Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @thibdesign vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Elvin Ernest Hayes est né à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le 17 novembre 1945, en Louisiane. Si, nous le verrons, il n’était pas forcément destiné à jouer au basketball, il est finalement devenu l’une des plus grosses stars de son époque, voire de l’Histoire. Et cela à force de travail, grâce auquel il a poli un geste avec lequel il a martyrisé, pendant plus de quinze années, les défenses du pays entier : le turn around jumper.
Avec son physique avantageux (2m06 et 107 kilos), qui le rapproche d’un Karl Malone, Hayes est capable d’évoluer, indifféremment, aux postes d’ailier-fort ou de pivot. Attaquant ultra-complet et rebondeur hors pair, il reste également déterminant sous son propre cercle, lui qui fut nommé à deux reprises dans les All-NBA defensive team. Vous le comprenez, on l’espère, nous nous apprêtons à rédiger le portrait d’un joueur peu commun, dont l’Histoire ne se souvient malheureusement que trop peu.
Action !
Certains joueurs, à l’instar, récemment, de Zion Williamson, sont capables de faire monter leur propre hype alors qu’ils évoluent toujours à l’université. Avant la (future, espérons-le) star des Pelicans, LeBron James, Magic Johnson ou Lew Alcindor furent des jeunes joueurs de cette trempe. Au point que, au soir de leur draft respective, l’heure n’était pas au suspens : chaque observateur savait pertinemment quel serait le premier joueur à monter sur l’estrade.
Figurez-vous qu’Elvin Hayes fait également partie de ces prospects que l’on attendait en première position de sa cuvée de draft. Et pour cause, ses années au sein de l’effectif des Cougars de Houston ont fait de lui un joueur universitaire de tout premier plan. Pourtant, rien ne laissait présager que le jeune Hayes allait devenir un basketteur de génie. Comme les plus belles histoires d’amour, l’idylle entre l’adolescent et la balle orange a débuté de manière… imprévisible.
Ainsi, avant l’âge de quatorze ans, celui qui sera surnommé “The Big E” n’avait jamais posé un doigt de pied sur un parquet. Il a fallu qu’il soit accusé – à tort – d’être l’auteur d’une mauvaise blague en classe pour être envoyé chez le proviseur de son établissement et qu’un professeur, Reverend Calvin, intervienne en sa faveur, lui enjoignant d’intégrer son équipe de basketball. Bien qu’extrêmement maladroit (selon ses propres dires), Hayes devint rapidement un bon joueur de rotation, avant de rapidement devenir trop fort pour sa catégorie d’âge. Ainsi, avant de rejoindre l’université, il mena son équipe de Britton au titre de champion de son État, en scorant la bagatelle de 35 points de moyenne par rencontre, avant de claquer un retentissant 45 points / 20 rebonds en finale.
Des prestations répétées qui lui ouvriront donc les portes de la faculté de Houston. Il deviendra, à ce titre, le premier joueur noir à évoluer sous les couleurs de l’université texane. Il y restera trois années, s’y illustrant de la plus belle des manières. Il sera le meilleur scoreur de son équipe chaque année (27,2 points de moyenne lors de sa saison rookie, 28,4 lors de sa saison sophomore, 36,8 lors de sa saison junior), et aura l’honneur de faire face à Lew Alcindor lors de la première rencontre universitaire diffusée nationalement à la télévision (match plus communément – et sobrement – surnommé “the Game of the Century”). En ce 20 juin 1968, les Cougars affrontent ainsi les Bruins d’UCLA, qui restent sur quarante-sept victoires consécutives. Devant une salle blindée (52 693 spectateurs, un record pour l’époque), Hayes va tout simplement dominer le futur Kareem Abdul-Jabbar. Tractés par son intérieur vedette, les Cougars vont faire tomber UCLA (71 – 69), en parvenant à limiter la superstar adverse à 15 petits points. Elvin Hayes, lui, scorera 39 points et attrapera 15 rebonds. Un exploit en antenne nationale, qui fait du jeune intérieur le prospect n°1 de la draft NBA 1968.
