans)
- Une très belle envergure (2m13)
- Une grosse polyvalence offensive (skill balle en main, capable de créer son tir, excellent shooteur, athlétique et mobile)
- Un joueur capable d’être altruiste, quand bien même il n’est pas un playmaker de premier ordre
A la lecture de ces quelques lignes, vous le devinerez, si vous ne l’aviez pas lu 247 fois : la comparaison la plus facile était celle avec Kevin Durant. S’il est difficile de comparer un prospect à l’un des attaquants les plus complets de tous les temps, peut-on d’ores-et-déjà dire que la comparaison était scandaleuse ? Oui et non (bien pratique). Oui car il est difficile de voir le même talent brut que KD au même âge. Non car le talent est bien au rendez-vous et qu’on ne peut qu’imaginer un excellent joueur si les blessures n’avaient pas sabrées ses dernières années.
Profitons de cette apartée pour conclure ainsi et avancer : oui, les prémisces de la carrière de MPJ montrent un excellent joueur. C’est dit.
Quel début de carrière ?
Sur les 65 premiers matchs de la saison, MPJ a pris part à 48 rencontres pour un temps de jeu moyen de 14 minutes. Niveau statistiques brutes, le joueur compile 7,5 points (49% au tir dont 42% à 3 points), 4,1 rebonds et moins d’une passe par rencontre. Des statistiques au tir d’autant plus flatteuse, que le joueur possède peu de minutes et doit donc trouver son rythme très rapidement. Une difficulté rendue encore plus cinglante par l’absence de minutes régulières (fort temps de jeu, puis DNP, puis une poignée de minutes, etc).
Dans cette saison faite de haut et de bas, il aura connu sa période la plus intéressante au mois de janvier : 21,4 minutes de moyenne, gratifiées de statistiques éloquentes. 12,3 pts (52,2% au tir, dont 48% à 3pts !), 6,9 rbds, 1,3 asts. Sur ce mois-ci, MPJ s’est montré hautement enthousiasmant d’une perspective de fan. Létal au scoring avec une adresse insolente, présence au rebond malgré la proportion de rebonds “incontestés” et une dimension physique qui fait merveille en raison des lacunes de son équipe (nous y reviendrons plus tard). Ce qui fut d’autant plus appréciable, c’est que son impact sur le terrain, sur l’ensemble de la saison marque une tendance intéressante : un offensive rating de 114,7. Pourquoi est-ce intéressant ? Car c’est au-dessus de la moyenne de l’équipe (112), qui est donc encore plus faible sans lui sur le terrain.
Offensivement, le joueur est bon, quand bien même on ne peut pas évaluer toute sa panoplie. En effet, pour l’essentiel, nous avons vu Michael Porter Jr faire son beurre sur du catch-and-shoot, une forte activité au rebond offensif et de la transition. Joueur capable, comme l’élite de son poste de manier le ballon et attaquer son vis-à-vis, nous avons (malheureusement) peu vu ce dernier dans 2 séquences nécessaires pour se faire une idée complète de son jeu : le pick-and-roll et l’isolation. Pourquoi est-ce problématique ? Déjà parce que ce sont les deux types de possessions les plus jouées dans la NBA actuelle. Ensuite, parce que ce sont deux types de possessions, qui, si elles s’avéraient maîtrisées par le joueur, pourraient apporter plus de polyvalence à son équipe qui pratique un jeu offensif différent des tendances de la ligue. En outre, le fait de ne pas le voir suffisamment être utilisé dans ce registre nous prive d’une autre évaluation : son playmaking. Comme susmentionné, MPJ apparaissant sur ses faibles échantillons en lycée comme un joueur capable de partager la gonfle, mais pas forcément excellent passeur. Du peu que nous avons vu jusqu’ici, MPJ a plus ou moins confirmé le scepticisme autour de son playmaking. Néanmoins, il fallait confirmer cette impression une fois confronté à la NBA et des forts coéquipiers… mais surtout avec la responsabilité de créer et de hauts volumes. Le problème, c’est que comme le montre le graphique ci-dessous, l’essentiel des tirs du joueur proviennent d’actions crées par autrui. Autrement dit : pas assez d’actions où nous pouvons évaluer son adresse, sa créativité lorsqu’il tente de créer son tir ou trouver un coéquipier.
