Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Alors que nous entamons, déjà, le second tiers de cette ambitieuse série, il nous convient de remonter dans le temps : 10 ans exactement. En effet, la semaine dernière, @BenjaminForant vous narrait la carrière de Jack Sikma, en opérant un focus particulier sur sa saison 1982 – 1983. Charge à nous, aujourd’hui, de développer la saison 1972 – 1973, qui, par un aspect au moins, est unique dans l’Histoire de la NBA. Nous y reviendrons, vous vous en doutez bien.
Occupons-nous pour l’heure de présenter le sujet du portrait du jour. Nathaniel Archibald, mondialement connu sous son surnom de “Tiny”, est né dans le New-York de l’après-guerre, le 2 septembre 1948. D’une taille moyenne pour son poste de meneur, du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, il est surtout étonnamment léger pour un joueur de basket, puisqu’il n’affichait que 68 kilos sur le pèse-personne. A l’issu de quelques recherches, il semblerait qu’il soit l’un des 10 joueurs les plus légers que la Grande Ligue ait connu, la palme revenant, apparemment, aux 60 kilos de Spud Webb.
Décrire le jeu de Tiny Archibald revient rapidement à s’imaginer les dégâts qu’il ferait aujourd’hui, face à des Stephen Curry, Russell Westbrook et autre Damian Lillard. La vision a ici quelque chose d’excitant. Il était ainsi excellent dans l’attaque du cercle, ainsi qu’un passeur aussi créatif que productif. Pour ne rien gâcher, il était également un très bon shooter, ce qui faisait de lui une menace multiple et constante pour la défense adverse. Vous le serrez de trop près ? Il vous débordera avec un premier pas supersonique. Vous lui laissez trop d’espace ? Il vous dégainera sur le museau. Une prise à deux ? Il trouvera le coéquipier esseulé.
Heureusement pour ses adversaires, ce surplus de talent offensif était compensé par une défense inégale. Quoi que, les mains actives et la vivacité du bonhomme lui conféraient de belles aptitudes dans l’art de l’interception.
La tableau semble dressé. Plongeons ensemble dans la carrière du plus méconnu des meilleurs meneurs de l’Histoire. Ceci aussi, peut avoir quelque chose d’excitant.
Action !
Au sein des States des années 1950, le basketball a souvent tiré des jeunes des griffes de la misère ou des affres de la délinquance. Nous constations déjà ceci lorsque nous dressions le portrait de Chet Walker. Plus proche de nous, Isiah Thomas a également su se sortir de son enfance compliquée grâce à la balle orange. Archibald ne fait pas exception, lui qui a toujours considéré que le sport, et le basket plus particulièrement, lui a sauvé la vie en lui permettant de quitter les ghettos New-Yorkais, au sein desquels il s’était pourtant fait une réputation peu flatteuse.
Après avoir passé trois années au lycée de Dewitt Clinton, Tiny intègre la faculté d’Arizona, mais est très rapidement transféré à l’université d’El Paso. Il est ainsi membre, puis capitaine, de l’une des premières équipes universitaires intégralement composée d’afro-américains. Il y disputera trois saisons, échouant notamment au stade des Sweet Sixteen du tournoi NCAA 1967. Après deux dernières saisons conclues avec plus de 21 points et 2,5 rebonds (à 53 et 51 % au tir), il se présentera à la draft 1970, qui reste comme l’une des meilleures cuvées de l’Histoire. Sélectionné en 19è position par les Royals de Cincinnati, il est ainsi précédé et suivi par Bob Lanier (Détroit, #1), Pete Maravich (Atlanta, #3), Dave Cowens (Boston, #4), Calvin Murphy (San Diego, #18) ou Dan Issel (Détroit, #122).
Au sein du roster des Royals, il lui est confié une mission des plus compliquées : remplacer au pied levé la légende de la franchise, Oscar Robertson, parti voir si l’herbe était plus verte du côté du Wisconsin, aux côtés de Lew Alcindor (sans surprise, elle l’était). Imaginez-vous ça ! Archibald, en devenant le principal dépositaire des systèmes de Cincinnati, avait donc la tâche impossible de faire oublier celui qui reste encore, cinquante ans plus tard, le meilleur joueur de celle qui est depuis devenue les Sacramento Kings, et dont la candidature au top 15 des meilleurs joueurs de tous les temps n’a rien d’infamant.
