“Je le détestais vraiment”. Alors que les faits remontent à bientôt quinze ans, les noms de Raja Bell et Kobe Bryant semblent destinés à revenir régulièrement dans la même phrase pour aussi longtemps que l’on racontera des histoires sur la grande ligue. Le souvenir de l’agression commise par l’arrière des Suns sur la légende de LA en ce soir d’avril 2006 n’est pas du genre à s’estomper facilement, tant par son caractère peu chevaleresque sur le moment que par la vague de nostalgie qu’il suscite en nous aujourd’hui. Une sorte de madeleine de Proust coupable, qui sent bon le basket des années 2000 et les batailles de tranchées du premier tour de l’Ouest, avec un Kobe incandescent et des Suns qui ne faisaient marrer personne. Une époque révolue, dans laquelle nous vous proposons de replonger le temps d’un portrait.
Raja who ?
Quelques années avant de se faire un nom dans l’Arizona, c’est par la toute petite porte que Raja Bell fait son entrée en NBA. Né aux Îles Vierges, comme Tim Duncan, il grandit à Miami et fréquente la Miami Killian High School, où son niveau de jeu lui permet d’obtenir une bourse universitaire. Après un cursus de 4 ans, démarré à Boston College mais terminé à Florida International suite à des désaccords avec son premier coach – et déjà quelques entretiens avec un psychologue du sport pour apprendre à mieux gérer sa colère – il ne parvient pas à taper dans l’oeil des franchises pour être sélectionné lors de la draft 1999. Peu surprenant, étant donnée la place minuscule occupée par sa fac sur la planète NCAA. Seuls deux de ses joueurs ont ainsi trouvé une place en NBA par la suite, Bell et Carlos Arroyo.
Les ligues mineures ne se bousculent pas non plus, faisant craindre une carrière terminée avant même d’avoir commencé. Finalement, Paul Woolpert, coach des Yakima SunKings en CBA (Continental Basketball Association), se décide à sélectionner Bell au 4e tour de la draft, sur les conseils d’un scout NBA, Gary Wortman. Le floridien ne tarde cependant pas à démontrer ses qualités, et Woolpert n’a pas grand chose à redire quant au niveau de son joueur. “J’aimerais dire que j’y suis pour quelque chose, mais son jeu était déjà bien étoffé lorsqu’il était avec nous”, confiera-t-il quelques années plus tard. Après avoir remporté le titre avec les SunKings, le joueur passe l’été 2000 sous les couleurs de Tampa Bay, en USBL (United States Basketball League), avant de signer en tant qu’agent libre chez les Spurs de San Antonio. Mais ce n’est pas la fin du purgatoire pour autant, car il n’aura pas l’occasion de disputer la moindre minute sous le maillot texan. Les Spurs le libèrent dès l’automne, et les repreneurs potentiels se font discrets. Retour à la case départ pour Bell, qui se voit contraint de revenir en CBA, cette fois sous les couleurs de la Skyforce de Sioux Falls. Le rythme de vie de Raja est alors bien plus proche de la routine du championnat départemental landais que du grand luxe de la NBA. “Le matin du match, je me levais et j’allais m’assoir à la laverie pendant 3 heures pour laver toutes les tenues et les sécher. Je les distribuais avant le match et puis j’allais jouer 40 minutes”. On est d’accord, ça ne démarre pas sous les meilleurs auspices.
Pourtant, le grand saut est pour bientôt. En effet, l’arrière a gagné un sponsor de choix lors de son court passage dans le Texas en la personne de Gregg Popovich, assez souvent fourré dans les bons coups lorsque le sujet touche au basketball. Le coach de San Antonio s’est fait une belle opinion au sujet de Bell, et n’hésite pas à vanter les mérites de ce joueur prometteur, tant par sa défense que par son adresse extérieure. Le bouche à oreille fonctionne très bien en NBA et lorsque Gregg Popovich vous recommande un profil, vous êtes plutôt enclin à lui faire confiance. Vous lui faites d’autant plus confiance quand vous êtes en proie à une avalanche de blessures et qu’il faut rapidement injecter du sang neuf pour ne pas perdre de temps en tête de la conférence Est, comme les 76ers en ce printemps 2001. Le 6 avril, le téléphone de Bell sonne avec une proposition de contrat de 10 jours. Après s’être envolé, le rêve NBA revient frapper à la porte.
Malgré un temps de jeu famélique lors de sa période d’essai à Philadelphie, l’arrière est conservé pour les Playoffs en tant que garantie, au cas où les blessures viendraient à nouveau perturber la mécanique. Les 76ers entament la campagne de playoffs par des victoires aux dépens des Pacers (3-1) et des Raptors (4-3), avant de se retrouver confrontés aux Bucks du trio Sam Cassell-Ray Allen-Glenn Robinson en finale de conférence, une belle petite équipe comme on les aime. Dans la lignée de la fin de saison régulière, Bell ne foule que très rarement le parquet et quand c’est le cas, cela dépasse rarement les 5 minutes. Tarif classique pour un joueur non drafté, mais la situation va changer au cours du match 6 de cette série.
Menés 3-2 et condamnés à l’emporter pour rester dans la course, les Bucks lancent une véritable déferlante offensive sur la tête des pauvres Sixers, qui se retrouvent rapidement largués. Ray Allen n’a aucun respect pour ses semblables et allume de partout avec une réussite affolante en première mi-temps (il terminera le match avec 41 points, dont 9 paniers à 3 points), permettant aux Bucks de prendre 29 points d’avance à la pause. Perdu pour perdu, Larry Brown décide d’ouvrir son banc et de lancer Bell dans la rencontre, se disant qu’il lui serait de toute façon difficile de faire pire que ses coéquipiers chargés de tenir Allen au cours du premier acte.
