Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Lors du dernier épisode, @BenjaminForant nous emmenait à la découverte d’un précieux lieutenant en la personne de Dick Van Arsdale. Cette semaine, nous nous éloignons des joueurs peu médiatisés pour nous intéresser à une véritable légende de la Grande Ligue : Bernard King. Après les années 60, place aux 80’s. Notre machine à remonter le temps vous emmènera en 1983, pour un focus consacré à ce qui s’apparente à la meilleure saison en carrière de l’ailier.
S’il gagnera plus tard le glorieux surnom de “King of New-York”, ce n’est pas seulement pour ses performances exceptionnelles dans la Big Apple. Bernard est un enfant de New York, né à Brooklyn le 4 décembre 1956. Vous la sentez, la belle histoire de l’enfant de New-York qui accomplit son rêve de toujours en revêtant le maillot de son quartier natal ?
A l’époque, Bernard King affiche tout simplement les mensurations parfaites d’un ailier NBA. Du haut de ses 2m01 pour 95kg, il correspond exactement à la moyenne de ce qui se fait dans la ligue à cette époque, tant par la taille que dans son poids. Pendant les 80’s, les stars au poste d’ailier se nomme Dominique Wilkins, Julius Erving, et bien sûr Larry Bird. Des profils différents, mais souvent un point commun : le scoring. King ne dérogera pas à la règle, et atteindra même l’excellence dans le domaine.
Très athlétique, il est rapidement devenu un calvaire à défendre pour ses adversaires. Trop rapide et véloce en transition, il faisait preuve d’une incroyable qualité de finition près du cercle. A vrai dire, la panoplie offensive de King était ultime. Des fondamentaux solides et une technique au-dessus de la moyenne, mais également une puissance et une vivacité qui lui permettaient de scorer dans n’importe quelle position. Fabuleux lorsqu’il s’agit d’attaquer le panier, il pouvait également profiter d’un shoot pur et surtout rapide pour marquer face à des défenseurs plus grands. Il pouvait aussi bien marquer au poste bas, grâce à son footwork. Une palette offensive qui fera transpirer toutes les défenses NBA.
Et de l’autre côté du parquet, qu’en est-il ? Et bien, malgré des mensurations et des qualités athlétiques probantes, Bernard King n’a jamais montré une réelle volonté de s’affirmer en défense. Mettre la balle orange dans le panier, voilà ce qui intéressait Bernard. Nous y reviendrons dans notre focus.
Maintenant que les grandes lignes sont dressées, place à l’histoire.
Action !
Issu d’une famille de six enfants, Bernard King a grandi dans un milieu similaire à nombre de joueurs NBA. Dans ses mémoires, “Game Face: A Lifetime of Hard-Earned Lessons On and Off the Basketball Court”, King évoque un environnement familial hostile, entre difficultés financières et manque de soutien émotionnel. On y découvre le quotidien d’un enfant qui doit se contenter de vêtements de seconde main, et qui avait du mal à se payer une coupe de cheveux chez le coiffeur du coin. Bernard King a dû batailler dès l’enfance, dans les rues de Brooklyn, pour s’affirmer et gagner le respect des autres. Il affirme n’avoir pas senti d’amour au sein de son foyer et se décrit lui-même comme un jeune garçon dénué de tout repère.
King n’avait alors aucun espace pour exprimer ses émotions, ou développer une quelconque créativité. Il est prit dans un cercle de négativité et d’auto-destruction qui le pousse à choisir une voie différente. Seul un lieu lui accordait ce bonheur : les terrains de Basketball. Alors, Bernard s’y consacre corps et âme, et décide de sortir du bourbier dans lequel il est né. L’école, il n’en a cure. Il n’est pas seul sur ce chemin, car son jeune frère Albert montre lui aussi des prédispositions pour la balle orange. Pour l’anecdote, ce dernier sera considéré comme l’un des meilleurs lycéens de l’histoire, alors qu’un certain Magic Johnson sévissait à la même époque. Albert King sera également très reconnu en NCAA, avant d’être drafté par les New Jersey Nets en 1981. Malheureusement, il n’y croisera pas la route de son frère aîné Bernard, mais nous y viendrons.
Ce dernier poursuit donc sa quête en intégrant un lycée local, le Brooklyn’s Fort Hamilton High School. Malheureusement, son environnement familial néfaste perdure. Son coach au lycée affirme que pas une seule fois les parents de Bernard ne sont venus voir leur fils jouer. Un désamour profond qui laissera des blessures impossible à guérir pour King, qui n’en parlera que bien après sa carrière, notamment dans le 30 for 30 d’ESPN consacré à Grunfeld et lui-même.
