Pas vraiment attendu à ce niveau à l’approche du All-Star break, le Miami Heat surprend cette saison. Les choix faits durant l’intersaison se sont finalement révélés payants et l’équipe du tandem Riley – Spoelstra affiche un solide bilan de 35 victoires pour 19 défaites qui la place au 4e spot à l’Est. Mais le boss à la gomina semble ne pas se contenter de cette première partie de saison encourageante et voit plus grand pour son équipe à court et moyen termes, comme on a pu s’en apercevoir à travers les moves effectués lors des derniers jours de la trade deadline.
C’est la fête à Miami, comme le rappelle Will Smith. Le soleil floridien brille pour le Heat, et il se pourrait que cela dure. La franchise déjoue en effet les pronostics de début de saison pour pointer à la 4e place de la conférence Est au All-Star break. Et ce malgré un récent road trip à l’Ouest compliqué, qui s’est soldé par quatre défaites en cinq matchs. Difficile à croire cet été pour une équipe qui n’a pas participé aux playoffs en 2019, pour la dernière danse de Dwyane Wade, le meilleur joueur de l’histoire de la franchise.
Et pour tourner cette page importante, le front office, et Pat Riley en tête, s’est activé pendant l’intersaison. Dès les premiers jours de la Free Agency, le Heat offre le max à Jimmy Butler, dans un sign and trade envoyant Josh Richardson au Sixers, lui qui sortait pourtant de sa meilleure saison en carrière. Exit également l’irrégulier Hassan Whiteside, le pivot à 27 M de dollars la saison prenant la route de Portland en échange du contrat expirant de Meyers Leonard (11,2 M de dollars cette saison). Un deal important dont l’objectif est clair : faire de la place pour laisser Bam Adebayo se développer.
“Bam est un Zo Mourning. Un Udonis Haslem. Un Dwyane Wade.”
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces paris s’avèrent aujourd’hui payants. Adebayo explose au-delà même des attentes. Dans sa troisième année NBA, il passe de 9 points, 7,3 rebonds et 2 assists par match saison dernière à 16 points, 10,4 rebonds et 5 passes décisives. Le tout accompagné d’un contre et d’une interception chaque soir, ce qui lui vaut une première sélection pour le match des étoiles et une position de favori pour le trophée de MIP, avec l’arrière des Hornets Devonte’ Graham. Pat Riley ne tarit d’ailleurs pas d’éloges quand il s’agit d’évoquer son poulain dans un article de Zach Lowe, d’ESPN :
“Bam est un Zo Mourning. Un Udonis Haslem. Un Dwyane Wade. Ces joueurs incarnaient l’exigence standard. Bam Adebayo est cette personne aussi. Il est de la même trempe.”
Erik Spoelstra n’hésite pas à confier plus de responsabilités au pivot de 2,06 m qui est fréquemment amené à remonter la balle tel un meneur de jeu. Une omniprésence qui s’est traduite par ses premiers triples-doubles en carrière avec, à la clé, trois victoires du Heat.
Butler, de son côté, s’est immédiatement intégré et se révèle cette année en tant que patron de l’équipe. S’il n’est « qu’à » 20,5 points par match, c’est pour mieux faire briller ses nouveaux coéquipiers. Il propose ses meilleures moyennes en carrière à la passe (6,1) et aux rebonds (6,8), est toujours un excellent défenseur sur l’homme et n’hésite pas à prendre les choses en main lors du money time, des deux côtés du parquet.
Jimmy Butler et Bam Adebayo possèdent d’ailleurs deux des trois meilleurs net ratings du Heat cette saison : +7,3 pts lorsque Butler est sur le terrain, +5 pts pour Adebayo.