Même si le retard pris ne permettra pas à Philly de réaliser le hold-up, la seconde période est de bien meilleur calibre et au milieu de ce regain de forme, la performance de Bell ne passe pas inaperçue. L’arrière inscrit 8 points et fait parler sa défense pour ralentir un tant soit peu la mitrailleuse Allen. L’autre Allen, Iverson, prend feu à son tour et Milwaukee se fait une belle frayeur dans le 4e quart-temps. Il y aura bien un match 7, mais Bell et les 76ers ont envoyé un message : la défense est de retour.
La rencontre décisive se déroule à Philadelphie mais ce sont les Bucks qui prennent un premier avantage dans le deuxième quart-temps. Avec 9 points de retard, Larry Brown cherche à provoquer une réaction et lance dans la bataille un joueur dont il est sûr de la volonté de laisser ses tripes sur le parquet. Récompensé de son bon match précédent, Bell entre plus tôt qu’à l’accoutumée et apporte exactement ce que l’on attend de lui : marquage très serré, mains actives et jeu en transition rapide. L’arrière inscrit 10 points dans le second quart-temps et aide son équipe à reprendre le contrôle du match, pour ne plus le lâcher ensuite et valider son billet pour les NBA Finals. En deux mois, Bell est passé du statut d’illustre inconnu à celui de membre important de la rotation d’une équipe finaliste. Fulgurant.
Histoire de continuer dans l’improbable, notre bon Raja va profiter du match 1 des finales pour obtenir son plus haut temps de jeu en carrière jusqu’alors, avec 19 minutes. Comme si tout cela ne suffisait pas, le rookie doit se coltiner Kobe Bryant en guise de cerise sur le gâteau. Mais là encore, sa prestation dans un contexte éprouvant va impressionner. Malgré l’énorme domination de Shaq (44-20), les Sixers sont en position de réaliser un exploit majeur, grâce au récital offensif d’Allen Iverson et à une défense exemplaire sur le reste des Lakers, Bryant compris. Le black mamba n’arrive pas à se mettre en rythme (7/22) et l’intensité maximale de la défense de Bell n’y est pas étrangère. Convaincu, Larry Brown n’hésite pas à remettre le rookie sur le parquet au cours de la prolongation, quand les Sixers commencent à perdre pied. Alors que ses coéquipiers n’ont pas inscrit le moindre point sur la période, Bell plante un lay-up capital pour faire sauter la chape de plomb et lancer un run devenu mythique, ponctué par le tir légendaire d’Iverson sur la tête de Tyronn Lue. Philadelphie prend les commandes de la série contre toute attente, le rêve éveillé de Bell se poursuit.
Les voyages forment la jeunesse
Cependant, les Lakers sont certains d’une chose, c’est qu’ils sont taillés pour concasser la concurrence. Après la surprise du match 1, la logique sportive reprend ses droits et LA s’impose sans trop de difficulté dans les 4 rencontres suivantes. Cette fois, personne n’est en mesure de freiner Kobe, les Sixers sont épuisés après leur longue campagne – il fallait se les farcir, ces Raptors et ces Bucks – et n’ont d’autre choix que d’accepter la supériorité adverse. Malgré tout, le bilan des playoffs est extrêmement positif pour l’ancien des SunKings, qui vient de prouver sa légitimité en tant que joueur NBA.
Défense, dureté et tir extérieur. Le jeu de Raja Bell est similaire à celui de dizaines de 3 and D comme lui, un profil de joueur dont toutes les équipes de la ligue ont besoin. Lors des playoffs 2001 et sur le début de sa carrière, c’est principalement grâce à sa ténacité et sa volonté de ne rien concéder à l’adversaire qu’il obtient des minutes sur le parquet, car il n’est pas encore le sniper qu’il deviendra par la suite. Offensivement, sa panoplie se limite alors à des lay-ups en contre-attaque, faire l’essuie-glace le long de la ligne de fond pour espérer grappiller un rebond offensif, et de rares tirs à trois points (30% sur ses deux premières saisons).
De fait, il ne peut pas réellement peser sur la défense adverse et reste cantonné dans un rôle de détonateur défensif en sortie de banc durant sa deuxième saison, avec à la clé un temps de jeu réduit (12 minutes par match). Du point de vue collectif, le tableau n’est guère plus brillant : les blessures, notamment celle d’Iverson, frappent une nouvelle fois de plein fouet Philadelphie qui doit batailler jusqu’au bout pour accrocher un billet pour la postseason, de laquelle ils seront éjectés dès le premier tour par Boston. Durant cette série, Bell ne passe que 6 minutes sur le parquet, preuve qu’il n’entre plus dans les plans de Larry Brown. Il n’est pas conservé et signe en tant qu’agent libre à Dallas.
Malgré ce changement de décor, la donne reste à peu près la même pour Bell. Comme les 76ers, les Mavericks sont armés pour aller loin, avec le duo de all-stars Steve Nash / Dirk Nowitzki et de solides joueurs de complément comme Michael Finley et Nick Van Exel sur les extérieurs. Il est alors difficile pour un joueur limité offensivement d’espérer plus de 15 minutes par match, même si sa réussite extérieure commence à décoller (41% derrière l’arc, à pondérer par la faiblesse du volume de tirs pris). Quoi qu’il en soit, sa ténacité défensive ne faiblit pas et son caractère s’affirme, tout comme son goût pour le flopping. L’arrière devient de plus en plus pénible à jouer (dans le bon sens du terme) et lorsqu’il croise le fer avec des joueurs à la stabilité mentale douteuse, des étincelles peuvent apparaître – vous noterez que Ron Artest est alors en train de peaufiner les derniers réglages de l’opération “pétage de plomb intersidéral” et que son démarrage est hélas un peu lent.
Même si ses statistiques ont peu de relief (3.1 pts), ce passage chez les Mavs a de l’importance pour Bell car c’est au cours de celui-ci qu’il acquiert sa première expérience durable en tant que titulaire. Du propre aveu de son coach Don Nelson, Bell est le meilleur défenseur et l’un des athlètes les plus accomplis du roster, et cela lui permet de figurer dans le cinq majeur à 32 reprises au cours de la deuxième moitié de saison. Comme prévu, Dallas affiche un solide bilan de 60-22 et se qualifie aisément pour les playoffs.