Mais revenons à sa production au scoring, qui reste sa mission principale. Quelques bémols tout de même à ce niveau.. Malgré ses pourcentages élevés, notamment à 3 points, il faut rappeler (une fois de plus), que l’échantillon est faible (seulement 102 tirs à 3 points), mais aussi que dans ses pourcentages élevés, tout n’est pas parfait. En effet, il ne shoote qu’à 35% à mi-distance, alors qu’on sent que cela fait partie de l’ADN de son jeu. Il faut donc s’améliorer dans cette zone déjà trop utilisée par certains de ses coéquipiers ou, à défaut, en réduire la proportion. Par ailleurs, pour lui dont on attend plus de situations en initiateur de jeu, il va falloir s’améliorer sur les tirs en sortie de dribble, seulement 27% à l’heure actuelle.
Le vrai soucis, toutefois, c’est ce point que j’élude depuis le début de l’article et pourtant Ô combien important pour gagner ses minutes en NBA aujourd’hui : la défense. Car oui, il va sans dire que la défense du joueur inquiétait avant même son entrée en NBA. N’apparaissant pas forcément comme très doué depuis ses jeunes années dans l’exercice, le joueur apparaît en effet perdu de ce côté du terrain. Un problème pour l’équipe donc, qui doit tenter de le couvrir alors qu’elle cherche sa régularité en défense, mais aussi pour la progression du joueur. Car si vous cherchiez depuis le début de l’article pourquoi MPJ voit son temps de jeu régulièrement amputé, vous avez enfin votre raison : sa défense. Si depuis le début de sa carrière, Mike Malone semblait avoir usurpé son statut de “coach défensif”, les Nuggets se sont largement établis dans cet exercice la saison passée (tout du moins, une bonne partie de la saison passée). Pratiquant une défense aggressive, les Nuggets ont besoin d’efforts dans ce registre, mais aussi de bons instincts. Et c’est là que le bas blesse : MPJ ne semble pas posséder des instincts très acérés dans l’exercice. Régulièrement, il est dépassé dans sa défense extérieure, dans une ligue où le 1 contre 1 est crucial et où il est très difficile de prendre ses marques. Facilement débordé par ses vis-à-vis, le joueur s’est souvent vu réprimandé par son coach, le sortant parfois, comme susmentionné, après 1 ou 2 séquences défensives pour punir ses erreurs. Une situation qu’on imagine difficile et frustrante pour un joueur qui souhaite rattraper le temps perdu et prouver qu’il n’était pas attendu pour rien.
Ce qu’il faut noter, c’est qu’il est rare de voir un rookie être un défenseur “valuable” pour son équipe. La plupart du temps, le jeu en NBA est un changement radical, surtout ces dernières années. Nombreux sont les facteurs : plus d’espaces à couvrir, plus de qualités athlétiques, des adversaires plus talentueux et créatifs offensivement ou encore la nécessité de s’adapter au rythme. Dès lors, il n’est pas rare de voir des bons défenseurs au niveau inférieur avoir besoin de temps pour trouver leurs marques. Si la tâche est compliquée pour des joueurs possédant de bons instincts défensifs, il va sans dire que c’est une galère sans nom pour ceux ne les ayant pas (ou ne les ayant jamais développés). Donc certes, en substance, MPJ a les armes pour défendre (athlétique, taille, envergure), mais en pratique nous sommes très loin du compte. Pour le moment, malgré quelques bonnes phases défensives, le joueur a beaucoup de progrès à faire pour espérer devenir ne serait-ce que correct. Pour donner une évaluation claire : MPJ a été mauvais en défense, même pour un rookie. Pour cause, l’équipe encaisse 7 points de plus pour 100 possessions lorsqu’il est sur le terrain.
