Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre)
Le synopsis
Nous revoilà au milieu des années 2000. Après avoir traité la saison 2008 – 2009 de Yao Ming la semaine passée, revenons deux ans auparavant, pour évoquer l’exercice 2006 – 2007 à travers le prisme de Baron Davis. Il s’avère en effet que celui qui était surnommé, de manière très originale, le “baron”, était un des meneurs phares de la Grande Ligue au cours de la première décennie de notre siècle.
Né le 13 avril 1979 à Los Angeles, Davis doit sa rencontre avec la balle orange à sa grand-mère, qui l’a toujours poussé à jouer au basketball. C’est grâce à elle que l’adolescent qu’il était pu intégrer la très huppée Crossroads School, un lycée privé de Santa Monica qui possède une équipe réputée à travers le pays. Avec Baron Davis dans ses rangs, l’école va remporter un tournoi national, à l’issu duquel le meneur sera nommé MVP. Ses performances spectaculaires au cours de l’année 1996 – 1997, que ce soit au lycée ou dans certains événements nationaux (exemple d’un dunk contest, qu’il remporta alors qu’il était le plus petit des participants) lui attirèrent énormément de convoitises de la part des universités du pays entier.
Si Baron Davis était le plus petit de ce fameux concours de dunk, en tant que meneur, on ne peut pas pour autant le considérer comme étant sous dimensionné. Il mesure ainsi 1m91 sous la toile, auquel il ajoute 95 bons kilos. A son entrée dans la Grande Ligue, il présentait ainsi un physique assez similaire à celui de Russell Westbrook. Extrêmement puissant, le baron se servait de ses qualités naturelles pour attaquer le cercle. Il est encore aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs dunkers que la NBA ait connu. S’il ne tutoie peut-être pas Vince Carter, Julius Erving et autre Clyde Drexler, il usait de son incroyable explosivité pour écrabouiller tout ce qui se trouvait entre lui et le panier. Ce n’est pas Andreï Kirilenko qui dira le contraire.
Scoreur, et rebondeur relativement honnête, Davis était également un excellent passeur. Des qualités qui firent rapidement de lui l’un des meilleurs meneurs de la Ligue, au début du siècle. Ajoutez à cela une parfaite lecture des lignes de passes et une défense plus que correcte sur l’homme et vous obtiendrez un joueur complet, digne et capable de diriger son équipe en playoffs. Nous y reviendrons.
Action !
Duke, Kansas, Georgia Tech … A la sortie du lycée, plusieurs énormes programmes font de l’œil à celui qui est promis à un radieux avenir en NBA. Casanier, Davis choisira de rester dans sa Californie natale, en rejoignant UCLA, l’université de Los Angeles. Son recrutement reste d’ailleurs assez flou, comme celui de David Thompson chez les Wolfpack de North-Carolina State a pu l’être au milieu des années 1970. Il semblerait ainsi que sa première voiture lui fût offerte par sa sœur, qui l’acheta à Jim Harrick, le coach de l’équipe masculine de UCLA. Il n’en fallait pas plus pour alimenter les rumeurs d’un recrutement interdit. Toutefois, à l’inverse de North-Carolina State, UCLA ne sera jamais sanctionnée pour avoir attirée Baron Davis dans ses filets.
Le joueur évoluera au sein des Bruins durant deux saisons. S’il ne connaîtra pas les glorieux triomphes collectifs de ses prédécesseurs (11 titres NCAA entre 1964 et 1995), il saura toutefois mettre son talent en évidence. Tout avait pourtant mal commencé, avec une rupture des ligaments du genou lors de son année freshman. Une blessure horrible, surtout pour un joueur aussi rapide et explosif que ne l’est Baron Davis. Plus de peur que de mal, finalement, puisqu’il recouvrira l’ensemble de ses facultés très rapidement, et effectuera une seconde année universitaire de belle facture : 15,9 points, 3,6 rebonds et autant de passes, en 30,5 minutes de moyenne.