Le début de la postseason coïncide avec un retour sur le banc pour Bell qui est mis au placard lors du premier tour et sur le début du deuxième, avant d’effectuer un retour tranchant lors des matchs 4 et 5 face aux Kings avec respectivement 16 et 13 points. Les ingrédients qui lui avaient permis de briller avec Philadelphie en playoffs, sont à nouveau réunis et Bell prouve encore une fois sa capacité à performer lorsque la pression se fait maximale. Dallas assume son statut et se hisse jusqu’en finale de conférence. Alors qu’ils sont à égalité 1-1 avec les Spurs, Nowitzki se blesse au genou et se voit contraint de déclarer forfait pour le reste de la série. À ce niveau de la compétition, cette absence est trop préjudiciable et sonne le glas des ambitions des Mavericks, qui s’inclinent en 6 matchs. C’est également la fin de l’aventure texane pour Bell qui profite à fond de sa carte jeune pour voir du pays. Il prend la direction de l’Utah, pour rejoindre une équipe qui entame une phase de reconstruction après 20 participations consécutives aux playoffs dans le sillage de John Stockton et Karl Malone – rien que ça.
Dans cet environnement moins compétitif, Bell est toujours remplaçant mais son temps de jeu gonfle et sa production offensive connaît un sacré coup d’accélérateur, principalement grâce à une régularité au tir enfin trouvée. Ce sursaut lui permet d’endosser plus de responsabilités en attaque et de s’établir non plus comme un energizer mais comme une vraie plus-value en sortie de banc. Cela se traduira notamment par une place dans le top 10 au vote du meilleur sixième homme en 2003-2004. En deux saisons, il passe de 3 à 12 points de moyenne par rencontre, et rôde toujours autour des 40% de réussite dans ce qui devient son exercice de prédilection, le tir à 3 points. Il est également nommé co-capitaine de l’équipe, preuve d’un leadership grandissant et d’une capacité à se faire apprécier du vestiaire.
Comme attendu, le bilan du Jazz n’est pas fameux et Bell est absent des playoffs pour la première fois de sa carrière, mais cela n’a pas vraiment d’importance. En ayant comblé ses lacunes offensives, ajoutant ainsi le 3 devant le and D, il a bien boosté sa cote dans la ligue et peut se permettre d’espérer des offres venant de grosses écuries. La NBA est alors moins portée sur le tir extérieur, ce qui n’empêche pas une certaine franchise de s’adonner à des festivals offensifs réguliers à base de course à tout va et de tirs pris en moins de 7 secondes. Une franchise qui effectue une montée en puissance éclair et qui commence à faire pas mal de raffut dans la conférence Ouest.
L’ascension du Phénix
Pendant que Bell développait son jeu dans l’ombre, les Phoenix Suns éclataient au grand jour en égalant le meilleur bilan de leur histoire lors de la saison 2004-2005, passant ainsi d’équipe risible (29-53) à contender (62-20). Leur marche vers le titre n’a été freinée que par des Spurs en route vers le sacre, un scénario qui deviendra légèrement redondant.
Derrière cette ascension, un duo dépositaire de l’identité de l’équipe mais aussi source d’inspiration pour la NBA d’aujourd’hui, Steve Nash et Mike D’Antoni. Totalement sur la même longueur d’onde quant à la manière de pratiquer ce sport, le meneur canadien et l’entraîneur d’origine italienne propulsent Phoenix vers les sommets grâce à une attaque débridée, où tous les extérieurs ont le feu vert pour sortir le lance-flammes quand bon leur semble, pendant que les intérieurs bondissants que sont Shawn Marion et Amar’e Stoudemire jouent à qui écrasera le plus gros tomar, servis par un Nash au sommet de son art. À une époque où avoir un gros point d’ancrage dans la raquette est encore vu comme l’une des conditions indispensables pour décrocher le graal, Phoenix produit un jeu ultra spectaculaire et devient rapidement l’équipe en vogue du moment.
Pourtant, l’élimination sèche face à San Antonio (4-1 malgré un Stoudemire à 37 points de moyenne) a fait émerger certaines préoccupations, à commencer par cette défense bien trop médiocre pour offrir une chance à Phoenix d’aller plus loin. En coulisses, les tensions entre Joe Johnson et la direction se font grandissantes au sujet du statut du 3e scoreur de l’équipe, lequel se sent relégué au second plan derrière le trio Nash-Marion-Stoudemire. Malgré le succès de façade, Bryan Colangelo a donc du ménage à faire lors de l’été 2005 et il ne fait pas dans le détail : Johnson ainsi que Quentin Richardson, les postes 2 et 3 titulaires, sont échangés tour à tour, permettant à Phoenix de récupérer Boris Diaw et Kurt Thomas, ainsi que des tours de draft que les Suns dilapideront lamentablement par la suite (mais ce n’est pas le sujet). Peu de temps avant ces manœuvres, Colangelo avait anticipé la nécessité de combler le trou sur la ligne arrière et était allé faire quelques emplettes dans l’Utah, et c’est ainsi que s’ouvre le chapitre de Raja Bell dans l’Arizona.
Même si cette signature vient ajouter du potentiel défensif à une équipe qui en manque, on ne peut s’empêcher de penser que les Suns se sont affaiblis au cours de l’intersaison, et le constat empire lorsque Stoudemire est annoncé forfait pour le début de l’exercice 2005-2006. En dehors de Nash et Marion, l’équipe est remplie de points d’interrogation. Bell a prouvé qu’il savait scorer mais doit montrer qu’il peut le faire dans un contexte plus compétitif. Boris Diaw n’a jusqu’alors rien montré de faramineux, et si l’apport défensif de Kurt Thomas est indéniable, il n’a jamais été connu pour ses prouesses offensives. James Jones n’a pas les épaules d’un titulaire et le banc n’est pas des plus profonds si l’on cherche plus loin que Leandro Barbosa et Eddie House. Vous l’aurez compris, l’idée de voir les Suns remettre le couvert paraît extrêmement optimiste.
