Après une année à observer attentivement, de mon PC ou de mes propres yeux, la progression de RJ Barrett, l’heure est arrivée à bilan. Après un debrief du début de carrière de l’ogre Zion Williamson, on s’attaque à son ancien coéquipier à Duke.
Alors que sa première saison dans la ligue arrive doucement à son terme, RJ Barrett demeure une énigme. S’il n’a pas donné assez de certitudes pour confirmer les énormes atteintes placées en lui, il ne faudrait peut-être pas l’enterrer trop vite. En cette période de confinement, il est temps de disséquer le Maple Mamba. Sortez vos scalpels.
La hype: des attentes démesurées ?
2014-2018 : High school et Team Canada
RJ Barrett est un nom que l’on connait depuis longtemps. C’est même sûrement le membre de la cuvée 2019 qu’on a connu le plus tôt. Oui, bien avant Zion. Si son nom émerge dans les milieux spécialisés draft dès 2014, c’est à l’été 2017 que le natif de Toronto crève l’écran du grand public. Son équipe du Canada se rend au Caire pour disputer le mondial U19.
Il sera grandiose dans ce tournoi dont il sera élu MVP. Il produira en demi-finale le meilleur match de sa jeune carrière, contre le voisin américain représenté par Cam Reddish, Josh Okogie, Kevin Huerter et PJ Washington, qui ont depuis rejoint la NBA. Son match est phénoménal, et permettra de sortir le favori américain, qui restait sur deux victoires de suite dans la compétition. Ses stats témoignent du chantier produit par RJ : 38 points, 13 rebonds, et 5 passes décisives pour une seule perte de balle. Ajoutez à-cela une très bonne réussite (12/24 aux tirs, 12/15 aux lancers-francs), pour 40 d’évaluation.
Dans ce tournoi, RJ Barrett a surtout montré sa capacité à être le primary ball-handler (le joueur qui porte le plus le ballon, créant le jeu pour lui ou pour ses coéquipiers) à haut-niveau. Il montre une capacité impressionnante au drive, inarrêtable lorsqu’il est lancé sur sa main gauche.
Même l’ajustement en défense de zone de la Team USA de John Calipari, pas le dernier et le moins expérimenté des coachs, ne suffira pas : RJ est sur un nuage.
Son toucher, à mi-distance ou au-delà de la ligne à trois points et ses mécaniques fluides laissent présager un bon avenir en tant que shooter dans la ligue.
RJ Barrett finit sa carrière au lycée avec une hype énorme, bien entretenue par ses monstrueuses performances internationales. Rajoutez à cela qu’il domine dans un des meilleurs programmes du pays, à Montverde en Floride. C’est aussi le filleul de Steve Nash, qui n’a jamais tarit d’éloge pour RJ, ce qui ne manque pas de déclencher des comparaisons absurdes. Il sort de high school comme la meilleure recrue du pays, devant un certain Zion Williamson et un certain Cam Reddish.
Le clair-obscur de Duke
RJ Barrett choisira de jouer sous Coach K à Duke. Avec Zion Williamson et Cam Reddish. Pas vraiment le meilleur moyen de diminuer la hype et les atteintes placées en toi. Le point positif, c’est que le jeune RJ sera au rendez-vous.
Immédiatement responsabilisé par Mike Krzyzewski qui lui confie la création offensive au poste 2-3, RJ brillera au côté d’un Zion parfois dominant, parfois blessé et parfois mal utilisé. Meilleur scoreur de Duke et de la prestigieuse conférence ACC avec 23 points de moyenne par match (45% aux tirs, dont 30% à 3 points), RJ Barrett montre l’étendu de son potentiel offensif et sa capacité à contribuer au niveau supérieur.
La jeune troupe de Duke tombera face aux Spartans de Michigan State lors de l’Elite Eight, au terme d’une March Madness décevante. RJ Barrett ne sera pas exempt de tout reproche, mais aura au moins confirmé son statut de top joueur dans la draft à venir. La plupart des scouts s’accordent à dire que le jeu plus espacé de la NBA le mettra davantage en valeur que le système de Coach K, dans lequel il cohabitait avec 4 joueurs qui n’étaient pas, pour le dire poliment, les meilleures des menaces extérieures : Tre Jones et son 26% à 3 points, Cam Reddish et son 33% sur 8 tentatives par match n’offrant sur les lignes arrières pas le spacing nécessaire aux qualités de drive de RJ, Zion Williamson et Javin DeLaurier n’offrant pour le coup aucun spacing aux postes 4 et 5.
La draft par les Knicks
Les New York Knicks, qui avaient pourtant le pire bilan de la ligue l’année passée, héritent du troisième choix de draft. Horreur et damnation chez les fans qui voyaient déjà Zion Williamson épauler Kevin Durant et Kyrie Irving en orange et bleu. Une place dans le top 3 est toutefois grandement intéressante : la draft 2019 présentent alors trois têtes d’affiche : Zion Williamson, RJ Barrett et Ja Morant, meneur sophomore de Murray State à mi-chemin entre Marsupilami, un chat et un excellent joueur de basket.
