C’est avec la gorge encore nouée, au milieu d’une soirée qui avait tourné au cauchemar, que l’idée est venue. L’idée d’ouvrir un brouillon, et de laisser chaque membre de l’équipe QiBasket qui le pouvait y déposer un mot, quel qu’il soit, pour penser la plaie ouverte par l’infâme nouvelle de la disparition de Kobe Bryant et de sa fille, Gianna.
Hommages.
Valentin – @ValWhatif
Ça fait quatre fois que j’essaye d’écrire ce texte, et que je n’y arrive pas. Quatre fois que je ne dépasse pas les cinq lignes. Que j’efface, que je réécris, que je supprime, que j’éteins, que je recommence, en vain. Le ton n’est pas juste, les mots sonnent faux, ça me prend aux tripes dès que j’y pense, ça me donne envie de gerber. J’y arrive pas, c’est tout.
Depuis dimanche tout est gris, tout est tiède, tout est morose, insignifiant. Les lumières sont pâles, et même le ciel pleure.
J’ai erré une bonne partie de la nuit de dimanche sur les réseaux sociaux, sans vraiment de but. Comme si je marchais sous la pluie, déjà, sans parler. J’étais avec d’autres gens, qui allaient dans la même direction que moi. On savait bien qu’on avait pas vraiment de but, qu’on avait même pas trop envie de parler, mais au moins, on se disait qu’on ne marchait pas seul. J’errais, c’est le mot, oui, car je n’ai pas pu regarder les vidéos, de toi, d’elle. Je n’ai pas pu revoir ton court-métrage, pas pu brancher Bein plus de 30 secondes. Pas pu lire les hommages. A chaque fois que je le voulais, tout commençait à se troubler, à devenir flou. A croire que je marchais réellement sous la pluie.
Hier, j’ai parlé de toi. J’ai parlé de toi avec mes coéquipiers, et je me suis rendu compte qu’eux aussi, depuis dimanche, ils marchaient sous la pluie. Le cœur lourd, plein d’incompréhension. Le “1, 2, 3 : KOBE !” a raisonné dans la salle, mais ça aussi, ça sonnait faux.
J’ai parlé de toi encore, en rentrant de l’entraînement. J’ai parlé de toi plus d’une heure à quelqu’un qui te connaissait de nom, mais qui ne connaissait pas ta légende. Alors j’ai raconté. J’ai dit qui tu étais, quel joueur, quel homme, complexe, tourmenté, adulé, décrié. J’ai parlé de qui tu étais depuis ta retraite. Qu’enfin, enfin, tu semblais avoir compris que la reconnaissance après laquelle tu as tant courru, tu n’en n’avais plus besoin. Que désormais, ce qui comptait pour toi, c’était transmettre. Ta passion, ta science, ton expérience. Puis de nouveau, j’ai eu la gorge nouée. Parce qu’en racontant ta légende, j’avais oublié. Oublié que désormais, il fallait parler de toi au passé.
Sauf que je n’arrive pas à l’accepter. J’y arrive pas parce que c’est trop tôt. Trop tôt pour que j’accepte ce qu’on veut me faire passer pour “la réalité”. J’ai bien compris qu’on veut m’y faire croire, mais je m’y refuse. C’est trop tôt, putain.
J’ai essayé de me le dire, de me convaincre. J’ai essayé, j’te jure Kobe, j’ai essayé. J’ai tenté de me convaincre que la phrase annonçant ton funeste destin et ses circonstances était vraie. Mais j’y arrive pas, c’est impossible. J’ai essayé de la dire, de la prononcer cette putain de phrase, mais ça aussi, j’y arrive pas. Pas plus que je n’arrive à l’écrire.
J’y arrive pas parce que j’y crois pas. Je refuse de te voir en noir et blanc ; tu es en pourpre et or. Je refuse de te voir éteins ; tu brilles. J’arrive pas à t’imaginer autrement.
