La NBA, ligue des grands, ligue des champions, des légendes. Cette ligue, peuplée d’athlètes aux qualités incroyables, dotés d’une force phénoménale, qui sont choisis parmi les meilleurs, par les meilleurs recruteurs. Ces hommes sont de ceux qui ne tremblent pas… ou du moins, c’est ce que l’on se dit car parfois, ces héros du quotidien du basket flanchent, parfois au pire moment. Ils tremblent bel et bien, paniquent même, s’effondrent mentalement et ont la gorge nouée sous la pression : c’est le “choke”. QiBasket vous emmène au pays de la Fédération Française de la Lose, mais en version NBA. Car oui, la lose, le choke, n’est pas un panache appartenant à la belle France. Venez découvrir l’histoire d’un choke :
John Starks, de MVP des finals à trois balles de titre manquées
La fin de l’ère Jordan
Juin 1993, le shoot de John Paxson vient de climatiser l’America West Arena, la ville de Phoenix, et tout l’Etat de l’Arizona. Le trois point meurtrier du meneur des Bulls crucifie les Suns de Phoenix, l’équipe élue, menée par un joueur au sommet de sa popularité dans le monde, Charles Barkley, et donne aux Bulls de Chicago, et à Michael Jordan, un three-peat, probablement avec le meilleur Jordan que vous verrez dans une finale NBA. Jordan est déjà le GOAT alors. Mais c’est aussi un homme qui, au fond de lui, souffre de la perte d’un être cher, son père, brutalement assassiné. Quelques semaines plus tard, trop affecté par cette affreuse perte et la douleur qui s’en suit, la légendaire motivation et le gout de compétition d’Air Jordan s’est évanouie. En octobre 93, il annonce se retirer de la NBA. Le choc est immense, la tristesse est ressentie parmi les fans, les joueurs. Mais derrière les portes close, ça festoie, et ça festoie dur. Enfin, plus personne ne va se faire martyriser par ce joueur qui a eu tellement de talent qu’il a réussi à priver de bague de champion les plus grosses légendes de sa décennie.
A l’Ouest déjà, les Spurs, les Rockets, les Sonics, le Jazz, les Warriors et bien sûr les Suns se disent que les portes sont un peu plus ouvertes, mais à l’Est, on aurait presque les larmes aux yeux : terminées les fessées made in Mike Jordan pour les Pacers de Reggie Miller, les Hawks de Wilkins, le Magic de Shaq et Penny… Mais les regards se tournent surtout vers l’équipe qui, depuis la fin des Bad Boys des Pistons, est devenue le seul cauchemar de la bande à Jordan, Pippen et Grant. Et cette équipe, c’est New York. Et 1994, ce sera l’année des Knicks, c’est écrit.
La confirmation de la reconstruction
Car oui, les Knicks sont destinés à revenir au sommet de la NBA. Après les glorieux titres de 1970, la finale perdue dans l’honneur en 1972 et le deuxième titre de 1973, les Knicks allaient connaître une période un peu plus difficile, mais attendaient patiemment et préparaient leur retour au premier plan. Et cette entreprise de retour allait commencer par la draft de Patrick Ewing en 1985, recruté à Georgetown, immense armoire représentant la NBA d’alors : des Big Men. Petit à petit, New York reprend du poil de la bête et les bilans vont progressivement s’améliorer au fur et à mesure que The Beast Pat’ Ewing va développer son basket. Ainsi, les Knicks commencent à 23 victoires en 86, 24 en 87, 38 en 88, avec un retour en playoffs, 52 en 89, avec l’arrivée de Charles Oakley pour épauler Ewing dans la raquette, 45 en 90, 38 en 91, 51 en 92 et enfin 60 victoires en 1993.
En playoffs, New York joue toutes les postseasons à partir de 1988, mais échoue au premier tour contre Boston (1-3) en 89 en Demi finales de conférences contre Chicago (2-4), puis contre Détroit en 90 (1-4), puis au premier tour en 91 contre Chicago encore (0-3), puis de nouveau en 92 demi-finales contre Chicago (3-4). En 1993, New York arrive enfin en Finales de conférences, mais échoue encore. Et devinez contre qui ? Chicago bien sur (2-4). Donc vous l’aurez compris, les Bulls ont éliminé quatre fois les Knicks, aux trois stades des playoffs ! La plus grande frustration vient bien sûr de l’année 1993, puisque New York va mener 2-0 avant de se faire remonter à 2-4.