Place aux jeunes
Et celui qui complète le podium, à la deuxième place des meilleurs net ratings, est un autre symbole de ce nouveau Heat puisqu’il s’agit de Duncan Robinson (+6,3 pts pour le Heat lorsqu’il entre en jeu). Le sophomore, passé par la G-League l’an dernier et présent au concours à 3 points à Chicago, rentre parfaitement dans le nouveau système Spoelstra, qui a décidé de faire confiance aux jeunes. Avec Adebayo et les rookies Kendrick Nunn et Tyler Herro, il représente l’avenir de la franchise qui semble s’être reconvertie dans le développement de joueurs. Non drafté, Nunn, 15 points par match, à 34 % de loin, est dans la course pour être rookie de l’année, alors que Herro tourne déjà 13 points par match, à 39 % derrière la ligne. Ils ont, tous les deux, participé au Rising Stars challenge 2020. Nunn, Herro et Robinson offrent à Miami l’adresse extérieure et le spacing nécessaires dans la NBA actuelle.
Encouragé par ce bon début de saison, le front office floridien a profité de la trade deadline pour se renforcer, ce qui n’était pourtant pas dans les habitudes de Pat Riley. Andre Iguodala, dans le viseur de quelques contenders (Lakers, Clippers), pose finalement ses valises à Miami, après son passage à Memphis sans jamais avoir revêtu le maillot des Grizzlies. Renfort de poids sur le banc, il apportera son expérience de champion et sa défense sur les ailes. Iggy a d’ailleurs prolongé de deux années dans la foulée (l’année 2021-2022 étant une team option). Il est accompagné de Jae Crowder, 3 and D très précieux, et d’un autre ailier, Solomon Hill, toujours en provenance de Memphis. Crowder n’a pas tardé à se montrer très efficace avec trois premiers matchs à 18 points et 7 rebonds de moyenne et 60 % de réussite à 3 points. En échange, le Heat a dû se séparer de Dion Waiters et James Johnson. Si le second revenait petit à petit après un début de saison où il était arrivé hors de forme, Waiters n’entrait plus vraiment dans les plans de la franchise aux trois titres. Les deux joueurs étaient sous contrat jusqu’en 2021 avec des salaires importants (12 millions de dollars l’année pour Waiters et une player option à 16 millions pour Johnson).
Voilà donc le banc du Heat renforcé. De quoi épauler Goran Dragic qui, après une dernière saison marquée par des blessures, retrouve le niveau qui était le sien en 2017-2018, année durant laquelle il avait participé à son seul All-Star game. 16 points, 5 passes et 3 rebonds chaque soir pour le Slovène, toujours fiable derrière l’arc (38 %) mais avec six tentatives par match cette année, son plus gros total en carrière. Dragic fait logiquement partie des candidats pour le titre de meilleur sixième homme de l’année.
Une flexibilité salariale inédite
Un leader, un pivot all around, des shooteurs et des défenseurs extérieurs, un sixième homme de luxe et un banc renforcé, de quoi réviser ses ambitions à la hausse pour le Heat, qui a les Celtics et les Raptors dans le viseur. L’objectif ? Garder l’avantage du terrain le plus longtemps possible en playoffs afin d’augmenter ses chances d’aller loin. En effet, Miami possède le troisième meilleur bilan de la ligue à domicile (derrière les Sixers et les Bucks), avec 22 victoires et 3 défaites seulement à l’American Airlines Arena. Surtout, le Heat a devant lui un calendrier a priori favorable, avec seize de ses vingt-huit derniers matchs à domicile et dix-huit rencontres face à des équipes ayant aujourd’hui un bilan négatif. On note par exemple une double confrontation face aux Cavs et des matchs face aux Knicks, Hornets, Bulls et Pistons, qui n’ont déjà plus grand chose à jouer cette année. De quoi maintenir les Sixers à distance et, pourquoi pas, inquiéter Boston et Toronto, deux équipes qui ont un calendrier plus compliqué d’ici le début des playoffs.