Comment qualifier alors les 82 matchs qui vont suivre ? De toutes les saisons ayant laissé une trace mémorable dans l’Arizona – on vous l’accorde, il n’y a pas de quoi remplir une étagère – celle-ci est certainement l’une des plus inattendues, atypiques, et émotionnellement fortes. Car les Suns ne vont pas seulement se contenter de faire bonne figure dans l’adversité, ils vont présenter un niveau quasiment identique à la saison précédente, leur permettant de gratter un bilan inespéré de 54-28, le troisième meilleur de la conférence Ouest. Rappel : la franchise a perdu 3 de ses 5 principaux pourvoyeurs de points sur blessure ou trade. Une prouesse absolue, alimentée par des joueurs prêts à se démultiplier pour compenser les 58 points par soir partis en RTT.
Nash réalise ainsi sa saison la plus prolifique au scoring (18,8 pts) pour accompagner ses 10,5 passes décisives, et place un nouveau trophée de MVP sur sa cheminée. Marion fait absolument tout : meilleur scoreur (21,8), rebondeur (11,8), intercepteur (2,0), contreur (1,7). Boris Diaw joue sur les postes 3, 4 et 5 alors qu’il a été présenté comme arrière, ce qui ne l’empêche pas de se mettre à enquiller 13,3 pts, 6,9 rbds et 6,7 passes décisives et de décrocher le titre de Most Improved Player. Au total, pas moins de 8 joueurs dépassent les 9 points de moyenne par soir, et Raja Bell fait bien évidemment partie du lot avec 14,7 pts à 44 % derrière l’arc, sa meilleure performance offensive en carrière.
Il n’y a pas vraiment de quoi être étonné. Bell est en plein dans son prime (29 ans) et a déjà entamé une belle progression du côté du Jazz. Contrairement à sa période texane, sa palette offensive est maintenant suffisante pour honorer les caviars servis par Nash, et il goûte au régime de tous les joueurs – sachant à peu près se servir de leurs dix doigts – ayant joué avec le canadien : le gavage. On le retrouve ainsi régulièrement au-dessus des 15 points, et il signe son record en saison régulière au cours de cet exercice (31 pts). Son intensité et sa présence défensive, bien qu’insuffisantes pour faire décoller des Suns englués dans le ventre mou de la ligue en la matière (16e defensive rating), font rapidement de lui l’un des leaders émotionnels du vestiaire et l’un des chouchous du public de l’US Airways Center (aujourd’hui Talking Stick Resort Arena). Bell se régale dans la confrontation directe, dans cette guerre pour chaque prise de position, chaque écran, chaque drive. Et ce ne sont pas ses playoffs qui vont faire chuter sa cote de popularité.
À la faveur d’une règle abolie depuis, donnant la priorité aux champions de division dans l’attribution des places en playoffs, les Suns entrent en lice en tant que tête de série n°2 malgré un bilan inférieur à celui des Mavericks. C’est absurde, mais ça nous donne un alléchant Suns-Lakers dès le premier tour, et vu le déroulement de la série, on ne va pas se plaindre.
Dominateurs pendant la première moitié des 2000’s avec 4 finales et 3 titres, les Lakers sont dans une phase de transition et leur saison se résume alors à un seul nom, Kobe. Phil Jackson a beau être revenu aux affaires, le triangle n’a qu’un seul sommet et il culmine à 35,4 pts par soir, entraînant tant bien que mal dans son sillage une équipe brinque-balante, bien moins armée que ses glorieuses aînées. Mais la puissance de feu de Kobe et l’aura de Phil Jackson sont telles que malgré la supériorité théorique des Suns (3-1 en saison régulière), il n’est pas rare d’entendre le mot upset revenir dans les conversations. Agacé par les discours faisant de Bell un défenseur à même de le stopper suite à leur confrontation en 2001, le black mamba avait envoyé un message clair le 7 avril 2006 en venant planter 51 points sur la tête du Sun, de quoi laisser augurer un nouveau festival de celui qui aurait dû, selon certains, ravir le trophée de MVP à Steve Nash. De plus, Phoenix évolue sans Kurt Thomas, l’un de ses meilleurs défenseurs, blessé depuis la fin février.
Les Suns prennent la série par le bon bout, avec une victoire difficile au game 1. Le match dans le match entre Kobe et Raja, qui se sont à peine regardés lors de l’entrée des deux équipes sur le parquet pour le tip-off, a commencé. Au cours de la rencontre, D’Antoni fait revenir systématiquement son joueur sur le parquet lorsque le n°8 de LA en fait de même. L’adresse n’est au rendez-vous ni pour l’un ni pour l’autre, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour Phoenix, et ce sont Tim Thomas – signé en tant qu’agent libre seulement quelques semaines plus tôt pour compenser l’absence de Kurt Thomas – et Steve Nash qui font pencher la balance en faveur des locaux. Cependant, les Lakers reprennent l’avantage du terrain dès le match suivant, profitant d’une contre-performance adverse généralisée à l’exception du duo Nash et Bell, qui sort la tête de l’eau avec 23 points.