Il prend ensuite la direction de l’université du Tennessee, et rejoint les Volunteers. Rapidement, il affiche ses qualités exceptionnelles et entre dans l’histoire de l’équipe. Aujourd’hui encore, le passage de King est considéré comme l’âge d’or de l’équipe, alors qu’il évolue aux côtés de Ernie Grunfeld, lui aussi enfant de New York et futur joueur NBA. Leurs chemins se croiseront à nouveau au cours de leurs carrières finalement liées. Les Volunteers sont surnommés “The Ernie and Bernie Show“, en référence aux prénoms des deux joueurs et de leurs exploits sur les parquets universitaires. King détient encore la meilleure moyenne au scoring de Tennessee, avec 28.5 pts.
Bernard King ne restera que trois saisons chez les Volunteers, jalonnées par les problèmes extra-sportifs. Sa solitude éternelle, qu’il côtoie depuis la naissance, l’a poussé vers le vice de l’alcool. Et dès lors qu’il y est exposé, King plonge. Il avouera même que pendant de longues années, l’alcoolisme était pour lui un “réconfort”. Ce n’est également qu’après le terme de sa carrière que King relatera des problèmes de racismes rencontrés avec les forces de police locales, dans le Tennessee.
A l’époque, selon son coach universitaire Ray Mears, King est persuadé que les flics du coin en ont après lui, et qu’ils connaissent sa voiture reconnaissable entre mille. Au cours de ses dix-huit derniers mois dans le Tennessee, King a été arrêté pas moins de 5 fois. Probablement excédé par ces incidents, mais aussi attiré par les sirènes NBA et la perspective de toucher le pactole, Bernard King décide de se présenter à la Draft NBA. A l’époque, il n’est pas commode de zapper sa dernière année universitaire, mais l’ailier joue encore les têtes brûlées. Il a appris à devenir un homme dans les rues et sur les playgrounds de Brooklyn.
C’est donc en 1977 que le jeune King intègre la Grande Ligue. S’il s’est éloigné de la Big Apple en rejoignant le Tennessee, c’est bien la belle histoire qui se met en marche lorsque les New Jersey Nets décident de le sélectionner. Bernard King est drafté en 7ème position, après des joueurs tels que Otis Birdsong ou Walter Davis, et juste devant Jack Sikma, dont nous avons déjà parlé.
Exactement un mois plus tard, alors que le jeune joueur est en Summer League à Knoxville, il est arrêté pour vol d’une télévision au sein même de son ancien campus. Si peu de détails ont filtré à l’époque, on devine l’état de King au moment des faits. Ray Mears, son ancien coach, a bien tenté de le protéger en affirmant que la télé avait du être arrachée du mur par le poids… Deux semaines plus tard, il est arrêté dans le hall de l’appartement d’une jeune femme, alors qu’il essayait d’y pénétrer de force, en possession de marijuana. A peine drafté, que ses frasques en dehors des parquets refont surface. Et ce ne sont pas les dernières.
Il est également impératif de faire un point sur la situation délicate des Nets à cette époque. Le rapprochement récent de la ABA et la NBA provoque l’intégration d’équipes dans cette dernière, dont les New York Nets. Ils sont d’ailleurs les derniers champions ABA, avec un titre glané en 1976 grâce à un immense Julius Erving, superstar des parquets. Les Nets ont cependant tout à prouver en NBA, et se renforcent considérablement avec l’arrivée de Nate Archibald avant de débuter la saison. Tiens, un autre joueur évoqué dans nos Magnéto.
Pourtant, les drames s’enchaînent pour les Nets. Erving part au clash avec le propriétaire, et s’en va faire le bonheur des Sixers. En milieu de saison, c’est Nate Archibald qui se fracture le pied et doit être éloigné des parquets pour de longs mois. Un calvaire qui entraîne les Nets au fond du classement, et qui pousse le propriétaire à une décision radicale. La franchise déménage, et devient les New Jersey Nets.
