Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
L’arrêt prématuré de cette saison 2019 – 2020 est très dure à vivre pour la communauté basket. Entre deux séries Netflix, quelques siestes et le replay de nombreux matchs de légendes, nous voici donc à traîner chez le voisin Basket USA, qui propose de nombreux quizz autour de l’univers NBA. Lors de la résolution de celui concernant les 30 meilleurs rebondeurs de l’Histoire (moyenne par match), quelque chose, ou plutôt quelqu’un a retenu notre attention. Gus Johnson, dont le nom ne nous évoquait que de lointains souvenirs quelques instants plus tôt, se retrouve ainsi devant Moses Malone, Kareem Abdul-Jabbar ou Dwight Howard. En effet, avec plus de 12,7 prises par rencontre sur toute sa carrière, l’ailier-fort n’a pas volé sa 13ème position dans le classement.
Après une petite recherche sur BasketBall Reference, ni d’une ni deux, Gus a été ajouté à la liste des portraits à rédiger.
Mesurant 198cm, celui que l’on surnommera “Honeycomb” n’avait pas anatomiquement l’étoffe d’un grand gobeur de rebonds. A titre d’exemple, Andre Iguodala est aussi grand que lui. Mais Johnson est musclé. Très musclé. Oscillant entre les 104 et 106kg, il est réputé pour sa puissance et ses grosses capacités athlétiques, lui ayant permis d’écrabouiller plus d’une matchup. A l’instar de ce que nous avons pu écrire pour David Thompson, Gus Johnson reste dans certaines mémoires pour sa détente hors norme. La légende raconte qu’il fût capable, à la Faculté, d’aller toucher un spot lumineux suspendu à 3m51 de hauteur. Elle énonce même que, ébahit, le propriétaire du bar au sein de laquelle la performance a été réalisée a enfoncé un clou à ladite hauteur, promettant de payer sa tournée à celui qui parviendra à égaler la performance. Bill Walton, du haut de ses 2m11, s’y collera en 1984. Sans succès.
L’ailier-fort passera 9 saisons aux Bullets, avant de rejoindre la ABA. Multiples fois All-star, il reste comme l’un des hall-of-famer les plus obscurs.
Retour sur la carrière léconnue de Gus Johnson au sein de ce 19è épisode du Magnéto.
Action !
Comme de nombreux joueurs déjà présentés dans le Magnéto (Neil Johnston, Jerry Lucas), Gus Johnson est originaire de l’Ohio, et plus précisément d’Akron, où il est né le 13 décembre 1938. Après une jeunesse somme toute classique, il intègre le lycée de Central Hower, où il formera avec Nate Thurmond, une raquette que l’on peut qualifier d’écrasante.
Malgré ses performances plus qu’intéressantes, Gus n’a reçu que très peu d’offres d’universités, ce qui était malheureusement assez fréquent pour les afro-américains à l’époque. Il intègre donc la petite faculté de Boise State. Après une seule saison, il déménage dans une autre université de l’Etat et rejoint les Vandals de l’Idaho. L’ailier-fort n’y effectuera qu’un seul exercice avant de se présenter à la draft. Mais quelle saison ! 19 points – 20 rebonds de moyenne avec un bilan de 20 victoires pour 6 défaites. Johnson marqua tellement l’histoire des Vandals qu’il en est désormais membre du hall-of-fame.
Sa saison monstrueuse ne suffira pas pour qu’il soit drafté au premier tour. Sélectionné en début de second round (10ème choix) par les Baltimore Bullets, l’ex-Vandals était tout désigné pour accompagner Walt Bellamy dans la raquette de la franchise du Maryland.
Gus Johnson mit très peu de temps à s’adapter au monde professionnel : il claque son premier double-double après 4 rencontres (19 points – 10 rebonds dans une victoire face aux Knicks), avant de réaliser sa première énorme performance deux matchs plus tard : 34 points – 16 rebonds, dans une défaite face à Saint Louis.