Aux côtés de Norm Van Lier, Tom Van Arsdale et de Sam Lacey, mais surtout coaché par Bob Cousy, le légendaire meneur des Celtics hégémoniques, la carrière d’Archibald débute par 5 défaites, aux cours desquelles il se mit toutefois en valeur. S’il commettra 6 fautes lors de sa seconde rencontre contre les Sixers d’Hal Greer, il se fendra, déjà, de quelques rencontres d’exception :
- 23 oct. 1970 @ Boston : 25 points, 7 rebonds, 9 passes décisives à 58,8 % au tir, dans une défaite (-5),
- 24 oct. 1970 @ New-York : 23 points, 3 rebonds, 4 passes décisives à 44,4 % au tir, dans une défaite (-12),
- 26 oct. 1970 vs Atlanta : 22 points, 8 rebonds, 11 passes décisives à 60 % au tir, dans une victoire (+19).
Cette rencontre du 26 octobre 1970 fait de lui l’un des 14 rookies a avoir terminé une rencontre avec 20 points et 10 passes décisives au bout de 6 rencontres NBA. Comme souvent avec ce genre d’anecdote sortie tout droit de nulel part, on s’aperçoit que les autres membres de ce drôle de club sont, ou ont été, des personnages marquants de la NBA : Trae Young, John Wall ou encore les susnommés Isiah Thomas et Oscar Robertson.
Une fois passées ces 6 premières rencontres, sa saison rookie sera caractérisée par l’inconstance propre aux jeunes joueurs. Il marquera 15 points à 47 reprises, et s’affirme déjà comme un excellent passeur. Il frôlera ainsi le triple-double lors d’une rencontre disputée – et remportée – contre Baltimore, puisqu’à ses 24 points et 11 passes décisives, il ajouta 9 rebonds.
Par séquence, son immense potentiel d’attaquant rejaillit. L’illustration la plus topique prend la forme d’une nouvelle victoire, le 13 mars 1971, contre les Hawks. La rencontre, clairement placée sous le signe de l’offensive (score final : 136 – 127 sans prolongation), fût le théâtre d’un affrontement entre deux rookies qui avaient déjà tout de la superstar. Ainsi, avec ses 47 points à 15 / 20 au tir, Archibald a donné la réponse à un Pete Maravich incandescent (44 points à 18 / 27).
Au final, si la première option offensive des Royals était alors le All-star Tom Van Arsdale, Tiny Archibald conclut sa première saison de 82 rencontres avec 16 points, 3 rebonds et 5,5 passes décisives. Si la ligne statistique est fréquente ces dernières années pour un débutant (Wall, Lillard, Carter-Williams, Young, Doncic et Morant pour la décennie 2010), elle l’était beaucoup moins au début des seventies. Et c’est le cas de le dire, puisqu’Archibald n’est alors le second de toute l’Histoire à terminer sa saison rookie avec de tels chiffres, son unique prédécesseur n’étant nul autre que l’incontournable Oscar Robertson. La relève est en marche.
Il ne sera toutefois pas nommé rookie de l’année, le titre revenant conjointement à Geoff Petrie, l’éphémère star des Blazers (24,8 points et 4,8 rebonds cette saison-ci) et à Dave Cowens, qui ne tarderait plus à remporter le trophée de MVP (17 points, 15 rebonds et 2,7 passes décisives). Archibald ne se retrouvera même pas dans l’unique All-rookie Team de l’époque, au sein de laquelle furent nommés, en outre des deux rookies de l’année, Calvin Murphy, Pete Maravich et Bob Lanier.
Qu’à cela ne tienne. Revanchard comme un poux, Archibald entamera sa seconde saison avec les deux pieds sur l’accélérateur. Toutefois, ses coéquipiers ne possédaient – de loin pas – le talent pour suivre son rythme effréné. L’ensemble de l’exercice 1971 – 1972 ressemblera donc à la parade individuelle d’un acteur extraordinaire, malheureusement membre d’une troupe médiocre.