La série a commencé sur des bases tranquilles niveau engagement. Seul un petit accrochage entre Nash et Sasha Vujacic est à déplorer, et vus les gabarits des deux protagonistes, on est loin du palace d’Auburn Hills. Le voyage à Los Angeles va néanmoins coïncider avec une hausse assez nette de l’intensité, les Lakers étant convaincus de détenir la supériorité dans le domaine de la dureté et du vice. On aurait en effet presque tendance à qualifier les Suns de gentils garçons à l’exception de Stoudemire, K.Thomas et Bell. L’ennui, c’est que les deux premiers nommés sont blessés, et que le troisième a été sommé par la NBA de canaliser son agressivité suite à quelques débordements passés, laissant entendre que ses moindres faits et gestes seraient scrutés lors de cette série. Les Lakers ont donc toutes les raisons de penser que le jeu en vaut la chandelle et font passer le message dès les premiers instants du Game 3 avec une faute flagrante de Luke Walton sur Boris Diaw. Le match est rythmé par les accrochages et les Suns perdent petit à petit les pédales, se laissant frustrer par les décisions arbitrales au lieu de se concentrer sur le jeu. Bell essaie de jouer au plus malin en exagérant un contact avec Kobe mais cela a pour seul effet de renforcer la vigilance des hommes en gris. Résultat, faute technique quelques instants plus tard, et comme D’Antoni en remet une couche, le coach écope de la même sanction. Les Lakers ont tendu un piège et les Suns sont tombés les deux pieds dedans : 99-92, alors que Kobe n’a scoré que 7 points. Pour couronner le tout, l’une des fautes de Bell est requalifiée en flagrante 1 après la rencontre.
Phoenix est quasiment dans l’obligation de s’imposer au match 4 mais la première mi-temps ne fait rien pour rassurer. Certes, la nervosité est retombée et le score à la mi-temps est de 41-41, mais Kobe a passé onze minutes sur le banc à cause de ses fautes. Ne pas réussir à profiter de la situation pour se créer un matelas de 10-15 pts d’avance est proprement criminel, même si les Suns parviennent tout de même à se réveiller par la suite, en particulier Shawn Marion (10 pts dans le 3e). Ils mènent encore 90-85 à 12 secondes de la fin mais c’est le moment que choisit le légendaire Smush Parker pour sortir la séquence de sa vie, avec un panier à 3 points sur la tête de Steve Nash, suivi d’une interception sur la remise en jeu, permettant à Kobe de s’offrir le lay-up de l’égalisation. L’histoire est en marche : Phoenix parvient à se remobiliser et mène d’un point en toute fin de prolongation mais Nash se retrouve coincé dans une prise à deux à la mi-terrain. Entre-deux récupéré par Kobe, qui s’en va inscrire l’un des tirs les plus mythiques de sa carrière sur la tête de Bell et Diaw pour permettre à LA de faire le break. Phoenix est dans les cordes, l’upset est plus que jamais d’actualité.
Pour le fan neutre, le dénouement de ce match 4 est incroyable mais du côté des Suns, on a quand même méchamment l’impression de se faire enfler. Les provocations incessantes des Lakers, ainsi que l’impression d’impunité totale de Bryant et Jackson auprès du corps arbitral commencent à devenir insupportables. Il y a bien sûr d’autres raisons pour expliquer le pétrin dans lequel les joueurs de l’Arizona se trouvent, mais ce sentiment d’injustice va fédérer l’équipe et mettre le niveau d’intensité au maximum pour le game 5. Résultat, les Suns dominent la rencontre, ce qui n’empêche pas Bell de se chauffer une nouvelle fois dans les règles de l’art avec son vis-à-vis. Bell estime être victime d’un nouveau coup de coude de Kobe, pourtant les arbitres sanctionnent l’arrière des Suns, qui n’avait besoin que de ça pour dégoupiller. Quelques minutes plus tard, alors que les locaux semblent en contrôle, Bell effectue un véritable coup de la corde à linge sur Kobe lancé vers le cercle.
Le geste est violent, dangereux, inexcusable et résulte évidemment en l’exclusion immédiate de son auteur. Heureusement pour lui, les Suns ne se laissent pas surprendre et valident la victoire, avec en prime l’exclusion de Kobe, à son tour, en fin de match. Le sursaut des Suns est tout de même bien rapidement relégué au second plan au profit de l’agression proférée par le n°19, qui ne fait rien pour apaiser les tensions. Bien loin de s’excuser, il justifie son geste : “Si vous êtes parti pour me frapper au visage et ensuite faire comme si ce n’était pas intentionnel… il y a une raison pour laquelle j’ai des bleus aux deux joues et je peux à peine ouvrir ma mâchoire. Chaque fois que tu sors ton cul (quand Kobe joue au poste) et que tu essaies de frapper mes parties génitales, tu le fais exprès. Ce n’est pas quelque chose que tu fais par inadvertance et c’en était trop.” Des accusations évidemment rejetées en bloc par l’intéressé qui estime que Bell “n’a peut-être pas reçu assez de câlins étant enfant”.
La NBA, elle, se fiche pas mal de savoir qui a dit quoi, elle a une faute flagrante à juger et sa décision ne tarde pas : Bell est suspendu pour le Game 6. C’est donc depuis un restaurant mexicain de LA qu’il verra ses coéquipiers produire l’un des efforts les plus magistraux de leur saison pour égaliser à 3 partout après prolongation, malgré les 50 points d’un Bryant étonnament plus à l’aise offensivement avec Leandro Barbosa sur le dos. Nash, Marion et Diaw réalisent des matchs incroyables mais le héros de la soirée se nomme Tim Thomas, auteur d’un tir à 3 points monstrueux pour décrocher l’overtime. Le momentum de la série a basculé, et Phoenix écrase LA lors du match décisif.
C’est là l’occasion de lancer une dernière petite crotte de nez vers Kobe, et en famille s’il vous plaît. On commence doucement avec Raja qui agite son maillot pour mettre en avant son n°19, parodiant ainsi l’attitude du black mamba après son game winner du match 4. Mais la palme revient à Denise, sa mère, qui demande à Kobe s’il a besoin d’un câlin lorsqu’elle le croise dans les couloirs de l’US Airways Center. Les chiens ne font pas des chats. Au-delà de ce chambrage plus ou moins dispensable, cette série homérique a permis à Bell de se faire un nom dans la ligue, en devenant l’un des visages incontournables de ces Suns si particuliers.