Bernard King arrive donc dans un environnement hostile, et la pression est déjà très lourde sur ses épaules. Lui, l’enfant de Brooklyn, portera le maillot de sa ville et occupera le même poste que l’illustre Julius Erving. Les fans voient en lui le remplaçant tant espéré. Et malgré ce contexte difficile, King explose tout de suite aux yeux de la NBA, inscrivant 26 points dès son troisième match. Dès lors, il ne tombera que très peu souvent en dessous de la barre des 20 points, et son jeu all-around impressionne. En attaque, il sait tout faire, et il le montre tout de suite. On l’a déjà présenté, mais Bernard pouvait scorer dans n’importe quelle position, et dans toutes les situations. Résultat, un superbe moyenne de 24,2 points par match (10ème !) lors de sa première saison. A laquelle il ajoute 9,5 rebonds, grâce à ses qualités athlétiques et à sa vivacité. Il établit d’ailleurs le record du nombre de points inscrits en une saison pour la franchise, avec 1 909 pions.
Cependant, les Nets restent une équipe médiocre et terminent la saison sur un triste bilan (24-58). Malgré ses belles statistiques, King s’incline logiquement face à Walter Davis pour le titre de Rookie of the Year. La faute, notamment, à un début de saison catastrophique de la franchise qui ne remporte que 3 de ses 25 premiers matchs. Nate Archibald ne joue pas un seul match, toujours convalescent, et ne portera d’ailleurs plus jamais le jersey des Nets. Notons tout de même que l’ami Bernard passe la barre des 30 points à 20 reprises, et dépasse même les 40 pions par deux fois :
- 04 nov. 1977 vs Philadelphie : 41 points, 14 rebonds, 2 passes décisives à 82% au tir, dans une défaite (-3),
- 04 jan. 1978 vs Phoenix : 44 points, 13 rebonds, 2 passes décisives à 67% au tir, dans une très large victoire (+32).
Pas le plus spectaculaire, mais déjà terriblement efficace. Un joueur qui plante 40 points lors de son septième match NBA, ce n’est pas courant. Surtout lorsqu’il a frôlé cette marque avec 39 points la rencontre précédente.
La saison 1978-1979 est celle de la confirmation pour King. Si ses statistiques diminuent légèrement, son niveau de jeu n’en reste pas moins très solide pour un sophomore. Il prend plus de responsabilités encore malgré un temps de jeu un peu moins important, mais connait quelques passages à vide. Le talent est bien là, c’est indéniable, mais ses abus en dehors des parquets n’aident pas le jeune ailier à prendre une autre dimension. Bien sûr, il plante 40 et 41 points sur la tête du rival new-yorkais à deux reprises, et continuent d’afficher ses grandes qualités de scoreur. Mais le bilan collectif des Nets restent insuffisant. Avec 37 victoires pour 45 défaites, New Jersey ne peut espérer accrocher les Playoffs en dépit de la progression réalisée.
Surtout, la direction semble agacée des déboires de King. Ils ont bien conscience de son talent et de son potentiel, mais estiment qu’il ne réglera jamais ses problèmes d’alcool. Car oui, même en NBA, Bernard King continue de laisser court à son goût prononcé pour la fête et les joyeuses compagnies. Lui, le gamin de Brooklyn en manque cruel d’affection et d’argent, peut désormais jouir d’un portefeuille bien rempli et de la célébrité dans la ville qui ne dort jamais. Alors, quand les Nets décident de drafter Calvin Natt, cela sonne le glas de l’aventure King à New Jersey.
Direction Utah pour BK, qui connaîtra l’apothéose de ses déconvenues extra-sportifs. Il disputera seulement 19 matchs sous le maillot du Jazz pendant la saison 1979-1980, et fera surtout entendre son nom en dehors des parquets NBA. Une nouvelle fois arrêté, il est cette fois accusé de tentative de viol. Le journaliste Peter Richmond a recensé les charges à l’encontre de King lors de son passage chez les Mormons : elles s’élèvent à cinq, toutes pour abus sexuels. L’ailier plaidera coupable, après six passages sous détecteurs de mensonges pour vérifier qu’il ne mentait pas lorsqu’il affirmait n’avoir aucun souvenir des faits, tant il était alcoolisé.
Dès lors, King n’avait plus le choix. Direction la cure de désintoxication, et les traitements pour tenter de soigner son mal. C’est une saison presque blanche pour le joueur, qui semble déjà perdu pour le basket à l’aube d’une carrière pourtant prometteuse. Bien évidemment, Utah ne veut pas conserver King, qui est envoyé chez les Warriors en échange de Wayne Cooper et d’un second tour de draft.