Pesons nos mots : nous assistons ici à l’une des plus grandes saisons sophomores de l’Histoire. Archibald fait tout. Partout. Le ton était donné dès le premier soir, avec 27 points, 3 rebonds et 10 passes décisives plantés sur la tête d’Atlanta, sa victime favorite. Ce sera la seule victoire des Royals lors des 7 premières rencontres. Devenu franchise player, Tiny est désormais seul dans sa galaxie. Il connaîtra son unique coup de mou de la saison très rapidement, à la fin du mois d’octobre 1971. Après cela, les masterclass s’enchaîneront encore plus vite que les défaites, ce qui n’est pas peu dire.
Au bout du compte, il scorera au moins 30 points à 33 occasions. Certaines rencontres se sont ainsi soldées avec des lignes statistiques MVP-èsques :
- 24 nov. 1971 vs Portland : 33 points, 3 rebonds, 16 passes décisives à 59,1 % au tir, dans une victoire (+2),
- 26 nov. 1971 @ Cleveland : 33 points, 2 rebonds, 19 passes décisives à 68,8 % au tir, dans une défaite (-14),
- 16 janv. 1972 vs Cleveland : 41 points, 4 rebonds, 16 passes décisives à 56 % au tir, dans une victoire (+20),
- 23 févr. 1972 vs Portland : 55 points, 3 rebonds, 7 passes décisives à 64,5 % au tir, dans une victoire (+4),
- 12 mars 1972 vs Golden State : 46 points, 6 rebonds, 11 passes décisives à 58,6 % au tir, dans une victoire (+11).
En plus de toutes ces performances remarquables, braquons les projecteurs sur un autre aspect du jeu du jeune Nathaniel : son côté marathonien de l’extrême. Nous parvenons à mettre la main sur 35 de ses temps de jeu au cours de cette saison 1971 – 1972. La barre des 40 minutes est franchit à 24 reprises. Celle des 48 minutes est atteinte, elle, en 14 occasions (dont une seule prolongation). S’il ne battra jamais le temps de jeu moyen de Wilt Chamberlain en 1961 – 1962 (48,5 minutes, peut-être le record le plus intouchable de tous les temps), Archibald passera tout de même 43,1 minutes par soir sur les parquets lors de cette seconde saison.
N’en disons pas plus sur celle-ci, terminée une nouvelle fois avec un bilan collectif décevant (30 victoires). Avant de parler plus en détail de la saison suivante, pour laquelle “le petit” est aujourd’hui le porte-drapeau, il convient tout de même de donner sa ligne statistique sur son deuxième exercice qui, nous avons eu de cesse de le rappeler, fût de haute voltige : 28,2 points, 2,9 rebonds, 9,2 passes décisives à 48,6 % au tir. C’est très simple : seuls 4 sophomores dans l’Histoire ont rendu une telle copie. Trae Young et Luka Doncic accompagnent ainsi Archibald. Nous ne vous ferons pas l’offense de nommer le 4è larron.
L’oscar de la saison 1972 – 1973
En découvrant l’article, vous vous êtes peut-être interrogés sur le sens de son titre. En voici l’explication : Nathaniel partage son nom avec celui d’un autre illustre personnage, bien qu’il soit de fiction et assurément plus belge qu’américain : Monsieur Archibald Haddock, héros de bande-dessinée et possesseur du plus fleuri des langages.
Les deux premières rencontres de l’exercice semblent être une fidèle représentation de ce que sera la saison individuelle d’Archibald, et la saison collective des Kansas City-Omaha Kings. En effet, à l’été 1973, les Royals ont quitté Cincinnati et l’Ohio pour déménager à Kansas-City-Omaha. Elle y restera jusqu’en 1985, avant de définitivement poser son baluchon à Sacramento, sur la côte Ouest du pays. Ce déménagement s’accompagnera d’un changement de nom, même si la franchise reste fidèle à l’idée de royauté : exit les Royals, elle porte désormais le nom qu’on lui connait encore aujourd’hui : les Kings.
Mais laissons l’Histoire et la Géographie de côté pour évoquer brièvement ces deux premiers matchs, disputés entre le 11 et le 14 octobre 1972. Tous deux joués à domicile, ils présentent l’avantage de démontrer avec clarté les points positifs et négatifs de la franchise. Commençons par ce qui fâche : encore une fois, Tiny Archibald est trop esseulé dans un roster au sein duquel il manque un véritable lieutenant, Tom Van Arsdale n’étant plus le joueur décisif qu’il était encore au début de la décennie. Soyons direct : l’effectif manque de talent(s). Et cela se ressent dès la première rencontre, où les Lakers mirent une véritable rouste aux Kings : 129 – 94.