Titulaires du first pick, les San Diego Rockets ne vont pas se faire prier pour le sélectionner, juste devant Wes Unseld, un autre intérieur dont nous aurons l’occasion de reparler ci-dessous. Inutile de dire à quel point les Fusées ont eu le nez fin. La première saison d’Hayes au sein de la Grande Ligue est un véritable récital. A vrai dire, si l’on se penchait dessus, il est probable que la saison rookie de l’imposant intérieur se classe dans le top 10 des meilleurs premières saisons de l’Histoire de la NBA. Ainsi, “The Big E” terminera meilleur scoreur de la Ligue, pour l’unique fois de sa carrière, en marquant 28,4 points de moyenne par rencontre. Il est ainsi l’un des quatre rookies meilleurs scoreurs de l’Histoire, en compagnie de Joe Fulks (1946 – 1947), George Mikan (1948 – 1949) et Wilt Chamberlain (1959 – 1960). Un exploit inimaginable aujourd’hui, auquel s’ajoutent 17,1 rebonds et 1,4 passe décisive.
Nous avons tendance à dire que, pour remporter un titre individuel, il est nécessaire de réaliser des prestations marquantes. Un conseil qui, manifestement, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Évoluant au poste de pivot, Hayes va multiplier les performances de choix, au point que vous ne trouverez ci-dessous qu’un échantillon non-exhaustif :
- 18 octobre 1968 (deuxième rencontre, back-to-back) @ San Francisco : 32 points, 24 rebonds, 3 passes décisives à 13 / 23 au tir, dans une victoire (+15),
- 12 novembre 1968 (douzième rencontre) @ Chicago : 40 points, 20 rebonds à 15 / 29 au tir, dans une défaite (-7),
- 13 novembre 1968 (treizième rencontre, back-to-back) vs Détroit : 54 points, 22 rebonds à 20 / 45 au tir, dans une victoire (+2),
- 27 décembre 1968 (vingt-septième rencontre) vs New-York : 40 points, 23 rebonds à 16 / 31 au tir, dans une défaite (-2).
Des rencontres qui témoignent de l’immense potentiel du jeune homme (23 ans) et qui le propulseront immédiatement au match des étoiles. Et pourtant, Elvin Hayes ne sera pas nommé rookie de l’année. C’est l’autre légende de cette promotion, Wes Unseld, qui se paiera le luxe d’être élu rookie de l’année et MVP de la saison ! Sur le papier, pourtant, les chiffres présentés par Unseld, s’ils sont brillants pour une première saison, n’ont rien de comparable avec ceux affichés par Hayes : 13,8 points, 18,2 rebonds et 2,6 passes décisives de moyenne. Il s’avère ainsi que les résultats collectifs ont fait pencher la balance en faveur d’Unseld, dont la franchise présente le bilan flatteur de 57 – 25, là où les Rockets possèdent un bilan négatif (37 – 45).
La seconde saison sera une sorte de copier/coller, que ce soit sur le plan individuel ou collectif. Le grand Elvin se fend à nouveau d’une ligne statistique dantesque : 27,5 points, 16,9 rebonds (meilleur rebondeur de la Ligue) de moyenne. En devenant meilleur rebondeur de la saison, il met fin à l’hégémonie de Bill Russell et de Wilt Chamberlain, qui se partageaient le titre depuis 1957. Pourtant, les Rockets continuent d’afficher des résultats catastrophiques. S’il est l’unique superstar du roster, Hayes est pourtant accompagné de plusieurs joueurs de talent, tels que le meneur Jim Barnett, l’arrière Don Kojis ou l’ailier-fort John Block. A l’issue de cette saison sophomore, San Diego n’a remporté que 27 rencontres. Son pivot ne parviendra même pas à se glisser dans le top 20 du classement du MVP, bien qu’il sera à nouveau présent au All-star game.
