Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre)
Le synopsis
Bon. Par où commencer ? Yao Ming, ou 姚明 dans sa langue natale, est le genre de spécimen unique qui mériterait plus d’un épisode du Magnéto pour faire le tour de son histoire. Entre son physique hors-norme (quasiment 230 centimètres pour 141 kg), sa popularité gigantesque en Chine et le bouleversement qu’il a amené en atterrissant en NBA, un film complet pourrait être réalisé.
Mais aujourd’hui, nous allons condenser tout cela et tenter de réduire la vie de ce phénomène en quelques mots, en insistant sur son point fort : la balle orange. Car oui, si Yao est aujourd’hui vu comme un ambassadeur formidable de la Grande Ligue sur le territoire asiatique, il ne faut pas oublier quel basketteur incroyable il fût. Géant aux mains de velours, mais également aux pieds d’argiles, celui que l’on surnommera “la Grande Muraille de Chine” ne laissait personne indifférent sur les parquets.
Né à Shangai le 12 septembre 1980, le futur Hall-of-famer tombera dans le basket avant même sa naissance de façon assez… particulière. Nous y reviendrons très vite. Entre magouilles politiques, performances de haute volée et blessures briseuses de carrière, retour sur le parcours extraordinaire de Yao Ming, géant de l’Empire du milieu, dans le quinzième épisode du Magnéto.
Action !
Chine, fin des années 70 :
Alors que le pays est plongé depuis la sortie de la seconde Guerre Mondiale dans un régime totalitaire plutôt glacial, le gouvernement chinois a d’autres objectifs. Maintenant que la stabilité est de mise dans la contrée que l’on surnomme l’Empire Céleste, les dirigeants souhaitent exporter leur culture à l’étranger. Ce que l’on appelle “soft power” passe alors par différents aspects : nourriture, art, cinéma, mais également par le sport.
Je vous vois venir, vous demandant intérieurement “c’est quoi le rapport ?”, mais ne vous en faites pas, tout est lié. Yao Ming est l’incarnation même de ce soft power. Du début de sa vie à sa retraite sportive, tout semble être maîtrisé par les autorités chinoises.
Tout d’abord, il semble utile de revenir sur les rumeurs qui circulent autour de la naissance du géant. La conception de la future légende ne serait pas due à une relation classique, mais bien à un coup monté par le parti en place. Sa mère, qui mesurait 1m88, était la plus grande basketteuse du pays. Le paternel mesurait quant à lui plus de 2m05. Les dirigeants du régime auraient donc décidé de les pousser l’un vers l’autre afin de concevoir un bébé “exceptionnel”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mission fût accomplie.
Après une enfance somme toute classique, et grâce à des prédispositions naturelles plutôt avantageuses pour performer dans ce magnifique sport qu’est le basketball, Yao rejoint la CBA (Chinese Basketball Association) en 1997. Il a alors 17 ans. Au sein de la franchise de sa ville natale, les Shangai Sharks, il montrera très rapidement qu’en plus d’un physique, il possède un jeu plus que soyeux. Il devient vite un élément essentiel de l’équipe, tournant à plus de 20 points de moyenne dès sa seconde saison professionnelle. Malgré un titre de MVP en 2000-2001, son exercice le plus impressionnant restera le suivant, lorsqu’il obtiendra le titre suprême en tournant à plus de 32 points par match.
Mais avant cela, alors âgé de 20 ans, Yao participera à ses premiers Jeux Olympiques, lors de l’édition se déroulant à Sydney en 2000. Ce sera la première de ses 3 participations. Mais revenons en à ce qui nous intéresse, la NBA.
Après 5 saisons passées à écraser la concurrence dans son pays, Yao décide d’exporter son talent de l’autre côté du Pacifique. Mais tout cela ne se passera pas aussi simplement que prévu…
Vous étiez prévenus ; la vie de Yao voit régulièrement s’entrelacer sport et politique. L’histoire de sa draft en est une nouvelle preuve. Li Yaomin, manager général des Sharks, a tenté dès 1999 d’envoyer son protégé aux Etats-Unis. Cependant, durant près de trois saisons, des histoires de clauses, de contrats et autres affaires financières bloquent son inscription. Une fois valablement inscrit pour la cuvée de 2002, un bras de fer entre la “Team Yao”, la NBA et la CBA débute. En effet, la Fédération chinoise a peur que le géant ne puisse, ou ne veuille pas rejoindre la sélection nationale pour les compétitions internationales. Elle menace donc la Grande Ligue de ne jamais laisser son joueur rejoindre la franchise qui jetterai son dévolu sur lui. Les franchises prennent peur, et un cercle vicieux se créé.