“J’ai réalisé que si je buvais, il n’y aurait pas de carrière, il n’y aurait pas de vie”. – Bernard king
A Golden State, c’est une nouvelle vie qui commence pour King. Les effets de la cure semblent s’opérer, et l’ailier retrouve des couleurs sous son nouveau maillot. Lors de sa première saison à Golden State, il affiche une moyenne de 21.9 pts à 59% au tir, et obtient le titre honorifique de Comeback Player of the Year. Une distinction disparue depuis. Collectivement, c’est encore trop juste pour les californiens, avec 39 victoires lors de la saison 1980-1981. L’année suivante, la franchise passe un cap, toujours emmenée par un Bernard King en progression (23,2 pts), et arrache 45 victoires. Malheureusement, dans une Conférence Ouest déjà bien chargée, cela n’est pas suffisant pour décrocher une place en Playoffs.
En revanche, la carrière de King semble enfin lancée. Indéfendable, il n’est plus le jeune rookie qui surprend la Ligue, mais bien une menace crainte par ses adversaires. Ses belles performances et ses statistiques plus que solides au scoring lui valent une première sélection au All-Star Game. Bernard y est remplaçant, ne joue que 14 minutes, mais qu’importe. L’essentiel est ailleurs, et on se dit qu’il va exploser. Lorsque l’été arrive, King décide de ne pas prolonger l’aventure dans la Baie.
Direction… New-York pour Bernard King, mais cette fois, chez les Knicks ! Les Warriors ont bien matché l’offre, mais la volonté du joueur était la pus forte, et Golden State doit se résoudre à transférer King contre Micheal Ray Richardson. Bernard King, le natif de Brooklyn drafté par les Nets, retrouve sa ville après des années de hauts et de bas, de promesses et de déceptions. Il portera désormais le maillot des légendaires mais non moins exigeants Knicks. De retour dans la Big Apple, Bernard King a bien changé. Il semble que le jeune fêtard ait laissé place à un travailleur acharné, uniquement concentré sur le basket et la victoire. Chaque matin, BK arrive le premier pour des séances de tirs, et use les machines de musculation. L’ailier a une revanche à prendre sur ses échecs passés, au sein de la ville qui l’a vu naître.
Une confiance absolue, un talent de scoreur démentiel et une farouche volonté de mettre des paniers : voilà les ingrédients réunis par Bernard King pour devenir l’enfant chéri du Madison Square Garden. C’est à New York qu’il rendra son regard de tueur célèbre, celui montrait toute sa détermination à mettre la balle dans le panier et à remporter le match.
“Il avait ce regard sur son visage, comme s’il allait vous tuer. Il vous serrait la main et il était genre, presque à vous dire “Prépare toi, je vais t’en mettre 50”. – Magic Johnson
Les Knicks sortent d’une saison délicate, et l’arrivée de King va tout changer. Lors de la saison 1982-1983, l’ailier maintient une moyenne raisonnable au scoring (21.9 pts) tout en menant l’attaque des siens. Un mélange d’expérience et de jeunes joueurs qui prend plutôt bien, malgré un début de saison à 7 défaites consécutives. A la faveur d’un mois de mars fabuleux (paradoxalement le moins bon de King), les Knicks se qualifient pour les Playoffs, en terminant 5ème à l’Est. Et oui, 44 victoires offrent une cinquième place.
Toujours est-il que Bernard King découvre les Playoffs, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est vite rentré dans le bain. Oui, avec 40 points à 76% au tir pour un premier match de postseason, on peut l’affirmer. Tout un symbole pour BK, car les Knicks sont opposés… Aux Nets, la franchise de ses débuts, et qui comptent dans leur rang Micheal Ray Richardson, déjà re-transféré par les Warriors. Ce duel new-yorkais tournera court, avec une élimination des Nets en deux rencontres. Petit upset, à une époque où les séries de premiers tours se jouent en trois matchs. King inscrit 25 points lors du second match.
Au deuxième tour, les Kincks ne font pas le poids face aux Sixers, emmenés par Moses Malone et leaders à l’Est. Les deux derniers matchs seront très serrés, et King marque 35 pts dans le Game 4, mais cela ne suffira pas. Élimination sèche pour les Knicks, mais une première en Playoffs réussie pour Bernard.