Hayes évoluera sous les couleurs des Rockets encore deux saisons. La franchise déménagera à Houston au cours de la dernière d’entre-elle (saison 1971 – 1972), permettant au “Big E” de rejouer dans la ville de ses exploits universitaires. La carrière de l’intérieur reste toutefois linéaire, entre domination individuelle et résultats collectifs grotesques. C’est peut-être le signe qu’il n’est pas réellement un leader, chose qui lui sera d’ailleurs énormément reprochée par les supporters tout au long de sa carrières. De ces deux dernières saisons, notons simplement qu’il réalisera sa meilleur saison au scoring de sa carrière en 1970 – 1971 (28,7 points de moyenne).
Le 23 juin 1972, Elvin Hayes est tradé aux Baltimore Bullets, contre le plus anonyme Jack Marin. Il est désormais décalé au poste d’ailier-fort, puisqu’il côtoie désormais Wes Unseld dans la raquette. L’association des deux big men portera rapidement ses fruits, bien que la présence d’une seconde star dans l’effectif se ressente sur les statistiques individuelles d’Hayes. La franchise de Baltimore se qualifiera, chaque saison, pour les playoffs, en étant bien souvent éliminée au premier tour par les Knicks (4 – 1 en 1973, 4 – 3 en 1974). Au cours de la saison 1973 – 1974, “Big E” sera, pour la seconde et dernière fois de sa carrière, meilleur rebondeur de la saison, avec 18,1 ballons cueillis sous les cercles par rencontre. Depuis 1974, cette moyenne de 18,1 rebonds de moyenne constitue la troisième meilleure marque, simplement dépassée par Dennis Rodman à deux reprises (18,3 rebonds de moyenne en 1992 – 1993 et 18,7 en 1991 – 1992).
Après deux échecs consécutifs au premier tour de la post-season, les Bullets (devenus Bullets de Washington) rallieront les finales NBA en 1975. Hayes a alors 29 ans, et découvre, pour la première fois, ce stade de la compétition. Il faut dire que la saison de la franchise de la capitale fut impressionnante, affichant le meilleur bilan de la Ligue (60 – 22). Un résultat collectif qui propulse son ailier-fort sur la troisième marche du classement du MVP (après sa cinquième place de la saison précédente), derrière Bob McAdoo et Dave Cowens. L’armada des Bullets se fera pourtant sweeper par les Warriors de Rick Barry, dans une série pourtant bien plus serrée que ne le laisse présumer le résultat final.
Comme victime d’un contre-coup, Hayes affichera, la saison suivante, les pires moyennes de sa carrière, aussi bien au scoring et au rebond : 19,8 points et 11 rebonds. Il se distingue comme étant un excellent contreur, les contres étant officiellement comptabilisés depuis 1973 (2,6 contres de moyenne sur les trois premières saisons). La petite forme de son ailier-fort se ressentira dans les résultats collectifs des Bullets, éliminés au premier tour des playoffs par les Cavaliers.
Et pourtant, alors qu’il commence à prendre de l’âge, Elvin Hayes va redécouvrir la joie des finales NBA, deux fois consécutivement. Ainsi, à l’issue d’une saison 1977 – 1978, au cours de laquelle le joueur commence à devenir inconstant (il scorera moins de 10 points à sept reprises, mais a également réalisé quelques prestations XXL, comme ce fameux 22 points, 27 rebonds et 11 contres dans une victoire contre Détroit), les Bullets vont remporter l’unique titre NBA de leur Histoire. Il faut dire que l’effectif avait de la gueule ; aux côtés d’Hayes et Unseld, on retrouve quelques joueurs d’exception, tels que Bob Dandridge ou Mitch Kupchak.
A l’issue d’une finale remportée au meilleur des sept rencontres contre les Sonics, Wes Unseld sera nommé MVP des finales. Pourtant, comme ce fut le cas lors de leur saison rookie commune, il semblerait que le trophée aurait très bien pu tomber dans l’escarcelle d’Hayes :
- Wes Unseld : 9 points, 11,7 rebonds, 3,9 passes décisives, 0,6 interception et 0,1 contre en 38,6 minutes de moyenne,
- Elvin Hayes : 20,7 points, 11,9 rebonds, 1,4 passe décisive, 1,6 interception et 2 contres en 39,4 minutes de moyenne.
Les Sonics prendront leur revanche sur les Bullets l’année suivante (4 – 1).
