Maubeuge, Février 2020 4.38 a.m.
Ne s’agissant pas du titre du dernier opus de Vincent Del., vous vous posez certainement la question que tout le monde pourrait se poser : “mais que peut-il se passer à Maubeuge, en Février, à 4 du’ ?”.
Et bien, nous assistons à un échange entre deux personnes, que nous nommerons George et Paul, par souci d’anonymat.
Si George et Paul sont levés à cette heure-ci, c’est parce qu’ils sont en train de regarder Golden State-Atlanta.
Dès lors, vous vous posez (aussi) certainement la question que tout le monde pourrait se poser : “mais que peut-il se passer entre les Warriors et les Hawks, en 2020 ?”.
Rien.
Précisément rien.
C’est la raison pour laquelle cette situation nous intéresse.
Lorsque l’on est un amateur de la balle orange, cela implique parfois (outre les cernes et l’addiction au café) de subir l’insoutenable morosité de matchs sans intérêt à des heures pas possibles, mais me direz-vous, “quand on aime, on ne compte pas!!!”.
On ne va pas se mentir, on compte quand même un peu. On compte d’ailleurs particulièrement sur un/des amis, pour partager ces moments, et ainsi alimenter moult débats, autour du match mais bien sûr de manière plus holistique. C’est le moment que choisissent Paul et George, pour proférer ces paroles, cette rengaine, cette madeleine de Proust du média basket :
- Paul : “Non mais t’as vu ce stepback ? Sérieux, Young, c’est le nouveau Curry!!!!”
- George : “Arrête, il y a pas de nouveau Curry, par contre Wiggins, depuis qu’il est chez les Warriors, y’a pas des airs de Drexler ?”.
Je vous laisse quelques minutes pour éponger votre brutal saignement de nez, en debriefant ce qu’il vient de se passer.
Nous avons tous été marqués par les Légendes du Game, à des intensités variables, et dans des contextes extrêmement divers. Il est un exercice périlleux et délicat, de tenter de hiérarchiser ces légendes. Vous m’accorderez cependant, que tous, autant que nous sommes, avons cette irrépressible, impérieuse tendance à comparer, attribuer les qualités d’un aîné, aux acteurs principaux de notre sport favori.
Vous noterez également qu’il est, de manière empirique, assez rare de constater une telle propension à chercher des héritiers dans d’autres domaines que le sport. En effet, avez-vous déjà entendu, dans votre cadre professionnel, quelqu’un dire : “Ah non, mais franchement… Théo, c’est le futur Gilbert de la compta’!!!”. Ce serait donc la passion qui pousserait à ce type de comparaison.
Que nous le fassions, nous profanes passionnés, n’a pas franchement de grande conséquence ; en revanche, lorsque la presse, les scouts, les joueurs, adoptent cette tendance… Au travers de cet article, je m’attacherai à vous présenter quelques joueurs pour lesquels, le poids de cet héritage supposé eut des conséquences énormes, sur la suite de leur carrière.
Le propos de cet article sera donc, sur le modèle des All-NBA Teams, de proposer (par définition de manière subjective) un starting-five des joueurs pour lesquels la hype a été haute, jusqu’à être comparés à de grands joueurs, sans pour autant parvenir à franchir réellement le pas. Entendons nous bien : il ne s’agit pas d’établir un classement des pires busts de l’Histoire du basket, mais uniquement ceux dont le profil a été, de manière récurrente, comparé à d’anciennes stars de NBA (ndlr: autre précision, ces nominations pour la All-Failed Legacy Team sont aussi subjectives que des votes pour Trae Young en tant que starter d’un All Star Game).
ALL NBA FAILED LEGACY FIRST TEAM :
Niveau scouting, tu peux pas test!!!!
P.G : Jimmer Fredette
(né le 25 Février 1989). 1.88m/88kg
– Drafté en 10ème position en 2011 à sa sortie de BYU par les Milwaukee Bucks, traded aux Sacramento Kings.
– 241 matchs NBA entre 2011 et 2019 (Kings, Bulls, Pelicans, Knicks, Suns) : 13,3 min/match, 6pts à 40,9% au shoot, 37,2% à 3pts, 1,4asts,
– 2 saisons en CBA (Ligue chinoise) entre 2016 et 2018 pour les Shangaï Sharks : 82 matchs, 40,8min/match, 37,2pts à 41% au shoot, 40,5% à 3pts, 7,5rbds, 4,8asts,
– Cette saison : 24 matchs (au 22 Février) pour le Panathinaïkos en Euroleague, 22min/match, 13,7pts à 53% à 2pts et 43,4% à 3pts, 2,3rbds, 1,9pds.
