C’était le 6 mars 2020, 23 h heure française environ. Il y a une éternité.
Victoire de Vitoria 73-72, après un contre de “Toko” Shengelia sur Luke Sikma à 3 secondes de la fin du match.
Il s’agissait d’une affiche entre équipes mal classées, mais considérées différemment du fait des attentes de début de saison : Vitoria-Gasteiz, que l’on voyait davantage jouer les dernières places pour les playoffs, et Berlin, qui surprenait avec un style de jeu très offensif et fluide.
Toujours est-il qu’il s’agissait alors du dernier match d’Euroleague de l’exercice 2019-20, dans une saison qui s’avérait jusqu’alors passionnante, intense, disputée, et dont l’issue demeurait extrêmement indécise, entre les habituels cadors, toujours performants, les grosses écuries pas forcément au rendez-vous et les belles histoires.
Au regard de la situation actuelle et de l’inconnu qui guette la plus connue des compétitions européennes, cet article se veut être un bilan – totalement subjectif soyons honnête – de cette saison 2019-20, détaillant les ingrédients ayant permis à la recette de fonctionner en termes de spectacle, de scénario, mais aussi sur le plan de l’évangélisation du public européen, n’en déplaise aux puristes.
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Avant toute chose, il peut être utile d’aborder succinctement le contexte des compétitions européennes de club.
En effet, du fait de querelles économiques entre la Fiba (la Fédération internationale) et l’ECA (l’entité-mère du binome Euroleague/Eurocup) depuis le début des années 2000, nous assistons de manière trop régulière à des réorganisations de compétitions.
“Abondance de biens ne nuit pas” ? En théorie, oui. Néanmoins, nous, adeptes de la balle orange, savons que le leitmotiv dans le sport reste la compétitivité, et donc la trace que l’on peut laisser dans l’Histoire.
Force est de constater qu’en pratique, la prolifération de compétitions européennes nuit nécessairement à la lisibilité des résultats, qui plus est lorsqu’on observe ceux-ci avec un peu de distance, lisez plutôt : Euroleague, Eurocup, Basketball Champions League, Fiba Europe Cup, et avant cela, Korac, ULEB, Saporta.
Plus dense encore qu’un formulaire de la CPAM.
Afin de concocter une saison aussi passionnante, un panel d’ingrédients assez large était requis.
Un casting densifié
Même sans être amateurs de basket européen, il était impossible de ne pas remarquer l’exode massif de joueurs estampillés NBA vers le Vieux Continent.
Rien d’inhabituel en somme, si ce n’est que cette année, le statut de ces joueurs semblait avoir évolué du joueur de bout de banc et/ou vieillissant au solide role-player : Cavanaugh (Jazz), Mack (Hornets, Hawks), Lorenzo Brown (Raptors), Ron Baker (Knicks), Kostas Koufos (Grizllies, Kings), Malcom Delaney (Hawks), Alex Abrines (Thunder), Mozgov (Nuggets, Cavs), Stauskas (Kings, Cavs, Blazers), Acy (Nets, Kings, Knicks), Fredette (Kings, Suns), mais surtout Wesley Johnson (Lakers, Clippers), Jerebko (Pistons, Celtics, Lakers), Casspi (Grizzlies, Pelicans, Kings), Monroe (Pistons, Suns, Bucks, Sixers, Celtics, Raptors) et Nikola Mirotic, que l’on ne présente plus.
Plusieurs raisons à cela :
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D’une part, l’exposition médiatique grandissante de l’Euroleague permet à certains de joueurs de se faire une nouvelle jeunesse afin de dégoter un nouveau contrat outre-Atlantique,
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D’autre part, les salaires en Europe pour des joueurs ayant un passif NBA, et donc un certain statut, approchent dorénavant des salaires de joueurs de rotation aux U.S,
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Enfin, il apparait que le désintérêt pour l’Europe ait été atténué du fait de l’émergence de joueurs passés par les compétitions européennes et dominants dans le Grande Ligue (Doncic, Jokic, Bogdanovic’s, Porzingis, etc.).
Si vous ajoutez les éléments sus-cités aux rosters déjà denses, que vous y saupoudrez l’expérience des coaching-staffs en place, et ceux qui arrivent/reviennent (Ettore Messina, David Blatt brièvement, Rick Pitino, etc.), vous obtenez une mouture alléchante.
Une story-telling qui se structure
La saison 2018-19 avait été riche en rebondissements et en aventures réjouissantes.