Elvin Hayes a déjà 33 ans, et l’on peut légitimement penser que sa carrière va doucement prendre fin. Il faut dire qu’il affiche un sacrée kilométrage, lui qui n’a raté, en onze saisons NBA, que cinq rencontres, en jouant 41,9 minutes de moyenne. Pourtant, individuellement parlant, la saison suivante, pour laquelle il est aujourd’hui sélectionné comme porte-drapeau, présente des allures de baroud d’honneur, à laquelle il convient désormais de rendre hommage.
L’oscar de la saison 1979 – 1980
Au cours des huit premiers épisodes du “Magnéto”, nous avons parfois parlé de joueurs pour la qualité de leur saison (Anfernee Hardaway ou Jerry Lucas, par exemple), ou pour une rencontre présentant un aspect paranormal (Nate Thurmond et son quadruple-double, Tracy McGrady et ses 13 points en 35 secondes). Pour cette saison 1979 – 1980, il n’en est rien. Cela ne signifie pas qu’Elvin Hayes n’y a pas brillé, loin de là. Le choix d’évoquer sa carrière a surtout été motivé par la volonté de (re)mettre en avant un aspect de la carrière du joueur, que nous avons pour l’instant passé sous silence – ou presque.
Avant cela, évoquons concrètement la saison du “Big E”, sa douzième en carrière. A trente-quatre ans, Hayes est encore titulaire indiscutable d’une équipe des Bullets dont les plus belles heures sont désormais derrière elle. L’effectif n’a pourtant pas évolué de manière substantielle, les joueurs majeurs étant toujours présents dans le roster (bien que vieillissants) : Hayes, Unseld, Dandridge …
Alors qu’il commençait à devenir inconstant au scoring, le début de la saison 1979 – 1980 est, au contraire, placé sous le signe d’une constance retrouvée. Si les résultats collectifs sont mitigés (9 – 11 de bilan à la fin du mois de novembre), Hayes retrouve ses standards d’antan – quasiment :
Si nous ne possédons pas les statistiques au rebond et à la passe sur certaines rencontres, voici celles dont nous disposons, pour agrémenter les 20,6 points de moyenne sur les vingt premières rencontres : 10,2 rebonds, 1,6 passe décisive et 1,5 contre. Un double-double de moyenne, encore une fois, qui ne trouve malheureusement plus écho dans la victoire collective.
Individuellement parlant, plus la saison avance, plus les statistiques d’Elvin Hayes s’améliorent. Juste avant le All-star break, Il réalisera ainsi quelques rencontres dignes de sa jeunesse, qui seront récompensées par une dernière sélection au match des étoiles :
- 26 décembre 1979 (trente-et-unième rencontre, back-to-back) @ New-Jersey : 37 points, 18 rebonds, 2 passes décisives à 14 / 28 au tir, dans une défaite (-12),
- 30 janvier 1980 (cinquantième rencontre, back-to-back) vs Indiana : 38 points, 15 rebonds, 1 passe décisives à 15 / 25 au tir, dans une victoire (+1).
Pour être tout à fait exhaustif, Hayes scorera plus de 30 points à dix-sept reprises au cours de la saison, mais, bien souvent, la ligne statistique complète n’est pas connue.
Nous évoquions à l’instant la dernière participation d’Elvin Hayes au All-star game. Dans la rubrique précédente, nous avons énoncé qu’il fut All-star lors de ses deux premières saisons dans la Grande Ligue. De là à imaginer que le bonhomme ne possède que trois sélections ? Non, bien entendu.
En effet, sur ses douze premières saisons NBA, il sera All-star … à douze reprises. Une régularité hors du commun qui, après quelques recherches, n’est pas commune dans l’Histoire. Tout d’abord, rares sont les joueurs qui furent All-star à douze reprises au moins. Vous vous en doutez, seules certaines immenses légendes sont parvenues à étrenner autant de convocations : vingt-deux, très exactement.