L’entière saison rookie fut une franche réussite. Si le bilan collectif est plus que mitigé (31 victoires pour 47 défaites), l’ailier fort termine, déjà, en double-double de moyenne : 17,3 points, 13,6 rebonds et 2,2 passes. A titre d’information, seuls 48 rookies ont terminé leur saison en double-double points / rebonds. Au 21è siècle, il ne sont d’ailleurs que 5 à l’avoir fait : Emeka Okafor, Dwight Howard, Blake Griffin, Karl-Anthony Towns et Deandre Ayton. Avec ses 13.6 rebonds par match, Johnson est le 15è meilleur rebondeur rookie de tous les temps. Notons également que parmi les 48 membres de ce club restreint, seuls Elgin Baylor (10è, 15 rebonds par rencontre) et Oscar Robertson (45è, 10,1 rebonds par match) sont plus petits que lui. Pour être tout à fait complet, notons qu’un seul rookie a terminé sa saison en double – double points / passes décisives : Mark Jackson, en 1987 – 1988.
L’inexpérience n’était d’ailleurs pas un frein pour Honeycomb, qui s’est même parfois comporté en All-star confirmé, proposant des lignes statistiques bien fournies :
- 18 décembre 1963 @ Detroit : 38 points à 77% au shoot, 10 rebonds, 9 passes décisives dans une victoire (+17),
- 04 janvier 1964 vs Philadelphie : 34 points, 29 rebonds dans une défaite (-10),
- 04 février 1964 @ New York : 40 points à 68% au shoot, 15 rebonds dans une victoire (+3).
Ces performances lui permettront d’être sélectionné dans la All-NBA Rookie Team aux côtés de Jerry Lucas ou Nate Thurmond.
Les objectifs de sa saison sophomore sont donc clairs : continuer à progresser individuellement et atteindre pour la première fois de sa jeune carrière la post-season. Et comme l’exercice précédent, la saison régulière de Gus Johnson est un vrai succès.
Les statistiques individuelles augmentent légèrement : 18,6 points par match, soit 1,3 point de plus inscrit par rencontre que la saison passée, 13 rebonds (-0,6) et 3,6 passes décisives (+1,4), ce qui est de bonne augure pour la suite de la carrière. Il inscrira notamment 41 points (accompagnés de 15 rebonds et 7 passes) dans une victoire face aux Lakers, ce qui sera, au moment des faits, son record en carrière. Il s’illustra également en fracassant le plexiglas d’un panier des Hawks, lors d’un dunk dont Shaquille O’Neal ne renierait pas la sauvagerie.
Sa ligne statistique fournie lui permettra d’accrocher pour la première fois de sa carrière une étoile à son maillot et de décrocher une place dans la All NBA Second Team. D’ailleurs, il n’est passé qu’à un cheveux d’être élu MVP du All-star game 1965. Bien que remplaçant, il fût le meilleur joueur de la conférence Ouest (25 points, 8 rebonds en 25 minutes), dont le come-back dans le dernier quart-temps (32 – 17) n’aura pas suffit à combler le retard : l’Est s’imposera 124 – 123 et Jerry Lucas fût nommé MVP.
Mais le plus important est ailleurs. Pour la première de leur histoire, sous ce nom, les Baltimore Bullets vont se qualifier pour les playoffs. Il s’avère effectivement que jusqu’à la fin de la saison 1962 – 1963, la franchise était basée à Chicago et portait le nom de Zéphyrs. La qualification revêt donc un aspect historique, quand bien même le bilan n’est que de 35 victoires pour 41 défaites, et qu’en face, les Hawks de Silas, Pettit et Wilkens partent avec les faveurs des bookmakers. Mais, comme le disent les vainqueurs, les statistiques sont faites pour être déjouées.
Ainsi, à la surprise générale, Baltimore ne fera qu’une bouchée de Saint Louis ; 4 rencontres, 3 victoires, et un ailier-fort sophomore qui remplit parfaitement son rôle de seconde option (15,8 points, 10,8 rebonds et 3,8 passes). Nous sommes le 30 mars 1965 et tout va pour le mieux pour les Bullets, qui ont rendez-vous avec les Lakers en finale de conférence.