A l’issue de sa saison sophomore, il se présente à la draft 1999, au sein de laquelle nous retrouvons notamment Steve Francis, Elton Brand, Lamar Odom, Metta World Peace ou Emmanuel Ginobili. Au milieu de tout ce beau monde, Davis sera sélectionné en troisième position par les Charlotte Hornets, alors dirigés par Paul Silas. Ce même Silas en fera d’ailleurs une utilisation mitigée lors de sa saison rookie. Le baron est cantonné à un rôle de doublure de David Wesley, bien qu’il ait tout de même droit à 18,5 minutes par rencontre.
Un temps de jeu qu’il ne fera toutefois pas réellement fructifier du pur point de vue des statistiques. Au mieux, nous pouvons qualifier cette saison de timide. Ce n’est pas un scandale de dire que Davis n’est pas parvenu, en tant que rookie, à répondre aux attentes qui pesaient sur lui : 5,9 points, 2 rebonds, 3,8 passes décisives à 42 % au tir. A posteriori, on constate que c’est au cours de ce premier exercice qu’il affiche son plus faible usage % en carrière (18,9 %), mais aussi … son plus haut taux de turn over % (21,9 %). Concrètement, cela signifie que lorsqu’il était présent sur le parquet, il avait la balle en main 18,9 % du temps, et que pour 100 possessions jouées, il perdait quasiment 22 ballons.
Au final, même en analysant cette saison rookie rencontres par rencontres, il n’y a pas grand chose à se mettre sous les dents. Sa meilleure rencontre fût celle disputée le 10 mars 2000 contre de biens faibles Clippers (bilan de 12 – 49 avant la rencontre), où il afficha la ligne statistique suivante : 19 points, 2 rebonds, 7 passes décisives, 2 interceptions à 9 / 12 au tir. Le talent du gamin était réel, cette rencontre le prouve, mais il ne ressortait que trop peu. Collectivement, les Hornets furent toutefois solides, se qualifiant assez facilement en playoffs. Ils tombèrent au premier tour face aux Sixers d’Allen Iverson (3 – 1).
L’explosion n’allait plus tarder. A l’aube de la saison 2000 – 2001, Baron Davis est propulsé au poste de meneur titulaire, David Wesley étant décalé au poste 2 avec le départ d’Eddie Jones vers Miami. Toujours sous la houlette de Paul Silas, les Hornets proposent un jeu plutôt lent, ce qui n’est pas forcément pour plaire à leur meneur phare. Dans une époque où la PACE recommençait à frôler les 95 possessions par rencontre, Charlotte affichait le 24è rythme de jeu de la Ligue (89,5).
Désormais dépositaire majeur du jeu de sa franchise, Davis va, dès la première rencontre, battre son record de point : 20 points dans un blow-out contre les Hawks (victoire +24). Cependant, si nous avons eu l’occasion de louer, dans certains épisodes précédents, la régularité de Ming ou de Gugliotta, c’est bel et bien sous le signe de l’irrégularité que cette saison sophomore débute, tant individuellement que collectivement. Il est d’ailleurs possible, en y regardant de plus près, d’établir un lien de corrélation entre les prestations de Baron Davis et les résultats des Hornets. Cela se ressentait déjà au bout de dix rencontres : dès que le meneur score plus de 20 points, Charlotte gagne. La problématique, c’est que si ces pics au scoring sont de plus en plus fréquents, il arrive tout aussi souvent à The Beard de passer totalement à côté de son match :
- 3 nov. 2000 vs Miami : 21 points, 3 rebonds, 5 passes décisives, 2 interceptions, 1 contre à 7 / 14 au tir, dans une victoire (+4),
- 4 nov. 2000 @ New-Jersey (back-to-back) : 20 points, 5 rebonds, 6 passes décisives à 7 / 13 au tir, dans une victoire (+11),
- 9 nov. 2000 vs Seattle : 6 points, 1 rebond, 4 passes décisives à 1 / 3 au tir, dans une défaite (-8),
- 17 nov. 2000 vs Détroit : 6 points, 3 rebonds, 6 passes décisives à 1 / 9 au tir, dans une défaite (-7).