Je n’arrive à rien, pas même à mettre de justes mots sur ce qui s’est passé et sur ce que je ressens depuis dimanche. La seule chose que je peux faire, c’est chiffonner ce bout de papier virtuel, le mettre en boule et viser la poubelle à l’autre bout du bureau, en faisant un 360 avec ma chaise. Ça non plus j’y arriverais sûrement pas, mais au moins, je pourrais crier ton nom.
Adieu, Kobe.
Vincent – @Schoepfer68
Oh putain.
Comment réagir autrement ?
On dit que les meilleurs partent toujours les premiers. Malheureusement, basketballistiquement, l’assertion est devenue réelle, chose dont on se serait bien évidemment toutes et tous passé. Kobe Bryant, légende de son poste, légende de sa franchise, légende de la NBA et de son sport est parti rejoindre David Stern, qui l’a précédé de peu. Comme si toutes les poupées vaudoux confectionnées par les supporters des Kings, il y a dix-huit ans, produisaient aujourd’hui leurs effets macabres.
A titre personnel, en tant que joueur, je n’ai jamais vraiment aimé Kobe Bryant. Fan des Mavericks oblige. Je ne le détestais pas non plus, il me faisait un peu l’effet d’un yaourt nature. Un yaourt qui, toutefois, forçait l’admiration. Par ces performances exceptionnelles, tout d’abord. Qui parviendra à scorer 81 points dans une même rencontre ? Qui, au bout de trois-quart temps, pourra marquer plus de points que l’ensemble de l’équipe d’en face ? Qui aura la fidélité de rester vingt saisons dans une franchise mythique, en réussissant – l’exploit n’est pas mince – à la faire encore grandir ? Les réponses ne sont pas légions, signe que les accomplissements sportifs du mamba, s’ils ne sont peut-être pas sans égal, ont contribué à façonner sa légende.
Au-delà des prestations sur les parquets, c’est la mentalité de l’homme qui doit être saluée. Celle d’un adolescent, d’un joueur et d’un père qui n’a jamais rien lâché. Pour qui le travail était placé au-dessus de tout. Or, il n’y a rien de plus beau et fort qu’un talentueux travailleur. Une mentalité inspirante pour toute personne, que vous soyez sportif, sportive, comptable, chômeur, grand ou chauve. Une mentalité qui nous a prouvé la chose suivante : croyez en vos rêves, croyez en vous : le travail paie toujours.
Ironiquement, alors même que je n’avais pas d’affection particulière pour le joueur, c’est à lui que je pensais lorsque, dans une jeunesse pas si lointaine, je tentais de mettre quelques paniers sur un terrain mulhousien. Un terrain où, juste avant ma naissance, le jeune Kobe Bryant révisait ses gammes, en sachant parfaitement – vu son état d’esprit, on n’en doute pas – qu’une immense carrière l’attendait. C’est une expérience étrange, de marcher – littéralement – dans les pas d’un géant. De sa vie française, Kobe garde (selon ses dires retranscrits, le 27 janvier, par “l’Équipe”) un goût pour la gastronomie, de l’Histoire et des beaux paysages. De l’imagination aussi, très certainement, puisqu’il en faut une sacrée dose pour apprécier les paysages mulhousiens, parole de local.
Trêve de plaisanterie. C’est avec un sentiment de vide – du genre de ceux que l’on ressent après une rupture – que nous écrivons tous ces lignes. En se disant que plus jamais la NBA ne sera la même. Le pire, c’est que nous avons peut-être raison : elle est amputée d’une partie d’elle-même. Une grosse partie, une si belle partie.
Je terminerai ici avec un mot d’espoir, destiné à qui voudra bien le lire : croyez en vos rêves, croyez en vous : le travail paiera.
Oh putain. Kobe Bryant est mort. Vive Kobe Bryant.