Le leader offensif, le meneur de jeu, le joueur étant supposé être l’organisateur de ce Cinq de Rêve (brisé) fut comparé, dans les mois précédents la Draft 2011 à des références du jeu NBA :Steve Nash, Deron Williams et Stephen Curry.
La comparaison, avec le recul, est assez difficile. Comprenez bien, les stats brutes ne sont pas déshonorantes, même pour un joueur drafté en loterie. Ce qui heurte le plus chez Fredette, est le fossé abyssal entre les attentes, l’enthousiasme, et la production, associée à l’attitude du joueur. En 2010-11, pour son année de Senior College, Fredette est élu NWC Player of the Year, il est meilleur scoreur de la NCAA à 28,9pts/match. Il apparaîtra rapidement qu’il n’avait ni les aptitudes physiques, ni la dimension psychologique requises pour tenir le rythme de la NBA.
Après être allé glaner un titre de MVP soliste en CBA, il retenta sa chance en 2018-2019 aux Suns, sans succès. Il joue cette saison en Euroleague au Panathinaïkos d’Athènes, dans un rôle de shooteur pur/carte blanche, exempté de tâches défensives et servi à la perfection par l’ancien meneur des Grizzlies Nick Calathes.
S.G : DeShawn Stevenson
(né le 3 Avril 1981), 1.96m/99kg
– Drafté en 23ème position en 2000 par le Jazz de Utah, en provenance de Washington Union (lycée)
– 824 matchs NBA entre 2000 et 2013 (Jazz, Magic, Wizards, Mavericks, Nets, Hawks) : 22.3 min/match, 7.2pts à 40.6%.
– Champion NBA en 2011 avec les Mavericks de Dallas.
Lorsqu’on observe le parcours de Deshawn Stevenson, rien ne semble scandaleux. Effectivement, un joueur sorti du lycée, selectionné en fin de premier tour et ayant joué plus de 10 saisons en contribuant en tant que role player, tout en parvenant à décrocher une bague mériterait de voir son parcours qualifié d’honorable… Ce qu’il est. L’argument qui justifie la présence de M. Stevenson dans cette catégorie (j’omets volontairement les écarts de comportement), est la comparaison, alors au lycée, avec Michael Jordan…
S.F : Adam Morrison
(né le 19 Juillet 1984), 2.03m/93kg
– Drafté en 3ème position en 2006 par les Charlotte Bobcats, à sa sortie de Gonzaga,
– 161 matchs NBA entre 2006 et 2010 (Bobcats, Lakers) : 20.4 min/match, 7.5pts à 37.1% au tir, 1rbd, 0.5ast,
– Post lock-out 2011, 2 saisons en Europe à l’Etoile Rouge de Belgrade et au Besiktas Istanbul,
– Champion NBA 2009 et 2010 avec les Los Angeles Lakers.
Avant d’aborder directement la comparaison, il est important de préciser que la trajectoire de carrière de Morrison a été biaisée par des problèmes de santé importants. Outre sa rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche à l’aube de la saison 2007-08 (saison sophomore donc, qui devait faire suite à une saison rookie prometteuse, récompensée par une All-Rookie Second Team), le joueur souffrait d’un diabète insulino-dépendant, peu compatible avec les exigences métaboliques en lien avec le basketball professionnel.
Un gâchis donc, pour Adam Morrison, top scoreur de NCAA en 2006 (avec J.J. Redick), joueur de l’année WCC, des cartons avec Gonzaga, une intelligence de jeu au dessus de la moyenne, des capacités athlétiques interéssantes et une comparaison osée avec… Larry Bird.
P.F : Andrea Bargnani
(né le 26 Octobre 1985)
– Drafté avec le 1er choix par les Toronto Raptors en 2006, alors au Benetton Trevise,
– 550 matchs NBA, entre 2006 et 2016 (Raptors, Knicks, Nets) : 28,7 min/match, 14.3pts à 44% au tir, 35.4% à 3pts, 4.6rbds,
– Euroleague Rising Star en 2006 / All Rookie First Team en 2007.
Probablement le joueur avec le CV le plus reluisant de cette 1st team. Premier choix de draft en 2006 (même Draft que Morrison), l’intérieur italien a toujours bénéficié d’une grande confiance de la part des équipes dans lesquelles il a pu évoluer. Une saison 2010-11 en trompe-l’oeil, à plus de 20 points de moyenne par match, au cours de laquelle il avait été dans les discussions pour le All Star Game.