John Starks, ou l’étincelle qui a enflammé la franchise
Les Knicks ont une progression qui a été claire et nette, avant de stagner un peu, puis de repartir à la hausse pour devenir le plus gros prétendant au titre de l’ère post-Jordan (enfin, la première…). Qu’est-ce qui a changé ?
Ce qui a changé c’est l’arrivée de John Starks dans l’effectif.
Starks, c’est la Knicks story par excellence, une sorte de Lincanity mais avant Jeremy Lin, et qui dure plus longtemps. Starks, originaire de Tulsa en Oklahoma, passe par le Lycée Central, puis intègre l’Université de Roger State, avant de s’en faire virer pour une curieuse histoire de racket d’équipements audios. Qu’importe, car de toute manière, Starks ne pouvait développer son basket là-bas, relégué dans l’équipe réserve. Il rejoint l’Université de Northern Oklahoma en 85. Malgré ses 5 petits jours passés en prison, NO fait confiance au talent du jeune arrière, qui le lui rend bien et commence à progresser dans le jeu… Avant de se faire de nouveau virer de l’Université. Car dans le domaine du délit, Starks a aussi progressé, mais vers la ganja. Retour à Tulsa, au Junior College. Mais cette fois, Starks va surtout se distinguer pour son basket, ce qui va lui permettre, en 88, de gagner sa bourse pour Oklahoma State University. Il y terminera ses études avec 15pts, 5reb et 5ast de moyenne, et surtout un bon 56% de réussite au shoot.
L’histoire de Starks c’est déjà quelque chose quand il se présente à la draft NBA 88. Sauf que le garçon passe à la trappe et reste seul à table. Feu David Stern n’appellera jamais son nom, et c’est là que le parcours de John devient beau. En septembre, les Warriors le mettent à l’essai et lui offrent les parquets de la NBA pour 36 rencontres, pour 4.1pts de moyenne. Golden State n’en fait cependant pas une priorité, alors qu’ils viennent d’obtenir Mitch Richmond, Rookie de l’Année. Pire, Starks se blesse et va devoir repartir au bas de l’échelle, en CBA, puis en WBL, ligues mineures plus ou moins reliées à la NBA.
Et c’est finalement un coup du sort qui va propulser Starks, et les Knicks, sur la route du destin. Alors que New York le met à l’essai pour la saison 90-91, Starks, lors d’un scrimmage, ose venir monter sur le grand Pat Ewing ! Le culot du gamin impressionne, mais ça lui en coûte le genoux. Quelle aubaine ! Et oui, car un joueur blessé ne peut être coupé. Alors, une fois de retour de blessure, Starks se voit offrir une chance, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va sacrément la saisir.
Le dunk de l’histoire de la Franchise, puis la saison au sommet.
Starks s’insère totalement dans l’esprit de la franchise et de ses coéquipiers d’alors : Oakley, Mason, Derek Harper et bien sûr Patrick Ewing. Impitoyable, impulsif, rugueux, salaud, sans complexe, c’est ce que tout le monde aime voir à Big Apple. Sa première saison aux Knicks est bonne : 7.6pts, 2.1reb, 3.1ast. Mais il va très rapidement passer le cap la saison suivante, passant à 13.9pts, 2.3reb et 3.4ast. Son adresse reste stable : 42-44% au shoot et 35-38% à trois points. Starks est devenu l’acolyte le plus fiable de The Beast Ewing. Son envie, sa rage, sa colère, nous font vivre des instants d’émotions intenses, comme lorsqu’il frappe la balle du pied dans les tribunes du Chicago Stadium après seulement quelques secondes de jeu, frustré d’une perte de balle sacrément engagée. Mais c’est surtout ce dunk historique qui va marquer les esprits. Il n’y a pas si longtemps, parlons-basket.com rappelait que Starks était non seulement l’un des rares à pouvoir marquer Jordan, mais en 1993, il a aussi montré à Sa Majesté qu’il pouvait humilier son équipe sur une action offensive d’anthologie :
New York règne sur l’Est, invaincus durant tout le mois de mars, l’équipe de Pat Riley termine avec 57 victoires et se place en 2e position dans la conférence, à égalité avec le leader, Atlanta, et termine devant Chicago (55-27), Orlando (50-32) et Indiana (47-35). L’histoire et le parcours de John l’ont emmené au top de la ligue. Il joue désormais en tant que All Star.