Tancrède – @TancrdeAdnot
Sur le mur de mon appart, il y a encore cette photo de moi, prise avec un appareil jetable. Je suis dans ma chambre, dans mon patelin à côté de Nantes, j’ai 10 ans, j’avais mes jouets, mes figurines, ma super Nintendo, et un bloc de cassettes (VHS). Sur l’une d’entre-elles, il est écrit “All Star Game 98”, sur un sticker à moitié déjà déchiré. En la foutant dans le magnéto, je voyais ce match, dans une salle connue sous le nom de Madison Square Garden. J’ai pu découvrir le garçon, 18 ans, mais du talent, et des dunks…mon dieu des dunks, notamment celui sur un alley-hoop de Garnett. Et la voix de George Eddy qui prophétisait déjà “avec lui, les Lakers vont gagner au moins 5 titres”. On était loin de twitter, loin de facebook, des haters, des finals de 2004, loin du mot “Mamba”, on était au début d’un nouvel âge d’or pour les fans. Le garçon qui portait le numéro 8, il serait, alors que nous faisions nos adieux à Jordan, mon joueur préféré. La vie est belle, la NBA est géniale.
Quatre ans plus tard, en 2002, même chambre, même endroit, j’ouvre avec appréhension le dernier Mondial Basket. Énorme, les Lakers ont fait le Three-peat, Kobe Bryant est avec sa veste de Jordan, on le considère tous comme le meilleur joueur du monde, rien à dire. Kobe c’est la NBA. La vie est belle, le basket, c’est la vie.
En 2006, j’ai 18 ans je passe mes soirées sur NBA Live. Au dessus de ma télé, il y a un poster de Kobe qui dunk contre les Raptors, ce soir ou il planta 81 points. Je joue avec les Lakers, et je ne passe la balle qu’à Kobe dans le jeu. En 2006 aussi, je voyage à New York pour la première fois. Au NBA store, j’ai que 40 dollars, je les mets dans un maillot de Kobe, direct. La vie est belle, même en virtuel, Kobe déchire tout.
En 2009, j’ai 21 ans, quelques semaines après avoir été à New York, après avoir été à mon premier match de NBA, dans une salle qu’on appelle le Madison Square Garden, je me lève tôt, vers 3h, pour regarder le game 5 des finals. Après 7 ans d’attente, je vais enfin revoir mon joueur préféré, le meilleur joueur du monde, revenir au top, redevenir le champion. La soirée et le matchs se passent en douceur, je suis fan des Lakers et de Kobe, et l’histoire se termine bien. La vie est belle, et Kobe est champion.
Quelques semaines plus tard, j’ai le cœur brisé par la mort de mon idole, Michael Jackson. Mais Kobe était là, dans le Staples Center, pour faire son éloge funèbre, pour me consoler. En 2010, avec un peu plus de stress, au terme d’un game 7 historique, Kobe regagne, encore, et n’a jamais autant été aussi jordanesque dans son être, je suis fan des Lakers depuis 12 ans, et c’est la 5e fois que le soleil se lève sur un nouveau titre pour moi. La vie est belle, mon champion est encore champion, même si je sais que c’est la dernière fois.
En 2016, j’ai 28 ans, je regarde avec beaucoup d’émotion son dernier match, mais c’est la vie, et même s’il s’en va, elle est belle quand même, alors j’écris, parce que maintenant je peux écrire sur le basket.
En 2019, j’ai 30 ans, je marche sur le parquet d’une salle qu’on appelle le Madison Square Garden…je fonce vers le panier côté sud. C’est là, il était là, quand il a dunké, quand je l’ai vu en VHS, s’élevé, et j’y étais. La vie est belle, je n’ai jamais autant aimé jouer au basket.
Dimanche, en 2020, j’ai 31 ans, j’étais dans les bras de ma chérie. J’avais passé un week end basket magique, j’avais rencontré Kareem Abdul-Jabbar, j’étais passé sur WinamaxTV, sur BFMtv pour parler de la soirée NBAParis, j’allais paisiblement m’endormir, si heureux d’avoir vécu tout ça. Mais avant, un dernier check de messages, voir si les copains ont écrit, et puis l’horreur des mots “tu as vu pour Kobe?” “Kobe Bryant, 1978-2020”, “Kobe is dead”. Et alors, je commence à paniquer, à dire “non”, à le répéter, puis à trembler, puis à pleurer. La vie était belle, mais mon amour du basket s’est soudainement brisé.
