C’est le remix qu’on pourrait faire de la phrase devenue tristement célèbre prononcée par Vivek Ranadivé, le propriétaire des Sacramento Kings, au moment d’expliquer la sélection de Nik Stauskas avec le 8ème choix de la Draft 2014. Il tire comme Steph et il est grand comme Klay. Si la seconde affirmation parait vérifiable numériquement, c’est surtout la première qui semblait alors déjà très optimiste, et qui sans surprise, n’a pu se confirmer avec le temps.
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A la décharge de l’ex-Wolverine de Michigan, il est depuis quelques années de plus en plus facile et tentant d’oser la comparaison avec un Golden State Warrior au moment d’évoquer les qualités d’un jeune joueur qui brille plutôt par la qualité de son tir que par sa vitesse, ses sauts, et l’ensemble de ses performances athlétiques.
Plus récemment, un joueur a réussi à tenir la comparaison d’une manière plus que décente, puisque Trae Young, avec son adresse et sa créativité, a commencé par faire taire l’essentiel des critiques et des sceptiques, puis est devenu un titulaire au NBA All-Star Game dès sa seconde saison chez les pros.
Les cartes sont maintenant redistribuées et les échelons de comparaison redéfinis, et c’est maintenant à Trae Young que va parfois revenir le rôle de la référence dans cet inévitable jeu des parallèles entre prospects et joueurs accomplis (ou pas forcément…).
Le génie caché de Stanford
Originaire du Minnesota, Tyrell Terry évolue d’abord au lycée DeLaSalle de Minneapolis. Les Islanders enchaînent depuis plusieurs années les titres dans leur État, et ce jeune meneur contribue aux plus récents de ces succès au point d’attirer les regards des observateurs de tout le pays.
S’il reçoit une offre de bourse de la part de l’université de Minnesota, très populaire localement et performante académiquement comme sportivement, il est également sollicité ailleurs, surtout quand les différents sites références de classement des lycéens en font tous une recrue 4 étoiles, parmi les meilleures du pays donc. A l’offre des Gophers viennent s’ajouter celles d’autres écoles aux équipes prestigieuses et performantes comme Baylor, Iowa State, Purdue ou encore Xavier.
C’est finalement bien plus à l’ouest que Terry va s’envoler, direction le nord de la Californie et l’université de Stanford, le même choix qu’avait fait un autre grand joueur du même lycée de DeLaSalle quelques années auparavant, l’intérieur Reid Travis qui était alors l’un des jeunes basketteurs les plus prisés du pays.
Stanford offre bien sûr un niveau académique prisé dans le monde entier, mais pour Terry, l’école offre surtout une opportunité de contribuer dès sa première saison et dans une conférence des plus compétitives, la PAC-12. La “Conference of Champions” comme l’appelle Bill Walton, joueur légendaire devenu consultant culte sur ESPN, en référence notamment à la domination sans partage du UCLA de John Wooden porté par Lew Alcindor puis par Bill Walton lui-même, et qui compte au travers de ses équipes un total de plus de 500 titres nationaux toutes disciplines confondues, loin devant la concurrence des autres conférences qui font le paysage du sport universitaire américain.
L’exposition reste cependant relative, car à Stanford, le basket universitaire ne déchaîne pas les passions comme dans le Midwest ou sur la côte est du pays. De plus, le décalage horaire réduit encore l’attention : la majorité des américains préfèrent finir leur soirée loin de l’écran à l’heure dite Atlantique de l’est du pays quand ils ne sont pas couche-tard au point de comprendre le hashtag #Pac12AfterDark dont nous, européens, pouvons si bien capter la portée.
Les opportunités de briller sont ainsi rares, et dans un presque anonymat, le Cardinal commence sa saison en 11-1, avant de recevoir un favori au titre national, les Kansas Jayhawks, à une heure de grande écoute et d’yeux bien ouverts devant ESPN.