Des performances en dent de scie qui se ressentent donc sur les résultats collectifs (bilan de 4 – 1, puis de 4 – 6 après une vilaine série de défaites). Il en ira ainsi tout au long de cette saison, au cours de laquelle Charlotte fonctionnera majoritairement par séries. Directement après avoir sous-performé contre Détroit, Davis va réaliser le meilleur match de sa jeune carrière, en terminant pas si loin d’un quadruple-double inédit : 25 points, 10 rebonds, 8 passes décisives et 7 interceptions, dans une victoire contre ces mêmes Pistons.
S’il n’a pas beaucoup plus la balle entre les mains (19,2 %, contre 18,9 % la saison précédente), il est parvenu à en réduire les pertes (17 % de turn over %). Sur la lancée de sa rencontre probante contre Détroit, il réalisera ses deux premiers triples-doubles coup sur coup, dans deux nouvelles larges victoires.
Au final, les Hornets rejoindront les playoffs pour la seconde saison consécutive (record de la franchise égalé), en affichant un bilan légèrement inférieur à celui de la saison précédente : 46 victoires pour 36 défaites. Au premier tour, les frelons affrontent le Heat de Pat Riley, Tim Hardaway et Alonzo Mourning (50 – 32 de bilan). Et s’ils n’avaient pas l’avantage du terrain, les protégés de Silas ne vont pas faire dans la dentelle, en sweepant les floridiens (3 – 0). Un tour de force collectif (+26, +26 et +15) auquel Baron Davis n’est pas étranger :
Avec un temps de jeu moindre qu’en saison régulière (-2,3 minutes), le meneur s’est surpassé, en explosant au scoring. Il faut dire que ses taux de réussite au tir sont, de très loin, meilleurs que ceux affichés lors des 82 premières rencontres :
- 2 points : passage de 42,7 % à 55 %, tout en prenant 1,5 tir de plus par rencontre,
- 3 points : passage de 31 % à 40 % en prenant le même nombre de tirs,
- lancers-francs : passage de 67,7 % à 86,7 % (!) en en tirant sensiblement le même nombre.
Une masterclass au tir qui se ressentie forcément sur ses statistiques, et qui permis aux Hornets de rejoindre les Bucks de Ray Allen au second-tour. Encore une fois, Charlotte ressemble au petit poucet de la confrontation, face au big three extérieur du Wisconsin : Sam Cassell, Ray Allen et Glenn Robinson. La série sera bien plus compliquée pour le meneur. Pourtant, en saison régulière, Milwaukee lui avait plutôt sourie. Citons ici la rencontre du 17 février 2001, remportée par les frelons (+10), avec 21 points de son meneur. Un match au cours duquel Baron Davis inscrivit le panier le plus lointain de l’Histoire de la Ligue (89 pieds).
Et pourtant, malgré la petite forme de son meneur, et après deux défaites inaugurales, c’est bien Charlotte qui vire en tête après le game 5. Jamais la franchise ne fût aussi près de découvrir les finales de conférence. Las, après un game 7 accroché (29 points et 6 passes décisives pour The Beard), c’est bien Milwaukee qui compostera son ticket pour lesdites finales, disputées – et perdues – face à Philadelphie.
L’histoire entre Baron Davis et la franchise des Hornets durera encore trois saisons. Et si nous avons pu constater une nette amélioration de son niveau de jeu lors de sa saison sophomore, le meneur va profiter de la fin de son parcours à Charlotte pour entrer dans une nouvelle dimension : celle des All-star. Il obtiendra sa première étoile dès la saison 2001 – 2002, en remplaçant Vince Carter, blessé. Dis comme ceci, nous pourrions avoir le sentiment que sa sélection est galvaudée. Il n’en est rien. Alors âgé de 22 ans, Davis est un meneur plus que respectable, et se situe dans le second tier des postes 1 de la Ligue, derrière les intouchables Kidd, Nash et Iverson. Ainsi, en arrivant au All-star break, il affiche 19,1 points, 4,3 rebonds et 8,7 passes décisives par rencontre.