Kobe c’était ça, c’était une partie de moi, des moments de ma vie qui se distingue de milliers d’autres, parce que c’était lui, c’était pour lui. Ce soir je vais jouer, à la hoops, et j’ai ce maillot que j’avais acheté en 2006, je le porterai, en espérant qu’il me fera croire qu’il est toujours là. Kobe Bryant, c’était une partie de moi, de ce que je suis, de ma vie, et depuis hier, un morceau de ma vie n’est plus là désormais.
François-Damien – @fd_phalip7
Dimanche, la Terre s’est arrêtée de tourner. Pour Kobe.
La journée de dimanche ne pourra jamais être oubliée. Chaque fan se souviendra de ce qu’il faisait, où il était, quand il a éprouvé ce sentiment de déni intense. Un déni parce que Kobe fait partie de ces figures immortelles. Un de ces rares mythes que l’on croit beaucoup trop forts pour être confrontés à ce genre de futilités humaines. Du déni à la consternation puis à la difficile acceptation, le deuil de chacun sera différent. Nous, le moins qu’on puisse faire, c’est écrire pour lui.
Kobe, hier j’ai adoré te détester. Tu m’as maintes fois laissé bouche bée, dégoûté de ce que tu faisais vivre à mes autres idoles. Je t’en veux toujours pour les finales de conférence 2009 où ton génie était la seule chose qui séparait Carmelo de sa seule finale NBA. Je t’en veux toujours un peu d’avoir changé pour le numéro 24 alors que mes parents venaient d’acheter à leur enfant d’alors 7 ans ton numéro 8. Maillot que ce même enfant de 20 ans maintenant sort toujours de temps en temps, par nostalgie. Je t’en veux toujours un peu pour tes 61 points contre les Knicks au Garden. Je t’en veux toujours un peu pour ta tournée d’adieu façon rockstar, mais en fait, aujourd’hui, je comprends. J’ai peur de ne comprendre qu’aujourd’hui l’importance que tu as.
Kobe, aujourd’hui tu es mort. Mais c’est tout. Tu es toujours là. Tu ne nous as pas quittés. Tu es toujours dans tous ces joueurs NBA que tu as inspirés, encouragés ou humiliés. Tu es toujours dans tous ces fans qui aujourd’hui auront un pincement au cœur en entonnant ton nom en jetant quelque chose dans la poubelle. Tu es toujours dans ces millions de personnes qui t’ont parfois admiré, parfois détesté, parfois critiqué mais qui aujourd’hui te pleurent. Tu es toujours dans l’héritage que tu laisses sur cette ligue, ce sport. Tu es toujours dans ma terre natale alsacienne que tu auras ébloui de ton génie dès ton plus jeune âge. Tu es toujours dans toutes les personnes qui travaillent dur pour atteindre leurs rêves, parce que le travail et l’acharnement seront ce que tu nous auras appris de plus noble.
Aujourd’hui, la Terre doit continuer à tourner. Pour Kobe.
Xavier – @steuf76
Vous vous souvenez? Vous vous souvenez 24h avant que ça arrive. Comme on était bien, comme on était serein, on regardait les highlights de Kawhi en load management. A ce moment-là, la vie de fan suivait son flow habituel de news et de matchs.
Et puis dimanche soir, devant Twitter et le compte de TMZ, je vois la news et je me dis que ça doit être des fans de LeBron qui ont forcé sur la bouteille et qui se sont offerts les services d’un mec capable de pirater le site de news pour annoncer la mort de Kobe. Je poste la news dans la conversation privée de QIBasket suivie de 3 “Euuuuuuuuuuh” parce qu’on ne sait jamais. Et puis le long et terrible bal des confirmations démarrent et au fur et à mesure que la liste s’allonge et s’alourdit, je dois déconnecter.