L’oscar de la saison 1983 – 1984
La saison suivante est celle qui fera de Bernard King une légende des Knicks, et de la NBA. Celle où il glanera son surnom mythique, “King of New York”. Après cette première année convaincante sous ce nouveau maillot, l’ailier va littéralement atteindre les sommets. A 27 ans, King est dans son prime. Pour cette saison, il sera accompagné d’un effectif valeureux. Pas d’immenses superstars à ses côtés, mais des joueurs de devoir, solides. Surtout, la grande majorité du roster tient la cadence de la saison régulière. Huis joueurs disputent au moins 76 matchs, permettant à New-York d’afficher une belle continuité. Seul Truck Robinson manquent une grosse quinzaine de matchs, du haut de ses 30 ans.
Notons également que Bernard King retrouve, aux Knicks, son ancien compère des Volunteers. Ernie Grunfeld a roulé sa bosse en NBA depuis sa Draft en 1977, et a rallié New-York en même temps que King. Les deux joueurs ont fait les beaux jours de l’université du Tennessee, mais leurs trajectoires en professionnel ont été bien différentes. Ernie sortait d’une saison intéressante avec les Kings, alors basés à Kansas City, mais depuis son arrivée chez les Knicks il doit se contenter d’une quinzaine de minutes en sortie de banc.
Les dix premiers matchs de Bernard King sur cette saison 1983-1984 seront un peu timides : il n’inscrit que 13 et 10 points à Cleveland et face aux Bullets en ouverture de la saison, malgré les victoires. A Portland, c’est un superbe 31 points à 11/13 qui est pourtant entaché d’une défaite. C’est d’ailleurs la seule fois sur ces dix premiers matchs où King dépasse les 23 points !
Étonnant pour un scoreur aussi efficace, mais qui a finalement souvent connu ce genre de trou d’air dans sa carrière. Cela n’empêche pas les Knicks d’engranger les victoires, sous la houlette de Hubie Brown, arrivé lui aussi la saison précédente. Après des victoires probantes face à Washington et Houston, New York affiche un bilan de 13 victoires pour 6 défaites. Un bon départ, et un King qui a déjà dépassé la barre des 30 points à quatre reprises. Mais le meilleur reste à venir.
Le mois de décembre est plus compliqué pour les Knicks. Ils subissent notamment un lourd revers face à Phoenix, qui les poussent à réagir. Cependant, avec six défaites lors des huits derniers matchs avant la fin de l’année civile, New York retombe sur un bilan proche de l’équilibre (18-15). Notons tout de même que le 25 décembre, pour le Christmas Day, c’est un duel new-yorkais que nous prépare la NBA. Dans ce nouvel affrontement entre les Knicks et les Nets, Bernard King est un artisan de la victoire des siens. Avec ses 29 points, il permet à son équipe de l’emporter d’une courte avance (2 pts). Une performance remarquée lors d’un Christmas Day, mais l’ailier n’en est qu’à son coup d’essai. Spoiler…
Le passage à l’année 1984 doit opérer un déclic chez Bernard King, car dès le mois de janvier, nous assistons à un véritable festival. Un état de grâce qui s’étendra d’ailleurs sur toute l’année civile 1984, nous y reviendrons. Les Knicks enchaînent les bons résultats, en étrillant notamment Indiana puis Philadelphie dans le sillage d’un King solide.
- 07 jan. vs Indiana : 25 pts à 78%, seulement 24 minutes de jeu (+37),
- 09 jan. vs Philadelphie : 29 pts à 50%, seulement 29 minutes de jeu (+38).
Le roster est porté par une solidité à tous les postes. Le backcourt composé de Rory Sparrow et Ray Williams fait le boulot, et Bill Cartwright continue de s’affirmer en lieutenant efficace au poste de pivot (17 pts et 8.4 rebonds sur la saison). Alors forcément, le Madison Square Garden vibre.
Et si King réalise une piètre performance après ces deux matchs dans une défaite à Milwaukee, la suite ne sera qu’un chef d’oeuvre de la part du natif de Brooklyn. Du 14 janvier 1984 à la fin de saison régulière, King affiche des statistiques tout simplement superbes. Avec 30,1 pts à 59% au tir, accompagnés de 4,6 rebonds et 2,1 passes décisives, on parle bien d’un scoreur né et craint par toute la ligue. Avec, en point d’orgue, cette performance exceptionnelle dont le mois de janvier sera le théâtre.