Un élément à sa décharge toutefois : la tâche serait plus facile si Denver n’avait pas passé la moitié de l’année à se chercher en défense.
Un élément positif ensuite : Porter Jr maîtrise l’art du chasedown block, et si ce n’est pas signe d’un bon défenseur, c’est sacrément spectaculaire, esthétique et cela peut augmenter l’énergie en défense de l’équipe en créant un momentum.
Quelle place pour Porter Jr. chez les Nuggets ?
Nous parlerons ici d’un déroulé optimiste, c’est-à-dire d’une situation où la franchise et la coaching staff font tout leur possible pour que le joueur prenne sa pleine mesure. A l’heure actuelle, les Denver Nuggets évoluent derrière leur franchise player : Nikola Jokic. Néanmoins, cela prend plus qu’une star en NBA pour gagner. Si à très court terme, c’est Jamal Murray qui crystalise le plus d’attentes dans l’optique de faire franchir un cap à l’équipe, toujours est-il que MPJ a, sur le papier, le potentiel pour être cette 3eme force de frappe ou une alternative à Murray. Denver a en effet parié gros sur l’arrière en lui offrant un contrat max qui débutera à l’intersaison. Pourtant, nombreuses sont les qualités de l’ailier qui peuvent en faire le véritable chaînon manquant de cette équipe.
Mais en quoi ?
Tout d’abord, rappelons ce que nous disions un peu plus tôt : le poste d’ailier est CAPITAL, dans la ligue actuelle. Or, à cette heure, le poste d’ailier à Denver est le poste le plus faible et le moins dense. Occupé par Will Barton dont le profil est plus celui d’un 6eme homme que d’un titulaire, le joueur s’avère plutôt sous-taillé pour les ailes (1m98) et beaucoup moins costaud que l’essentiel des joueurs sur le poste. En outre, si Torrey Craig est un solide role player, il est le seul ailier de métier dans la franchise et possède des limites offensives terribles malgré toutes ses qualités.
De plus, l’intérêt d’intégrer MPJ ne se limite pas juste à son seul poste d’origine. Evidemment pas. Ce sont ses qualités sur ce poste qui le rendent crucial pour l’avenir de l’équipe. Si l’on retourne en arrière, notamment à la saison 2016-2017 qui a vu Nikola Jokic s’affirmer en franchise player, on (re)découvre un véritable rouleau compresseur offensif. Ceci expliquant notamment la réputation d’excellente attaque des Nuggets sous l’ère Jokic. Le soucis, c’est que depuis cette saison, la franchise régresse en attaque absolument tous les ans. Certes elle a changé de style de jeu, et fait d’énormes progrès en défense, mais l’explication ne se résume pas à cela. Comme nous l’expliquions dans la preview des Denver Nuggets en début de saison, l’équipe a commencé à régresser depuis le départ de Danilo Gallinari à l’été 2017. L’absence d’un véritable poste 3 et des qualités de ce dernier ont été, très vraisemblablement, l’origine de la chute dans le domaine. Or en l’absence d’un ailier aussi complet offensivement que l’italien, la réputation offensive de l’équipe est quelque peu, au fil du temps, devenue usurpée.
C’est là que Michael Porter Jr doit entrer en jeu. Aucun joueur de l’effectif ne se rapproche plus de l’apport de Gallinari depuis 3 ans : ailier de grande taille, potentiel très bon shooteur, à l’aise en transition, capable de manier le ballon et créer ses propres tirs. Sur le petit échantillon que fut cette saison, nous avons vu un bon joueur balle en main pour sa taille, un shoot très élégant avec un timing de tir très haut, le rendant complexe à contester, un step-back très propre lui permettant de se créer un espace et la faculté d’évoluer sans ballon en catch-and-shoot. Beaucoup de qualités, dans le touché, qui font penser, je le martèle à l’actuel ailier du Thunder.