Mais vous vous doutez bien que si nous vous racontons son histoire aujourd’hui, c’est qu’une solution a été trouvée ! La Team Yao réussira à faire pression sur les Rockets, obtenant un accord sur la sélection au first pick du joueur, condition exigée par la CBA pour laisser partir le pivot.
Voici donc ce que fût la vie de Yao avant qu’il pose ne serait-ce qu’un orteil sur un parquet NBA. Mouvementée, non ?
***
30 octobre 2002, “Conseco Fieldhouse” – Indianapolis, Indiana
Après des années d’attente, la Grande muraille de Chine effectue enfin ses débuts au sein de la NBA. Et quels débuts ! Face à Jermaine O’Neal et les Pacers durs au mal des années 00’s, Yao Ming sera … transparent. Il galérera, énormément : aucun point, un seul petit tir tenté, et deux rebonds.
Cette cinglante contre-performance continua d’alimenter les sceptiques, qui étaient nombreux. La NBA du début des années 2000 n’était pas encore aussi polyglotte qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il était alors difficilement concevable qu’un international soit sélectionné en first pick. D’autant plus quand il est asiatique, continent pas franchement réputé pour ses prodiges du basketbal. Lorsque l’on voit le traitement réservé à Doncic lors de sa draft, par certains “analystes” outre-atlantique, il est bien simple d’imaginer ce que le géant chinois dû subir.
Lorsqu’on parle de critiques et de joueurs internationaux, Sir Charles Barkley n’est jamais très loin. C’est ainsi que l’ancienne gloire des Suns et des Sixers déclara, avec le culot qui le caractérise tant :
“S’il (Ming) parvient à scorer 19 points en une rencontre, j’embrasse les fesses de Kenny (Kenny Smith, son collège commentateur)“.
Il n’aura pas longtemps à attendre. Dès son 8è match, face aux Lakers, Yao inscrira la bagatelle de 20 points à 100% aux shoots, accompagné de 6 rebonds. Il n’en fallu pas plus à Kenny Smith pour amener un âne sur le studio de TNT. Beau joueur, Barkley s’exécutera, dans une scène désormais mythique.
Malgré les nombreux détracteurs, sa saison rookie sera plus qu’intéressante. Il placera dès le 21 novembre la barre de son career high à 30 points, dans une défaite face aux Mavericks d’un autre international, Dirk Nowitzki.
Ses 13,5 points – 8 rebonds de moyenne lui permettront d’être nommé pivot dans la NBA All Rookie First Team, aux côtés de Stoudemire, de Caron Butler ou Nene Hilario.
Mais quelques semaines auparavant, à la surprise générale, la grande muraille de Chine s’invita au All-Star Game, dès sa première saison dans l’élite. Rookie et All Star ? Cela n’est arrivé que deux fois au 21è siècle : Yao Ming en 2003, et Blake Griffin en 2011.
Le plus impressionnant concernant cette sélection est le lobbying réalisé par ses compatriotes chinois. En effet, à cette époque, la sélection d’un joueur dans le 5 de départ reposait uniquement sur le vote des fans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le pivot des Rockets en a bien profité : il est, encore aujourd’hui, le seul joueur non-américain a avoir été placé en tête des votes par les fans.
Malheureusement, Houston échouera aux pieds de la huitième place et aux portes de la post-season. Néanmoins, la saison est plus que satisfaisante : la franchise texane remporte 15 matchs de plus que la saison précédente, leur permettant de faire passer le bilan en positif (28 à 43 victoires).
Pour vous familiariser (ou redécouvrir) un peu plus la palette technique du joueur, voici les highlights d’une excellent prestation face aux Lakers :
https://www.youtube.com/watch?v=rrHizFV34yU
Tout semble donc orchestré pour que les fusées deviennent rapidement un contender sérieux pendant de longues années. Dès l’exercice 2003-2004, la totalité de la NBA attend donc Houston et son pivot au tournant.