Pour les Knicks, c’est l’effervescence. Cette fois-ci, plus d’Européens aux noms imprononçables et, pour l’un, une loyauté contestable, pour l’autre, des qualités offensives encore à prouver, plus de paris risqués sur un joueur même pas moyen à Kentucky : les Knicks drafteront du lourd. Memphis jettera assez tôt son dévolu sur Ja Morant pour remplacer Mike Conley, et les Knicks choisiront donc assez logiquement RJ Barrett.
La dure réalité de la NBA : une première saison en demi-teinte
Barrett commencera sa carrière NBA par une Summer League satisfaisante, parfois même impressionnante. Il aura surtout montré une belle complémentarité avec son compatriote Ignas Brazdeikis et avec Mitchell Robinson. Son duel tant attendu avec Zion Williamson sera tellement explosif qu’il sera arrêté à cause d’un tremblement de terre.
En 55 matchs de saison régulière, RJ Barrett affiche des statistiques complètes, mais clairement en-deçà des attentes placées en lui.
Ses pourcentages au tir feraient cauchemarder son parrain Steve Nash, double résident du club des 50/40/90. Si il est inefficace sur la plupart des zones du terrain, deux en particulier remettent clairement le potentiel de RJ Barrett comme un attaquant sur lequel une équipe peut se reposer :
La première, c’est directement sous le cercle. C’est ici que Barrett concentre ses tirs, puisque son jeu est basé sur la pénétration. C’est donc pour le moins cocasse qu’il ait le pire pourcentage de la ligue (oui oui, de toute la ligue) sous le cercle. Son pourcentage se comprend assez aisément quand on regarde le niveau de difficulté de ses tirs. Selon NBA.com/Stats, il est le poste 2/3 qui prend le plus de tirs en étant défendu d’extrêmement près (un défenseur entre 0 et 60 centimètres) ou de près (entre 1,2 et 1,8m).
On pourrait alors se dire que, même s’il ne marque pas au panier, au moins, il provoque des fautes. Et c’est là qu’intervient le deuxième problème : RJ Barrett est, pour l’instant, un médiocre tireur de lancers-francs : 61% de réussite sur 4.5 tentatives par matchs. Son faible pourcentage aux lancers-francs est en plus un indicateur clairement négatif quant à sa marge de progression au tir extérieur, un secteur essentiel dans la NBA actuelle et où Barrett devra grandement progresser pour s’établir comme un top joueur.
Des circonstances atténuantes?
La jeunesse
La plupart des erreurs de RJ Barrett sont des erreurs dites « de rookie » : l’adaptation à la NBA, son rythme, sa physicalité, son arbitrage, est loin d’être aisée pour tout le monde. RJ Barrett ne déroge pas à la règle, tant les aspects de la grande ligue différent de ce qu’il a connu en NBA et en FIBA. C’est ainsi que, souvent, RJ apparait emporté par son élan, courant sans trop savoir où il va finir. Rien d’alarmant de ce côté-là : Ja Morant y est tout autant sujet pour son année rookie, tandis que Zach Lavine, pourtant presque all-star, n’a toujours pas réglé ce problème.
L’effectif des Knicks : Duke 2.0 ?
Vous le savez si vous avez lu mon article, je ne place aucune confiance dans la franchise des Knicks pour développer quelconque joueur. J’en suis persuadé, Zion Williamson drafté en bleu et orange serait aujourd’hui out pour les deux prochaines saisons et des ligaments croisés en moins, et Ja Morant serait une version plus athlétique de Johnny Flynn. Mais au-delà des difficultés structurelles de la franchise, il y a tout simplement la construction de l’effectif qui limite le développement et la production du joyau de l’Ontario.
RJ Barrett passe 80% de son temps de jeu avec Julius Randle. Rien d’alarmant sur le papier, mais sur le terrain, l’incompatibilité est criante. Randle offre au poste 4 très peu de spacing, utilise énormément de possessions en isolation (13ème plus gros volume de la ligue par match), et n’est pas le joueur sans ballon que Zion Williamson était pour RJ à Duke. Il n’apparait tout simplement pas comme le poste 4 idéal pour accompagner RJ Barrett.
Au-delà du seul Randle, la line-up la plus utilisée pour entourer RJ était cette saison : Frank Ntilikina, Marcus Morris (à remplacer par Reggie Bullock après son trade), Julius Randle et Taj Gibson. Rappelez-vous, RJ Barrett a besoin de spacing pour briller. On est donc vraiment loin de la line-up optimale, avec deux intérieurs qui n’existent que peu en dehors de la raquette et un meneur au tir extérieur encore inconsistant.