Mieux encore, plus rares sont les joueurs a avoir participé au match des étoiles douze fois consécutivement. Exit ici les Kareem Abdull-Jabbar (onze fois d’affilées), Shaquille O’Neal (huit), Karl Malone (onze), Dirk Nowitzki (onze) et autre Larry Bird (neuf). La palme revient ici à Kobe Bryant, All-star dix-sept saisons de suite. Parmi les vingt-deux larrons présents sur la ligne de départ, treize d’entre-eux eurent les honneurs du All-star game douze années d’affilées. Pour l’anecdote, la performance est d’un autre temps, et reste exceptionnelle au vingt-et-unième siècle (LeBron James, Dwyane Wade et Kobe Bryant). Plus nombreux sont ainsi les joueurs à avoir été douze fois All-star consécutivement entre les années 1950 et 1980 (West, Cousy, Havlicek, Robertson, Russell, Schayes et Hayes).
L’accomplissement du grand Elvin ne s’arrête cependant pas là puisque, comme nous l’avons sous-entendu ci-dessus, il a été All-star sur les douze premières saisons de sa carrière. Chose, par exemple, que n’a pas réalisé Kobe Bryant, lui qui eu plus de difficultés au début de sa carrière (logique, pour un joueur tout juste sorti du lycée). Au final, dans l’Histoire, seuls cinq joueurs furent présents au All-star game sur leur douze premières saisons dans la Grande Ligue. Parmi ces cinq joueurs, Elvin Hayes est l’unique intérieur :
- Jerry West : 14 fois All-star consécutivement… en 14 saisons professionnelles (1961 – 1974),
- Bob Cousy : 13 fois All-star sur ses treize premières saisons (il prendra sa retraite durant six saisons, avant de réaliser une dernière pige à l’âge de 41 ans) (1950 – 1963),
- Oscar Robertson : 12 fois All-star consécutivement (1961 – 1972)
- Isiah Thomas : 12 fois All-star consécutivement, pour treize saisons professionnelles (1981 – 1992),
- Elvin Hayes : 12 fois All-star consécutivement (1969 – 1980).
Encore une fois, l’accomplissement est d’un autre âge, et on voit mal quel joueur contemporain pourrait intégrer ce groupe de cinq joueurs (ni LeBron, ni Doncic, ni Durant …). Si nous reviendront ci-dessous une dernière fois, en chiffres, sur l’exceptionnelle carrière d’Elvin Hayes, le fait qu’il fut douze fois All-star lors de ses douze premières saisons vous permet de prendre conscience de son ultime niveau de domination. D’autant plus que la performance, pour un intérieur, est des plus impressionnantes, puisque la NBA appartenait alors aux grands. Il ne s’agit pas, ici, de minimiser la douzaine de sélections consécutives (sur leur premières saisons) des extérieurs susmentionnés, mais bel et bien de mettre en avant le caractère unique de ce qu’a réalisé Hayes.
Ainsi, lorsque “The Big E” foulait les parquets, les big men étaient légions (Chamberlain, Russell, Thurmond, Lucas, Walton, Unseld, Abdul-Jabbar, McAdoo) et nous retrouvions un intérieur dominant dans chaque franchise, ou presque. Pourtant, dans cette jungle sans loi, seul Hayes est parvenu à réaliser l’exploit d’être All-star sur ses douze premières saisons au sein de la Grande Ligue. Chapeau l’artiste.
En 1980, le All-star week-end s’est tenu au tout début du mois de février. Nous l’avons vu, sur les cinquante premières rencontres de la saison, Hayes s’est fendu de certaines performances rajeunissantes. Au final, sa fin de saison sera encore meilleure. Il scorera plus de 40 points à deux reprises (42 points contre Détroit, dans une victoire (+28), 43 points contre les Knicks, dans une défaite (-9)), et augmentera ainsi sensiblement ses moyennes statistiques. Sur son dos, les Bullets parviendront à décrocher l’ultime sésame pour les joutes printanières (bilan de 39 – 43), qui tourneront court (défaite 2 – 0 contre les Sixers au premier tour).