Accompagné de ses lieutenants Cuttino Mobley et Steve Francis, les premières rencontres de Ming de la saison répondent, cette fois-ci, aux attentes. Individuellement, le pivot enchaîne les matchs solides, sans réellement créer d’exploit(s) : sur les trente premières rencontres, il ne descendra qu’une fois sous les dix points, mais ne dépassera pas la barre des 23 non plus (pour une moyenne de 15 points et 9 rebonds). Il réussira cependant son premier 20 – 20 en carrière (22 points, 20 rebonds, 4 contres dans une victoire à Detroit). Collectivement, les performances des Rockets sont plutôt encourageantes : 16 victoires pour 14 défaites sur ce laps de temps.
Le reste de la saison ressemblera fortement à la précédente, avec les améliorations liées à l’expérience accumulée dans la Ligue. Voici quelques une des meilleures lignes statistiques de The Dynasty :
- 25 janvier 2004 @ Orlando : 37 points à 65% au tir, 10 rebonds dans une victoire (+12),
- 22 février 2004 vs Atlanta : 41 points (career high) à 71% au tir, 16 rebonds et 7 passes dans une victoire (+2),
- 15 mars 2004 vs Phoenix : 29 points à 68% au tir, 19 rebonds et 6 contres dans une défaite (-2).
Cette nouvelle saison prometteuse (17,5 points – 9 rebonds – 1,9 contre par match) lui permettra d’obtenir un nouveau ticket pour le All-star game, ainsi qu’une place de choix dans la raquette de la All NBA Third Team, aux côtés de Dirk Nowitzki, Baron Davis ou Ron Artest.
De plus, les Rockets sont enfin de retour en playoffs, après quatre campagnes d’absence. Ils ont réussi à accrocher une septième place bien méritée vue la saison proposée. Mais un ogre à 4 têtes se présente face à eux : en effet, Houston tombe dès le premier tour contre les Angelinos Purple and gold de certains joueurs biens connus : Shaquille O’Neal, Kobe Bryant, Gary Payton et Karl Malone.
Face au meilleur pivot de la ligue à cette époque, le jeune Yao tiendra bon. Il terminera même la série en 15 points – 7 rebonds, ce qui est juste en dessous de ses moyennes de saison régulière. Il maintiendra également Shaq à des performances plus que moyenne, même si le Big Diesel jouait en trottinant.
Les Rockets ne feront pas le poids et subiront un gentleman sweep organisé par un Black Mamba en grande forme. Mais ce n’est que partie remise, tant l’avenir de Yao semble brillant.
Et cet avenir brillant, le monde entier va en être témoin dès l’été suivant. Lors de sa seconde participation aux Jeux Olympiques, à Athènes. Ming n’est plus le jeune pivot timide de l’an 2000. Il vient en tant que bête surdominante dans le monde FIBA. Malgré un collectif défaillant, qui empêchera la Chine de viser plus haut, la superstar réalise des jeux époustouflants.
Il termine troisième meilleur scoreur de la compétition avec plus de 20 points par match, et sera nommé meilleur rebondeur avec 9 prises par rencontre. On se souvient notamment de sa performance éblouissante face à la Nouvelle-Zélande : 39 points – 13 rebonds. Si elle est marquante, la prestation globale sera toutefois éclipsée par celle des argentins, qui réaliseront l’exploit de triompher des américains pour remporter le titre suprême.
De retour dans le Texas, les attentes en sont plus que grandes. On compte sur une montée en puissance du pivot chinois, conjuguée avec l’arrivée de Tracy McGrady (qui a également eu le droit à son épisode du Magnéto juste ici). Les étoiles semblent alignées pour propulser Houston sur le devant de la scène.
La saison, dans son ensemble sera néanmoins plutôt décevante. Les statistiques de Yao restent plutôt semblables à l’exercice précédent : une place dans la All NBA Third Team, une cinquième place laissant présagée un exploit lors de la post-season et enfin une élimination lors d’un game 7 dramatique face aux Mavricks (défaite de 40 points).
Rendez vous donc en octobre 2005. Le numéro 11 des Rockets s’apprête alors à entamer sa quatrième saison aux Etats-Unis.
Cet exercice sera marqué par deux aspects, l’un plutôt positif, l’autre beaucoup moins. Tout d’abord, cette saison régulière sera l’une des meilleures statistiquement de la grande muraille : premier exercice complet en double – double et plus de 20 points de moyenne pour la première fois de sa carrière. Néanmoins, derrière chaque monstre biologique se cache une fragilité certaine. La saison 2005 – 2006 marquera ainsi le début des ennuis physiques pour Yao. Il manquera 25 matchs cette année-ci. Ce n’est malheureusement que le début des galères.