A nouveau, l’armada de Los Angeles, composée de Jerry West et d’Elgin Baylor paraît largement supérieure à celle de Baltimore. Malheureusement, le premier d’entre-eux atomisera tout les espoirs des coéquipiers de Bellamy en réalisant 6 rencontres historiques. Avec ses 46,3 points de moyenne, West possède encore aujourd’hui le record de la moyenne de point par match dans une série de playoffs. Et on voit d’ailleurs mal qui pourrait, dans l’immédiat, venir lui piquer le record.
Et pourtant, malgré un West incandescent, Baltimore a chèrement vendu sa peau, pour finalement perdre 4 – 2. Les Bullets semblent lancés sur la bonne voie. La raquette Bellamy – Johnson est en plein force de l’âge (26 et 27 ans) et est bâtie pour dominer la Ligue. Mais, comme le disent les perdants, tout ne se passe pas toujours comme prévu.
Les saisons se suivent et se ressemblent. Gus Johnson est très régulier, peut-être même un peu trop. Il maintiendra, à quelques points près, la même moyenne de points tout au long de sa carrière. Il ne deviendra pas un véritable scoreur (20,7 points de moyenne, tout de même, en 1966 – 1967), et le front-office n’est jamais parvenu à bâtir un effectif suffisamment solide pour viser le titre NBA. Dès lors, la franchise alterne les saisons très décevantes avec les exercices encourageants, sans pour autant avoir un statut d’outsider.
La saison 1966 – 1967 sera d’ailleurs la meilleure de sa carrière. Honeycomb y dépassera donc, pour la seule fois de sa carrière, les 20 points de moyenne. Étrangement, cette amélioration au scoring est allée de paire avec une régression au rebond : 11,7 de moyenne. Ce qui ne l’empêcha pas de réaliser quelques performances de mammouths :
- 15 octobre 1966 vs Los Angeles Lakers : 36 points, 15 rebonds dans une défaite (-11),
- 28 octobre 1966 vs San Francisco : 33 points à 60% au shoot, 22 rebonds, 3 passes décisives dans une défaite (-1),
- 07 décembre 1966 vs San Francisco : 34 points, 18 rebonds, 3 passes dans une victoire (+10),
- 10 mars 1967 @ Chicago : 30 points, 21 rebonds, 3 passes dans une défaite (-17).
Malheureusement, toutes ces excellentes performances (et bien d’autres encore) sont entachées d’un problème important : le bilan collectif des Bullets est calamiteux. En effet, Baltimore va terminer la saison avec un petit total de 19 victoires pour 54 défaites. Il faut dire que le transfert de Bellamy en début de saison vers les Knicks, contre Jim Barnes, Johnny Egan et Johnny Green n’a pas facilité pas les choses. C’est d’ailleurs dans le transfert de Bellamy, jusqu’alors franchise player et leader offensif de la franchise, que l’on peut trouver l’explication de l’amélioration de Johnson au scoring.
Cet exercice raté aura un seul point positif : l’obtention du second pick de la draft 1967. En sélectionnant Earl Monroe, Baltimore va enfin pouvoir renforcer ses lignes arrières, et ainsi nourrir correctement Gus Johnson dans la raquette.
L’apport d’Earl the Pearl au collectif se fera immédiatement ressentir. La franchise remportera 10 victoires de plus qu’en 1967 et Johnson restera dans ses standards (19-13) : tout semble sur les bons rails pour enfin retrouver les Bullets au premier plan, malgré l’absence immédiate de playoffs.
A titre individuel, l’ailier-fort améliorera une nouvelle fois son record en carrière (44 points inscrit face aux San Diego Rockets) et réalisera sa meilleure saison en carrière au niveau de l’adresse (+ de 46% au tir). Ces belles performances lui permettront de regoûter aux joies du All-star game.
Il faudra attendre la saison 1968-1969 pour que Baltimore participe de nouveau aux joutes printanières. La saison de l’ailier-fort, elle, sera légèrement moins concluante que les deux précédentes (17,9 points de moyenne en 1969 contre 19,1 en 1968 et 20,7 en 1967), mais le bilan collectif progresse tellement qu’il sera de nouveau convié au match des étoiles.