Collectivement, il y aura du mieux trois jours plus tard, lors de la réception des Pistons (victoire +12). Il en sera ainsi d’octobre à mars : la franchise alternera le correct, le moyen et le franchement mauvais.
Et pourtant, et c’est le point positif, elle possédait en son sein un modèle de constance. Après avoir passé 31 points aux Lakers, puis 38 aux Pistons, Archibald semblait lancé pour une troisième saison qui n’aurait rien à envier à son exercice précédent. Finalement, dès le 21 novembre 1972, soir de la 20è rencontre de la saison régulière, nous pouvions ranger au fond d’un placard sombre l’idée selon laquelle Tiny se serait contenté de rester dans ses standards de la saison 1971 – 1972. Les standards en question ont, effectivement, été largement dépassés, comme si la progression du meneur était aussi exponentielle qu’inarrêtable.
Avant d’en détailler la teneur, voici ses moyennes statistiques entre la 11è et la 20è rencontre de la saison régulière, période au cours de laquelle les Kings enchaînèrent 9 victoires, pour 1 seule défaite, concédée au buzzer sur le parquet des Blazers :
Doté d’un temps de jeu qui ne descendra jamais en-deçà des 46 minutes, Archibald marchera littéralement sur la concurrence. Jamais, sur ces 10 rencontres, il ne distribuera moins de 10 passes décisives. Notons tout de même qu’à cette époque, la moyenne de 13,8 passes décisives par rencontre aurait constitué un record absolu. Depuis lors, seuls John Stockton (3 fois) et Isiah Thomas (1 fois) sont parvenus à égaler ou dépasser cette marque, sur l’ensemble d’une saison, certes. Mais c’est dire que les hauteurs alors atteintes par “le petit” au cours de cette période n’avaient jamais été explorées avant lui.
Pour le plaisir des yeux, voici les lignes statistiques de ce que nous pourrions considérer comme ses trois meilleures rencontres de la séquence :
- 10 nov. 1972 @ Seattle : 34 points, 5 rebonds, 19 passes décisives, dans une victoire (+5),
- 15 nov. 1972 vs Seattle (back-to-back) : 47 points, 5 rebonds, 11 passes décisives à 61,3 % au tir, dans une victoire (+9),
- 18 nov. 1972 vs Houston (back-to-back) : 51 points, 1 rebond, 14 passes décisives, dans une victoire (+10).
Les matchs se suivront et se ressembleront. Nous n’allons pas les détailler tous, car les superlatifs viendraient vite à nous manquer. Nous vous invitons toutefois à prendre 5 minutes de votre temps pour consulter la page suivante, qui détaille les performances d’Archibald au cours des 80 rencontres disputées cette année-ci.
Nous nous arrêterons tout de même sur la confrontation du 15 décembre 1973, contre les Pistons, dans un remake de la seconde rencontre de la saison. Le match a tout d’abord quelque chose d’inédit, puisqu’Archibald le solda avec 41 points pour la 3è fois consécutive. Nous vous parlions, ci-dessus, d’un modèle de constance. C’était à prendre au pied de la lettre. Mais, au-delà, plus encore que la 18è victoire des Kings, c’est au total de passes décisives qu’il convient de jeter un œil attentif ; Tiny en a effectivement distribuées 21, soit son meilleur total en carrière.
Si les rencontres soldées avec 40 points et 20 rebonds sont légions dans l’Histoire (399 fois, dont 227 fois pour le seul Wilt Chamberlain), celles conclues avec 40 points et 20 passes décisives ne courent ni les rues, ni les parquets. Au final, la NBA n’a été témoin que de 3 prestations de la sorte, réalisées par 2 joueurs distincts :
Encore une fois, Tiny Archibald marche dans les pas de son prédécesseur et modèle, Oscar Robertson. Et si, du pur point de vue du niveau intrinsèque, il semble s’en rapprocher à chaque saison qui passe, l’apathie collective des Kings l’empêche de se mettre sous la dent autre chose qu’une rencontre de saison régulière. Or, sous l’ère de Robertson, les Royals se qualifièrent en playoffs à 6 reprises, allant par deux fois défier les Celtics en finale de conférence (pour autant de défaites).