On s’aperçoit qu’en l’espace de trois saisons, il est parvenu à développer un jeu de passe qui frôle désormais le niveau “élite”. Du point de vue des chiffres, il terminera la saison en tant que 4è meilleur passeur, derrière Miller et Kidd, mais devant le vieillissant John Stockton. Si vous souhaitez vous faire une idée plus précise de la créativité du baron dans l’exercice de la passe, vous en retrouverez ci-dessous un petit florilège :
Au-delà de ses progrès dans la distribution du jeu, Davis est désormais un véritable scoreur, capable de prendre feu et de devenir une excellente seconde option offensive. Cette saison 2001 – 2002 en est le parfait exemple :
- 28 nov. 2001 @ Détroit : 38 points, 1 rebond, 4 passes décisives, 2 interceptions à 15 / 20 au tir, dans une victoire (+8),
- 3 janv. 2002 vs Golden-State : 28 points, 10 rebonds, 11 passes décisives à 9 / 16 au tir, dans une victoire (+12),
- 15 fév. 2002 vs Indiana : 38 points, 6 rebonds, 8 passes décisives, 2 interception, 2 contres à 10 / 17 au tir, dans une victoire (+10).
A l’issu de ce troisième exercice, Davis et ses frelons iront à nouveau visiter les demi-finales de conférence, en étant éliminés par les Nets, futurs finalistes NBA. Si les prestations individuelles du meneur laissent présager un futur chatoyant, il semblerait que le collectif ait du mal à passer un cap. Il faut dire que le roster manque cruellement d’une véritable superstar.
La franchise déménage la saison suivante, pour poser ses valises à la Nouvelle-Orléans. Un déménagement qui n’affectera en rien les solides prestations d’un Baron Davis bien déterminé à, enfin, disputer ses premières finales de conférence. Toujours aligné aux côtés de Wesley et de Mashburn, il reste une seconde option offensive de luxe, derrière ce dernier. Pourtant, pour la première fois depuis ses débuts en NBA, sa saison sera amputée par des blessures à répétition qui lui firent rater le mois de février. Il reviendra néanmoins à temps pour emmener les Hornets en playoffs, dans un premier tour qui se soldera par une défaite face aux Sixers. Après le game 4 (34 points, 2 rebonds, 7 passes décisives), Allen Iverson ne tarit pas d’éloges au sujet de son vis-à-vis, qui lui a mené la vie dure.
Arrive alors la saison 2003 – 2004, la dernière qu’il disputera sous le maillot bleu clair des Hornets. Il en profita pour faire des adieux en grande pompe, en réalisant ce qui se révélera être, au final, sa meilleure saison en carrière. A l’issu du premier mois de compétition, il est élu joueur du mois de la conférence Est. Une récompense qu’il obtint pour la première fois, et qui est légitimée non seulement par sa production individuelle hors norme, mais aussi par les résultats collectifs de frelons bien en jambe(s). Le meneur (all)star présente ainsi 25,1 points, 4,8 rebonds et 8,1 passes décisives de moyenne (11 victoires, 6 défaites). C’est désormais avéré : il fait parti de la caste des top meneurs de la NBA. Il continuera sur sa lancée jusqu’à la mi-janvier. Sa première blessure de la saison ne l’empêchera pas d’être sélectionné pour le All-star game pour la deuxième et dernière fois de sa carrière.
Avec plus de 23 points, 3,3 rebonds, 7,5 passes décisives et 2,4 interceptions (meilleur de la Ligue) par rencontre, il mène les Hornets – encore une fois – en playoffs. Mais avant que les joutes printanières ne commencent, il fait une incursion dans le top 10 du classement du MVP (10è ex-aequo avec Dirk Nowitzki), remporté par Kevin Garnett.