Les parcours du Zalgiris Kaunas de Sarunas Jasikevicius, de Baskonia, avec un Vincent Poirier dominant, et de l’inattendu Anadolu Efes Istanbul, qui renaissait de ses cendres sous l’impulsion d’un coach atypique, Ergin Ataman et du lutin Shane Larkin, le Final Four francophone avec les De Colo, Causeur, Moerman, Beaubois.
Cette saison s’était conclue par une victoire du CSKA de Nando De Colo, avec Will Clyburn MVP surprise.
Etat des lieux : les forces en puissance
A l’aube de l’exercice 2019-20, de multiples mouvements étaient venus bouleverser non pas l’ordre établi, mais les effectifs des équipes en lice.
Alba Berlin
L’arrivée du NBAer Tyler Cavanaugh et du pistolero Marcus Eriksson dans la nouvelle arrivée allemande, l’Alba Berlin, de l’expérimenté coach Aito Garcia Reneses, auréolé du titre de Coach of the Year l’année précédente en Eurocup, ce qui promettait du côté de Berlin un jeu tout en spacing et pace.
Anadolu Efes Istanbul
Les finalistes de l’exercice précédent avaient décidé de s’appuyer peu ou prou sur la même ossature, en la renforçant avec l’expérimenté américain Chris Singleton.
Autour du duo de playmakers Shane Larkin et Vassilje Micic, les stambouliotes s’affirmaient comme de sérieux concurrents, avec un jeu plutôt “à l’américaine”.
Armani Olimpia Milan
En Lombardie, la lumière se concentrait surtout sur Ettore Messina.
De retour du Texas, où ses attentes quant à l’obtention d’un poste de headcoach semblaient ne pas être en mesure de se concrétiser, l’Italien aux plus de 30 trophées dont 4 Euroleagues arrivait en terre conquise avec dans ses bagages, une armada de joueurs référencés (Shelvin Mack, Michael Roll, Sergio Rodriguez, Paul Biligha, ainsi que Luis Scola après son Mondial exceptionnel -demandez à Rudy Gobert-).
Crvena Zvezda Beograd
Derrière ce nom, officiellement sponsorisé par le Scrabble, se cache l’équipe historique de l’Etoile Rouge de Belgrade, ennemie jurée du Partizan Belgrade (cher à Joffrey Lauvergne et Léo Westermann, entre autres), lui-même jouant le haut de tableau en Eurocup.
L’idée du front office de l’équipe dirigée par le sorcier Dragan Sakota (vainqueur de la Basketball Champions League avec l’AEK Athènes) était de s’appuyer sur un noyau de joueurs habitués aux joutes de l’Euroleague (James Gist, Charles Jenkins, Ognen Kuzmic, Derrick Brown), autour d’une des révélations à venir de la saison, le meneur passé par les Toronto Raptors l’année précédente, Lorenzo Brown.
A noter pour l’anecdote, la présence du monstrueux Michael Ojo (si vous ne connaissez pas ce joueur, allez vérifier) et de l’inusable Stratos Perperoglu.
CSKA Moscou
“On ne change pas une équipe qui gagne” : oui… mais non. Le champion en titre avait visiblement décidé de mettre à mal ce lieu commun.
En effet, pas moins de 6 arrivées, et non des moindres (les anciens joueurs NBA Mike James, Ron Baker, Darrun Hilliard, Kostas Koufos, ainsi que les snipers Johannes Voigtmann et Janis Strelnieks). Ces entrées étaient appelées à remplacer des départs significatifs, dont celui du backcourt playmaker Nando De Colo et Sergio Rodriguez, auxquels on pouvait ajouter Othello Hunter et Cory Higgins, énormes contributeurs au regard des performances défensives de l’armée rouge du coach Dimitris Itoudis.
FC Barcelona Lassa
En Catalogne, il fallait absolument oublier la saison passée, prématurément terminée.
Pour ce faire, les dirigeants blaugrana avaient mis les petits plats dans les grands, et c’est avec un potentiel 5 majeur rutilant que la saison s’apprêtait à débuter : Malcolm Delaney, Alex Abrines, Cory Higgins, Nikola Mirotic et Brandon Davies.
La légende Svetislav Pesic, titrée en 2003 avec Dejan Bodiroga au Barça déjà, pouvait aborder sa 39e saison de coaching avec enthousiasme.
FC Bayern Munich
En Bavière, il s’agissait d’arriver à estomper l’importante fuite de talents, constituants son ossature la saison précédente (Devin Booker – non, l’autre -, Derrick Williams, Stefan Jovic) .