Le 31 janvier 1983, les Knicks affrontent les Spurs au Madison Square Garden. Qu’importe l’adversité offerte par Georges Gervin, King marque 50 points et fait exploser son public. Un seuil que BK n’avait atteint qu’une seule fois en carrière, avec les Warriors dans une défaite face à Philly. Et la plus haute marque pour un Knick depuis Willis Reed en 1967. Le lendemain, les joueurs ont fait le voyage jusqu’à Dallas pour y défier les Mavericks. La fatigue du back-to-back n’a aucun effet sur Bernard King, qui envoient à nouveau 50 points sur la tête des texans. Injouable, tout simplement. En atteignant cette barre points lors de deux nuits consécutives, l’ailier réussit un exploit jamais vu depuis Elgin Baylor en 1962. A 27 ans, l’ailier est dans son prime et sa moyenne de points augmente significativement cette saison, en grande partie grâce à ses performances à partir de janvier (26.3, meilleur scoreur).
Bernard King sait alors tout faire en attaque. Assassin à mi-distance, exceptionnel en pénétration et au poste bas, il est impossible pour ses adversaires de le contenir. Le spectacle n’est pas sa spécialité : il marque, inlassablement, et dans toutes les positions. Ses qualités athlétiques lui permettent de diversifier son jeu et de se montrer dangereux en toutes circonstances. D’ailleurs, ses attributs physiques auraient pu lui permettre d’être un défenseur plus que correct. Les insiders lui reprochent d’ailleurs son manque d’implication de ce côté du parquet, et l’accablent également d’individualisme.
Pourtant, BK continue sa quête de paniers, et porte ses Knicks dans une deuxième partie de saison réussie. Bien sûr, il obtient sa deuxième sélection pour le All-Star Game Il. ne sera toujours pas titulaire, car les indéboulonnables Julius Erving et Larry Bird sont bien présents. Pas mal, la concurrence sur le poste d’ailier à l’époque. King inscrira tout de même 18 points en 22 minutes, contribuant grandement à la victoire de l’Est (en prolongations, s’il vous plait).
Hormis une série de quatre défaites fin février, les Knicks se régalent entre janvier et mi-mars, avec 17 victoires en 23 rencontres. Seulement, la fin de saison sera foirée par les hommes de Brown, malgré un Bernard King toujours performant. New-York termine la saison sur un bilan en progrès par rapport à la saison précédente, avec trois victoires de plus (44). A nouveau 5ème à l’Est, ils devront une nouvelle fois réaliser un petit upset pour avancer dans ces Playoffs, cette fois face aux Pistons.
Bernard King n’avait pas raté sa première postseason, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est encore au rendez-vous. Pourtant, il n’est pas dans les meilleures conditions, avec deux doigts déboîtés en débutant la série. En face, Detroit est déjà emmené par le duo Isiah Thomas-Bill Laimbeer, alors autant dire que les barbelés et les coups sont de sortie. On sait toutes les difficultés qu’eut Michael Jordan face à ces Pistons quelques saisons plus tard. Bernard King, lui, a décidé d’envoyer du très lourd.
Le Game 1 se déroule à Detroit, et les Knicks sont longtemps dominés. Menés de 12 points à l’entame du dernier quart-temps, ils réalisent un superbe money time et décrochent la victoire d’un petit point. Avantage du terrain gagné, une force inestimable lorsque sa salle se nomme Madison Square Garden. King a inscrit 36 points lors de cette rencontre, sa plus faible marque au cours de la série. Oui, au cours des rencontres suivantes, l’ailier plantera 46 points à deux reprises, puis 41 points dans le Game 4 remporté par les Pistons à New York. Il y aura donc un Game 5 décisif à l’époque, et quel match.
Du côté de King, c’est encore une performance exceptionnelle : 44 pts à 65%, accompagnés de 12 rebonds, et ce malgré une mise au banc pendant 8 minutes dans le 3ème quart-temps (foul trouble) et un état grippal. Un Flu Game avant l’heure, en somme. En face, Isiah Thomas fait des merveilles, et score les 16 derniers points des siens dans le 4ème quart-temps. Dont un 3pts salvateur, qui remet les équipes à égalité pour une prolongation. Les Pistons étaient menés de 8 points à 2 minutes du terme, mais leur meneur a fait le boulot. En prolongations, avec leur backcourt remplaçant, les Knicks prennent tout de même le dessus. Une série noire de 11 tirs ratés vient gâcher les chances des Pistons, pendant que New-York préserve son avance malgré quelques frayeurs. A Detroit, le duo King-Cartwright réalise l’exploit et qualifie la franchise pour le second tour.