Ce profil longiligne, scoreur pur, plutôt lent, avec un intérêt relatif pour la défense. Un mécanisme de tir avec un peak assez haut, une capacité à réaliser des fadeaway sur un pied. L’année de sa Draft et sa provenance (Europe) ont orienté vers une comparaison avec Dirk Nowitzki, le Wunderkid, qui venait de décrocher son titre de MVP. Bargnani sera avant tout une énorme déception, il terminera sa carrière par quelques matchs à Vitoria, avant d’entamer une reconversion… atypique.
C : Greg Monroe
(né le 4 Juin 1990)
– Drafté en 7ème position en 2010, par les Pistons de Detroit, en provenance de Georgetown,
– 632 matchs NBA entre 2010 et 2019 (Pistons, Bucks, Suns, Celtics, Raptors, Sixers) : 27.7 min/match, 13.2pts à 57.4%, 8.3rbds, 2.1asts,
– NBA All Rookie 2nd team en 2011,
– Cette saison, 21 matchs pour le Bayern Munich en Euroleague, 24min/match, 11.9pts, 6.7rbds, 2.5asts.
Au même titre que Bargnani, les adeptes de statistiques brutes, sans considérer la globalité ni la dynamique des années en NBA de Monroe, pourraient qualifier son parcours comme étant somme toute très correct. Néanmoins, de nombreux aspects sont à prendre en compte :
Greg Monroe jouera 2 ans en NCAA (64 matchs, 14.5 points, 8.2 rebonds, 3.2 assists) à Georgetown. Le choix de ce programme n’est pas anodin, puisque l’université, située à Washington, a accueilli de glorieux ainés, sur les postes intérieurs (Ewing, Mutombo, Mourning… Hibbert). De fait, les projecteurs sont rapidement orientés sur ce poste 4/5, gaucher, au jeu poste bas déjà développé, ayant de bonnes aptitudes au rebond ainsi qu’un jeu de passe au dessus de la moyenne.
Aussi, à la fin de sa deuxième année aux Pistons, en 2011-12, au regard de sa progression, certains médias y vont de leur comparaison avec… Bob Lanier et Willis Reed.
Certes, le potentiel de Monroe était extrêmement intéressant, et l’arrivée dans les années qui suivirent d’Andre Drummond sur le poste de pivot laisser augurer de belles promesses dans Motor City. C’était sans compter sur l’évolution, assez brutale finalement, du jeu NBA, et l’avènement du spacing. Cette tendance eut, entre 2012 et 2015 raison de la plupart des gros “babars” jusqu’alors dominants dans leur secteur (Howard, Hibbert, Noah, Monroe, Chandler, etc.), au profit d’intérieurs capables d’écarter le jeu (Love, B.Lopez). C’est d’ailleurs en 2015 que Monroe signe aux Bucks, et après une première saison satisfaisante, l’arrivée de Jason Kidd pousse Monroe sur le banc, puis vers sa fin de cycle.
Quelques piges à Boston, Toronto et Philly, anecdotiques du fait de la faiblesse défensive de Monroe et de son manque de polyvalence, puis le big man décidera de s’exporter outre-Atlantique pour venir jouer un vrai rôle dans une équipe de bas de tableau d’Euroleague, le Bayern Munich. A noter que l’équipe Bavaroise est très encline à accueillir des ex-NBAers (Derrick Williams, Josh Huestis, Paul Zipser).
Comme quoi, être intérieur et gaucher ne garantit pas une carrière de Hall of Famer.
DROITS DE SUCCESSION : de nombreux candidats à l’héritage
En guise de 2nd et 3rd teams, je vous propose de citer, pêle-mêle, quelques petits bijoux que j’ai pu trouver lors de mes recherches.
On retrouve de manière assez récurrente, à savoir dès qu’un ailier peu athlétique et ayant un semblant de shoot pointe le bout de son nez (et, si possible surmontant une moustache) la comparaison avec Larry Bird comme ce fut le cas pour Adam Morrison, avec plus ou moins de succès. Nous retrouvons, par exemple :
– Keith Van Horn (2ème choix de la Draft 1997, 9 saisons, 575 matchs, 16pts, 6.8rbds),
– Joe Alexander (8ème choix en 2008, 2 saisons, 67 matchs, 4.2pts / passage par Le Portel en 2019),
– Austin Croshere (12ème choix en 1997, 12 saisons, 659 matchs, 6.8pts).
Autre fait notable, ces 25 dernières années, les scouts s’employèrent à dénicher LE prochain Grand Pivot Africain. Il faut franchement dire, qu’avant l’éclosion d’Embiid, puis Siakam (dans un profil plus stretch), le gap entre le niveau des références et leurs supposés héritiers était aussi important que l’envergure de Jonathan Isaac. Jugez plutôt :
– Bismack Biyombo (7ème choix en 2011, en activité, 630 matchs, 5.1pts, 6.2rbds),
– Hasheem Thabeet (2ème choix en 2009, 5 saisons NBA, 224 matchs, 2.2pts, 2.7rbds),
furent comparés à Dikembe Mutombo.