Je pose mon téléphone et je monte m’assurer que mes enfants et ma femme dorment de leurs meilleurs sommeils. Ça peut paraître con mais c’est le réflexe que j’ai eu, celui d’un mari et celui d’un papa.
On ne peut pas juste résumer tout cela en parlant de la carrière basket de Kobe, c’est un drame humain avec tout ce que ça comporte d’arbitraire, d’injuste et de cruel.
On n’est rien sur terre, peu importe la vie que l’on mène ou que l’on a menée. On perd sans arrêt notre temps à claquer notre énergie et notre force sur des conneries alors que l’essentiel est ailleurs. Ça fait cliché de sortir ça derrière un drame mais qu’au moins cela serve à nous rappeler que nos proches et nous-même ne sommes là qu’un court instant et qu’on se doit d’être là pour eux et pour nous.
D’un point de vue basket, je suis de la génération Dream Team de 92 et pour moi la NBA a perdu de son intérêt quand Jordan a pris sa retraite (la vraie). Sans doute pensais-je que plus personne n’aurait son talent alors à quoi bon regarder des gars moins bien ? J’ai gardé une oreille lointaine malgré tout sur la ligue et un nom revenait sans arrêt : Kobe Bryant.
J’ai fini par m’y intéresser tardivement et Lebron est arrivé pour combler le trou que MJ avait laissé vide. Kobe aurait pu le remplir largement mais le timing n’y était pas de mon côté et je regrette de ne pas avoir pris le temps de profiter du spectacle proposé par celui-ci parce que ça avait l’air dingue à suivre au jour le jour.
J’avais vraiment hâte de découvrir sa post carrière car il avait encore beaucoup à donner sans aucun doute à beaucoup de jeunes joueurs qui ont tant besoin d’un mentor.
On dit que les légendes sont éternelles et c’est malheureusement faux sinon on aurait pas tous l’œil humide depuis hier soir. Mais tant qu’il y aura des mecs ou des filles sur les playgrounds avec un maillot des Lakers #8 ou #24, tant qu’il y aura des mecs pour s’arracher en tentant de reproduire un mamba move, tant qu’il y aura quelqu’un pour crier à un coéquipier qui croque “Hey passe la balle Kobe!” tant qu’il y aura la somme de tous ces petits gestes alors on aura encore ce doux sentiment qu’on est pas si orphelin que ça d’un point de vue basket.
Il n’y aura pas assez d’articles, de montages, de vidéos pour soigner la plaie béante laissée par cette nouvelle, comme pour tout ceux qui vivent quotidiennement des drames, il n’y aura que le temps pour adoucir la peine.
Louis – @SaigneurArceaux
De retour d’un week-end familial des plus heureux, la soirée avait commencé avec de bons airs de routine du dimanche soir. Repas léger pour compenser les 3 kilos de barbaque généreusement offerts par papa et maman, petit épisode de série et attente du match de 21h30 en se disant que quand même, ce serait bien d’écrire quelques lignes pour avancer cet article qui ne va pas se faire tout seul. Il commençait par quoi, déjà, ce portrait de Raja Bell ?
3 mai 2006. De retour du collège plus tôt que prévu, et après plusieurs semaines à lire de long en large les colonnes de MVP Basket, j’ai enfin l’occasion d’assister à un match de playoffs sur Canal +. Mon équipe “coup de foudre”, qui compte dans ses rangs une gloire de mon Béarn natal, affronte les Lakers au premier tour. Tu ne m’en voudras pas, Kobe, mais mes premiers rapports avec toi ont donc été plutôt hostiles. Quand ce bon Raja t’as mis au sol façon WWE, et que tu t’es fait éjecter du match juste derrière, j’ai rugi. Il n’y avait rien de très recherché là-dedans : tu étais simplement l’obstacle principal à mon bonheur immédiat. D’une certaine manière, tu as contribué à me construire en tant que fan, même si cela s’est fait à ton encontre.