Du pur point de vue des statistiques, cette saison 1979 – 1980 est quasiment similaire à celle disputée cinq ans plus tôt, en 1974 – 1975 :
- Saison 1974 – 1975 : 23 points, 12,2 rebonds, 2,5 passes décisives, 1,9 interception et 2,3 contres, en 42 minutes de moyenne, avec un TS% de 49,6 %,
- Saison 1979 – 1980 : 23 points, 11,1 rebonds, 1,6 passe décisive, 0,8 interception et 2,3 contres, en 39,3 minutes de moyenne, avec un TS% de 49,2 %.
Jamais plus Elvin Hayes ne passera un tour de playoffs. Jamais plus il scorera 20 points de moyenne, ou attrapera 10 rebonds par rencontre. Cette saison 1979 – 1980 fut donc son dernier double-double, son douzième consécutif. Elle restera comme le dernier rappel de l’incroyable niveau de jeu proposé par Hayes jusqu’à ses 34 ans.
Le générique de fin
La carrière d’Elvin Hayes prendra fin à l’issue de la saison 1983 – 1984, alors que le joueur était âgé de 38 ans. Après la saison 1979 – 1980, ses performances ont donc, petit à petit, commencé à décroître, tout en restant largement au-dessus de la moyenne. Il évoluera encore une saison sous le maillot des Bullets, avant de retourner, en 1981, chez son premier amour : Houston. Trente-cinq ans après l’annonce de sa retraite, il reste, aujourd’hui encore, l’un des meilleurs intérieurs a avoir évolué en NBA. Les chiffres le prouvent, tout comme la liste de ses accomplissements, longue comme ses bras.
Hayes figure donc, à l’heure de la rédaction de ces lignes, à la dixième place des meilleurs scoreurs de tous les temps. Il fait donc parti du club des 27 000 points (27 313 exactement). Sa dixième place, à court terme, est susceptible d’être menacée par Carmelo Anthony, lui qui vient de dépasser la barre symbolique des 26 000 points et qui, s’il poursuit sa lancée actuelle (16 points par rencontre), devra encore jouer 77 rencontres pour entrer au sein du top 10. Si Anthony n’y parvient pas, il faudra attendre que Kevin Durant vienne le déloger, lui qui est bloqué à un peu plus de 22 000 points scorés en carrière.
Au-delà, “The Big E” reste le quatrième meilleur rebondeur de l’Histoire, avec 16 279 ballons avalés. S’il est loin des moyennes affichées par Chamberlain et Russell (12,49, contre 22,89 et 22,45), sa quatrième place lui restera attitrée pendant longtemps encore. Peut-être à vie, qui sait. En effet, parmi les joueurs en activité présents dans le top 50 des rebondeurs les plus prolifiques de l’Histoire, nous retrouvons Dwight Howard (14ème, 13 184 rebonds) et LeBron James (49ème, 9 176 rebonds). Ni l’un, ni l’autre, n’a l’ombre d’une chance de venir titiller la place occupée, depuis 1984, par Hayes.
Si, à tout cela, vous ajoutez les 2 398 passes décisives distribuées, vous entrez dans un cercle des plus restreints, celui des 27 000 points, 16 000 rebonds et 2 000 passes décisives. Un club forcément réservé à un intérieur dominant (pour les points et les rebonds) et altruiste, et qui n’est composé que de deux joueurs dans toutes l’Histoire : Hayes et Chamberlain, excusez du peu.
Cela n’aurait pas été possible sans une longévité remarquable et qui, elle aussi, présente un aspect historique. Au nombre de rencontres disputées, Hayes se retrouve 21ème, avec 1 303 rencontres jouées en seize saisons. Il n’en a d’ailleurs raté que 9 dans sa carrière, soit une présence sur les parquets de… 99,31 %. Il est d’ailleurs le seul à avoir disputé un nombre aussi “faible” de saisons NBA pour atteindre cette barre des 1 300 matchs. Cela fait donc de lui le joueur le plus assidu que la NBA ait connu (minimum 1 300 matchs en carrière), devant John Stockton (98,56 % de présence sur le parquet), Gary Payton (98,02 %), Karl Malone (96,72 %) et André Miller (96,19 %).