Les Allemands avaient réussi à attirer dans leurs filets certains des plus gros poissons de ce marché estival (Greg Monroe, Paul Zipser, Josh Huestis, ainsi que l’intérieur explosif et capillairement inventif Mathias Lessort).
Dejan Radonjic allait débuter la saison puis être remplacé par son assistant Oliver Kostic.
Fenerbahçe Istanbul
L’autre équipe d’Istanbul… Depuis cette saison, on peut considérer que l’équipe du sthénique Zeljko Obradovic, pour lequel l’usage du terme “légende” serait un euphémisme, n’est plus la seule à exister en Euroleague aux alentours du Bosphore.
Les départs de tauliers comme Marko Guduric ou Nicolo Melli vers la NBA pouvaient inquiéter. Mais au diable l’avarice, on a dépensé sans compter au Fener, et ainsi, Nando De Colo, Derrick Williams et Léo Westermann venaient renforcer le plus gros roster d’Europe.
Khimki Moscou
Le club de la région de Moscou, que l’on associe ces dernières années au Tsar Alexey Shved, lequel résiste encore et toujours aux sirènes de la ligue américaine souhaitant son retour, avait pris le parti d’un investissement financier massif, afin de créer un roster jusqu’alors jamais vu dans ce club.
Aux départs de cadres, comme Malcolm Thomas, Charles Jenkins, Jordan Mickey, Stefan Markovic, venaient se substituer 11 arrivées, parmi lesquelles Timofey Mozgov, Jonas Jerebko, Dairis Bertans, Sergeï Karasev, Jeremy Evans, connus du public averti de NBA, mais aussi le Devin Booker du Bayern (il ne faut pas trop rêver non plus), Chris Kramer, Jannis Timma, Stefan Jovic, etc.
Une fois de plus, l’adage “abondance de biens de nuit pas” aura été à mettre en perspective, tant l’équipe du lituanien Rimas Kurtinaitis alterna le très prometteur et l’ostensiblement frustrant.
Baskonia Vitoria-Gasteiz
L’ancien club de Vincent Poirier, qui accueillait le Final Four de l’Euroleague en 2019, nourrissait d’importantes ambitions, comme semblait l’indiquer un recrutement ciblé et talentueux (Pierria Henry, Stauskas, Michael Eric, Polonara, Youssoupha Fall).
Hélas, une accumulation de blessures, ainsi qu’a posteriori, la perte de tauliers comme Marcelinho Huertas, Johannes Voigtmann, Vincent Poirier ou Darrun Hilliard allaient impacter négativement les résultats de l’équipe et coûter sa place au coach Velimir Perasovic, remplacé par le monténégrin Dusko Ivanovic (coach du triplé limougeaud en 2000). Les arrivées en cours de saison de l’ex-joueur du Thunder Semaj Christon et de Zoran Dragic donnèrent un coup de fouet à l’équipe du capitaine Tornike Shengelia.
LDLC ASVEL
Cocorico ! Nouveau venu dans cette Euroleague, le club français, propriété de Tony Parker et Nicolas Batum, partait dans l’optique de structurer progressivement le club, afin de consolider sa place dans l’élite.
Du fait d’un budget incomparable avec les grosses écuries de la compétition, il était important de viser juste. Les départs de Miro Bilan, Mantas Kalnietis, DeMarcus Nelson, AJ Slaughter, Alexis Ajinça après le doublé Championnat-Coupe de France n’étaient pas négligeables.
Pour ce faire, l’ASVEL enregistrait les entrées du meneur Jordan Taylor, du shooteur Rihards Lomazs, du pivot belge Ismael Bako, des tauliers Antoine Diot et Edwin Jackson sur la ligne arrière, ainsi que du pivot nigérian Tonye Jekiri, en provenance de Gaziantep (qui s’avèra être une trouvaille incroyable).
Sous les ordres du bouillant Zvezdan Mitrovic, la tâche s’annonçait périlleuse.
Maccabi Tel Aviv
Le riche club israélien, place forte d’Euroleague et titré à de nombreuses reprises, avait en tête en début de saison de reconquérir ses lettres de noblesse.
Avec à sa tête le stratège Ioannis Sfairopoulos, champion et coach de l’année en Israël en 2019, le Maccabi avait pris le parti de choisir des profils versatiles, créateurs et expérimentés. C’est en ce sens que Quincy Acy, Omri Casspi, Nate Wolters, Tyler Dorsey, Elijah Bryant, Othello Hunter et Sandy Cohen posaient leurs valises à Tel Aviv, pour rejoindre la star Scottie Wilbekin et les prospects Deni Avdija et Yovel Zoosman.