Car ce n’était que le début de ma croisade aveugle contre toi. Systématiquement, saison après saison, j’ai soutenu tes adversaires, car ton jeu ne me convenait pas, car tes exploits individuels allaient à l’encontre de ce que je voyais alors comme le « vrai » basket. C’était drôle au début, mais lorsque tes Lakers sont redevenus une machine à gagner à partir de 2008, j’ai souffert, incapable de voir que tu étais en train de devenir tellement plus qu’un scoreur. Celtics, Magic, Mavs, tous ont été mes idoles l’espace d’une série car ils étaient les seuls remparts à ton succès, sans réussir à l’empêcher, loin s’en faut. Comme mes Suns, ils n’ont pu te freiner dans l’accomplissement de ton destin. Je ne suis pas particulièrement fier de cette période, mais cette fougue a forcément contribué à me faire tomber raide dingue de ce sport.
Puis, la rivalité entre nos deux équipes s’estompant, mon vieillissement et mon expérience en tant que fan me permettant de mettre fin à mes caprices d’adolescent en manque de repères, j’ai appris à te regarder sous un nouveau jour et à me rendre compte de la légende qui s’écrivait devant mes yeux, même si celle-ci avait brisé mes espoirs plus d’une fois. A me rendre compte aussi que tu ne serais pas éternel, et qu’il fallait profiter de tes derniers exploits car ils étaient le symbole d’une époque fabuleuse, d’une innocence perdue. Alors, lorsque tu as enfilé ces derniers paniers contre le Jazz un soir d’avril 2016 et que tu as annoncé « Mamba out », j’ai pleuré, à ma grande surprise. Comme si je prenais enfin conscience de la chance que j’avais eue de te voir, comme si la fin de ta carrière signifiait aussi la fin d’un voyage pour moi, du désamour aveugle à l’admiration béate. Je venais de devenir un fan absolu de basket, et tu en étais la preuve.
Peu de temps après cette soirée magique, je me lançais dans l’écriture d’articles, revenant avec plaisir sur tes exploits et distribuant au passage une belle paire de claques au Louis de 2006. De la rivalité avec les Spurs à la reconquête du titre en 2009, je n’omettais rien de tes exploits et espérais faire réaliser au plus grand nombre les changements profonds que tu avais entrepris pour passer de soliste clivant à leader incontesté. Ton parcours est une source d’inspiration pour de nombreuses personnes, avec comme moteur cette détermination et cette combativité maladives qui t’ont permis de te faire aimer même de tes adversaires.
Je ne pensais pas avoir à te dire ça aussi tôt, la clarté s’en ressent peut-être mais j’espère que tu entendras mon message. Lorsque mon téléphone a vibré dimanche aux alentours de 21h, c’est tout une partie de ma vie qui a pris une couleur plus sombre, des souvenirs qui seront désormais ternis à jamais par la douleur de ton départ prématuré. Je ne m’attendais pas à t’apprécier, encore moins à t’admirer, et certainement pas à te perdre. Et pourtant.
Benjamin – @BenjaminForant
A l’heure où ces lignes sont écrites, 24 heures ont passées depuis l’annonce, et rien n’a changé. Toujours le même sentiment d’incompréhension. Comment, toi, Kobe l’invincible, le super-héros dépeint par tous, as-tu pu nous quitter ?
Né en 1999, je n’ai pas eu la chance de te voir évoluer à ton prime. Paradoxalement, jamais l’annonce du décès d’une célébrité ne m’a autant impacté. Et c’était ça ta force. Souvent adulé, autant détesté, mais ne laissant personne indifférent. Y compris le jeune collégien de troisième que j’étais, commençant à s’intéresser à la balle orange.
Je n’ai jamais été un de tes grands fans. Très honnêtement, j’ai même longtemps fait parti de l’autre bord. Je considérais, lors de tes dernières années, que tu favorisais ton égo au détriment de l’avenir de ta franchise de toujours. Oui, j’étais jeune et pas forcément mature.