Mais en prime, MPJ possède des forces qu’il n’avait pas et qui peuvent compenser des faiblesses actuelles de Denver. La première, c’est la faculté à jouer la transition, que ce soit en déboulant sans ballon vers le panier ou en partant balle en main pour provoquer. Comme le mentionnait l’équipe de l’Echo des parquets dans ce podcast, les Nuggets peinent pour diverses raisons à emballer les matchs offensivement ces dernières saisons. Parmi celles-ci : le manque de qualités athlétiques pour attaquer leurs adversaires. Alors que Denver fait partie des équipes qui marquent le moins en transition et contre-attaque, Porter Jr. n’est pas juste un athlète. Il peut devenir une “triple menace”. Il peut vous attaquer en 1 contre 1, il peut shooter, il peut attirer la défense et doit devenir un passeur fiable. Puisqu’il est souvent l’un des premiers partis quand le rebond défensif est capté, il faut cultiver sa présence.
Mais ce n’est pas le seul registré où il me semble prometteur. Bien que la typologie des rebonds captés diffèrent d’un joueur à un autre, Porter Jr. me semble très bon dans l’exercice. Grand, actif, il est très utile dans ce domaine et surtout… au rebond offensif. Malgré son faible temps de jeu qui rend l’évaluation brute peu parlante, il faut noter qu’en étendant son temps de jeu (ce qui a d’évidentes limites), MPJ est le meilleur rebondeur de cette cuvée de rookie. Or, alors que les Playoffs se rapprochent, il convient de rappeler comme être capable de protéger son rebond en défense et d’arracher quelques possessions à l’adversaire est crucial dans les joutes de Post-saison. C’est souvent un élément sous-estimé de la quête du titre et Porter Jr semble avoir dans son ADN la faculté à sentir et faire les efforts au rebond.
Cette compilation de putbacks et rebonds offensifs mérite le coup d’oeil, car elle met plus que n’importe quelles autres phases de jeu en valeur les facultés athlétiques du rookie.
Grâce à cette puissance athlétique et d’autres qualités déjà abordées, MPJ est un excellent finisseur dans la raquette. Mobile, grand, décent balle en main, actif sans ballon, il est déjà un un niveau très élevé dans sa faculté à finir par un lay-up ou un dunk. Et c’est probablement la meilleure chose que l’on pouvait espérer pour lui. Car si MPJ séduisait autant les scouts, c’est aussi parce qu’en plus de sa taille et ses skills, le joueur avait un potentiel athlétique énorme. Si certains observateurs semblent dire qu’il a tout de même perdu, notamment en agilité, au cours de ses deux opérations, il reste tout de même comme vous avez pu le voir au-dessus, supérieur la moyenne des joueurs de cette taille. Résultat, il apporte une capacité à attaquer la peinture qui manque terriblement à Denver. Possédant de joueurs équipés pour faire la différence et finir dans cette zone qui est la plus rentable de la ligue, les Nuggets sont souvent contraints d’accepter un tir beaucoup moins prolifique : la mi-distance. Résultat, lorsque des défenses font les efforts pour contester ce tir, cela a tendance à mettre l’ensemble de la maison en péril. Avec MPJ, la franchise se dote d’un joueur capable d’apporter une solution en la matière. Et s’il rate, rappelons que… il est capable de prendre son propre rebond offensif.
Enfin, il convient de développer une réalité du système des Nuggets. Construite depuis 1 an et demi autour de la connexion Murray-Jokic, leur attaque est atypique. En effet, l’essentiel de la création offensive provient du poste de pivot, ce qui est unique dans l’histoire de la ligue. Problème, ce tandem possède des limites. Nous avons vu l’an dernier que quand Jokic se montre très aggressif au scoring, toute l’équipe en profite. Très adroit, le pivot attire les prises à deux et sait faire ressortir la balle comme aucun autre intérieur. Toutefois, quand Jamal Murray n’arrive pas à scorer, c’est toute l’équipe qui voit son efficacité offensive s’effondrer. Évidemment, quand un seul joueur porte le danger balle en main, cela rend la besogne de la défense bien plus facile. Dans ces cas, encore trop fréquents, l’équipe ne possède en réalité aucun plan B solide autre que laisser Jokic prendre les choses en main. Or s’il a montré en Playoffs en être capable, on sait aussi que l’intérieur peut manquer d’aggressivité. Quand cela arrive, cela se retranscrit par une équipe lâchant des matchs qu’elle doit gagner pour être une véritable place forte de l’Ouest.