Vous en voulez encore ? Pas de souci, l’intéressé n’a pas fini de marquer ces playoffs 2006 de son empreinte. Après les Lakers, ce sont les Clippers qui viennent se mesurer aux Suns. Malgré une ligne arrière de qualité (Sam Cassell, Cuttino Mobley), la menace principale de l’autre franchise de LA se nomme Elton Brand, ce qui autorise Bell à garder quelques forces pour les phases offensives. Bon, vous ne vous reposez jamais vraiment défensivement lorsque Steve Nash évolue avec vous sur le backcourt.
La série se déroule dans un esprit un peu plus Coubertin que la précédente, mais n’en est pas moins disputée : après 4 matchs, le score est de 2-2. Nash a le dos en compote et paraît de plus en plus carbonisé, mais comme Phoenix semble toujours trouver des ressources pour surmonter les situations les plus compromises, ses coéquipiers montent au créneau. Bell en est le parfait exemple. Après s’être mis en évidence dans son rôle de pitbull habituel face aux Lakers, l’arrière surprend par sa production offensive inattendue, avec 33 points (record absolu en carrière) lors du game 4 et déjà 17 paniers à 3 points à son actif après 4 rencontres.
Au vu de la physionomie de la série, le game 5 est importantissime et va donner lieu à un duel de haute volée. L’opposition de style entre la solide raquette Elton Brand – Chris Kaman des Clippers et les Marion, Thomas et consorts, obligés de se battre comme des morts de faim sur chaque possession pour compenser leur désavantage physique systématique, offre un moment de basket total, de ceux qui vous font tomber raide dingue ce sport. Portés par une adresse insolente, les Suns parviennent à prendre 19 points d’avance dans le 3e quart-temps mais la réussite finit par baisser, nous donnant le droit à un money time bien tendu comme on les aime. Au jeu des erreurs, Marion (pourtant auteur d’un match de mammouth, 36pts et 20rbds) démarre fort en ratant deux lancers qui auraient pu permettre à Phoenix de passer devant dans la dernière minute, mais ce n’est rien en comparaison de Sam Cassell qui choisit l’une des ultimes possessions du match pour prendre son temps au point de ne pas franchir la ligne de mi-terrain dans la limite des 8 secondes imparties. Les Clippers parviennent tout de même à prendre un dernier shoot sans réussite, et Tim Thomas clôt le festival du rire de Montreux en oubliant de demander un temps mort après avoir saisi le rebond, préférant tenter un tir depuis sa moitié de terrain alors qu’il reste bien 3 secondes sur l’horloge, dégommant au passage un ou deux oiseaux planant au dessus du parquet. Personne n’a l’air décidé à gagner ce match, overtime.
Déjà exténués, les Suns doivent se coltiner 5 minutes supplémentaires, qui prennent rapidement des allures de 5 minutes de trop. Thomas prend sa 6e faute après avoir passé « seulement » 45 minutes à défendre sur un all-star à un poste qui n’est pas le sien, mais plus inquiétant, Steve Nash est complètement à la ramasse. Le MVP perd deux ballons cruciaux au cours de la prolongation, et les Clippers tiennent un avantage de 3 points à 3,5 secondes du terme. Temps-mort Suns.
“Si je reçois le ballon, je le mettrai”. Dans son style caractéristique, Bell ne se démonte pas et même si dans un monde idéal, le tir de l’égalisation devrait revenir à Nash, Mike d’Antoni se rend bien compte que son arrière, auteur de 4 banderilles au cours du match, représente un meilleur pari qu’un MVP dont les dernières forces semblent évaporées depuis un long moment. Le système est dessiné, les Suns se mettent en ordre de marche, le temps pour Eddie House de gonfler une dernière fois le moral de son coéquipier, “je sais que tu vas le mettre”.
Et bien sûr, il le met, le coquin. Réception dans le coin sur la remise en jeu, défense suspecte de Daniel Ewing, déclenchement immédiat… la balle ne touche même pas le cercle. Ce tir parfait plonge la salle dans un autre monde. Le son de cloche qui succède habituellement chaque panier du héros local sonne à en faire éclater le toit de l’arène. Bell ne vient pas seulement de prolonger le match, il vient de sauver la saison des Suns, comme Tim Thomas au tour précédent.
Et pour poursuivre dans la ressemblance, l’adversaire est une nouvelle fois dans les cordes, obligé de tout recommencer alors que la victoire lui tendait les bras. L’euphorie des Suns emporte tout sur son passage lors de la deuxième prolongation, 3-2. Avec ses 22 tirs à 3 points, Bell s’empare du record en la matière sur une série en 6 matchs, précédemment détenu par Derek Fisher (rappel : Stephen Curry n’évoluait pas encore en NBA).
Déjà bien loti parmi les fans suite à sa bataille sans merci face à Kobe, Bell parachève son ascension avec ce tir entré dans la légende de la franchise de l’Arizona (on fait avec ce qu’on peut). Même si son adresse chute par la suite et que les Suns ont une nouvelle fois besoin de 7 rencontres pour se qualifier, l’histoire de ce joueur non drafté s’embellit de match en match.
Bon, tant qu’on y est, est-ce qu’on irait pas gratter une petite finale NBA ? Malheureusement, non. Après avoir bravé tant d’épreuves, les Suns finissent enfin par arriver à court d’énergie, de solutions et de miracles, terrassés par un ultime coup du sort puisque Bell se déchire le mollet lors de la victoire de Phoenix au Game 1 de la finale de conférence (avec 35 points de Monsieur Boris Diaw). Dallas remporte les deux rencontres suivantes et même si le retour de Bell (sur une jambe) permet aux Suns d’entretenir l’espoir en revenant à 2-2, Nowitzki et les siens font respecter la loi du plus fort en 6 rencontres. “Qu’est-ce que tu peux faire de plus ? Tu y vas et tu donnes le meilleur de toi-même, et si ça ne suffit pas, tu dois accepter le fait que tu as donné le meilleur de toi-même”. L’impuissance est de mise dans le discours Raja mais cette phrase illustre parfaitement l’état d’esprit qui a animé l’équipe durant cette épopée à part dans le coeur des fans de Phoenix, celle d’une équipe promise à l’échec, qui aurait pu sombrer à de multiples reprises, mais qui a toujours su, d’une manière ou d’une autre, trouver de quoi alimenter son feu intérieur pour aller de l’avant et renverser des montagnes. Une saison qui reste à coup sûr la plus belle de la carrière de Raja Bell, et qui méritait bien que l’on s’y attarde un peu.