Olympiacos Piraeus
Le club du Pirée, autre “monstre” des compétitions européennes, marquait le coup depuis plusieurs raisons, la faute au contexte économique défavorable, ainsi qu’à un effectif vieillissant, signe d’une lacune importante dans le réservoir de joueurs.
La preuve en est le recrutement à l’intersaison, la perte qualitative (Briante Weber, Axel Toupane, Zach Leday, Timma, Strelnieks, Williams-Goss) n’étant que partiellement compensée, avec des arrivées de joueurs connus, certes, mais en perte de vitesse ou pour lesquels le fit ne sera pas immédiat (Kuzminskas, Baldwin, Punter), et d’autre part des profils de niveau plutôt moyen (Brandon Paul, Augustine Rubit).
En ajoutant à cette dynamique la méforme et les blessures des cadres Spanoulis, Printezis, Papanikalaou ou Milutinov, il n’en aura pas fallu davantage pour coûter la place à Kestutis Kemzura, au profit de Georgios Bartzokas, déjà vainqueur de l’Euroleague en 2013 avec l’Olympiacos.
Panathinaïkos Athens
Même ville, autre club, autre dynamique.
La domination du basket grec ces dernières années a souvent alterné entre les deux clubs phares d’Athènes. Depuis 3 ou 4 saisons, sous l’impulsion de son playmaker Nick Calathes, c’est le Pana’ qui semble avoir pris la main (en témoigne la relégation de l’Olympiacos, pour raisons “administratives”).
Malgré les départs de joueurs majeurs du circuit européen (Langford, Lekavicius, Lojeski, Gist, Kilpatrick, Thanasis Antetokounmpo), le recrutement tout aussi dense (Tyrese Rice, Wiley, Wes Johnson, Rion Brown, Fredette) permettait au Panathinaïkos de Papapetrou, Papagiannis et Pappas-tout-court de rester une tête d’affiche sérieuse à l’orée de la saison.
Real Madrid
Vainqueurs en 2015 et 2018, finalistes en 2013 et 2014, troisièmes en 2019, quatrièmes en 2017. Le même coach, Pablo Laso, depuis 2011. Un effectif rôdé aux compétitions FIBA et NBA, de l’expérience, du talent, une culture de la formation.
Cette saison également, le Real Madrid allait jouer les premier rôles. Le MVP de la Liga ACB et arrière argentin passé par les Spurs, Nicolas Laprovittola, rejoignait les Merengues, en compagnie de l’ex-Celtic Jordan Mickey et de Salah Mejri.
L’équipe de la capitale espagnole, souvent détestée, à l’image de ses cadres Sergio Llull, Rudy Fernandez, Felipe Reyes, Jaycee Carroll, et renforcée par l’expérience au Mondial de ses Argentins Facundo Campazzo et Fabriel Deck, était d’attaque pour tenter de conquérir le titre.
Valencia B.C
Un peu plus à l’Est, on retrouvait une autre équipe espagnole, qui avait validé son ticket pour l’Euroleague en remportant la petite soeur, l’Eurocup. Départs à noter, ceux des expérimentés Matt Thomas vers les champions NBA de Toronto, et Will Thomas vers le club oligarque de Saint Petersburg. Dans l’autre sens, Jordan Loyd faisait son arrivée, en provenance de l’Ontario justement. Maurice Ndour, Brock Motum, Quino Colom, l’espoir Vanja Marinkovic renforçaient les rangs de l’équipe méditerranéenne du coach Jaume Ponsarnau et son pivot star Bojan Dubljevic.
Zalgiris Kaunas
S’il est un pays en Europe ou le basket est une religion, c’est en Lituanie.
S’il est un club emblématique en Lituanie, c’est le Zalgiris Kaunas, et sa non-moins emblématique Zalgirio Arena, 15 415 places, en feu à chaque match.
Et s’il est un coach dont le parcours et la personnalité illustrent l’esprit inhérent au pays, c’est Sarunas Jasikevicius.
C’est sous les ordres de “Saras” que le Zalgiris, une fois de plus confronté à un exode massif de talents, relancés à Kaunas (Aaron White, Deon Thompson, Nate Wolters, Brandon Davies, Leo Westermann), accueillait dans ses rangs les Landale, Nigel Hayes, Lekavicius, LeDay afin de renforcer le noyau Ulanovas, Grigonis, Walkup, auprès de la légende vivante Paulius Jankunas.