Mais la malchance le frappera au pire des moment : alors qu’il attendait la post-season depuis 1966, il se blessera et assistera depuis les tribunes à la défaite des siens au premier tour : 4 – 0 contre les Knicks.
La saison suivante ressemblera grandement à la précédent : la ligne statistique est très similaire, la qualification en playoffs est décrochée, et la défaite est concédée face à New-York. Notons toutefois deux différences : Johnson décide d’abord d’axer son jeu sur la défense, profitant de sa génétique hors du commun pour se faire une place dans la All-defensive Team. Ensuite, il a pu, cette fois-ci, pu prendre part aux rencontres de playoffs. Cela s’est traduit, non pas dans le résultat, mais dans la manière : en lieu et place du sweep, Baltimore s’inclinera en 7 rencontres. Gus proposera une série de qualité, en tournant à plus de 18 points de moyenne par match (les moyennes de rebonds / passes ne sont toutefois pas connues). Les Knicks, eux, iront décrocher le premier titre de leur Histoire.
Après ce nouveau revers, de multiples questions se posent. Après l’échec de la raquette Bellamy-Johnson, le one-to-punch Monroe-Johnson pourra-t-il porter la franchise en Finales NBA? Maintenant âgé de 31 ans, accumulant les blessures, Honeycomb arrivera-t-il à remporter un titre avant la fin de sa carrière?
A posteriori, la saison 1970 – 1971 qui s’annonçait ressemble à celle de la dernière chance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Gus Johnson aura tout fait pour répondre aux attentes.
L’oscar de la saison 1970 – 1971
A l’aube de la saison 1970 – 1971, Baltimore peut se targuer d’être – enfin ! – un réel outsider pour une place en NBA Finals. Pour la première fois depuis de nombreuses années, le roster est complet. Un excellent trio s’est mis en place : vous connaissez les deux premiers noms : Earl Monroe et Gus Johnson. Ce que l’on n’a pas encore dit, c’est que le vide laissé par Walt Bellamy au poste de pivot a également été avantageusement comblé, par la draft de Wes Unseld en 1968. C’est donc avec l’assurance de voir sa raquette gober 30 rebonds par soir – a minima – que les Bullets se lancèrent dans la saison 1970 – 1971.
Honeycomb entre alors dans sa 8è saison dans la Grande Ligue. Il a, pour l’heure et malheureusement, connu plus de blessures que de résultats collectifs probants. En énorme compétiteur qu’il est, il ne mit pas longtemps à afficher ses ambitions. Le 20 novembre 1970, après 20 rencontres, les Bullets affichent 12 victoires au compteur. Mettons rapidement en avant sa 10è rencontre, disputée et perdue le 5 novembre 1970 sur le parquet des Blazers, au terme de laquelle Johnson affichait 43 points et 22 rebonds, pour ce qui est l’unique 40 / 20 de sa carrière.
Au final, après ces 20 premiers matchs, Johnson est sur les bases de sa meilleure saison : 19,4 points, 17,6 rebonds et 3 passes décisives de moyenne.
La moyenne au rebond est à souligner. Voire à encadrer. Adoptons, pour commencer, une vision large de la chose : dans l’Histoire de la NBA, il n’est arrivé qu’à 57 reprises de voir un joueur terminer une saison régulière avec au moins 17 rebonds. Cela ne s’est d’ailleurs plus vu depuis la saison 1993 – 1994 de Dennis Rodman. Avec la domination physique de certains intérieurs et un jeu uniquement concentré autour de la raquette, l’accomplissement était bien entendu plus fréquent entre 1950 et 1975. Au total, il n’y a que 13 joueurs différents qui peuvent se targuer d’avoir terminé une saison avec 17 prises de moyenne. Gus Johnson sera l’un des leurs. Il est l’unique joueur, avec Elgin Baylor (1m96) a y être parvenu sans afficher 2 mètres sous la toise.