Ils seront opposés à ce qui se fait de mieux en NBA à l’époque : les Celtics de Larry Bird, Robert Parish, Kevin McHale mais aussi Dennis Johnson ou Cedric Maxwell. Les pronostics sont clairement en défaveur des Knicks, mais New-York va faire trembler le voisin du Massachusetts. Cette série se jouera en 7 matchs, car aucune équipe ne lâchera la moindre rencontre à domicile. Il faudra un grand Bill Cartwright (25 pts) pour arracher le Game 3 et un magnifique Bernard King (43 points!) pour prendre le Game 4 avant de repartir à Boston. Le King of New York fera chavirer le Madison Square Garden une dernière fois dans ses Playoffs lors du Game 6, avec 44 points inscrits. Avant que les Celtics n’anéantissent tout espoir des Knicks dans le match décisif, sans contestation. Dans une série certes plus difficile, l’ailier a encore brillé, face à une des meilleures équipes de tous les temps (29 pts de moyenne).
Malgré l’élimination, New-York peut célébrer un parcours remarquable, et une campagne de Playoffs absolument superbe. Les fans des Knicks ont pu profiter d’un fabuleux spectacle, et ont élevé au rang de dieu leur idole : Bernard King. Le natif de la ville est au sommet de son art, vient de délivrer ce qui restera comme sa plus belle saison, et les espoirs d’un avenir fait de succès se renforcent.
Générique de fin
La saison 1984-1985 débute d’ailleurs sous les meilleurs auspices pour Bernard King. Individuellement du moins, car si lui enchaîne les cartons au scoring, les Knicks réalisent un début de saison catastrophique. Après onze matchs, ils affichent un triste bilan de 2 victoires seulement, dont le premier au cours duquel King inscrit 34 points. Seulement, l’effectif est amputé de Bill Cartwright, qui doit renoncer à la saison entière suite à des blessures successives au pied. Il est certes remplacé par Pat Cummings, mais les résultats ne suivent pas et New-York s’enfonce.
Bien sûr, King réalise une première moitié de saison délirante offensivement. Avec, en point d’orgue, cette performance historique lors du Christmas Day 1984. Une nouvelle fois opposés aux rivaux de New Jersey, comme l’année précédente, les Knicks pourront compter sur un Bernard King en mode légende. L’ailier est tout simplement inarrêtable, et établit un record toujours en vigueur : 60 points. A 63% au tir bien sûr, on parle de Bernard King. Les défenseurs des Nets ont tout tenté pour le stopper, mais n’ont fait qu’envoyer King sur la ligne des lancers, à 26 reprises – pour 22 réussites ! Historique, tout simplement.
Lui, l’enfant de Broolyn drafté par ces mêmes Nets, aime décidément beaucoup jouer contre son ancienne franchise. Quelques semaines plus tard, le 16 février, il leur met 55 points sur le museau, devant un Madison Square Garden en ébullition totale. King est à son apogée individuelle, mais les résultats collectifs sont désastreux. Il dépasse la barre des 40 points à 13 reprises, et retourne bien évidemment au All-Star Game. Pourtant, BK sera fauché en plein élan. Le 23 mars 1985, il subit une grave blessure face aux Kings. Le verdict est dramatique : rupture des ligaments croisés du genou droit, et fin de saison prématurée. Sa moyenne de points (32,9) restera donc sa plus élevée en carrière, et fera de lui le meilleur scorer de cette saison. Mais cette saison sonne comme un arrêt de carrière tant le pronostic est pessimiste.
King ne jouera pas un seul match de la saison 1985-1986. A la Draft 1985, les Knicks ont profité de leur bilan désastreux (et d’un coup de pouce de la Ligue) pour mettre la main sur Patrick Ewing. Imaginez le carnage que les deux hommes auraient pu réaliser ensemble ? Alors que les médecins sont très pessimistes quant aux possibilités de King de reprendre sa carrière, le joueur est déterminé à tout donner pour retrouver les parquets. Il passe près de deux ans en rééducation et contre toute attente, le 10 avril 1987, il enfile de nouveau ses sneakers. C’est les yeux aux bords des larmes que Bernard King assiste à la standing ovation réservée par son public. Il ne souriait pas souvent, mais ce soir là, son bonheur était impossible à contenir.