De déception en déception
Propulsés par leur nouvelle apparition en finale de conférence surprise, les Suns abordent la saison 2006-2007 en tant que favoris, au même titre que les Spurs, Mavericks et autres Pistons. Après une période hésitante nécessaire à la réintégration d’Amar’e Stoudemire, le rouleau compresseur se met en place : 61 victoires pour 21 défaites, meilleure attaque de la ligue, meilleur pourcentage au tir, plus grand nombre d’assists… du Phoenix dans le texte. Loin de redescendre dans la hiérarchie malgré le retour aux affaires du Stoud (20,4 pts) et l’explosion de Leandro Barbosa (18,1 pts), Bell maintient sa production et propose une ligne de stat quasiment identique à 2005-2006 : 14,7 pts à 43 % dont 41 % derrière l’arc, 3,2 rbds, 2,5 ast et une sélection dans la All-defensive first team pour récompenser son travail de l’autre côté du parquet. “Il est le coeur et l’âme de notre équipe”, confie un Mike D’Antoni plus que jamais armé pour rafler la mise. Bell assure le quota “suspension” en donnant un coup de pied à Andrea Bargnani lors d’une rencontre face aux Raptors, mais cela n’entraîne qu’un match de retenue. Petit niveau. C’est à peu près tout ce qu’il y a de croustillant à se mettre sous la dent lors de cette saison régulière, qui laisse les Suns tranquilles au niveau des blessures, leur permettant de monter en régime progressivement pour la féroce bataille qui s’annonce au printemps. 2006 est un souvenir merveilleux, 2007 restera une plaie ouverte à jamais.
Lors de l’ouverture des playoffs, on est à peu près sûr que le vainqueur de l’Ouest sera un membre du trio Spurs, Suns, Mavericks. À la faveur d’une saison étincelante (67-15, Dirk Nowitzki MVP) et de leur statut de finaliste sortant, les Mavs partent avec une longueur d’avance, mais ils subissent l’un des plus gros upsets de l’histoire face aux Golden State Warriors de Baron Davis et Don Nelson. Cette sortie de route prématurée dégage l’horizon pour leurs rivaux, qui ne font pas dans la dentelle pour lancer leur campagne : Phoenix écarte les Lakers sans aucune difficulté cette fois (4-1), pendant que San Antonio dispose de Denver sur le même score. Le Spurs-Suns qui s’annonce a des allures de finale.
Les équipes partagent les points sur les matchs 1 et 2, ce qui nous amène à la troisième rencontre. Entrons dans les sujets fâcheux.
En effet, même si l’on se refuse à donner trop de crédit aux déclarations de Tim Donaghy – ancien arbitre condamné à 15 mois de prison pour avoir truqué et parié sur des rencontres – et que l’on s’en tient aux faits, la manière dont ce Game 3 fut gérée par le trio arbitral (dont Donaghy faisait partie) ne restera certainement pas dans les annales. Qu’ils l’aient fait sciemment ou non, les hommes en gris ont pris plusieurs décisions douteuses à des moments cruciaux en faveur des Spurs, contribuant juste ce qu’il faut à faire pencher la balance d’un match à couteaux tirés. Regrettable à ce stade de la compétition.
Les joueurs de l’Arizona s’inclinent 108-101 mais parviennent à se remobiliser dans le match suivant, avec un retour furieux dans le dernier quart-temps leur donnant 3 points d’avance à quelques secondes du terme. Les Spurs doivent faire faute pour arrêter le chrono, c’est l’heure de la deuxième ration de controverse.
Robert Horry colle un gros taquet à Steve Nash qui s’en va valser le long du terrain, provoquant une échauffourée au sein de laquelle on retrouve inévitablement notre Raja national. Mais on y retrouve aussi, et c’est plus embêtant, Amar’e Stoudemire et Boris Diaw, qui se sont levés du banc pour aller prendre part aux festivités. Or, le règlement de la NBA est très clair à ce sujet, il est interdit de se lever du banc dans le cadre d’une altercation, afin de ne pas envenimer les choses. Plus tôt dans la rencontre, Tim Duncan avait fait quelque chose de similaire sur une action impliquant James Jones et Francisco Elson, mais comme il n’y avait pas d’embrouille à proprement parler, la NBA se contentera de reconnaître qu’il “n’aurait pas dû être sur le parquet” – Jones aurait-il dû mettre un coup de pied en mode Bruce Bowen pour faire suspendre Tim Duncan ? Vous avez 4h. Résultat des courses, Horry écope de deux matchs de suspension mais Diaw et Stoudemire sont également suspendus pour le match 5. De là à dire que l’équipe qui a joué le plus salement a été avantagée, il n’y a qu’un pas.
https://youtu.be/t3LjDlMd12g?t=43
Ces deux absences sont bien évidemment trop lourdes pour les Suns qui s’inclinent dans le match 5 malgré une belle résistance (88-85), avec une rotation à 6 et 46 minutes pour Bell. La série vient de basculer définitivement, et les Spurs terminent le travail 4-2 avant d’écarter le Jazz et les Cavs sans aucune difficulté sur la route d’un nouveau sacre. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, qu’il y avait largement la place d’aller chercher quelque chose pour les Suns cette saison-là. La déception est décuplée par cette impression d’avoir laissé passer une occasion en or, couplée au sentiment de n’avoir pas été autorisé à défendre ses chances à 100%. Ce souvenir douloureux marque également la fermeture de la fenêtre de titre dans la carrière de Bell.
