A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 4 sur l’équipe masculine, c’est par ici !
Épisodes précédents :
EPISODE 1 : LES PIONNIÈRES DU BASKET (1893-1928)
Episode 2 : Championnes avant l’heure (1929-1939)
Episode 3 :La patte Busnel (1945-1957)
Episode 4 : Survivre dans le basket soviétique (1957-1963)
Les Celtics de Russell ? Des petits joueurs à côté des soviet’ !
Союз нерушимый республик свободных !
Сплотила навеки Великая Русь !
Да здравствует созданный волей народов !
Единый, могучий Советский Союз !
Vous connaissez ? Le cyrillique n’est pas si compliqué qu’on le pense, mais ces paroles sont le premier couplet de l’hymne soviétique, l’URSS qui, en 1957, n’est rien d’autre que le pays le plus puissant du monde. Son empreinte s’étend sur toute l’Europe centrale, sur l’Asie, et fait office d’un monstre tentaculaire pour le monde libéral. L’URSS veut être premier partout, dans tout : l’agriculture, la technologie, l’espace, la santé, et bien entendu le sport. Et oulah…en 1957, ils sont devant, dans la plupart de ces domaines, et évidemment, ils vont être premiers en sport…une domination dans certaines disciplines qui ferait frissonner de peur n’importe quel adversaire. C’est le cas du basketball féminin, ou les femmes soviétiques vont dominer, écraser, écrabouiller, réduire en purée, toute la concurrence, au nom et pour la gloire de Lénine. C’est bien simple, à partir de 1950, l’URSS va gagner pas un, pas deux, pas trois, pas quatre, pas cinq, pas dix, pas quinze, mais VINGT-ET-UN Eurobaskets féminins, sur vingt-deux ! Le seul rescapé ? Un pays du bloc soviétique, la Bulgarie. A cela s’ajouteront des victoires aux championnats du monde, aux jeux olympiques, et un bilan sur l’ensemble des titres européens de 148 victoires, contre 2 défaites. Basket-retro résume la chose ainsi : “Un adage bien connu de la planète sport nous dit que « les records sont fait pour être battus ». Si certains semblent très abordables, d’autres sont parfaitement inaccessibles. Les nombreux succès de l’équipe de l’Union Soviétique à l’EuroBasket féminin entre 1950 et 1991 entrent clairement dans la seconde catégorie. On ne parlera pas d’Everest mais plutôt d’Olympus Mons” (le plus grand volcan du système solaire sur la planète Mars).
Une joueuse de basket illustre parfaitement cette domination. Je ne vous parle pas de n’importe quelle basketteuse, je vous parle de quelqu’un qui, 20 ans plus tard, aurait pu regarder Sabonis les yeux dans les yeux, autant sur le talent que sur la taille. Ouliana Semenova, pivot de 2.20m. Vous avez bien lu. Et du haut de ses 220cm, Semenova aura un avantage physique ridicule sur n’importe quelle joueuse en face d’elle. Basket-retro en fait une très belle biographie, et évoque les impressions qu’elle donnait : “Imaginez une sorte de grue qui serait montée sur rails, aux qualités plus mécaniques que sportives, une grue dont les mains levées arriveraient à 15 cm du panier.” et Basket-Europe ajoute : “Ouliana Semenova incarne le mal absolu”. En somme, une peur de son jeu, jugé parfois inapproprié, mais qui permet à l’URSS de dominer, sans merci.
Alors, comme je vous l’ai dit, ne soyez pas effrayés par le cyrillique russe, car de toute manière, vous allez entendre cet hymne tellement de fois après chaque titre européen, que vous le connaîtrez par cœur, après tout, ne sommes-nous pas tous et toutes des camarades de l’internationale ? Allez, MUSIQUE !
Sans Busnel, mais avec la première sélectionneuse
Nos françaises elles, tournent la page de Robert Busnel. Le génial sélectionneur a fait son oeuvre, mais les dernières années sous sa direction semblent avoir marqué un pas dans la progression de l’équipe de France. Mais l’ex-sélectionneur ne manquera jamais de montrer son intérêt pour le basketball féminin. Ainsi, en 1962, à la suite d’un accident d’avion tragique qui coûte la vie à toutes les joueuses du BBC Bastia, Busnel est présent, aux obsèques, et lève une cagnotte de soutien aux familles. Mais sur le terrain, les résultats ne sont plus au rendez-vous. Sans être médiocre, les bleues ne parviennent plus à percer, les top spots de chaque compétition sont désormais prises par les pays de l’Est. Mais au-delà de cette domination ravageante, dans l’hexagone, il y a de quoi se féliciter de notre basket : la période Busnel, bien que mal achevée, a apporté quelques beaux résultats (le bronze au mondial chilien), quelques beaux noms du basket français (Anne-Marie Colchen, Ginette Mazel) et quelques records (plus grande victoire contre l’Autriche en 1954 avec +71). L’avenir peut être également prometteur, car un Eurobasket se jouera en France en 1962, l’occasion de faire bonne figure et pourquoi pas de retrouver le chemin des médailles.