Zenit St. Petersburg
Dernier club de cette “post-preview”, le Zenit, détenteur d’une wild-card pour participer à l’Euroleague, malgré sa 6e place lors de l’exercice précédent de VTB League.
Joan Plaza, coach de l’équipe en début de saison (qui allait être remplacé par le Catalan multititré Xavi Pascual) voyait son effectif totalement chamboulé afin d’être prêt à en découdre. Ecueil majeur justement, car tant de mouvements emmenaient à un roster plutôt décousu.
Côté sorties, entre autres, Phil Scrubb, Gal Mekel, Jalen Reynolds (qui rejoindra en cours de saison le Maccabi Tel Aviv), Marko Simonovic, Sergeï Karasev, Jarrod Uthoff.
Faisaient le voyage en sens inverse, Gustavo Ayon, Andrew Albicy qui a cette occasion allait pour la première fois de sa carrière, expérimenter l’Euroleague, Alex Renfroe, Colton Iverson, Ponkrashov, Will Thomas, Ponitka (auteur d’un Mondial de haute facture), Tim Abromaitis, Austin Hollins, Zubkov, Khvostov, soit pas moins de 11 “entrées”.
Bilan d’évolution et tendances
A ce jour, le 17 avril 2020, aucune décision n’a encore été prise quant au devenir de cette saison 2019-20. Néanmoins, le grand manitou Jordi Bertomeu sortait de son silence il y a quelques jours, faisant état de sa ferme intention de clôturer l’exercice. L’hypothèse d’un Final Eight pour Euroleague et Eurocup semble dès lors la piste privilégiée.
En attendant une réponse officielle, que retenir de ces 6 mois de compétition ?
Après 28 journées, les cadors étaient au rendez-vous pour la plupart.
L’Anadolu, Madrid, Barcelone, le CSKA, le Maccabi et le Panathinaïkos trustaient les 6 premières places. Les parcours et les fortunes furent diverses (blessures pour le CSKA -Clyburn surtout- et Barcelone -avec Heurtel et Pangos, leurs deux meneurs de jeu attitrés).
Au rendez-vous des favoris manquaient à l’appel le Fenerbahçe, l’Olympiacos et l’Olimpia Milan. Côté turc, les nombreux changements au sein de l’effectif et la gestion des egos eurent pour conséquence une saison sur une sorte de faux-rythme, qui sera marquée (une fois de plus me direz-vous) par un coup de gueule incisif de Zeljko Obradovic.
Pour les grecs du Pirée, il s’agissait plus d’une dynamique péjorative dans son ensemble, et la méforme de son maitre à jouer, l’immortel Vassilis Spanoulis aura une incidence fatale.
Enfin, les soldats du Général Messina ne réussirent jamais à vraiment entrer dans leur saison. L’hétérogénéité de l’effectif et l’adaptation difficile de fortes personnalités aura eu raison des espérances du public italien, qui devra se concentrer sur la trajectoire météoritique de la Virtus Bologne de Milos Teodosic.
Seule (semi) surprise finalement du Top 8, l’équipe du Khimki Moscou, solidement renforcée mais tout de même moins attendue que d’autres ténors à ce niveau.
Nous attendrons donc une décision du board et des instances européennes pour réaliser un preview d’un éventuel Final Eight.
Un petit mot empreint de chauvinisme pour saluer l’entrée en matière de l’ASVEL, tout de même !
En septembre, il aurait semblé présomptueux de miser sur ne serait-ce que 8 victoires pour l’équipe rhodanienne.
Cependant, après des victoires contre l’Olympiacos en ouverture (82-63) puis en suivant contre le Panathinaïkos (79-78), Baskonia (66-63), le CSKA (67-66), Villeurbanne enchaina à Belgrade (74-72), contre Milan (89-82), l’Alba Berlin (93-81) le Khimki Moscou (92-88) et enfin Munich (75-65) et Valencia (72-65).
10 victoires pour 18 défaites ? Plus qu’honorable.
Alors certes, la machine s’est un peu rouillée avec l’enchainement des matchs (championnat/Euroleague) tous les 2 à 3 jours, mais l’intensité et le culot avec lesquels les hommes de Mitrovic sont entrés, sans complexe, dans la compétition, au point d’être décrits par les adversaires comme l’équipe la plus physique de la grande compétition européenne, force le respect.
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L’Europe est réputée pour être encline au jeu collectif, léché, pour sa propension à appuyer sur la défense, pour ses matchs “au couteau”.
Cependant, sans individualité, moins de spectacle, et sans spectacle, moins d’intérêt.