Malgré un meneur en véritable état de grâce, les Kings célèbrent la nouvelle année avec un bilan négatif, de 20 victoires pour 22 défaites. Un bilan moyen, qui leur laisse cependant la possibilité de se qualifier pour la post-season pour la première fois depuis 1967.
L’année 1973 commencera toutefois de la même manière que 1972 avait terminé : mal. Les Kings perdent immédiatement 4 rencontres, et se retrouvent soudainement éjectés de la lutte aux joutes printanières. Mettons toutefois en lumière le fait que certaines de ces défaites peuvent être considérées comme “encourageantes”. Nous pouvons ici donner l’exemple de celle concédée, après prolongation, contre les Knicks de Reed, Monroe, Frazier et DeBusschere : 116 – 115. Toutefois, pour maintenir Kansas-City-Omaha à flot durant la rencontre, il a, une énième fois, fallu un Archibald exceptionnel. C’est ainsi qu’il scora 52 points (64,3 % au tir), auxquels il ajouta 14 passes décisives.
Ce match du 9 janvier 1973 a quelque chose de symbolique, même dans la défaite. Pour une fois, Tiny s’est débarrassé de l’encombrante ombre de Robertson, en claquant une ligne statistique que même le “Big O” n’a jamais réalisée. Comme si l’élève dépassait, par séquence, le niveau du maître. Sauf qu’au-delà de la symbolique, le constat est froid et impitoyable : les Kings ont encore perdu.
Il en sera malheureusement ainsi jusqu’au 21 mars, date de la dernière rencontre disputée par Archibald lors de cette saison 1972 – 1973. Dans une symétrie parfaite, la saison se clôture face aux Lakers, et dans la défaite. Une différence majeure est à mettre en lumière, si l’on souhaite comparer les deux matchs : Tiny se blessera pour la première fois de sa carrière lors de cette ultime confrontation, la terminant avec 8 points et 6 passes décisives. Cette blessure qui, comme par un morbide jeu d’échos, en appellera d’autres.
Les Kings rateront les playoffs, sans surprise, et affichent un bilan de 36 – 46 qui symbolise l’ensemble des carences de l’équipe lors de cette seconde partie de saison bien terne, qui ne fût illuminée que par les coups d’éclat, quasiment quotidiens, du meneur, qui célébra d’ailleurs sa première nomination au All-star-game. Une rencontre des étoiles au cours de laquelle il fût non seulement titulaire, mais aussi le meilleur joueur de l’Ouest (défaite 104 – 84).
Cela ne vous aura pas échappé, nous n’avons pas tari d’éloges sur la saison d’Archibald. Ce qu’il convient de souligner, avant d’énoncer en quoi elle est historique, c’est que le joueur a également dû faire preuve d’un mental hors norme. Avant le dernier mois de compétition, il fût confronté à d’énormes problèmes familiaux. Aîné d’une fratrie de 7 enfants, il vit deux de ses frères être arrêtés, l’un pour vol, l’autre pour possession de drogue. Des frères qui, eux, n’eurent malheureusement pas le talent, ou la volonté, de sortir de la misère par le biais du sport. En rentrant au bercail, il découvrit un troisième frangin inanimé, victime d’une overdose. Celui-ci s’en sortira, et suivra une cure de désintoxication à Kansas City, en habitant chez son basketteur de grand-frère.
Au final, malgré un roster faiblard et une vie familiale des plus compliquées, Nathaniel Archibald termina la saison 1972 – 1973 avec 34 points et 11,4 passes décisives de moyenne. Ce fut ainsi l’une des 28 saisons où un joueur scora au moins 32 points par rencontre (14 joueurs différents, dont le moins fort fût peut-être Tracy McGrady, c’est vous dire). Ils sont autant à avoir terminé une saison avec plus de 11 passes décisives de moyenne. Désormais, Tiny Archibald fait donc parti de ces deux clubs très fermés. Il est d’ailleurs l’unique joueur à les avoir intégré en une seule et même saison.
Mais, ce qui fait que la saison régulière 1972 – 1973 sera, à tout jamais, affiliée à Tiny Archibald, c’est qu’il en fût le meilleur scoreur et le meilleur passeur. Or, à l’heure de la rédaction de ces lignes, malgré les performances exceptionnelles de Russell Westbrook (meilleur scoreur et 3è passeur en 2017) et de James Harden (idem, en 2018), l’exploit est unique dans l’Histoire NBA.