Si l’on restreint le spectre, on s’aperçoit qu’individuellement parlant, Johnson réalise, et de très loin, sa meilleure saison dans l’exercice. Jusqu’alors, sa meilleure moyenne au rebond datait de l’exercice précédent, où il en prenait alors 13,9 par rencontre. La progression est d’autant plus fulgurante et remarquable, lorsqu’on constate qu’avant cela, en 1969, il sortait de sa pire saison dans la cueillette sous les cercles, avec “seulement” 11,6 rebonds par rencontre.
Nous l’avons dit, Gus a décidé, au tournant de la décennie, de recentrer son jeu autour de la protection de son propre cercle. Si la raquette Baltimorienne semble très sous-dimensionnée par rapport à celle de certains de leurs adversaires (Wes Unseld mesure tout juste 2m01), elle constitue tout de même le point fort du roster dirigé par Gene Shue.
Arrêtons nous rapidement sur les 22è et 23è rencontres de cette saison régulière, respectivement disputées contre Portland et à Boston. Elles constituent peut-être le plus grand écart jamais effectué par une seule et même franchise d’une rencontre à l’autre.
Ainsi, Portland fût littéralement écrasé : 156 – 104. Un écart de 52 points qui, s’il ne forme pas un record dans l’Histoire de la Grande Ligue (68 points d’écart entre Cleveland et Miami (148 – 80) le 17 décembre 1991) constitue tout de même une rouste mémorable. Une rouste au cours de laquelle Gus Johnson s’illustra, avec 24 points et 20 rebonds. Trois jours plus tard, au sein du toujours bouillant Boston Garden, Baltimore concéda sa 10è défaite de la saison : 153 – 107. Martyrisés par un John Havlicek exceptionnel, les Bullets concèdent ici la plus lourde défaite de leur Histoire. Avec, c’est à noter, un écart de 98 points entre les deux rencontres (de + 52 à -46).
Ces deux rencontres illustrent relativement bien ce que sera l’entière saison régulière des Bullets. Sans atteindre ces extrémités lunaires, Baltimore ne parvient pas à créer une véritable dynamique positive, et reste scotché dans le ventre mou de sa conférence. Ce n’est pas faute pour son ailier-fort de se démener des deux côtés du terrain. Par exemple, après avoir marché sur la raquette d’Atlanta (21 points, 21 rebonds, mais une défaite -4), Johnson ira laver l’affront subi quelques semaines plus tôt, en contribuant à la courte victoire des siens face aux Celtics (30 points, 28 rebonds, victoire +6). Il ne s’arrêtera pas si bon chemin, en enchaînant immédiatement avec 29 points et 22 rebonds face à Cincinnati (défaite -5).
Baltimore célébrera la Saint-Sylvestre avec un bilan positif (dans tous les sens du terme) de 22 victoires pour 16 défaites. A titre individuel, Honeycomb présente 19 points et 18,5 rebonds de moyenne sur la période, ce qui le place légitimement dans la plus belle des courses : celle du MVP.
La fin de la saison régulière sera plus poussive. Johnson sera, comme à son habitude, éloigné des terrains en raison de petites blessures. Il sera légèrement moins bondissant à son retour, ce qui se fit immédiatement ressentir sur les résultats collectifs : Baltimore s’inclinera à 10 reprises lors des 16 dernières rencontres de la saison, terminant avec un bilan à peine positif (cette fois-ci) : 42 victoires pour 40 défaites.
Gus, lui, devint l’un des 20 joueurs a conclure une rencontre avec au moins 30 points et 30 rebonds (31 points, 31 rebonds et 7 passes décisives, dans une victoire +7 contre les Rockets). Il fera preuve d’une régularité sans faille, et fût, à n’en point douter, le leader défensif de son équipe au cours des 67 rencontres auxquelles il a pris part.
Il termine ainsi son exercice 1970 – 1971 avec 18,2 points, 17,1 rebonds et 3 passes décisives de moyenne (45,3 % au tir). Grâce à ses performances, il obtient une place dans la All-defensive Team. Il sera également 10è du classement du MVP, pâtissant là de son bilan collectif tout juste passable.