Et l’heure de ta retraite sonna. Première claque pour Benjamin, lycéen âgé de 17 ans à l’époque. Je me vois encore, ce 13 avril 2016, réalisant enfin que ce match au Staples Center face au Jazz serait ton dernier. Lorsque le buzzer final retentit, le déclic se fit naturellement dans mon esprit. En voyant ce déferlement de messages d’amour sur Instagram et Twitter, en observant la foule rugissant ton nom dans ton enceinte de toujours, la lumière s’éclaira. J’ai compris qui était Kobe Bryant.
Alors oui, je l’ai peut être réalisé un peu trop tard, ne profitant pas pleinement de tes derniers matchs en direct, mais mieux vaut tard que jamais.
Et puis ce dimanche soir, j’ai pris la claque retour. Parce que oui, n’ayant pas eu l’occasion de profiter pleinement de ta carrière de joueur, je comptais au moins rattraper ce temps perdu lors de ta retraite si méritée. Tes interviews si marquantes, ton profil de père-coach si “kobe-esque”, tout était réuni pour que la seconde partie de ta vie soit aussi intense que la première. Hélas, je me contenterai de regarder tes anciennes mixtapes déjà vues et revues, sans avoir l’opportunité de suivre tes nouvelles aventures.
C’est peut-être un peu brutal, mais la NBA va devoir reprendre son cours. Sans toi. Cependant, les prochains jours, les prochaines semaines et les prochains mois auront un goût amer.
Il est grand temps de te quitter. C’est dur, mais il le faut.
Merci pour tout. Tout ce que tu as apporté à de nombreux jeunes, souvent plus vieux que moi, trouvant en toi un repère et un exemple de motivation et d’acharnement. Tout ce que tu as apporté au monde de la balle orange, te positionnant comme l’une des plus grandes figures de l’Histoire.
Merci, merci et encore merci.
Adieu, Black Mamba. #824
Paul – @paulkerneis
Alors que tu viens de nous quitter avec ta basketteuse de fille, Gianna, et 7 autres personnes, je me penche à nouveau, mais cette fois avec tristesse, sur ma découverte de la NBA. C’était au début des années 2000, alors que tu roulais sur la Ligue avec tes Lakers, Shaquille O’Neal et Phil Jackson. Vous acheviez ce three-peat et j’achetais mon premier magazine consacré à la NBA avec, en poster, Shaq et toi, les deux futurs meilleurs ennemis de la Ligue, entourant le trophée Larry O’Brien.
En effet, le premier joueur dont j’ai été fan, c’est toi Kobe. Et même si tu n’as peut-être pas atteint le statut de ton idole, Jordan, tu es le Michael Jordan de ceux qui étaient trop jeunes pour voir en direct les exploits du numéro 23 des Bulls. Et j’en fais partie.
Tu étais le joueur capable de tirer ton équipe. Le plus technique offensivement, le plus fort pour mettre un panier, tout simplement. Tu as parfois pu m’agacer par ton individualisme, voire ton égocentrisme, je ne comprenais pas à l’époque que c’était avant tout l’exigence d’excellence démesurée qui te poussait à te comporter ainsi envers ceux qui t’entouraient, joueurs, coachs, mais également envers toi-même.
Après l’admiration du spectaculaire numéro 8 (ce dunk renversé après passage dans le dos face à Denver…), c’est le respect du méthodique, clinique numéro 24 que j’ai ressenti en voyant le leader que tu es devenu, celui qui tire ses coéquipiers vers le haut à chaque match. Le joueur sûr de lui, le MVP qui achève les Espagnols à Pékin, avant de dominer la Ligue les deux années suivantes.