En effet, les Suns vont s’appliquer à détruire l’équilibre de l’équipe lors de la saison 2007-2008 en tentant un coup de poker, consistant à intégrer le gros popotin vieillissant de Shaquille O’Neal dans l’attaque survitaminée de D’Antoni. Ô surprise, cela débouche sur une élimination sèche au 1er tour, une nouvelle fois des mains des Spurs, parce que c’est plus drôle comme ça. Steve Kerr n’a pas souvent fait n’importe quoi dans sa vie, mais le fait qu’il soit general manager des Suns lorsque c’est le cas colle parfaitement à l’identité de cette franchise spécialisée dans la gestion calamiteuse. On ne sait plus trop dans quelle direction va Phoenix, D’Antoni fait ses bagages, une page se tourne.
Terry Porter le remplace mais la mayonnaise ne prend pas. La colère gronde dans le vestiaire et des changements sont nécessaires, ce qui nous amène au 10 décembre 2008 : Raja Bell, Boris Diaw et Sean Singletary sont envoyés à Charlotte contre Jason Richardson, Jared Dudley et un tour de draft.
Sanctionné pour s’être montré ouvertement insatisfait du changement de style de jeu des Suns, Bell échoue dans une équipe médiocre mais entraînée par Larry Brown, qui a contribué à lancer sa carrière en lui faisant confiance lors des playoffs 2001. On ne sait pas si ce clin d’oeil de l’histoire donne un surplus de motivation à Bell mais celui-ci maintient une production tout à fait honnête avec 13 points par match, tout en s’imposant rapidement comme un rouage essentiel de la 7e meilleure défense de la ligue. Il n’aura cependant pas l’occasion de s’illustrer plus longtemps chez les Bobcats qui l’expédient à Golden State en novembre 2009, où il ne jouera qu’un match à cause d’une blessure au poignet. Convalescent durant la majeure partie de la saison, il est libéré par les Warriors en mars 2010.
Âgé de 33 ans, Bell est en quête d’un dernier challenge. On l’aperçoit au restaurant avec Kobe, laissant présager une possible signature aux côtés de son ancien ennemi à Los Angeles. D’autres candidats au titre, comme Miami et Chicago, sont également sur le coup, mais tout cela accouchera d’une souris. Bell s’engage pour trois saisons avec le Jazz à l’été 2010, désireux de rejouer sous les ordres de Jerry Sloan, un coach pour lequel il a le plus grand respect. Désireux également de gratter un peu d’oseille, ne nous le cachons pas.
Malheureusement, le retour aux sources sera écourté par la démission soudaine de Sloan au cours de l’exercice 2010-2011, après 23 ans sur le banc mormon. Privé de la raison principale de son retour au Jazz, Bell voit son rôle diminuer progressivement avant d’être totalement mis au placard sous la direction du successeur de Sloan, Tyrone Corbin. Bell est d’ailleurs renvoyé chez lui lors d’un road trip de la saison 2011-2012 suite à une altercation avec son coach. Vous commencez maintenant à connaître Raja, il n’est pas du genre à la boucler lorsque la situation lui déplaît, et n’hésite pas à critiquer ouvertement le manque de sincérité de l’organisation à l’issue de cette saison difficile. Être rétrogradé dans la rotation, oui, mais être traité comme un paria à qui on n’adresse plus la parole, c’est inacceptable. “Quand cela en vient au point où il n’y a pas la moindre communication pendant des mois et des mois, nous savons tous que le dommage est irréparable”. Il exige d’être transféré mais aucun deal n’est mis en place, le Jazz se contentant de lui verser sa dernière année de contrat sans le faire jouer, avant de le couper. Cette fin d’aventure en queue de poisson fait tâche dans une carrière, tout en constituant cependant un ultime exemple du caractère entier de Bell, inchangé jusqu’au bout : si vous êtes prêt à accepter les mauvais côtés, vous aurez les bons. Lorsque le temps ou les circonstances perturbent l’équilibre de la balance, il est temps de dire stop. Aussi simple que ça.
Le 13 février 2014, Raja Bell annonce sa retraite après 12 saisons de bons et (le plus souvent) loyaux services. Par la suite, il prend le poste de directeur de l’administration des joueurs (réservation d’hôtels, logistique…) chez les Cleveland Cavaliers, mais quitte le poste en septembre 2015 pour passer du temps avec sa femme et ses deux enfants. Il n’en perd pas son intérêt pour la NBA pour autant, et anime ces temps-ci un podcast sur CBS Sports en compagnie de Danny Kanell, où il réagit sur l’actualité de la ligue. La photo de l’action polémique de 2006 fait évidemment partie du décor, ce qui n’empêchera pas l’intéressé, peu de temps avant le décès de son ennemi d’alors, de profiter de sa tribune pour dire tout le respect qu’il avait pour Kobe Bryant, comme pour enterrer définitivement les antagonismes du passé.
Ces batailles, souvenirs d’une époque révolue, ont permis à ce joueur sorti de nulle part de se construire une carrière des plus respectables, sans jamais renier sa nature. Cela manque de statistiques ronflantes et il y a quelques moments peu glorieux, mais l’objectif n’a jamais été d’être le gendre idéal. Quand il était sur le parquet, Bell faisait simplement en sorte de se donner à 150%, la meilleure recette qu’il ait trouvée pour compenser un potentiel des plus ordinaires. Si cela impliquait de se faire détester de l’équipe adverse ou d’agacer les hautes sphères de la ligue, aucune importance. À la clé, deux sélections dans les All-Defensive teams (1st 2007, 2nd 2008), une apparition en finale, 9.9 pts à 40% à 3 points, un maillot retiré à Florida International University et une place bien au chaud dans le coeur des fans des Suns suite au run mémorable de 2006. On a connu pire, pour un joueur non drafté.