Air Knickerbockers 94, vous êtes go pour titre NBA
Starks termine la saison régulière à 19pts-3reb-6ast de moyenne. Au premier tour des playoffs, ce sont les Nets de New Jersey : passage facile en quatre manche (3-1) et Starks n’aligne que 22min/match, tant la partie est aisée. Au second tour, ce sont les Bulls. La bataille va être âpre. Car si Jordan était bien le meilleur joueur du monde, il était aussi un meilleur ailier du monde qui voulait prouver qu’il était capable d’emmener lui aussi les Bulls au sommet : Scottie Pippen. Pip’ a clairement maintenu Chicago à un gros niveau. Starks et Ewing vont donc devoir s’employer. Dans la douleur, New York remporte les deux premiers matchs. Mais au game 3, Tony Kukoc met un sympathique buzzer beater, puis au game 4, New York lâche prise, perd de 12pts et la série est à 2-2. Le game 5 arrive, Starks montre des signes de faiblesse et c’est Ewing qui porte le groupe.
Il reste 7 secondes, et les Bulls mènent d’un point. Mais c’est bien à Starks que l’on donne la balle pour la gagne. Il l’a reçoit tête de ligne à 3pts, prend l’écran d’Ewing et se fait prendre par 3 Bulls. Il décide de ressortir vers Hubert Davis qui shoote à trois mais bien trop à droite, car Pippen lui fonce dessus avec ses grands bras… mais Davis tombe, et les arbitres sifflent faute ! Trois lancers, dont deux mis, ça suffira : 3-2. Malgré un game 6 remporté largement par Chicago, New York finira le travail au MSG.
En Finales de conférences, ce sera Indiana et les Pacers de Reggie Miller au programme. Là encore, la bataille sera tendue. Là encore Starks devra diminuer ses stats pour mieux défendre. Là encore, on ira au game 7 avec des Knicks qui se sauveront sur les game 6 et 7 alors qu’ils étaient menés 2-3.
New York vers une finale épique, Starks monte en puissance
Après deux oppositions d’une intensité sans égal face aux Bulls et aux Pacers, New York sait qu’ils tiennent le bon bout et qu’ils vont maintenir leur force défensive et leur rage de vaincre. En face d’eux, Houston et Hakeem The Dream Olajuwon, qui s’est défait du Jazz. Ces Finales vont être mémorables. Et Starks va soudainement changer de dimension.
Au Game 1 pourtant, il se montre discret avec seulement 11 petits points. New York cède le match au Summit de Houston et semble un peu intimidé. Mais au game 2, Starks ne va rien laisser aux Rockets et va même prendre le leadership des Knicks devant Pat’ ! 19pts-5reb-9ast, pendant qu’Ewing colle 6 contres. Au game 3, devant un Madison Square Garden en fusion, Starks a définitivement pris le leadership de l’équipe : 20 points et 9 passes. Même si Ewing met aussi 18pts et 13 rebonds, on sent que le rôle de Starks est déterminant dans le sort de la série. Mais New York cède encore ce game 3 et doit réagir ! Au game 4, Starks joue 45 minutes. Il plante 20pts et son impact défensif est total. New York botte les fesses des Rockets et on est à 2-2.
Puis arrive le game 5. Patrick Ewing et John Starks vont dominer : Ewing avec 25pts, 12reb, 8 contres, Starks avec 19pts, 7reb, 8ast. Les deux hommes donnent un avantage aux Knicks à 3-2 et ne sont qu’à une victoire du titre NBA. Ewing joue à son niveau, mais le rôle que joue Starks des deux côtés du terrain commencent à faire trembler les pronostics : et si John Starks, ce non-drafté, était bel et bien le MVP de ces Finales ?
Trois balles de titres manquées pour Starks
Au game 6, retour au Summit de Houston. L’ami Starks va être totalement in-te-nable. Il shoot à 50%, dont 55% à trois points en 46 minutes, dominant totalement cette rencontre. Houston, qui avait pris un bel avantage de 10pts à la mi-temps, se fait rattraper par l’ardeur new-yorkaise, et John Starks va afficher une feuille de stats à 27pts, dont 16 dans le dernier quart-temps. Il ajoutera 8 passes, 2 rebonds, 2 interceptions et surtout aucune balle perdue, il est impeccable. Il ne reste qu’à gagner ce match plus que serré, et le suspense est entier. Houston n’a que 6 petits points d’avance à 4 minutes de la fin, mais Starks et Olajuwon, les deux acteurs centraux du matchs, sont à 5 fautes chacun.
A deux minutes de la fin, les Knicks ratent 6 shoots de suite, série que Starks termine en montant sur Olajuwon pour un layup. Sur la remise en jeu, Starks force même le turnover. Et sur la remise consécutive, devinez qui ramène les Knicks à -2 à 70 secondes de la fin ? Starks, sur un énorme 3.