Cet article-bilan ayant pour fonction de vous introduire, lectorat de QiBasket au jeu européen, je m’abstiendrai donc de décrypter (aujourd’hui tout du moins) les aspects collectifs tactiques ou des matchs spécifiquement, certains feront cela bien mieux que moi.
Je souhaitais en revanche vous proposer mes awards temporaires pour la saison, si elle était appelée à se terminer en l’état.
Des trophées sur fond d’Ode à la Joie
Cette section sera donc consacrée aux récompenses 2019-20 (Coach de l’année, Rising Star, Surprise de l’année, Défenseur de l’année, MVP) avec à chaque fois un podium ainsi que la All-Euroleague Team.
Je précise que ces nominations n’engagent que moi et l’observation que j’ai eu de cette saison européenne.
Coach de l’Année
- Ioannis Sfairopoulos (Maccabi Tel Aviv)
Le coach grec, arrivé en Israël en 2008 a su guider son équipe dans le sens de l’évolution du basket moderne. Articulé autour de son meneur naturalisé turc, Scottie Wilbekin, il a réussi à mener le Maccabi au Top 5 Européen et remettre le feu dans la Menora Mivtachim Arena.
2. Dimitris Itoudis (CSKA Moscou)
Il peut paraitre paradoxal d’inclure sur ce podium le coach de l’équipe championne en titre, alors que celle-ci n’est qu’à la 4e place du classement. Certes.
Cela-dit, si l’on prend un peu de perspective, en considérant la blessure de Will Clyburn, les départs de Nando De Colo, Othello Hunter, Cory Higgins, le fait d’avoir réussi à maintenir une assise défensive aussi solide tient de l’achievement.
3. Sarunas Jasikevicius (Zalgiris Kaunas)
Cette saison, le Zalgiris aura eu un passage à vide comme rarement il en avait connu.
9 défaites consécutives entre la 7e et la 15e journées. Pour ensuite réajuster ses systèmes et engranger 9 victoires entre la 16e et la 28e. L’arrêt de la saison aura probablement eu raison de la dynamique lituanienne. Néanmoins, il est tout de même notable pour un coach, avec cet effectif, d’être en capacité de s’ajuster autant.
Rising Star
- Deni Avdija (Maccabi Tel Aviv) : 19 ans, 2.05m
26 matchs joués (5 titularisations) : 14min/match pour 4pts à 59.6% à 2pts et 27.7% à 3pts (mais 55.6% aux lancers-francs!!!!), 2.6rbds, 1.2asts, 3.9 de PIR.
Si l’on s’en tient au plan purement statistique, la production du versatile Israélien peut laisser perplexe. En revanche, ce profil polyvalent, playmaker, fluide et la maturité dont il fait déjà preuve sont des arguments en faveur des évaluations enthousiastes des scouts.
Il a annoncé ces derniers jours se présenter à la Draft 2020, où il est attendu en tant que lottery pick.
2. Théo Maledon (LDLC ASVEL)
On ne présente plus Théo. Jeune meneur au profil gestionnaire, à la maturité étonnante.
Extrêmement précoce, les débuts en Euroleague ont été poussifs, timides, mais il a su peu à peu faire preuve d’abnégation et fournir des performances justifiant son statut de prospect (attendu entre 15 et 25 à la prochaine Draft), comme ses 4 matchs consécutifs à plus de 10 d’évaluation contre le Fenerbahçe, l’Anadolu, le Panathinaïkos et le Zalgiris, excusez du peu.
3. Yovel Zoosman (Maccabi Tel Aviv)
Un peu plus âgé (22 ans) que ses camarades, l’ailier du Maccabi s’était présenté à la Draft 2019, sans succès.
Cette saison, dans une équipe prétendante au titre, il a joué 23 matchs, à 17min de jeu, dont 16 titularisations et une évaluation de 5.7.
Surprise de l’année
- Tonye Jekiri (LDLC ASVEL) : 26 ans, 2,12m
27 matchs joués pour 23 titularisations : 24min/match, 8.7pts à 52.3% à 2pts, 66.2% aux lancers-francs, 7.5 rbds, 1.3 asts, 12.8 de PER.
Nul n’aurait pu s’attendre à ce que le transfuge de Gaziantep (Turquie) s’adapte aussi rapidement au niveau supérieur, et ce de manière aussi explosive.
Meilleur rebondeur d’Euroleague dès sa première saison, le jeune pivot nigérian n’aura aucune difficulté à profiter du tremplin qu’aura été pour lui l’ASVEL, à n’en pas douter.