Après une élimination en sept matchs face au Heat du rookie Dwyane Wade, des tensions commencent à apparaître entre Davis et le coaching staff. Des tensions qui se poursuivront au début de la saison 2004 – 2005, au cours de laquelle le meneur sera envoyé en tribune à partir de la mi-janvier. Le divorce était acté, et B-Diddy sera transféré chez les Warriors de Golden State, contre Speedy Claxton et les restes de Dale Davis. Inutile de vous dire à quel point le trade était déséquilibré. Il est encore aujourd’hui considéré par certains médias comme l’un des cinq “pires transferts de l’Histoire”. Les Hornets s’en mordront les doigts longtemps, puisqu’ils ne verront plus les playoffs avant la campagne de 2010.
Davis, lui, termina donc sa saison chez les Guerriers de la baie, coachés par Mike Montgomery. S’il n’ira pas en playoffs, il se fera remarqué en terminant sa saison en véritable boulet de canon : 24 / 4,5 / 10 / 2,5 sur ses quinze dernières rencontres. C’est donc dans ce qui ressemble à une adaptation “vitesse grand V”, qu’il entame une saison 2005 – 2006 qui sera minée par de trop nombreuses blessures.
Voilà donc ce que fut le début de carrière de Baron Davis : une véritable montée de puissance, au point de devenir un meneur de tout premier ordre dans le paysage NBA. Néanmoins, il y a une ombre au tableau : le joueur semble être sujet à de trop nombreuses blessures. Oublions cette ombre le temps d’une saison, qu’il convient désormais de présenter en détail.
L’oscar de la saison 2006 – 2007
A l’été 2006 s’opère un changement majeur dans la franchise de Golden-State. Exit Mike Montgomery, qui laisse sa place d’entraîneur à Don Nelson. La révolution était en marche dans la baie de San Francisco. La légende également.
Pourtant, à l’aube de la saison, les Warriors n’ont pas forcément beaucoup de raisons de tendre vers l’optimisme. La franchise n’a plus connu les playoffs depuis son élimination au premier tour de la campagne 1994. C’est avec un roster pétri de talent, mais au sein duquel il manque une superstar que la saison démarre. Baron Davis se voit bien évidemment confier la mène. Le poste d’arrière est partagé entre le sophomore qu’était alors Monta Ellis et le plus expérimenté Jason Richardson. Le backcourt était donc très bien rempli, sur le papier. Mickaël Pietrus et son 1m98 tenait le poste d’ailier, alors que la raquette était d’abord composée de Mike Dunleavy et d’Andris Biedrins. L’effectif était donc homogène, c’est le moins que l’on puisse dire. Néanmoins, on peut facilement le deviner, il ne faut pas en espérer grand chose, collectivement, tant certaines franchises de l’Ouest (Mavericks, Spurs, Suns, Jazz) sont bien mieux armées que la bande de Nelson.
La saison commence pourtant sur les chapeaux de roue. Lorsque Davis se blesse pour la première fois, le bilan collectif est de 7 – 3, avec une série de 5 victoires consécutives en cours. Il faut dire que le jeu prôné par Don Nelson correspond – enfin – avec les qualités de son meneur phare : l’équipe court. Les Warriors galopent dans tous les sens, et affichent la plus forte PACE de la Ligue (99,2 possessions jouées par rencontre). Baron Davis distribue le jeu, et cela se ressent sur les statistiques de l’ensemble des titulaires, qui, tous sans exception, voient leurs moyennes statistiques augmenter. Par exemple, Pietrus réalise la meilleure saison de sa carrière, en dépassant les 11 points scorés par rencontre. B-Diddy, lui, profite des dix premières rencontres pour réaliser quelques cartons :
- 6 nov. 2006 @ Dallas : 26 points, 7 rebonds, 8 passes décisives, 2 interceptions, 1 contre, dans une victoire (+3). A noté qu’il a joué les 48 minutes de la rencontre,,
- 9 nov. 2006 vs New-Orleans / Oklahoma : 36 points, 4 rebonds, 9 passes décisives, 3 interceptions à 11 / 17 au tir, dans une victoire (+5),
- 16 nov. 2006 vs Sacramento : 36 points, 8 rebonds, 18 passes décisives, 3 interception, à 12 / 20 au tir, dans une victoire (+12).