Ce côté marathonien est renforcé par la statistique suivante : Hayes est l’un des six joueurs de l’Histoire a avoir disputé 50 000 minutes de jeu (50 000 … tout pile !), ce qui le classe derrière Jason Kidd, Kevin Garnett, Dirk Nowitzki, Karl Malone et Kareem Abdul-Jabbar. Il présente, à cet égard, le quatrième plus gros temps de jeu moyen de tous les temps (38,37 minutes).
Voici donc, en chiffres, ce que fut l’immense carrière d’Elvin Hayes. Une carrière qui entre parfaitement dans le domaine de la série qu’est “Le Magnéto”, qui a pour but premier de présenter des joueurs inconnus, sous-estimés. Serait-ce un blasphème que de dire, aujourd’hui, qu’Hayes est le joueur le plus sous-estimé de tous les temps ? Le débat est ouvert.
A ces chiffres exceptionnels, voici la liste des accomplissements du joueur :
- Hall-of-famer, intronisé en 1990,
- Membre des 50 greastest,
- All-star à 12 reprises,
- All-NBA à 6 reprises, trois fois dans la première, trois fois dans la seconde,
- Meilleur scoreur d’une saison,
- Meilleur rebondeur de deux saisons,
- Champion NBA
De tels performances méritent bien de conclure le portrait par les hommages qu’Hayes a obtenus depuis 1968 et sa venue en NBA.
Crédits et hommages
Si, il fut un temps, “The Big E” a été accusé à tort d’un mauvais tour en High School, il s’avère qu’il était effectivement capable de rendre fou ses adversaires… comme ses coéquipiers. C’est ce que rapportait John Lally, membre du coaching staff des Bullets au milieu des années 1970 :
“Pour certains joueurs et coachs, se retrouver tous les jours autour d’Elvin pouvait ressembler à de la torture chinoise de l’eau. Ce n’est qu’une goutte d’eau, rien de plus, mais elle peut vous rendre fou.”
Ce caractère affirmé, s’il peut avoir une certaine tendance à agacer, est néanmoins celui qui a forgé le jeune Hayes, à une époque où il était raillé par ses coéquipiers pour son tir et son dribble, tous deux peu académiques :
“J’étais trop mauvais pour réaliser un turn around jumper, donc je me suis entraîné tout l’été avec une petite balle dans mon jardin. Mon développement s’est presque réalisé du jour au lendemain.”
S’il est si têtu, c’est parce que sa jeunesse dans la petite bourgade de Rayville, au sein de laquelle, dans les années 1950, les personnes de couleur n’avaient pour avenir que les champs de coton, n’a pas été des plus simples. Il en a longtemps gardé une amertume envers ses oppresseurs, amertume qui s’est, petit à petit, envolée une fois qu’il mis les pieds à l’université de Houston. Pourtant, sur un campus de vingt mille étudiants, nous ne retrouvions qu’une centaine d’afro-américains. Le contexte n’était donc pas idéal, sur le papier, pour oublier sa jeunesse marquée par le racisme. C’est pourtant ce que le basketball, et son coach Guy Lewis, lui permirent de réaliser.
Ce mental de guerrier, Hayes l’a démontré en direct à la télévision, lors de ce fameux “game of the century” : à 69 – 69, les Bruins ont volontairement fait faute sur lui, pour l’envoyer sur la ligne des lancers-francs. Ce “hack-a-Hayes” semblait, en effet, constituer une bonne tactique, l’intérieur des Cougars tournant alors à 60 % de réussite sur la ligne :
“Beaucoup de personnes pensaient que j’allais rater, parce que je ne tournais qu’à 60 % (aux lancers-francs). Je n’ai pas été nerveux : je savais que j’avais la gagne dans les mains.”
La suite, vous la connaissez.
Le mot de la fin revient finalement à Hayes lui-même :
“Après le titre de 1978, plus personne ne pouvait dire qu'”E” n’était pas un champion.”
Un immense champion, doté d’un physique adéquat et d’un mental hors norme. Tous ses éléments firent de lui un immense compétiteur, qui s’est constitué seul : n’est-ce pas cela, après tout, le rêve américain ?
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67),