Il est des anniversaires que nous ne célébrons pas. A juste titre d’ailleurs. Toutefois, dans la vaste Histoire de la NBA, certains événements, certaines performances, mériteraient qu’on les salue de temps à autre. Par leurs aspects historiques, les uns ont façonné la Ligue que nous connaissons aujourd’hui. Les autres, à l’héritage plus léger, font simplement partis des meubles, et ressemblent surtout à des anecdotes à raconter entre le fromage et le dessert. C’est toute l’ambition de cette série : célébrer des anniversaires dont tout le monde se fout, mais qui vous donnerons de quoi épater la famille le dimanche midi.
Pour lire ou relire les épisodes précédents : le 24 mars 1989 de Charles Barkley : ici
Allons-y gaiement pour ce second épisode de Once Upon A Time in NBA.
Il y a des jours comme ça. Des jours où tout va bien. Vraiment bien. Parfaitement bien. Des jours où, peu importe ce que nous ferons, tout nous réussiras.
Le dimanche 2 avril 2013, l’un d’entre nous a vécu une journée comme celle-ci. Cela aurait pu être John Wall, qui a terminé sa soirée avec une solide ligne statistique (27 points, 8 rebonds, 9 passes) ou Kobe Bryant, qui, grâce à un triple-double fourni, écrase les Mavericks de Dirk.
Mais non. Pour cette énième soirée de la saison, toutes les lumières de la Grande Ligue seront tournées vers l’American Airlines Arena de Miami, et particulièrement vers la franchise qui se déplace en Floride. En effet, alors que nous sommes dans la toute dernière ligne droite de la saison régulière (74è match de l’exercice pour les deux franchises), le Heat, premier de la conférence reçoit les Knicks de New York. Si nous avons choisi d’aborder cette rencontre, c’est pour une bonne raison. Carmelo Anthony, portant alors la tunique bleue et orange, nous gratifiera d’une performance dantesque.
Pour contextualiser cette performance exceptionnelle, opérons un rapide focus sur Carmelo Anthony et sur la saison des Knicks. Après avoir porté les maillots des Nuggets, des Knicks, du Thunder et des Rockets, l’actuel ailier des Blazers est considéré comme l’un des meilleurs scoreurs de ces 20 dernières années. Il est, à l’heure actuelle, 17ème meilleur scoreur All-Time, devançant des légendes telles que Patrick Ewing, Reggie Miller ou Allen Iverson. Réputé pour ses grosses qualités de shoot, le joueur était, dans son prime, injouable en un contre un. Son Jab Step, devenu son move signature, est difficilement défendable.
La saison 2012 – 2013 est sa troisième à Big Apple. Entouré de Shumpert, JR Smith ou Tyson Chandler, il contribue à la très bonne saison des Knicks, 3è de la Conférence Est au moment d’aborder cette rencontre à Miami. La rencontre est néanmoins importante car les Pacers de Paul George devancent de 0,5 match les New-yorkais. Melo vise quant à lui le podium du MVP ainsi que le titre de meilleur scoreur.
Cette rencontre face aux Heatles de ses amis Dwyane Wade et LeBron James est donc le bon moment d’enfoncer le clou dans cette course. Malheureusement pour les spectateurs, le duo de MVP des finales ne participera pas à la rencontre. Assuré de terminer en tête de l’Est, Erik Spoelstra ne prend aucun risques pour ses futurs Hall-of-famer.
L’affrontement tant attendu entre les deux ailiers – amis – adversaires depuis leurs saisons rookies n’aura pas lieu. Mais cela n’empêchera pas Melo de rendre une feuille statistique digne des plus grandes performances. Dès le premier quart-temps, le numéro 7 montre qu’il est le meilleur joueur présent sur le parquet, n’en déplaise à Chris Bosh : 17 points, à 7/8 au shoot dont 3/4 à 3 points.
Lorsque l’on regarde les image, un mot vient immédiatement en tête : Facilité. Carmelo semble tellement en contrôle, scorant impunément et en toute simplicité. Car ce qu’il réalise est loin d’être facile. Il ne fait pas “que courir et dunker” comme dirait notre ami James Harden.
En 2min20 de jeu, toute la panoplie offensive du joueur y est passée : une isolation à mi-distance, un catch and shoot à 3 points et même un pull-up de derrière l’arc après avoir remonté soi-même le ballon. 8-0 pour les Knicks, 8 points de l’ailier, 3/3 au shoot.
Il inscrira 17 des 27 points de New York dans ce premier quart-temps. Cela semble impressionnant, mais pour l’ex-Nuggets, exceller en début de match face au Heat est une habitude. Lors des deux premiers face à face entre les deux franchises, il a terminé les 12 premières minutes d’effort avec 16 et 17 points. Mais cette fois-ci, ce n’est plus l’histoire de 12 minutes.
Le deuxième quart temps est souvent synonyme de repos pour les stars. Melo ne jouera en effet que 7 minutes, contre 12 lors du premier round. Cela ne l’empêchera pas pour autant de scorer 10 points, dont 5 lancers francs. Il terminera donc la première période à 27 points, à 75% au tir dont un très beau 4/6 longue distance.
Statistiquement, le match de l’ailier est déjà réussit. Néanmoins, le Heat d’un excellent Mike Miller (18 points à la mi-temps) domine le match de 8 points. Comment battre ce Miami ci ? Melo est au four et au moulin, a une réussite au tir sensationnelle mais cela ne suffit pas. Comment faire?