Cette saison illustre à merveille ce que fût Gus Johnson tout au long de sa carrière. Parmi les “petits”, il est, juste derrière Elgin Baylor, le meilleur rebondeur de tous les temps. Sa moyenne de 17,1 rebonds est ainsi la 3è meilleure un joueur mesurant moins de 2 mètres. A la différence près que Baylor était au début de son prime lorsqu’il goba, coup sur coup, 19,8 rebonds (26 ans, 1960 – 1961) et 18,6 rebonds (27 ans, la saison suivante), là où Gus Johnson réalisa la performance à 32 ans, essoufflé et blessé.
L’exploit individuel ne doit néanmoins pas occulter le plus important : la chasse au titre. Puisqu’effectivement, malgré le bilan mitigé, Baltimore s’est qualifié pour les playoffs, en terminant 5è de la conférence Est.
Le premier tour les voit affronter les Sixers, emmenés par l’inusable Hal Greer, bien secondé par Billy Cunningham. Après une défaite inaugurale (126 – 112), les Bullets vont se remettre dans le bon sens de la marche, en remportant assez facilement les trois rencontres suivantes. Il faudra cependant 3 balles de match pour les voir composter leur billet pour les finales de conférence. En effet, loin d’être résignée, la ville de l’amour fraternel poussera Johnson et consorts à disputer un game 7 décisif, à l’issu duquel Honeycomb s’illustrera pour mettre les siens à l’abri (19 points, 17 rebonds et 8 passes décisives, dans une victoire +8).
Les finales de conférence nous offrent un énième duel entre Baltimore et New-York. Les Knicks, champions en titre, possèdent en leur rang une triplette exceptionnelle, formée par Willis Reed, Walt Frazier et Dave DeBusschere, et possèdent le meilleur bilan de la conférence (52 victoires, 30 défaites).
Vous l’aurez compris, les Bullets ne font pas figure de favoris. D’autant plus que Johnson manquera les deux premières rencontres, victime, une fois de plus, de ses genoux récalcitrants. Les deux premiers matchs se solderont par autant de défaites. Le retour de l’ailier-fort sera de courte durée, et son impact offensif sera limité. Ainsi, au cours de cette série, Gus ne disputera que les games 3 et 4, en scorant 9 points de moyenne. Mais peu importe ; avec lui sur le terrain, Baltimore a refait son retard, et égalise à 2 – 2 dans une série promise au plus grand des suspens.
Si New-York mènera 3 – 2, ce sont bien les hommes de Gene Shue qui iront disputer les premières finales NBA de leur Histoire. En face, c’est une véritable hydre à trois têtes, qui ferait presque pâlir celle des Knicks, qui se présente : les Bucks de Milwaukee, au sein desquels évoluent Lew Alcindor, Oscar Robertson et Bob Dandridge.
Sur le papiers, les Bucks sont immensément plus forts que les Bullets. Or, il est des fois où la logique théorique est suivie par la logique du terrain. Avec un Johnson qui ne jouera que 2 rencontres, et loin de pouvoir évoluer à son meilleur niveau, Baltimore s’inclinera 4 – 0. Si certaines défaites, selon les circonstances, laissent des regrets amers, celle-ci est si nette qu’elle ne peut laisser que de la résignation.
Après avoir frôlé du doigt le titre NBA, Gus Johnson repart pour ce qui sera alors sa dernière saison dans la petite ville de Baltimore. Lui qui fût si bondissant, si dominant, n’affichera plus jamais le niveau exceptionnel qui a été le sien en cette saison 1970 – 1971.
Le générique de fin
Pourtant, âgé de 32 ans, il aurait pu lui rester quelques saisons pour toucher le graal collectif. Après tout, il n’en était pas très loin. Il n’en sera rien ; cette défaite en finale NBA sonne le glas de la carrière de (très) haut niveau de Gus Johnson. Comme tant d’autres joueurs, c’est son corps, et plus précisément ses genoux, qui le trahiront, cette fois-ci définitivement. Jamais, dans sa carrière, il ne sembla être à 100 % de ses facultés, tant les pépins physiques lui ont, perpétuellement, gâché la vie. Nous recensons ainsi plusieurs saisons terminées avec moins de 50 matchs.