Les 57 bons matchs disputés ne suffiront pas à Houston pour obtenir un spot en playoffs. Comme les années précédentes, le sentiment prédominant au Texas est la déception.
En parlant de bons matchs, voici les cinq lignes statistiques les plus marquantes de la saison du pivot :
- 24 février 2006 vs Golden State : 22 points, 21 rebonds et 2 contres dans une victoire (+3),
- 08 mars 2006 vs Indiana : 38 points à 66% au tir, 10 rebonds et 5 contres dans une victoire (+4),
- 13 mars 2006 vs New Jersey : 36 points à 52% au tir et 9 rebonds dans une défaite (-13),
- 15 mars 2006 vs Dallas : 36 points à 70% au tir et 12 rebonds dans une défaite (-14),
- 31 mars 2006 vs Washington : 38 points à 60% au tir, 11 rebonds, 3 passes et 2 contres dans une victoire (+2).
Les deux saisons suivantes seront du même acabit, avec un tout petit plus de réussite sur le plan collectif. C’est pourtant le même scénario qui se répète inlassablement : grosse saison régulière du pivot (25 – 9 de moyenne en 2006 – 2007, puis 22 – 10 en 2007 – 2008), blessures inquiétantes (seulement 48 puis 55 matchs disputés), et élimination au premier tour des playoffs face au Jazz dans les deux cas.
First | Last | G | GS | MP | FG | FGA | FG% | 3P | 3PA | 3P% | FT | FTA | FT% | ORB | DRB | TRB | AST | STL | BLK | TOV | PF | PTS | GmSc | +/- |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2006-11-01 | 2006-11-29 | 15 | 15 | 35.5 | 9.0 | 16.5 | .544 | 0.0 | 0.0 | 7.7 | 9.1 | .847 | 2.2 | 7.9 | 10.1 | 1.7 | 0.5 | 1.7 | 3.8 | 3.4 | 25.7 | 18.9 | 4.1 |
Et la seconde en janvier 2008, avec des chiffres toujours semblables :
First | Last | G | GS | MP | FG | FGA | FG% | 3P | 3PA | 3P% | FT | FTA | FT% | ORB | DRB | TRB | AST | STL | BLK | TOV | PF | PTS | GmSc | +/- |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2008-01-02 | 2008-01-29 | 13 | 13 | 37.8 | 8.7 | 16.0 | .543 | 0.0 | 0.2 | .000 | 7.7 | 9.2 | .840 | 3.5 | 8.2 | 11.6 | 2.4 | 0.3 | 1.9 | 3.5 | 2.8 | 25.1 | 20.3 | 4.8 |
Le pivot sent sa fin de carrière arriver. A la manière d’un Gandalf aux mines de la Moria, il souhaite réussir sa sortie (qui n’en est pas vraiment une dans le film). C’est pour cela que l’exercice 2008 – 2009 est d’une importance capitale pour l’ère Ming aux Rockets.
L’oscar de la saison 2008 – 2009
Pékin, août 2008 :
Durant toute la décennie 2000, Yao est LE représentant sportif de la Chine, aux côtés du hurdler Liu Xiang. C’est donc tout logiquement que le pivot a été désigné porte-drapeau par sa patrie. Nous avons donc décidé de leur emboîter le pas, et de le nommer oscar de l’exercice 2008 – 2009.
Revenons en aux Jeux Olympiques. Comme à Athènes, le monstre physique écrase la concurrence. Il terminera le tournoi en 19 points (2nd meilleur scoreur du tournoi) – 9 rebonds (3ème meilleur rebondeur) – 1,5 contre (4ème meilleur contreur), ce qui, dans un environnement FIBA, correspond à des statistiques plus qu’impressionnantes.
Ses prestations, une nouvelle fois excellentes, amèneront sa nation jusqu’à la huitième place, ce qui constitue meilleure performance de l’histoire du pays (comme en 1996 et 2004). Après les joutes FIBA, le voici de retour dans le Texas en pleine forme. Et comme chaque année, l’espoir est permis. Notamment cette saison, au vu de l’effectif complet que le coach Rick Adelman a à sa disposition.
En effet, en plus du duo McGrady – Ming, les fusées comptent dans leurs rangs Luis Scola, Metta World Peace ou encore Shane Battier et Aaron Brooks.