Les questions compliquées appellent souvent des réponses simples. La rencontre n’échappe pas à la règle : laisser le franchise player de Gotham être encore plus dominant.
Le troisième quart-temps est alors un nouveau récital. En plus de maintenir le Heat sous les 20 points, l’ex joueur de Syracuse réitère sa performance : 15 points, à 66% au shoot dont un 2/3 à 3 points.
Il débutera par 2 petits tirs mi-distance, puis un tir à 3 en catch and shoot. Après une nouvelle banderille longue distance de Shumpert, Anthony score (encore), permettant aux Knicks de revenir à 2 points des floridiens.
Et devinez qui permettra à Big Apple de repasser devant grâce à deux lancers-francs ? Et oui, c’est bien notre ami Carmelo. A la suite de quelques échanges de lead entre les deux franchises, le Heat laissera filer New-York..
Le dernier quart, copieusement dominé par New York verra Melo inscrire 8 petits points, sans forcer son talent. Il terminera donc la rencontre avec une ligne statistique incroyable : 50 points, à 18/26 au shoot (69%), 7/10 à 3pts (70%) et 7/8 aux lancers-francs (87%). Il ne faut pas oublier les 2 rebonds, 2 passes, le contre et l’interception.
La performance est déjà folle, mais ne s’arrête pas là. Carmelo Anthony n’a perdu aucun ballon. C’est le premier joueur depuis Brandon Roy en 2008 a conclure un match avec un tel total de points, sans perdre ne serait-ce qu’une balle. Depuis, d’autres joueurs ont réussis cet exploit : Giannis Antetokounmpo, Damian Lillard (à deux reprises), Klay Thompson, Kyrie Irving et … Carmelo Anthony, une seconde fois face à Charlotte, lors de son record en carrière qui pointe aujourd’hui à 62 points. Une petite liste de joueurs que l’on peut considérer comme sympathique. Au total, à l’heure où ses lignes sont écrites, réaliser un match à 50 points et 0 balle perdue n’est arrivé que 22 fois dans l’Histoire, donc deux pour l’ailier des Knicks. Seul Michael Jordan, excusez du peu, a réalisé la performances plus de fois (4).
A y regarder de plus près, on remarque que dans les 22 cas, les joueurs affichent au moins 51,5 % de réussite au tir. Au petit jeu de la précision, c’est Rashard Lewis qui remporte la palme, avec son 18 / 25 (72 %) le 31 octobre 2003 contre les Clippers. En seconde position, nous retrouvons le 2 avril 2013 de Carmelo Anthony, qui scora 50 points à 69,2 % au tir, dont 70 % derrière l’arc. Nous sommes donc sur le tableau suivant : 50 points inscrits sans perdre la balle et avec près de 70 % de réussite au tir.
Cela suffit déjà à faire de cette rencontre l’une des plus belles de la vaste carrière de l’ailier. Par contre, cela ne mériterait peut être pas d’en faire un article sur les performances historiques.
C’est que Carmelo Anthony ne s’est pas arrêté en si bon chemin ; l’analyse de sa shot chart fait basculer sa rencontre dans le surnaturel. Ainsi, il n’a inscrit aucun point dans la peinture. Et pour cause, il n’y a pris aucun tir. La totalité de ses points viennent donc de l’extérieur de la raquette, que ce soit par un shoot classique ou par des lancers-francs. Sur la shot chart ci dessous, il est plus facile de se rendre compte de la prouesse.
Nous ne sommes pas parvenus à trouver les shot chart de tous les autres joueurs qui ont conclu un match avec 50 points et 0 perte de balle. Nous avons néanmoins mis la main sur les 16 plus récentes (de Michael Jordan, le 6 novembre 1993 à Giannis Antetokounmpo, le 25 novembre 2019). Sur cette base, Carmelo Anthony est le seul joueur a avoir scoré ses 50 points en dehors dans la raquette. D’autres n’en étaient pas loin, comme Brandon Roy, Kobe Bryant et Michael Jordan, qui ont tous scoré 2 points dans la peinture au cours d’une de ces rencontres.
Sans tomber dans la divination, il y a fort à parier que le pivot dominant qu’était Moses Malone a scoré dans la raquette en cette soirée du 8 avril 1987, au cours de laquelle il scora 50 points, auxquels il ajouta 12 rebonds, sans perdre la moindre gonfle.
Reste donc en course trois performances de Michael Jordan et une de Reggie Miller, pour lesquelles nous sommes incapables de vous apporter plus de précision. Sachez que cela nous coûte énormément.
Le Knicks restera in the zone toute la fin de saison. Les 5 matchs suivants la rencontre face au Heat se solderont par 35 points ou plus de l’ailier, dont 4 à plus de 50% au shoot et 3 à plus de 60%. Dans les pas de son franchise player, New York en profitera pour récupérer sa place de dauphin de la conférence. Individuellement, il se placera troisième au classement du MVP derrière Lebron James et Kevin Durant. Il sera nommé meilleur scoreur de la saison avec plus de 28 points de moyenne inscrit.
Malgré toutes les critiques subies ces dernières années, Melo fait partie de cette caste suprême de pyromanes. Ceux, qui, une fois allumés, peuvent ne plus s’éteindre. Et ce 2 avril 2013, en plein Spring Break, Miami aura vu le temps de 48 minutes ce qu’était la chaleur New-yorkaise.