Tandis que deux autres joueurs,
– Michael Olowokandi (1er choix en 1998, 10 saisons en NBA, 500 matchs, 8.3pts, 6.8rbds, 1.4blks),
– Yinka Dare (14ème choix en 1994, 4 saisons NBA, 110 matchs, 2.1pts, 2.6rbds ),
étaient vus comme les “nouveaux” Hakeem Olajuwon.
Certains joueurs ont eu un vrai rôle en NBA, en dépit de ce costume trop grand pour eux, comme Harold Miner (200 matchs en 4 saisons à 9pts/match) et Jerry Stackhouse (970 matchs en 19 saisons à 16.9pts/match, All Star en 2000 et 2001) assimilés à Michael Jordan, là où Gerald Wallace (832 matchs en 14 saisons, 11.9 pts/match, All Star en 2000) était prévu comment étant le prochain Scottie Pippen.
L’Histoire récente, du fait de l’avènement des réseaux sociaux et du partage de vidéos, renforce d’autant plus cette perception que le public a “d’échec” de certains joueurs, de certaines comparaisons.Bien souvent, la pression que cela engendre semble peser de manière insoutenable sur les jeunes prospects. Prenons Dante Exum, vu par certains scouts comme une version 2.0 de Penny Hardaway, et qui peine à ne serait-ce qu’à éclore.
Ben McLemore, phénomène de hype à sa sortie de Kansas, et qui ne semble s’épanouir que cette saison, après 6 saisons, avec un statut de role-player, était considéré comme un jeune Ray Allen.Stanley Johnson, lottery pick des Pistons en 2015, dont les aptitudes devaient lui permettre d’évoluer vers un profil “à la” Ron Artest ou Kawhi Leonard.
Enfin… peut-être un des plus célèbres, du fait de l’échec retentissant, et de l’écho que cet échec a pu avoir, le joueur qui ressemblait le plus à Larry “Grandmama” Johnson, le premier choix de la Draft 2013, Anthony Bennett (même poste, même fac, même physique… et ben voilà).
Vous l’aurez compris, l’objectif de cet article n’est pas de recenser les (nombreux) busts depuis la création de la NBA. L’intérêt était surtout de mettre en exergue cette propension (ou tentation) que nous pouvons tous avoir, à comparer les époques, les joueurs, les styles, dès lors que notre mémoire et nos sens sont mis en éveil par un stimulus quelconque.
De même, il n’était pas non plus question de croquer des portraits, plus ou moins approfondis de différents joueurs de l’Histoire de notre sport, d’autres le font mieux que moi (je conseille d’ailleurs de lire avec assiduité Les Magnétos de notre site, en toute objectivité).
Loin de moi l’idée de stigmatiser les scouts ou medias. Le fait de prévoir les limites, le potentiel, l’évolution d’un prospect est un exercice difficile, aléatoire. Or, nous nous y risquons tous, et aucune raison que cette tendance s’amende dans les années, décennies à venir (la seule différence sera bien sûr l’impossibilité pour nous amateurs de publier du contenu vidéo …).
En guise de conclusion, et plutôt que de vous torturer avec un raisonnement qui n’aurait pas plus de sens que le plan de structuration de franchise des Chicago Bulls, je tenais à mentionner d’autres comparaisons foireuses, qui, celles-ci, m’ont fait sourire. Lisez plutôt :
P.G : Un joueur dont le potentiel supposé se situait entre George Hill et Ronnie Price : Damian Lillard.
S.G : Le prospect qui pouvait faire penser à Bellinelli dans ses aptitudes de catch & shoot, mais sans grande marge de progression : Klay Thompson.
S.F : Un ailier au profil de spécialiste défensif avec d’importantes limitations offensives, en lien avec un QI basket très average, dont le plafond serait Gerald Wallace ou Luc Mbah a Moute : Kawhi Leonard.
P.F : Ailier fort de petite taille, avec une capacité à s’écarter, de bonnes aptitudes mentales, mais des limitations physiques trop importantes pour envisager autre chose qu’une nouvelle version de Jared Dudley : Draymond Green.
C : Un pivot imposant physiquement, socle défensif d’une bonne équipe potentiellement, mais lenteur rédhibitoire et faible capacité à s’écarter, dans un range à la Andrew Bogut : Karl Anthony Towns.
Merci à vous qui avez tenu jusqu’au bout.
A la revoyure.
Belle initiative, merci.
je t ajoute le nouveau hedo turkoglu: luka doncic