Bref, après avoir passé la moitié de ta vie en NBA, tu n’as laissé personne indifférent. Certains t’ont aimé, d’autres détesté mais tout le monde respectait le joueur légendaire et l’homme que tu étais. À l’image de ce dernier match en carrière, face à Utah : l’exploit des 60 points, à 37 ans ; les critiques face aux cinquante tirs pris mais, au final, la gagne.
Merci Kobe.
Julien – @JulienQIBasket
Difficile de trouver les mots pour parler d’une tragédie que l’on ne comprend toujours pas. Que l’on accepte toujours pas, à vrai dire. Comment admettre que l’une des icônes les plus marquantes de la balle orange, et du sport en général, puisse connaître une destinée aussi terrible. Les réactions, innombrables et souvent déchirantes, montrent l’influence de Kobe Bryant qui s’étend bien au-delà de la sphère NBA.
A titre personnel, c’est un sentiment très étrange qui m’envahit depuis l’annonce de sa disparition. La sidération, en tout premier lieu, de voir s’éteindre une personnalité qui inspirait une force immense. Comme ce jour où le Mamba n’a pas vacillé d’un millimètre face à la provocation de Matt Barnes, Kobe semblait être un roc inébranlable. Constater qu’une issue fatale peut se dresser si brutalement sur le chemin d’une telle force, fut pour moi un choc immense. Bien sûr, de grands hommes et femmes disparaissent chaque jour, mais le destin a cette fois choisi de venir toucher à notre passion, à une part de nous. Avec cette impression qu’un match NBA ne sera plus jamais le même, l’ombre de l’éternel Laker planant au-dessus de chaque parquet.
Et bien sûr, une tristesse infinie. Celle de voir partir une légende de notre sport, un créateur de rêves et de spectacle pour nos yeux émerveillés, mais aussi un magnifique retraité en pleine reconversion et un papa modèle. Je n’ai malheureusement pas connu le prime de Kobe. Ni ses premières années, ses premiers titres, ni ses difficultés et ses multiples retours en force. Son image s’est forgée en moi à travers les nombreux articles, les innombrables vidéos et anecdotes à son sujet. Nul besoin de parler du joueur finalement, car sa carrière parle d’elle même et à chacun d’entre nous.
Je préfère donc réserver une partie de cet hommage à l’homme, qui comme le joueur a ses qualités et ses défauts, mais reste un personnage exceptionnel. Derrière la mythique “mamba mentality“, que l’expression plaise ou non, il y a une réalité : celle d’un homme qui a travaillé dès son plus jeune âge pour être le meilleur. Cette infinie détermination lui a permis de tutoyer les sommets, de les dépasser même, en dépit des blessures et des épreuves que la vie lui a réservées. Kobe était un personnage doté d’un charisme naturel, d’une confiance en soi à peine concevable. Ce sont cette assurance et cette envie permanente de réussir qui ont forgé ses succès. A peine sa carrière de joueur terminée, Kobe Bryant remportait déjà un oscar pour son court-métrage, une magnifique ode au basket. C’est pour moi un élément très représentatif de ma perception de Kobe : un homme qui réussit ce qu’il entreprend car il s’en donne les moyens, coûte que coûte.
Alors bien sûr, il restera la légende des parquets, sa carrière exceptionnelle, ses déclarations, ses highlights, son immense palmarès. Mais finalement, cela n’est qu’une partie, aussi belle soit-elle, d’un personnage mythique, qui connu des hauts et des bas comme tout un chacun. Je retiendrai aussi le Kobe Bryant retraité, qui illuminait les parquets NBA de ses sourires après les avoir éclaboussé de sa classe. Ce Kobe que nous avons vu entouré des siens, et surtout de sa fille Gianna, toujours avide des conseils de son illustre papa. Dans une complicité évidente qui ne fait que renforcer l’aspect dramatique de cet accident, impliquant notre Kobe et sa Gianna.
Reposez en paix, père et fille, et toutes les malheureuses victimes de ce drame. Et, Kobe, continue le numéro de soliste qui te va si bien sur les parquets célestes, mais avec ce sourire de retraité épanoui qui te rend si humain.