L’exercice commence même plutôt bien. Dès la seconde rencontre de la saison, le chinois inscrit 30 points à 73% au tir et gobe 13 rebonds dans un derby face aux Mavericks.
Après 20 rencontres, les Rockets affichent un bilan prometteur de 13 victoires pour 7 défaites. Très rapidement, Yao devient le seul capitaine à bord du navire. Son camarade McGrady se retrouve en effet de plus en plus régulièrement convalescent. Il jouera simplement 35 matchs cette saison-ci, dont son dernier en février.
Sans l’arrière superstar, la grande muraille de Chine endosse son costume de franchise player et réussit une saison tout simplement éblouissante.
L’une des caractéristiques première pour le définir est sa grande régularité. Sur cet exercice, ses performances au scoring en sont un parfait exemple : seulement 3 petits matchs en dessous des 10 pions, simplement 7 au dessus des 30, et une multitude de matchs entre 15 et 25 points.
Mais si l’on se penche mois par mois sur les lignes statistiques de Yao, la constance ressort d’autant plus :
- 29 octobre 2008 – 30 novembre 2008 : 17 matchs joués : 17,8 points à 50% au tir, 9,2 rebonds et 1,6 contre,
- 03 décembre 2008 – 31 décembre 2008 : 15 matchs joués : 22,7 points à 53% au tir, 10,2 rebonds et 2 contres,
- 02 janvier 2009 – 31 janvier 2009 : 13 matchs joués : 18,4 points à 59% au tir, 9,1 rebonds et 1 contre,
- 03 février 2009 – 28 février 2009 : 11 matchs joués : 20,9 points à 56% au tir, 9,6 rebonds et 2,3 contres,
- 01 mars 2009 – 28 mars 2009 : 14 matchs joués : 18,6 points à 54% au tir, 10,7 rebonds et 2,7 contres,
- 01 avril 2009 – 15 avril 2009 : 7 matchs joués : 20,3 points à 56% au tir, 11 rebonds et 2 contres.
Si l’on excepte le mois de décembre 2008, au cours duquel Ming était plus fort que jamais, l’ensemble de sa saison semble suivre le même fil directeur, et le pivot reste toujours dans les mêmes standards. Avant de rentrer sur le parquet, on connaissait en avance ce que produira le pivot : gros rebonds, scoring délicat et contres de qualités. Il est également important de souligner l’apport conséquent du pivot aux lancers francs, lui qui affiche 86 % de réussite cette saison, pour 5,7 tentatives (83% en carrière).
Néanmoins, un aspect de son jeu lui collera toujours à la peau : malgré sa grande taille, le joueur était réputé comme étant “soft“. Ce caractère est d’autant plus renforcé depuis le début de la saison : on constate qu’il provoque près de trois lancers-francs de moins par rencontre. Or, dans chaque sport, l’agressivité (prise dans son acception positive) est primordiale pour dominer. Elle peut parvenir à compenser quelques difficultés techniques. L’inverse n’est pas aussi vrai. Yao Ming, lui, possédait une technique de velours. Toutefois, il est des cas où l’agressivité lui faisait cruellement défaut. En voici un exemple, où le géant chinois fût contré par Nate Robinson, qui mesurait … 55 centimètres de moins !
Il y a fort à parier que s’il avait été moins “soft”, Yao Ming aurait eu une carrière encore plus belle, et surtout plus proche de son talent. C’est souvent l’apanage des géants : de peur de faire mal, ils se retiennent. Ce qui peut être vu comme la plus élémentaire des politesses dans la vie courante est aperçu, sur les parquets, comme un manque d’agressivité.
Pourtant, malgré l’absence de McGrady sur les derniers mois de compétitions, les Rockets réussirent à s’installer confortablement à la cinquième place de la conférence, juste derrière les Lakers, Nuggets, Spurs et Blazers et devant les Mavericks, Hornets et le Jazz.
Yao Ming terminera la saison avec une ligne statistique flatteuse : 19,7 points à 54% au tir, 9,9 rebonds, 1,9 passe décisive et 1,9 contre.
Ses performances collectives liés à son bon rendement individuel lui permettront d’intégrer la All NBA Second Team aux côtés de Chris Paul, Brandon Roy, Tim Duncan et Paul Pierce.
Mais la saison n’est pas finie. Houston est de nouveau confronté à son vieux démon : le premier tour des playoffs. Les Rockets restent ainsi sur six éliminations lors des six dernières participations à ce stade. Il s’agirait d’enfin regoûter au bonheur de remporter une série.