Un exploit qui le propulsa au sein de la All-NBA 1st Team, ainsi qu’à la 3è place du classement du MVP, où il fût classé 1er par 44 de ses pairs (contre 67 pour Dave Cowens, MVP, et 33 pour Abdul-Jabbar, second). En effet, seuls les joueurs votaient pour les trophées individuels jusqu’en 1980.
Au final, si nous devions absolument poser des mots sur la saison 1972 – 1973 du “petit”, nous dirions que c’est l’une des plus belles de tous les temps. Ni plus, ni moins.
Le générique de fin
Nous avons quitté la saison 1972 – 1973 avec un Archibald boitant. Les blessures seront son lot quotidien l’exercice suivant, à l’issu duquel il n’aura foulé les parquets qu’à 35 reprises. Il retrouvera de sa superbe l’année suivante, dont il en disputera l’intégralité. Il profita de sa forme retrouvée pour faire ce qu’il savait faire de mieux : scorer et passer. Ses 26,5 points et 7 passes lui ont permis de décrocher, coup sur coup, sa seconde étoile et sa seconde place dans la première équipe de la Ligue. Surtout, après cinq saisons et 355 rencontres de saisons régulières, il eu la joie de découvrir les playoffs. L’expérience tournera court, avec une défaite (4 – 2) face aux Bulls de Bob Love et Chett Walker.
Dans une application méthodique de la constance que nous vantions ci-dessus, il réalisera un exercice individuel exactement similaire en 1975 – 1976, avec les mêmes récompenses à la clé. Néanmoins, manifestement peu emballés par leur expérience printanière, les Kings ne se qualifièrent pas pour la post-season. Pour la franchise, la coupe était plus que pleine, et le roster fût éclaté. Archibald est envoyé chez les Nets du New-Jersey, contre Jim Eakins, Brian Taylor et deux premiers tour de draft. Il n’y disputera que 34 matchs, sa saison étant, une nouvelle fois, écourtée par une blessure (au pied, cette fois).
Le 1e septembre 1977, il sera envoyé chez les Braves de Buffalo, dont il ne portera jamais le maillot, victime d’une terrible blessure : la rupture du tendon d’achille. Une blessure qui, comme tant d’autres avant et après lui, mit fin à sa carrière de (très) haut niveau, tout du moins sur le plan statistique. Jamais plus Tiny ne sera capable de peser sur les défenses comme il avait pris l’habitude de le faire chez les Royals / Kings. De là à dire que sa carrière était terminée, il y a un pas qu’il ne fallait pas franchir.
Et pourtant, les rumeurs allaient de bon train sur une éventuelle retraite. Il se murmurait que personne ne voudrait plus du vieillissant Tiny Archibald. Ses blessures à répétition avaient terni sa réputation de joueur flamboyant, et son contrat avait alors de quoi refroidir les franchises potentiellement intéressées.
Il passera outre les rumeurs, et sera tradé pour la troisième fois en autant d’années, pour atterrir à Boston au mois d’août 1978. Le timing pouvait, à première vue, sembler pourri. Les Celtics venaient en effet de rater les playoffs pour la seconde fois depuis … 1950, et l’ère de John Havlicek touchait à sa fin. Sauf que des ères, les verts de Boston en ont connu pléthores. Et une nouvelle allait très rapidement s’ouvrir, avec la draft de Larry Bird, qui rejoignit l’effectif dirigé par Bill Fitch en 1979.
Pour la première fois de sa carrière, que Tiny Archibald entame des saisons avec de véritables ambitions collectives. Celles-ci ne tarderont pas à se concrétiser. Alors qu’il occupe encore le poste de meneur titulaire, il voit son rôle évoluer sur le terrain : de scoreur boulimique et principal décisionnaire, il devint un meneur gestionnaire dévoué au collectif. Et cela porta ses fruits : il passa un tour de playoffs pour la première fois de sa carrière en 1980, échouant contre les Sixers de Julius Erving en finale de conférence (4 – 1).