Des limitations physiques
Le plus frappant lorsque l’on regarde RJ Barrett jouer, ce son rythme, pour le moins lent. Les plus optimistes, Steve Nash compris, y voient une preuve de son contrôle et de la maturité de son jeu. Les plus réalistes y décèlent surtout son manque évident d’explosivité. Pourtant athlétique, Barrett est forcé à prendre des tirs ou des décisions loin d’être optimales en raison de ce manque cruel d’explosivité, latérale et verticale, comme le montrent ces deux vidéos :
Avec cette action, RJ Barrett devient officiellement le seul poste 2 de 19 ans à ne pas être capable de battre Paul Millsap en un-contre-un en 2020.
Parce qu’il n’arrive pas à créer de décalage sur le drive, RJ Barrett doit souvent tenter de s’en sortir avec des passes aux angles pour les moins suspects.
Un style de jeu qui ne le met pas en valeur
En plus de lui proposer un spacing plus que réduit, les Knicks privent souvent RJ Barrett des situations où il brille le plus : en tant que porteur de balle sur Pick and Roll et en transition.
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Un futur (très) bon joueur de pick and roll ?
Le playmaking a toujours été l’atout principal de RJ. Il a cette capacité à trouver le coéquipier ouvert spontanément, et à faire la passe juste. A la différence de joueurs comme Chris Paul, Luka Dončić ou LeBron James, ses passes sont nettement plus spontanées, plus improvisées, dans la mesure où il n’a pas (encore) la capacité de lecture du jeu des trois monstres susnommés. C’est en partie cela qui explique son nombre élevé de balles perdues et son nombre limité de passes décisives : RJ ne crée pas de lignes de passe, mais quand il en voit une, il en profite. Une improvisation à double tranchant, donc.
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Un potentiel énorme en transition
RJ Barrett est un avaleur d’espace en jeu de transition. Toujours tout en contrôle (donc lent), son profil physique lui permet de finir au cercle malgré le contact et il excelle dans le un-contre-un quand il est lancé. Que ce soit à la finition ou à la passe, c’est en transition que RJ m’a le plus fait vibrer cette année.
Cette action contre les Nets est peut-être mon passage préféré de RJ :
Sa capacité de passe sur Pick and Roll se retranscrit aussi en transition.
Après les nuages vient le soleil
Une bonne « fin » de saison
RJ Barrett a montré une belle progression après le all-star break et après avoir sévèrement heurté le fameux rookie wall en décembre. Davantage responsabilisé par Mike Miller et son staff à son retour de blessure, il a rendu quelques copies très propres qui laissent présager un avenir serein pour Gotham City. Que ce soit en tant que Batman ou en tant que Robin, voire en tant que troisième option (en tant que Batmobile ?), RJ Barrett devrait pouvoir apporter sur le long-terme chez les Knicks.
Une complémentarité avec les jeunes Knicks
L’aspect le plus prometteur du profil de RJ Barrett, c’est sa complémentarité avec les membres du young core des Knicks. L’ancien front office Mills-Perry a insisté sur la volonté de construire autour du duo Barrett-Mitchell Robinson, mais il n’est pas impossible que le nouveau front-office de Leon Rose inclut Frank Ntilikina à l’équation. Le Français a brillé avant l’interruption de la saison : sur les 6 matchs qu’il a joué au mois de mars, le Strasbourgeois a compilé 9,5 points avec une adresse tout à fait respectable (44/35/83), avec 3 passes décisives de moyenne en 20 minutes de temps de jeu. Surtout, son style de jeu complémente bien celui de RJ.
https://twitter.com/kaelinphoebe/status/1242244903918239755
Surtout, RJ Barrett et Mitchell Robinson ont montré par moment une connexion très intéressante, particulièrement sur Pick and Roll.
Si les Knicks arrivent à exploiter les forces de RJ Barrett, ils tiennent en lui un joueur qui pourrait aller chercher quelques sélections au All-Star Game. Il est pour l’instant difficile de lui prédire un avenir de joueur all-NBA ou de all-star évident, tant il a montré de lacunes sur cette première année, et tant son profil athlétique apparait comme une contrainte qui l’empêcherait de devenir le joueur qu’il semblait un jour pouvoir devenir. Il faudra donc faire confiance aux Knicks pour développer ce joyau. Et c’est peu dire que la franchise n’a récemment pas mérité cette confiance.
Merci pour vos articles la rédaction.
C est un plaisir de vous lire.
Son jeu me fais énormément penser à D. Wade époque Flash, mais contrairement à Wade il n’a pas ce premier pas rapide capable de battre n’importe quel défenseur. D’ailleurs ce défaut ce voyait depuis le College dans les fins de match tendus avec Duke (où il avait tout le temps la balle en main).
Vu son style de jeu je le vois finir comme comme Dennis Smith Jr et Monta Ellis; l’arrivé d’un prodige (Lamello Ball) qui a besoin de la balle qui va forcément l’éjecter.