Sa blessure, et son éloignement des terrains pour quatre rencontres, coïncident avec la première crise sportive rencontrée par les Warriors. Son retour n’y fera d’ailleurs pas grand chose. Ce n’est pourtant pas faute pour lui de mettre tout en oeuvre pour retrouver le chemin de la victoire (exemple des 38 points scorés le 22 décembre contre le Magic, record de la saison).
C’est avec un bilan légèrement négatif (14 – 15) que Golden-State fête Noël. C’est surtout avec l’optique d’accrocher une place en postseason que l’effectif se bagarre, chaque soir. Un effectif qui sera d’ailleurs complètement bouleversé à la mi-janvier, dans un blockbuster trade qui envoya Ike Diogu, Mike Dunleavy, Keith McLeod et Troy Murphy chez les Pacers, en échange d’Al Harrington, Sarunas Jasikevicius, Josh Powell et Stephen Jackson. Les arrivées d’Harrington et de Jackson dans l’effectif ne sont pas à négliger, puisque les deux joueurs, capables d’évoluer sur les ailes, affichaient plus de 15 points scorés par rencontre. C’est surtout une aubaine pour Don Nelson et son ultra small-ball avant-gardiste.
C’est donc avec un effectif totalement nouveau, mais toujours sans véritable concurrence à la mène, que les Warriors et Davis font leur petit bout de chemin dans cette conférence Ouest, en étant à la lutte avec plusieurs franchises pour décrocher un ticket pour les playoffs : Lakers, Clippers et Hornets, principalement.
C’est avec 20,7 points, 4,6 rebonds, 8,7 passes décisives et 2 interceptions (42,6 / 27,8 / 72,6 au tir) que le baron aborde le All-star Week-End, auquel il ne sera toutefois pas convié. On le voit, les moyennes statistiques restent très bonnes, malgré un tir plutôt aléatoire (au mieux).
Il se reblessera, et ratera l’intégralité du mois de février (décidément). Cette fois-ci, il loupera 13 rencontres, qui se soldèrent par 8 défaites. Nous sommes le 4 mars 2007. Golden-State est 10è de sa conférence, avec un bilan de 26 – 36. La franchise n’a plus remporté trois matchs consécutifs depuis … le 18 novembre 2006. Ce qui semble problématique, à l’heure d’entamer la dernière ligne droite avec 3 victoires de retard sur la 8è position, occupée par les Clippers.
La révolte est sonnée le 5 mars 2007. Si le livre n’était pas sorti … 52 ans plus tôt, nul doute que J.R.R Tolkien se serait inspiré du retour de Baron Davis dans l’effectif des Warriors pour nommer son troisième tome du Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi. Trêve d’exagération : comme galvanisés par le come-back de leur meneur, les hommes de Don Nelson vont effectuer une remontada que ne renieraient pas les aficionados barcelonais.
Il restait alors 20 rencontres à disputer dans cette saison régulière. Les Warriors, fidèles à leur nom, vont en gagner 15, avec une moyenne de 15 points d’écart. Ces succès se sont d’abord bâtis sur une défense retrouvée : jusqu’au 23 mars, la franchise n’encaissera jamais plus de 100 points (100 tout rond dans une victoire +17 contre les Mavericks). Ils se sont ensuite construits sur une attaque de folie, atteignant la barre des 110 points inscrits lors de chacune des dix dernières victoires. L’attaque, le run & gun furent les symboles de cette saison des Warriors. Et, disons-le, c’était incroyable à voir.
Rétrospectivement, le calendrier de Golden-State ne laissait pas présager une telle série de victoire. Lors des 20 dernières rencontres, les guerriers ont croisé le fer avec 5 franchises qui dominaient leur conférence (Détroit, Utah x2, Dallas x2, San Antonio x2 et Houston), ainsi que trois franchises qui se bagarraient encore pour une place en playoffs (Lakers, Clippers, Nuggets). Si les deux rencontres face aux Spurs se sont soldées par des défaites (dont un -37 à domicile), Dallas est passé deux fois à la moulinette, alors que Nowitzki et ses coéquipiers présentaient alors le meilleur bilan de la Ligue (67 – 15 !).