Ce sont les Blazers d’Aldridge, Batum et Roy qui se présentent dans le Texas pour se mesurer à Ming et ses coéquipiers. Les deux équipes se sont affrontées à trois reprises en saison régulière, pour deux victoires de Houston. A l’exception de la troisième rencontre (21 points, 12 rebonds), Ming n’a jamais brillé, cette saison, contre la franchise de l’Oregon. C’est d’ailleurs cette dernière qui possède les faveurs des bookmakers, bien que sur le papier, la confrontation semble être serrée.
La première rencontre est un blow-out. Le quatuor Brooks – Metta World Peace – Scola – Ming est trop fort pour le seul Brandon Roy, et Houston l’emporte avec 27 points d’avance. Son pivot, lui, fit ce qu’il savait faire de mieux : 24 points, 9 rebonds et 2 contres. La vapeur s’inverse toutefois dès le game 2. La superstar des Blazers inscrit 42 points à 55% au tir, tandis que Joel Przybilla contiendra Yao à 11 petits points. 1-1 dans l’Oregon, retour à Houston.
Le game 3 fût également compliqué pour le pivot, mais, dans un match très défensif, les Rockets obtiennent la victoire (86 -83). Ils feront même le break dans la série lors de la seconde rencontre au Toyota Center. Ming est performant et finira la rencontre en 21 -12. Houston mène 3 – 1, avec la sensation que, pour la première fois depuis des lustres, les demi-finales de conférence sont à sa portée.
Le game 5 ressemble au dernier baroud d’honneur de Portland. En effet, aux termes d’une sixième rencontre maîtrisée (+16), ce sont les Texans qui arracheront leur qualification pour le tour suivant. Il s’agit ici d’une première depuis … les finales de conférences de 1997 !
Néanmoins, malgré la qualification, il est un élément qui peut laisser perplexe : les performances de Ming sont en-deçà de ses habituels standards. Elles ne sont en effet ni bonnes, ni réellement mauvaises.
First | Last | G | GS | MP | FG | FGA | FG% | 3P | 3PA | 3P% | FT | FTA | FT% | ORB | DRB | TRB | AST | STL | BLK | TOV | PF | PTS | GmSc |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2009-04-18 | 2009-04-30 | 6 | 6 | 36.0 | 6.0 | 10.7 | .563 | 0.0 | 0.0 | 3.8 | 4.2 | .920 | 1.5 | 9.2 | 10.7 | 0.8 | 0.3 | 1.2 | 1.5 | 2.8 | 15.8 | 13.5 |
Toute la Rockets Nation espère donc le voir performer lors du second tour face aux Lakers de Kobe qui s’annonce grandiose. Le message semble être compris : dès la première rencontre, le ton est donné. La muraille se fâche, et les Lakers partent au tapis : 28 points, 10 rebonds, 2 contres et la victoire arrachée au Staples Center, pour ce qui sera un premier choc dans la série.
Les deux franchises quittent LA à 1-1 après un show Kobe (40 points dans le game 2) et Houston conserve toutes ses chances de qualification.
La troisième rencontre – la première à Houston – est donc décisive. Malheureusement, elle ne tournera pas dans le bon sens. En plus d’une cinglante défaite, les Rockets voient leur pièce maîtresse se blesser gravement au pied. Une blessure qui lui fera manquer les dernières rencontres de la série. Houston fera d’ailleurs mieux que vendre chèrement sa peau : sans ses deux franchises player, les Rockets iront perdre en 7 matchs, après avoir fait douter les Lakers jusqu’au bout. Los Angeles ira néanmoins décrocher le titre NBA.
Pour Ming, cela ressemble à la blessure de trop. Nous ne le savions pas encore, mais nous venions d’assister à la dernière saison du pivot chinois. Comme trop souvent, dans le Magnéto, la fin de carrière des joueurs choisis ressemble à un long calvaire. Le joueur n’a pourtant que 28 ans.
Ainsi, cette saison 2008 – 2009 sera le dernier témoin de la domination de Yao Ming, dont toute l’existence sera, finalement, peu commune. Le géant aura eu droit à sept saisons NBA pour montrer aux yeux de tous que le continent asiatique pouvait, lui-aussi, créer (et c’est le cas de le dire, ici) des basketteurs légendaires.