Là encore, l’éventualité que Porter Jr puisse jouer de l’isolation, du pick & roll avec Jokic pourrait bel et bien transformer les Nuggets et apporter une seconde couche de danger. S’il évoluait dans ce rôle, on pourrait même envisager que l’équipe soit moins stéréotypée et donc beaucoup plus menaçante. Pour cela, il faudra que la franchise lui laisse sa chance dans l’exercice (ce qui ne sera à priori pas pour cette fin de saison), mais aussi que le joueur travaille encore son ball handling. Si nous l’avons mentionné comme déjà abouti, il est très loin du niveau de l’élite à son poste (LeBron, KD) pour citer les plus impressionants. Nous avons vu, pour exemple, à quel point ne pas être, à minima, très bon dans ce registre peut limiter l’utilisation d’un joueur (Paul George par exemple).
Néanmoins, s’il développe cette dimension et s’avère un passeur correct, ce qu’il me semble pouvoir devenir avec plus de responsabilités, alors Denver pourrait passer d’une bonne équipe, à prétendant solide. S’il faudra qu’il reste en forme et obtienne la confiance de son coach, ce sont pour ces raisons et ces qualités que l’on peut considérer MPJ comme une pièce du puzzle des Nuggets. Un rôle et un impact auquel le joueur veut accéder et qui va nécessiter que Mike Malone face aussi preuve de plus d’adaptabilité et de patience.
Outre ces progrès à effectuer et le potentiel à confirmer, Porter Jr a, en revanche, un véritable défi à relever pour que ce scénario soit viable. En effet, devenir un défenseur correct voire solide sera indispensable pour le rookie. Jamal Murray n’est pas un bon défenseur et Jokic est limité par ses aptitudes physiques. Or s’il est possible de compenser 1 voire 2 défenseurs moyens s’ils consentent à des efforts, avoir une majorité de défenseurs médiocres sur le terrain est impossible. Or le poste d’ailier est si important pour construire sa défense, surtout si le pivot ne peut jouer le rôle d’intimidateur en second rideau, qu’il va falloir pour le joueur travailler sa condition et sa lecture défensive pour rendre ce projet valide. Et si l’aspect offensif m’apparaît comme tout à fait à sa portée, c’est bel et bien dans ce domaine que le plus grand challenge l’attend. Une prise de conscience que Mike Malone cherche à imprimer en le forçant à gagner ses minutes par la défense.
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Si beaucoup de franchises ont préféré passer sur le joyaux Michael Porter Jr., le joueur démontre des flashs dans son jeu justifiant l’agitation autour de son talent avant sa draft. Bien sûr, il faudra plusieurs saisons pour rassurer sur ses chances de faire une carrière durable, mais toujours est-il que son profil est excellent fit pour l’avenir des Denver Nuggets. En dépit d’un temps de jeu instable et probablement frustrant pour le rookie, il a su montrer de solide progrès avant une entorse qui a coupé ce bel élan. A cette heure, s’il est un problème en défense, il améliore déjà l’attaque de l’équipe en compensant certaines faiblesses (transition, shooting, taille sur les ailes). Avoir un impact positif malgré ses lacunes est rare pour un rookie, surtout dans des effectifs dont l’objectif principal n’est pas le développement de sa jeunesse.
Beaucoup de signes encourageant, en somme. En restant loin des blessures, l’ailier pourrait alors se mettre dans les meilleures conditions pour prendre sa revanche. Une revanche, certes, sur les équipes ayant fait l’impasse sur son talent, mais surtout sur ses propres doutes, lui qui a envisagé arrêter le basketball suite à sa lourde blessure.