Il ne disputera que quelques rencontres, pari-ci par-là, lors de la saison 1971 – 1972, affichant un niveau méconnaissable : 6,4 points et 6 rebonds de moyenne en 39 matchs.
Un niveau qui poussa les propriétaires des Bullets à l’envoyer dans l’Arizona, aux Suns de Phoenix. Un trade qui est alors très mal vécu par le principal intéressé, qui avait donné sa vie sportive à sa franchise de toujours. “On ne transfert pas une légende”, comme a-t-on désormais coutume de le dire. Et pourtant, les propriétaires de Baltimore ne se sont pas gênés : la carrière NBA de Gus Johnson allait bel et bien se terminer à Phoenix, à quelques 3 750 kilomètres du Maryland.
Il formera, avec Connie Hawkins, une doublette impressionnante sur le papier, mais victime de quatre genoux en cartons. L’expérience tournera court, et en milieu de saison, Honeycomb quittera la NBA pour la petite soeur : la ABA. Il posera ses valises chez les Pacers d’Indiana, et y disputera 50 rencontres anecdotiques sur le plan individuel. Ce qui l’est moins, c’est qu’après 7 rencontres tendues, Indiana viendra à bout des Colonels de Kentucky pour remporter le titre de champion ABA.
Voici donc comment Gus Johnson termina sa carrière : avec 3 points et 7 rebonds, certes, mais surtout en soulevant le trophée collectif qui manquait tant à son palmarès.
L’heure est venue pour nous de donner la liste de ses accomplissements :
- Hall-of-famer, intronisé en 2010,
- All-NBA Team, à quatre reprises,
- All-star, à cinq reprises,
- All-defensive Team, à deux reprises,
- Champion ABA, en 1973,
- Numéro 25, retiré chez les Wizards et chez les Vandals
- 13è meilleur rebondeur de la NBA, à la moyenne de rebonds par rencontre.
Sa retraite sportive ne l’éloignera pas des terrains de basket, puisqu’il deviendra d’abord assistant coach (Pacers, Cavaliers, Kentucky), avant de se retrouver derrière les micros des Cavaliers, pour commenter les performances de sa ville de naissance au cours de la décennie 1980.
Gus Johnson s’est éteint le 29 avril 1987, en perdant son combat contre une tumeur au cerveau. En réponse, pour ses performances sportives et son dévouement, et en guise d’ultime hommage, les Bullets retireront son maillot. Désormais, lorsque l’on lève nos yeux vers le toit de la Capital One Arena des Washington Wizards, son numéro 25 flotte fièrement. Comme si, au final, Honeycomb n’avait jamais quitté sa franchise de toujours. Et au vu son déchirement au moment de quitter le Maryland, nul doute que, peu importe où il se trouve désormais, cela doit l’enchanter.
Crédits et hommages
Forcément, lorsque l’on traite d’un (excellent) lieutenant qui connût, qui plus est, ses heures de gloires dans les sixtees, il n’est pas aisé de mettre la main sur des hommages. Nous pouvons toutefois en mettre deux en avant.
A la fin de sa carrière, Gus Johnson déclara qu’il était persuadé qu’il allait, un jour où l’autre, intégrer le hall-of-fame. Ses paroles ont été suivies, lui qui fit partie de la cuvée 2010, aux côtés de Dennis, son homonyme, et de l’ensemble de la Dream Team de 1992. Quel plus bel hommage le basket américain aurait-il pu lui rendre ?
Le second hommage fût celui d’un joueur avec lequel Gus eu l’habitude de se frotter dans les raquettes : Dave DeBusschere. En 1971, les deux hommes ont fait la une du célèbre Sports Illustrated. L’occasion pour DeBusschere d’énoncer :
“Gus Johnson est le joueur le plus dur contre lequel je n’ai jamais joué. Et pourtant, il n’était jamais dirty”.
De quoi largement justifier son surnom : le nid d’abeille. Parce que son jeu était soyeux, virevoltant, comme un insecte en plein vol. Mais aussi parce qu’il ne fallait pas s’y frotter. Ou alors, à ses risques et périls.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64),