2. Landry Nnoko (Alba Berlin) : 26 ans, 2.08m
28 matchs joués, 24 titularisations : 22min/match, 8.7pts à 60.5% au tir, 68.4% aux lancers-francs, 5.8rbds, 11.3 de PER.
Le Camerounais, cousin de Luc Mbah a Moute, poursuit sa progression pour sa deuxième année dans la capitale allemande. Dans une équipe ou le maitre mot est le spacing, son profil d’energizer protecteur de cercle lui a permis de briller.
3. Lukas Lekavicius (Zalgiris Kaunas): 26 ans, 1.80m
27 matchs joués, 3 en tant que titulaire, 20min/match, 10.5pts à 58.4% à 2pts, 39.2% à 3pts (moins de deux tentatives par match), 86.2% aux lancers-francs, 2.8pds, 10.2 de PER.
Le meneur de poche, formé au Zalgiris, faisait son retour au pays, après avoir joué les doublures de Nick Calathes au Panathinaïkos, dans un rôle identique à celui qu’il tient en équipe de Lituanie (17min pour 13ppg au Mondial 2019).
Le contexte du Zalgiris, avec le mauvais fit d’Alex Perez, et la nécessité d’apporter du scoring en sortie de banc ont permis au lutin de livrer des performances avec un niveau d’intensité assez jouissif.
Défenseur de l’année
- Walter Tavares (Real Madrid) : 28 ans, 2,22m
Le géant Cap-Verdien, après une tentative outre-Atlantique entre 2015 et 2017, est revenu en Espagne, où il avait été découvert (Gran Canaria), mais cette fois pour rejoindre l’ogre Real Madrid.
Depuis 2017, “Edy” n’a de cesse que de terroriser les adversaires qui oseraient s’approcher du cercle.
L’an dernier, il avait déjà été élu meilleur défenseur d’Euroleague.
Son profil, peu mobile, parfois gauche, le cantonne à une défense en drop, mais Pablo Laso est parvenu à organiser son dispositif autour de l’imposante envergure de son intérieur.
2. Cory Higgins (FC Barcelona Lassa) : 30 ans, 1.96m
En quittant le CSKA à l’intersaison, où il était pourtant titulaire et champion en titre, le swingman sorti de l’Université de Colorado en 2011, a montré à l’Europe du basket qu’il était le genre de personne à être capable de sortir de sa zone de confort.
Il a rejoint la Catalogne, où il a immédiatement pris le rôle du stoppeur du meilleur attaquant adverse, en étroite collaboration avec son partenaire Adam Hanga.
Son talent défensif a permis à l’équipe blaugrana de laisser s’exprimer les nombreux talents offensifs du roster, avec la réussite que l’on constate.
3. David Lighty (LDLC ASVEL) : 31 ans – 1,98m.
Acte de mauvaise foi #1, totalement assumé.
Ce parti-pris découle d’un raisonnement pour autant assez légitime il me semble.
Pour illustrer la qualité défensive d’une équipe considérée comme l’une des plus physiques de la compétition par les joueurs eux-mêmes, il me semblait important de récompenser un joueur de l’ASVEL (mes excuses à Kyle Hines, Nick Calathes, Adam Hanga, Gabriel Deck, etc.).
Et à Villeurbanne, cette saison, Lighty a crevé l’écran. Lui qui fut un des meilleurs joueurs de Jeep Elite/ProA de la décennie écoulée a fait preuve d’un état d’esprit exemplaire, offensivement, comme à son habitude, mais aussi en se coltinant les meilleurs attaquants de la ligue. Un grand bravo.
Most Valuable Player
- Shane Larkin (Anadolu Efes Istanbul) : 28 ans, 1.82m (c’est ça, ouais !!!)
25 matchs, 15 en titulaire : 30min par match, 22.2pts à 55.6% à 2pts, 50.9% à 3pts (pour 173 tentatives), 90.3% aux lancers-francs (pour 145 tentatives), 4.1pds, 3.1rbds, 1.3int, 25.8 de PIR.
Depuis la saison dernière, Shane Larkin règne sur l’Euroleague. L’an dernier, en Playoffs, il avait haussé son niveau de jeu pour emmener son équipe au Final Four. Cette saison, il semble encore avoir franchi un palier.
Incontestablement dans son prime, le micro-meneur/arrière s’est amélioré dans tous les domaines statistiques, et son équipe caracole en tête.
Son association avec le serbe Vassilje Micic fait de la paire d’arrières de l’Anadolu un des backcourts les plus redoutables depuis le duo Ricky Rubio- Juanca Navarro en 2010.