Résultat, au bout de l’exploit, Golden-State terminera 8è de cette conférence Ouest, avec un bilan similaire à celui des Lakers, 7è. Davis, lui, a disputé 63 rencontres, pour 36 victoires. Après son retour du mois de mars, son temps de jeu fut globalement restreint : passage de 37,5 minutes à 30,4 minutes. Fort logiquement, si l’on regarde simplement ses statistiques, nous avons le sentiment qu’il était moins performant. Il n’en est, en fait, absolument rien. Pour commencer, sa précision au tir fît un véritable bon : 47,3 / 36,6 / 79,2, atteignant enfin des standards au niveau de son talent. Ensuite, même si la statistique est tirée par les cheveux, voici les chiffres qu’il aurait présentés s’il avait continué à jouer 37,5 minutes : 23,2 points, 4,9 rebonds, 8,5 passes décisives et 3 interceptions. Un niveau d’All-NBA Team, à n’en pas douter.
Avec ce 8è spot, ce sont donc les Mavericks que Davis, Ellis et autre Jackson devront renverser pour accéder aux demi-finales. Jamais, dans un premier tour disputé au meilleur des sept matchs, une équipe ayant terminé 8è de la saison régulière était parvenue à renverser le premier de sa conférence. Jamais.
Et pourtant, Golden-State arrive en playoffs avec plein de certitudes (5 victoires consécutives, +21 de moyenne). Les trois rencontres disputées contre Dallas en saison régulière se sont soldées par autant de victoires. Alors, quand bien même Dirk Nowitzki sortait de 78 rencontres absolument effrayantes (il sera MVP), Don Nelson et les siens partaient confiants. Pas favoris, loin s’en faut. Mais confiants.
Jamais trois sans quatre, pourrait-on dire ; le premier match de cette série fût largement remporté par les Warriors, avec un B-Diddy des grands soirs (33 – 14 – 8 – 3). Mieux, après quatre rencontres, les guerriers sont aux portes de l’exploit, puisqu’ils mènent 3 – 1, après avoir gagné les deux rencontres disputées à domicile. La qualification, si elle devait avoir lieu, constituerait un accomplissement légendaire à double titre : non seulement, ce serait un upset comme on n’en a encore jamais vu, mais cela serait également la première incursion des Warriors en demi-finale de conférence depuis 1991.
C’est dire si ce game 5 revêtait un enjeu particulier. Et si Davis y a répondu présent, à l’instar de Piétrus, Richardson et Jackson d’ailleurs, Golden-State s’inclinera face à un Nowitzki fâché comme tout.
Cette défaite constitue peut-être un mal pour un bien. Le game 6 se dispute à l’Oracle Arena, dans une ambiance survoltée. Cette fois-ci, personne ne tremblera du menton, ni du poignet. S’il n’effectuera pas le match de sa vie, Davis prend tout de même le dessus sur le backcourt adverse. Nowitzki, lui, est à côté de ses pompes. C’est fait. Golden-State vient de signer l’un des plus grands exploits de l’Histoire de la Grande Ligue, en éliminant (4 – 2) l’ogre Dallas. La vidéo ci-dessous résume à merveille l’atmosphère qui régnait dans la salle :
Les demi-finales de conférence seront perdues face au Jazz (4 – 1). Pourtant, Baron Davis sera monstrueux (25,5 points, 2,5 rebonds, 7,6 passes décisives et 4,2 interceptions (!) de moyenne). Il sera surtout trop seul face au collectif huilé de Utah. Il laissera néanmoins un souvenir impérissable, en écrabouillant Andreï Kirilenko, contreur parmi les contreurs (deux saisons à +3 contres de moyenne) :
Cette équipe des Warriors 2006 – 2007 sera surnommée “We Believe”. Elle est la preuve que l’abnégation, la folie et le talent peuvent renverser des montagnes. Baron Davis, lui, a prouvé aux yeux de tous (encore une fois), que malgré ses blessures, il est un meneur d’exception. Menés d’une main de maître (de fou, aurait-on pu dire, tant Don Nelson coachait à contre-courant de ce qui se faisait alors) par un entraîneur culotté, Golden-State fût la darling de cette saison. Et, par la même occasion, conquit le cœur de l’ensemble des fans de la planète basket, en l’espace de 6 rencontres. L’exploit n’est pas mince, et l’Histoire est belle.