C’est Georgette Coste-Vénitien qui prend le relais de Busnel. Un moment d’histoire, et une pionnière de plus, puisqu’elle devient la première femme à prendre la tête du groupe France dans l’histoire. Logique ? Vous le verrez, ça restera hélas plutôt rare. La niçoise connais bien le monde du basketball féminin, après tout, elle aussi est une Linnet’s de Saint Maur, mais son compteur de sélections est resté bloqué à 3 malheureusement. Mais Georgette veut, comme toutes les autres, partir à la chasse aux soviets : “Elle en voulait aux filles d’en face, de l’Est, d’être trop grandes, trop bien préparées, de bénéficier d’un véritable « professionnalisme d’Etat »” explique Basket-retro.com. La sélectionneuse devra lancer son groupe dans la bataille rapidement. La première étape sera l’Eurobasket 1958 en Pologne.
Les nouveaux visages de cette équipes sont connus : elles s’appellent les soeurs Roques, Veleno, Stephan, Delmas, Seillier, Kloechnert, Etienne-Planque, Gaurand, Hermet, Ribot, et bien sur Ginette Mazel. Ces bleues prennent tout de suite la mesure de leurs adversaires. Dans toutes la compétitions, les françaises n’affronteront que des pays du bloc de l’Est. Le départ est pourtant prometteur : victoire contre l’Allemagne de l’Est (51-29) avant de tomber contre…l’URSS. La pâtée est automatique, mais les bleues n’ont pas faibli : 66-41. Les françaises sont donc qualifiées pour le second tour final et se sont payées le luxe de ne prendre “que” 25 pions par l’URSS, prometteur ! Sauf qu’au second tour, c’est la berezina : Bulgarie, URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie et Pologne, bref, rideau de fer, cinq défaites, et la France termine bonne dernière du groupe, sans médaille, mais elle représenta l’Ouest jusqu’au bout.
Les compétitions s’enchaînent, mais sans les bleues
Comme un bloc de tetris, le basketball soviétique va se placer et prendre tous les espaces. Il ne faut pas se ménager. Mais la France échoue à se qualifier au mondial de 1959. Celui-ci offrira presque place pour place le même résultat que l’Eurobasket 1958 ! A ceci prêt que le monde libre est représenté par la Corée du Sud en lieu et place de la France. Alors il faudra tenter de se rattraper à l’Eurobasket 1960. Mais là aussi, c’est un échec : le groupe de Coste-Vénitien ne se qualifie pas pour la phase finale non plus en Bulgarie, Eurobasket dominé par…vous savez bien qui.
Pas de coupe du monde à l’horizon avant 1964, alors il faudra attendre et progresser pour être en forme à l’Eurobasket 1962 à Mulhouse. Hormis Ginette Mazel et Yanick Stephan, Georgette Coste-Vénitien change assez largement son groupe : Jacqueline Verots, Arlette Bustichelli-Borel, Maryvonne Carzino, Danielle Thourot-Dreyffus, Marie-Claude Le Crom, Annie Prugneau, Anne-Marie Saforge-Constanciel, Pierrette Vignot, Jacqueline Cator et Nicole Robert sont toutes présentes pour leur première compétition internationale. Mais voilà, contre la Roumanie, les bleues ratent leur début en s’inclinant 43-50. Yanick Stephan culmine…à 14pts. S’en suit un nouvel échec face à la Pologne (42-58). C’en est fait de la France qui, une nouvelle fois, s’efface derrière la grandeur soviétique qui bien évidemment domine le tournoi. Il faut sauver l’honneur, une victoire au moins. Et cette victoire, elle est rendue possible uniquement parce que dans le groupe de la France, se trouve une équipe qui n’est pas du bloc de l’Est : la Belgique. Les françaises sautent sur l’occasion pour l’emporter (54-44) mais pour ensuite sombrer de nouveau contre la Hongrie cette fois, avec un beau carton de Stephan : 18pts. Dix équipes étaient en lice, les trois nations de l’Ouest sont le trio du fond de classement de cet Eurobasket, bien évidemment remporté par……comment est votre cyrillique au fait ?
Le début des temps difficiles
Il faut s’en remettre à l’évidence, le basketball féminin a trouvé ses dieux, ses déesses, et elles ne sont pas françaises, elles sont au-delà du rideau de fer, bien loin de notre vision du sport comme un plaisir, un loisir, une ambition. Celles de l’autre côté, dans l’autre monde, elles ont un devoir, un serment devant l’Etat d’être les meilleures. Alors il faut accepter que les belles histoires de l’équipe de France féminines vont avant tout s’écrire dans les petits cercles, pour quelques années, car à l’international, les mauvaises séries ont déjà été commencées.
C’est ainsi que l’équipe de France et ses joueuses vont entrer, comme leurs homologues masculins, dans un relatif anonymat devant l’histoire, ou les seuls souvenirs, les rares performances, deviendront avant tout des exploits qui n’auront aucun impact sur le palmarès français, ou sur la qualité du basket. Et dans notre pays, il est une nouvelle génération qui commence à se mettre en avant, à être au premier plan de notre basket. On les surnomme les “Demoiselles de Clermont”, du nom de l’UC Clermont, qui, dans les années 1960, va dominer le championnat de France féminin. Mais elles aussi subiront la loi soviétique, autant en club qu’en bleus. Et a défaut de briller sur la scène internationale, les spectateurs français vont pouvoir apprécier le talent réuni en équipe de France de cette génération Clermont.
Prochain épisode : Génération Clermont (1964-1980)