Matchs à revoir si le coeur vous en dit, sa masterpiece contre le Bayern Munich (49 points, à 10/12 à 3pts pour 53 de PIR), son match contre l’ASVEL à 45 d’evaluation, suivi de sa performance contre le Real Madrid (29 points à 5/6 à 3pts).
Son désir, ainsi que celui de ses proches, est qu’il tente à nouveau sa chance en NBA… Affaire à suivre.
2. Nikola Mirotic (FC Barcelona Lassa) : 29 ans, 2.08m
28 matchs, tous titulaire : 27.5 min/par match, 19pts à 61% à 2pts, 33.1% à 3pts (163 tentatives), 86.9% aux lancers-francs (153 tentatives), 6.9rbds, 1.1int, 22.5 d’évaluation.
On peut être un joueur installé en NBA, jouant pour un contender (Milwaukee Bucks), y vivre ses meilleures années sportives dans un type de jeu qui semble avoir évolué à la perfection pour son profil de stretch-4.
On peut être monténégrin, naturalisé espagnol, avoir fait ses débuts au Real Madrid et pour autant… signer au Barça.
Et malgré ces éléments, qui pourraient évoquer une forme de “crise d’adolescence professionnelle”, Mirotic domine, de la tête et des épaules.
Il est la figure de proue de l’équipe de Pesic. Offensivement, il fait tout, a les clés, et avec une réussite insolente ainsi qu’une constante métronomique (jamais moins de 10 points depuis la 9e journée).
Si bien qu’en dépit de l’absence de joueurs majeurs pour cause de blessure, le club catalan se retrouve après 28 journées dans le wagon des favoris.
3. Facundo Campazzo (Real Madrid) : 29 ans, 1.79m
28 matchs, 27 titularisations : 24min/match, 9.9pts à 52.3% à 2pts, 31% à 3pts, 87% aux lancers-francs, 2.3rbds, 7.1pds, 1.4int, 15.4 de PIR
Acte de mauvaise foi, épisode 2.
Je tenais en avant propos à saluer les performances de Mike James, Alexey Shved, Nick Calathes, Scottie Wilbekin.
Cependant, il m’était inconcevable de ne pas souligner par une nomination le jeu du Real Madrid cette saison. Et qui de plus approprié que son chef d’orchestre, le Taureau, Facu Campazzo, également chef de meute de l’équipe argentine, contre laquelle nous avons tant souffert à la Coupe du Monde 2019.
Côté performances, son match contre l’Alba Berlin et ses 19 caviars.
All-Euroleague Team
PG : Facundo Campazzo (Real Madrid)
SG : Shane Larkin (Anadolu Efes Istanbul)
(S)F : Nikola Mirotic (FC Barcelona Lassa)
PF: Tornike Shengelia (Vitoria Baskonia)
C : Walter Tavares (Real Madrid)
Mentions (plus) qu’honorables :
Vassilje Micic (Anadolu Efes Istanbul), Nick Calathes et Ioannis Papapetrou (Panathinaïkos), Mike James (CSKA Moscou), Scottie Wilbekin (Maccabi Tel Aviv), Bojan Dubljevic (Valencia BC), Alexey Shved, Jonas Jerebko et Jannis Timma (Khimki Moscou), Luke Sikma (Alba Berlin), Greg Monroe (FC Bayern Munich), etc.
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Vous l’aurez compris, l’Europe, et sa compétition-vedette, l’Euroleague, regorgent de talents.
L’aspect historique des équipes, les écarts de niveau relativement faibles, ont pour conséquence le fait que chaque match peut avoir une importance capitale, non seulement sur la compétition en cours, mais sur la compétitivité même d’une équipe et donc sa pérennité.
La fréquence moins importante des matchs, en comparaison de la NBA, ainsi que les horaires plus accessibles, sont des arguments en faveur d’un intérêt qui devrait aller en grandissant.
Alors, oui, la direction prise par le board de l’Euroleague/Eurocup est celle d’une ligue quasi-fermée, et va donc à l’encontre d’une méritocratie, qui m’est chère.
Vous l’aurez compris si vous avez eu la gentillesse et l’incommensurable patience teintée de joie de lire mes articles jusqu’à présent, mon motto est de partager.
Cet article a pour fonction de poser les jalons de ce qui sera l’an prochain un épisode hebdomadaire, consacré à cette compétition, qui m’accompagne depuis maintenant plus de 25 ans.
J’espère que vous m’accompagnerez dans cette aventure.