Le générique de fin
Comme trop souvent dans cette série, la fin de carrière des joueurs présentés est tronquée par les blessures. Baron Davis n’échappe malheureusement pas à la règle. Il évoluera encore 5 saisons en NBA, en ratant la bagatelle de 101 rencontres. Il signera chez les Clippers, à l’issu de son contrat, et d’une excellente saison (22 – 4,7 – 7,6). Il y évoluera deux saisons et demi, et pourra envoyer quelques lobs à Blake Griffin, qui fit ses débuts NBA en 2010. C’était un peu Lob City avant l’heure dans la Cité des Anges.
En février 2011, Davis fera (à nouveau) l’objet d’un trade rocambolesque. Alors que les Clippers sont à la peine, il est envoyé à Cleveland avec un premier tour de draft non protégé, contre Mo Williams et Jamario Moon. Rien de bien fou, me diriez-vous. Sauf qu’avec le first-pick en question (non protégé, rappelons-le !), les Cavaliers sélectionnerons … Kyrie Irving. Si l’on force le trait, les Clippers ont donc “échangé” Baron Davis et Kyrie Irving, pour attirer chez eux Williams et Moon. Ceci constitue également l’un des pires trades de l’Histoire.
Il ne jouera que 15 rencontres à Cleveland, avant d’être laissé à la porte, blessé et sans contrat. Il s’engagera finalement pour une dernière pige chez les Knicks, au sein desquels il disputera 29 petites rencontres, avec son fameux numéro 85. Il tirera sa révérence sur une seconde rupture des ligaments croisés, au game 4 du premier tour des playoffs 2012.
La liste de ses accomplissements est bien moins longue que celle d’autres joueurs. Mais ce n’était pas ça, Baron Davis ; c’était un style de jeu, une folie et un véritable bonheur pour les rétines. Au fond, le plaisir de l’avoir vu évoluer sur les parquet ne compte-il pas au moins autant que les accomplissements en carrière ? Nous serions même tenté de dire qu’il compte plus.
- All-Star, à deux reprises,
- Meilleur intercepteur de la saison, à deux reprises,
- All-NBA 3rd Team, en 2003,
- Top 20 à la moyenne des interceptions par match (1,83).
Crédits et hommages
Nous espérons qu’à travers ce portrait, vous avez pu vous faire une idée précise du joueur que fût, en son temps, Baron Davis. Et si vous pensez encore que tout ceci n’est qu’exagération, voici deux citations qui devrait achever de vous convaincre :
“C’est l’adversaire le plus dur contre lequel j’ai eu à évoluer”. Allen Iverson, 2015.
Nous l’avons dit, The Answer avait déjà eu l’occasion de flatter l’égo d’un B-Diddy en début de carrière. Manifestement, près de 15 années plus tard, la réponse n’a pas changé. Le mot de la fin revient à LeBron James, qui, alors sur le toit du monde (individuel), y est également allé de son compliment :
“Il est, de loin, le meilleur meneur de la Ligue actuellement”. LeBron James, 2007.
Cela ne ressemble pas à une sympathie de façade. Il faut dire que le passage de Davis chez les Warriors, au-delà de l’exploit collectif des We Believe, ressemble à une masterclass individuelle de 4 saisons. Dire qu’il fût tradé contre Speedy Claxton et Dale Davis …
Que dire de plus ? Quelque chose de très simple : bravo, et merci.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),