Le générique de fin
Avec cette blessure au pied, Ming sera absent des parquets pour l’ensemble de la saison 2009 – 2010. Alors âgé de 29 ans, la légende continua sa rééducation en espérant potentiellement revoir le Toyota Center un jour. Et ce jour arriva.
Le 26 octobre 2010, après un an et demi d’absence, Yao Ming est de retour. Néanmoins, l’euphorie durera 15 jours. Cinq petites rencontres plus tard, lors d’une rencontre lambda à Washington, The Dynasty rechute. Définitivement cette fois-ci. Les 6 petites minutes passées sur le parquet du Verizon Center seront ses dernières en carrière.
Ming prendra donc sa retraite à 30 ans. Cela peut paraître très jeune, mais lorsque l’on mesure près de 2m30, maintenir un rythme d’effort physique acharné pendant de nombreuses années est très complexe. Quand bien même, il reste au fond de la gorge de tous fans de basket un goût amer : celui de l’inachevé.
Et c’est ainsi que s’éteint l’œuvre du pivot. Il restera dans les annales de la Ligue comme la première star asiatique à avoir foulé un terrain américain, et également comme l’un des What if de la décennie 2000 les plus intrigants (un épisode lui a même été consacré par notre cher Val’ : ici).
Ses statistiques en carrière resteront plus qu’honorables : 19 points à 52% au tir, 9,1 rebonds et 1,6 passe décisive et 1,9 contre en 486 rencontres. Un nombre de matchs très faible, qui ne l’empêchera pas d’être nommé au Hall-of-fame en 2016. Il est ainsi l’une des trois légendes de la NBA a avoir obtenu cet hommage ultime tout en ayant disputé moins de 500 rencontres. Il rejoint deux autres pivots emblématiques : Bill Walton et George Mikan.
Malgré ses blessures, son palmarès n’en reste pas moins impressionnant :
- une sélection dans la NBA All-Rookie First Team en 2003,
- trois sélections dans la All-NBA Third Team en 2004, 2006 et 2008,
- deux sélections dans la All-NBA Second Team en 2007 et 2009,
- 8 sélections pour le NBA All-Star Game en 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2011,
- Champion de CBA avec les Sharks de Shangai en 2002.
- Maillot retiré à Houston (numéro 11),
- Hall-of-famer, intronisé en 2016.
Les Rockets accrocheront en effet le numéro 11 tout en haut du Toyota Center en février 2017, quelques mois seulement après son intronisation au Hall-of-fame aux côtés de Shaquille O’Neal et Allen Iverson (cuvée plutôt sympathique).
Si aujourd’hui la NBA arrive à engendrer un maximum de bénéfices en Asie (malgré les efforts de Daryl Morey pour tout gâcher), c’est en grande partie grâce à Yao Ming. Après sa carrière de joueur, il continuera à jouer les ambassadeurs et les négociateurs entre son pays et la grande ligue.
Yao Ming est un personnage. Il est de ces joueurs qui n’ont pas besoin de jouer 15 saisons pour impacter profondément cette ligue. En quelques années, il aura réussi à convaincre tous les sceptiques, à démocratiser son sport dans sa nation et à performer sur les parquets. Tout cela en nous régalant.
Et c’est à ça qu’on reconnait une légende.
Crédits et hommages
“Yao était très agile. Il pouvait être intérieur, il pouvait être extérieur, et s’il n’avait pas eu ces blessures il aurait pu être dans les cinq meilleurs pivots de tous les temps”.
Cette citation sortant tout droit de la bouche du Shaq est assez symbolique de ce que nous avons conté dans cet épisode. Yao possédait une dextérité technique hors norme, et sa une carrière qui aurait pu être exceptionnelle. Malheureusement, comme tant d’autres avant, et après lui, il fût fauché par les blessures.
Pour conclure, voici une dernière citation, venant cette fois-ci de Kareem Abdul Jabbar :
“Peu de joueurs ont jeté un sort sur le jeu comme Yao Ming l’a fait, que ce soit avant ou après lui”.
L’impression de sort jeté nous semble parfaitement trouvée. Car c’était ça Yao Ming, un magicien de la balle orange. Il a su envoûter un pays de plus d’un milliard d’âmes, avec ses mains et son footwork. Il a même ensorcelé deux des cinq meilleurs pivots de l’Histoire de ce sport. Toutefois, le magicien mesurait 2m29. Et manifestement, aucune magie n’est parvenue à le faire courir plus longtemps. Au grand dam de tous.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97),