Ce dernier enchaîne sur une défense de chacal sur Maxwell. Les Knicks ont une balle de titre, ni plus ni moins. Le système d’Harper appelle un écran d’Ewing, puis Starks se démarque tête de raquette et file vers le panier, mais la main d’Olajuwon traîne et lui dérobe la balle. Le pivot texan convertit ses deux lancers, puis feu Anthony Mason plante un jumpshot. Il reste 7 secondes et Kenny Smith se rate.
-2, balle Knicks, deuxième balle de titre : elle sera pour Starks, même les commentateurs le savent, ce sera un shoot pour le titre. Starks prend intelligemment l’écran d’Oakley à contrepied, passe le long de la ligne de fond plutôt que de monter au cercle, et lorsqu’il ressort, le voilà libre derrière l’arc, la balle en main. Mais il restait une faute à Houston, et ce renard de Robert Horry ne s’y trompe pas en interrompant Starks dans sa lancée.
Nouvelle remise en jeu : troisième balle de titre. Cela permet à Houston de connaître le système pour Starks, qui cette fois-ci, vient monter pour la balle directement. On y est : Ewing vient faire le pick, Starks s’échappe, il est derrière la ligne, il monte et arme son shoot. Tout New York se lève. Soudain, la main d’Olajuwon surgit. The Dream touche un peu, pas trop, mais suffisamment la balle… Contre. Houston gagne.
Le fail final du game 7
Starks s’est inscrit dans la lignée de joueurs comme James Worthy, Joe Dumars, qui, peu avant lui, avaient obtenu le trophée de MVP des Finals, bien qu’étant le lieutenant, voire moins. Billups en 2004, Leonard en 2014 et Iguodala en 2015, en seront de même. Pour la presse et le public, le titre des Knicks serait potentiellement accompagné d’une belle surprise : un non-drafté MVP des finals, et surtout, un joueur qui s’est fait virer de 2 universités et qui est passé par la case prison… Du jamais vu. Restait à finir le job. Mais voilà, John Starks et les Knicks ne le feront pas.
Surtout, John Starks va littéralement détruire la série par lui-même au game 7.
Déjà pour commencer, Starks se met trop rapidement en foul-trouble. A la mi-temps, il est déjà sorti après sa 3e faute. Par ailleurs, inexplicablement, son intensité défensive paraît moins présente. On est probablement sûr qu’avec 4 petits points, à 1-6 à la mi-temps, le titre de MVP de Starks n’est plus d’actualité. D’autant que Pat’ tient à la baraque et seulement deux points séparent les deux équipes à 24min de la fin de la saison. Et il en est de même à la fin du 3e quart-temps !
New York est totalement dans la course au titre, mais Starks n’existe plus. Il aurait suffit que son adresse soit juste un peu plus présente, et les Knicks tenaient la corde du titre. Mais non, à 12min, Starks est toujours planté à 4pts, et plus personne ne lui passe la balle. Mais John avait mis 16pts dans le 4e quart-temps du game 6, alors le coach new-yorkais Pat Riley va ordonner d’alimenter Starks lors de l’ultime période, pour finir le job.
Résultat ? 0/5 à trois point, 1/13 dans le match. Marv Albert aux commentaires résumera tout : “Hey, arrête de shooter !“. Mais non, les Knicks insistent et Starks n’offre qu’un seul panier, prend sa 5e faute, fait 0/3 à 3pts, pour terminer à 2/18 au shoot, dont 0/11 à trois points. Game over : Houston l’emporte de 6 petits points et gagne son premier titre et son nom de Clutch City.
Le choke est puissant chez John Starks. Lui qui devait devenir le maître Jedi en usant de la force de son QI basket, le voilà sombré du côté obscur, devenant un sombre Sir qui condamne les Knicks à la nuit, après une décennie de montée en puissance, que seul le Dieu Jordan avait le droit de bloquer. Certes, les années suivantes à New York ne vont pas être moches non-plus, jusqu’à l’arrivée de… Vous savez qui. Mais la consécration des Knicks en 94 aurait fortement changé les dynamiques de construction et de reconstruction future de l’équipe. Au final, l’échec de Starks est l’échec de la franchise dans cette décennie, qui va annoncer les heures sombres, sans l’héritage tant souhaité que New York aurait aimé porter dans les années 2000.
Bref, c’est l’histoire d’un choke qui te coûte le titre, ruine 10 ans de construction, et alimentera autant de regret que de nostalgie pour les 30 années suivantes.