Il ne disputera que six rencontres (22,7 pts pour un retour réussi) avec les Knicks, qui ne chercheront pas à le garder lors de l’intersaison. Le projet se nomme désormais Ewing, et King prend la direction de Washington. Chez les Bullets, Bernard parvient à modifier son jeu pour s’accommoder de ses nouvelles contraintes physiques. Moins puissant, moins explosif, il compense par ses fondamentaux solides et sa technique restée intacte. Et continue de faire ce qu’il a toujours fait, scorer.
Dans une franchise emmenée par le duo des Malone – Jeff et Moses -, Bernard King parvient à tirer son épingle du jeu. Avec plus de 17 points de moyenne lors de sa première saison, il ne peut empêcher la défaite des siens en Playoffs face aux Pistons. Cette fois, le niveau de jeu en postseason était trop élevé. Et si Washington ne parviendra plus à accrocher une place en Playoffs au cours des trois saisons suivantes malgré l’arrivée du phénomène Wes Unseld au coaching, King continue de progresser. Ses moyennes de points augmentent, jusqu’à retrouver un niveau similaire à ses jeunes années. Il joue l’intégralité des saisons 88-89 et 89-90 malgré ses 33 ans et ses antécédents physiques.
Sa saison 1990-1991 est tout bonnement exceptionnelle. Certes, le bilan collectif sera seulement de 30 victoires. Mais sur le plan individuel, l’ailier réalise sa deuxième meilleure saison au scoring, en carrière ! A 34 ans, après une des pires blessures pour un sportif professionnel et qui plus est un athlète aussi fort, il affiche une moyenne de 28,4 pts. Hallucinant, et c’est toute la NBA qui tombe en admiration devant le King of New York. Il devient le joueur le plus âgé titulaire au All-Star Game. Un comble quand on sait qu’il lui aura fallu attendre cette quatrième participation pour décrocher une place de starter au match des étoiles.
Voilà ce qu’était Bernard King : un fabuleux joueur de basket, un des meilleurs scoreurs que la Grande Ligue ait connu, et un compétiteur hors norme. Depuis toujours, BK était décrit comme un joueur déterminé à gagner, à détruire ses adversaires par ses paniers marqués. Sa carrière fut des plus atypiques, chaotique au départ mais faite d’immenses réussites, et d’incroyables come-back. Il terminera sa carrière dans la franchise qui l’avait drafté, et à laquelle il a souvent été lié, les New Jersey Nets. Une dernière pige pour une trentaine de matchs, avant que les problèmes de genou ne reprennent le dessus.
Malheureusement, après sa retraite, les frasques de Bernard King ont repris de plus belle. Vous l’aviez peut-être oublié car tout cela semblait bien derrière lui depuis son arrivée chez les Warriors, mais King n’en a visiblement jamais fini avec ces problèmes. Le basket et sa carrière étaient devenu son traitement, et en 1994, il est de nouveau arrêté pour comportement déplacé envers une jeune femme, dans un état “d’intoxication” avancé. Dix ans plus tard, plusieurs nouvelles charges viennent accabler King pour des agressions sexuelles et harcèlement violent.
Crédits
La personnalité de Bernard King restera l’une des plus énigmatiques jamais rencontrées en NBA. Étincelant sur les parquets, il était pourtant très peu bavard avec la presse. A l’inverse, il a toujours fait parler de lui pour ses déboires extra-sportifs malgré la description d’un homme profondément gentil qu’en faisaient ses proches. Il les étonnait même d’ailleurs. Personne n’a jamais vraiment pu comprendre l’homme Bernard King. Après avoir rencontré l’ancien joueur pour son épisode 30 for 30 consacré à Bernard King et Ernie Grunfeld sur ESPN, le réalisateur Jason Heir explique :
“C’est une conversation avec Bernard qui a changé mon avis. Je m’attendais à une superstar avide de discuter des détails de ses jours de gloire. Au lieu de ça, j’ai rencontré un homme qui a partagé des détails sincères sur une enfance éprouvante, un racisme affligeant et la bataille de toute une vie contre d’inexorables démons”.
De ce personnage complexe est né l’un des plus fabuleux joueurs de l’histoire NBA, et surtout l’un des meilleurs scoreurs. Finalement, c’est Bernard lui-même qui explique le mieux sa réussite :
“Je joue toujours avec un très haut niveau de confiance. En essayant toujours de croire que je suis impossible à arrêter”.
Et Larry Bird de confirmer, en donnant le mot de la fin…
“Personne ne peut finir mieux que Bernard ne le faisait”.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69),