Ce ne fût que partie remise. Épargné par son corps, il disputera 80 rencontres sur l’exercice 1980 – 1981, devenant All-star pour la 5è et avant-dernière fois de sa carrière. En effet, si sa production statistique n’est plus aussi brillante qu’elle ne le fût (14 points, 8 passes décisives sur les deux premières saison de la décennie), le bilan collectif des Celtics lui permis de glaner 3 nouvelles étoiles consécutives lors de son passage Bostoniens. Les playoffs 1981 virent les verts sweeper Chicago et remonter un 3-1 lead face aux Sixers (+2 au game 5, +2 au game 6, +1 au game 7 !) pour se qualifier pour les finales NBA, disputées face à Houston et le MVP Moses Malone.
Des finales NBA sur lesquelles Tiny Archibald ne pesa que très peu. S’il avait grandement contribué aux victoires des siens lors des deux premiers tours (18,5 points, 2 rebonds et 6,7 passes décisives, à 49 % au tir), ses 6 rencontres face aux Rockets furent plus modestes (10,3 points, 1,2 rebonds et 5,5 passes décisives, à 36,4 % au tir). Mais peu importe : au final, c’est bel et bien Boston qui remporta le 14è titre de son Histoire.
Pour celui qui était habitué à briller en soliste dans un collectif médiocre, il est ironique de voir que son salut collectif passa finalement par des prestations individuelles moyennes dans un roster incroyablement fort (4 Hall-of-famer : Archibald, Bird, McHale, Parish).
Il disputera encore deux saisons sur la côte Est, échouant à chaque fois au second tour des playoffs : finales de conférence 1982 face aux Sixers (4 – 3) et demi-finale de conférence 1983 (4 – 0 face aux Bucks).
Il rejoindra ces mêmes Bucks pour une ultime pige, en 1983 – 1984, à l’issu de laquelle il prit sa retraite, après 923 rencontres NBA. La liste de ses accomplissements est colossale :
- Hall-of-famer, introduit en 1991,
- Membre des 50 greatest de 1996,
- All-NBA Team, à 5 reprises : 3 fois dans la première, 2 fois dans la seconde,
- All-star, à 6 reprises,
- MVP du All-star-game, en 1981,
- Meilleur scoreur de la Ligue, en 1973,
- Meilleur passeur de la Ligue, en 1973,
- Numéro 1 retiré chez les Kings.
Sa retraite de joueur professionnel ne l’a pas, pour autant, éloigné des parquets. Il sera coach assistant dans plusieurs universités (Georgia, El Paso), et même coach principal d’une équipe au début du siècle. Il eu aussi à cœur de reprendre ses études, allant jusqu’à décrocher un Master en 1990, avant de tenter la rude expérience du doctorat.
Crédits et hommages
Plus de 35 ans après sa retraite, Tiny Archibald est toujours considéré comme l’un des 15 meilleurs meneurs de l’Histoire, et comme l’un des tous meilleurs “petits” que la Ligue a eu l’opportunité de côtoyer. Des titres honorifiques qui n’ont manifestement pas entamé sa modestie, puisqu’il déclarait en juillet 2016 :
“Si je rencontrais Chris Paul, LeBron, D-Wade et tous ces mecs-là, je leur serrerais la main. J’aimerais les remercier personnellement, mais je ne suis même pas certain qu’ils sachent qui je suis. Je jouais bien avant leur naissance“.
Après sa retraite, il a joué le rôle de lanceur d’alerte, après avoir constaté que nombre d’anciens joueurs de la Grande Ligue mourraient prématurément. Lui même, à la fin de l’année 2018, dû subir une transplantation cardiaque. Or, tous ces joueurs influents du début de notre siècle ont œuvré pour que des fonds soient débloqués dans l’optique de surveiller de plus près la santé des anciennes gloires de la NBA. D’où les chaleureux remerciements qu’il souhaitait leur adresser.
Et quand bien même il pensait être retombé dans l’anonymat le plus total (cet article tend à démontrer que ce n’est pas le cas), Archibald reçut les hommages de Dwyane Wade, qui déclarait il y a peu de temps :
“C’est une légende, l’un de ces tous petits gars que personne ne pouvait arrêter”.
Nous ne pouvons que rejoindre l’ex n°3 du Heat sur ce point-ci. Comme nous ne pouvons que rejoindre notre cher Haddock, lorsqu’il s’exclamera : “Sapristi ! Quel joueur !”.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),