Si la ligne de stats de Terry ne nous fait pas sauter au plafond avec ses 10 points à 4/13, ce freshman un peu fluet étonne par sa confiance et son aisance technique, et se fait remarquer auprès de l’audience, et des spectateurs présents dans la salle, plus nombreux que d’habitude, avec la présence de quelques influents du campus parmi lesquels quelques connaisseurs comme la professeure Condoleeza Rice ou encore l’alumnus Joe Lacob, propriétaire excentrique des Golden State Warriors, qui commençait à se douter des enjeux de la prochaine Draft pour son équipe.
De l’indifférence à l’intrigue
Malgré une défaite ce soir-là au bout d’une rude bataille face à une équipe tout simplement plus talentueuse, l’équipe de Stanford, portée en partie par son jeune meneur qui éclipse un peu son plus expérimenté coéquipier Daejon Davis, garde des sensations positives. Ainsi, elle remporte ses quatre matchs suivants, les quatre premiers dans le calendrier de conférence, dont une belle victoire en déplacement à Westwood contre UCLA, avec 24 points de Terry.
Si son équipe termine la saison par des performances en dents de scie, mais quand même un 9-9 dans une conférence forte et homogène, et un 20-12 global, le numéro 3 du Cardinal fait preuve d’une régularité admirable pour un freshman, ne passant que très rarement sous la barre des 10 points (seulement quatre fois sur la saison) et présentant d’excellent pourcentages – dont un 40,8% à 3pts sur presque 5 tentatives, alors même que le pourcentage global en NCAA était en baisse en raison de la nouvelle distance à 3pts appliquée depuis cette saison, avec une ligne placée à la distance FIBA.
Cette régularité permet d’inévitablement attirer l’oeil de ceux qui le gardent ouvert, et Tyrell Terry finit par intriguer, au point de devenir l’un des grands “sleepers” de la Draft NBA 2020, une situation qui peut faire sourire quand on en revient à la problématique des fuseaux horaires et du PAC-12 After Dark.
Comme s’il voulait rattraper les manques du groupe pour lequel il travaille, Adrian Wojnarowski en personne annonce sur Twitter le 6 avril l’entrée de Tyrell Terry dans le processus pré-Draft, histoire de s’assurer que l’ensemble du public puisse d’ores et déjà fixer ce nom dans un coin de sa tête.
S’il devait maintenir son nom et renoncer à son éligibilité en NCAA, Tyrell Terry ne recevrait probablement pas d’invitation pour la “Green Room” et ne pourrait que difficilement prétendre à une place dans les quatorze premiers choix, mais il représenterait pour la franchise le choisissant un pari ambitieux et un projet de développement pouvant rapporter gros, même s’il faudrait polir le joyau pendant longtemps et qu’un système performant lui serait bien plus favorable qu’une organisation défaillante.
Le choix le plus judicieux pour le joueur serait probablement celui du retour sur les bancs de l’école et les planches du Maples Pavilion, pour faire grandir encore plus une équipe qui ne cesse de progresser sous la houlette de son coach Jerod Haase.
Cette progression a d’ailleurs été confirmée lors du week-end de Pâques, avec l’arrivée d’un autre renfort de choix pour la saison prochaine, le lycéen Ziaire Williams, ailier 5 étoiles bien classé dans le Top 10 des différents classements de référence, en faisant ainsi la meilleure recrue de l’histoire du programme basket de Stanford.
Les fans n’ont maintenant plus qu’à espérer que cette bonne nouvelle en amène une autre : un retour de Tyrell Terry, qui formerait avec Ziaire Williams et l’allemand Oscar Da Silva un trio redoutable, capable de mener cette équipe pourquoi pas vers un parcours marquant en mars, ou même des rêves encore plus grands.
Quoi qu’il advienne, au jeu des comparaisons, si on ne peut vraiment les fuir, pour ne pas lui mettre trop de pression, on dira que Tyrell Terry tire comme Seth, et qu’il est grand comme Trae !