Dès lors, que manque-t-il au Heat pour basculer dans la colonne des favoris pour le titre ? Du temps, afin de permettre aux Herro, Nunn, Adebayo et Robinson de se développer ? Une autre superstar du calibre de Butler ? Les deux mon capitaine ? Pat Riley a au moins le luxe de pouvoir choisir, notamment grâce aux derniers moves enregistrés. Longtemps gangrené par des contrats boulets (Hassan Whiteside, Tyler Johnson etc.), le Heat disposera cet été d’une marge salariale importante, alors que le salary devrait passer à 115 M de dollars cet été, selon Adrian Wojnarowski. Miami n’a que 82 M de dollars de contrats garantis, si Kelly Olynyk active sa player option à 12 M, de quoi être agressif sur le marché.
La Free Agency 2020 ne sera pas du niveau de 2019 : Millsap, Gasol, Ibaka, Gallinari, entre autres, font partie des agents libres cet été. Mais ce cap space doit permettre de proposer une extension de contrat à Bam Adebayo qui achève sa troisième année dans la ligue. Pat Riley devra aussi se pencher sur le cas Dragic qui sera, malgré ses 33 ans, un agent libre prisé durant l’intersaison à venir, tout comme Jae Crowder, qui possédait jusque là un contrat très intéressant à 7,8 M de dollars l’année. Solomon Hill (13 M) et Meyers Leonard seront eux aussi agents libres cet été.
“On ne va pas gâcher les meilleures années de Jimmy Butler”
Mais l’objectif avoué de Riley reste la free agency 2021, qui verra de potentiels gros poissons sur le marché comme LeBron James (player option), Kawhi Leonard (PO), Paul George (PO), Victor Oladipo et surtout Giannis Antetokounmpo, qui sera unrestricted free agent. La volonté d’être en position de force à l’été 2021 explique en partie, selon Paolo Songco, pourquoi le Heat n’a pas tout mis en oeuvre pour récupérer Danilo Gallinari à la trade deadline. Cette intersaison 2021 sera aussi marquée par une augmentation significative du salary cap, aujourd’hui fixé à 109 M de dollars, même si, après le tweet de Daryl Morey sur Hong Kong, les prévisions (125 M de dollars) ont légèrement été revues à la baisse. D’ailleurs, le boss du Heat n’a pas caché ses ambitions, dans un entretien publié par The Athletic :
“Notre objectif est de gagner et revenir dans la course au titre. Et je vous le dis, c’est ce qu’on va faire. Nous allons recruter des joueurs et obtenir ce dont nous avons besoin l’année prochaine ou l’année suivante. On ne va pas gâcher les meilleures années de Jimmy Butler, et on va essayer de s’améliorer le plus possible. Nous sommes sur un plan de deux ans. Cette année, et l’année prochaine. Et quelles que soient les manœuvres auxquelles nous devons nous préparer, selon ce qui se passe après la saison suivante, nous ferons le nécessaire. Donc je pense qu’il faut prendre des risques, et quand c’est le cas, vous ne savez jamais si les choses vont marcher. Mais nous voulons gagner.”
Objectif clair donc : épauler Butler avec une nouvelle star. Mais le défi à relever sera de taille car, outre Adebayo, il faudra aussi renégocier les contrats de Kendrick Nunn et Duncan Robinson. Tous deux restricted free agents à l’été 2021, ils auront certainement la volonté de voir leur salaire (1,6 M chacun) être revu à la hausse. Riley va devoir trouver la bonne formule afin d’ajouter un joueur majeur à son effectif tout gardant ses jeunes et de la stabilité.
Miami ne compte pas se reposer sur ses lauriers. Bien placés dans la course à l’avantage du terrain pendant les playoffs, les hommes de Spoelstra ont vu leurs efforts récompensés par le front office floridien qui n’a pas hésité à changer ses habitudes en étant actif lors de la trade deadline. Des mouvements qui en appellent d’autres pour les intersaisons à venir. Attention, le Heat a faim et compte revenir rapidement dans la catégorie des favoris pour le titre.