C’était une icône et un compétiteur acharné. C’était un père de famille et un personnage controversé. C’était un Laker et un talent hors norme. C’était un ami loué et un coéquipier déroutant. C’était un champion et un observateur éclairé. C’était un mari et un fils. Depuis trois décennies, Kobe Bryant faisait parti de la vie de millions de personnes. On l’a adulé, on l’a critiqué, on l’a observé, on l’a haï. On l’a pris pour modèle, on l’a pris pour héros, on l’a pris pour cible, on l’a pris en grippe. Parfois, on a fait tout cela tout au long de sa carrière, parfois, on a fait tout cela en même temps. Le Black Mamba est un des plus grands personnages que la Ligue ait connu, un des plus difficiles à cerner et, forcément, l’un des plus riches à décrire. Malheureusement, le 26 janvier 2020 restera comme son dernier jour sur cette terre. C’est l’esprit un peu groggy que ces lignes tombent, car rarement la NBA n’aura offert si douloureux moment. Probablement jamais, d’ailleurs, je n’en sais rien.
Il y a quelques semaines, nous revoyions Kobe arpenter les arènes NBA. Toujours flanqué de sa fille, Gianna Maria-Onore Bryant. Complices, il partageait avec l’adolescente de 13 ans sa passion et sa science de la balle orange. Un rond de cuir qui l’aura obsédé toute sa vie. Pourtant, c’était bien pour la jeune fille que le Mamba avait renoué avec la Ligue qu’il semblait avoir désertée. Ces images me semblaient être la plus grande preuve d’humanité de la légende des Lakers. Comme une gerbante ironie, nous avons appris que c’est aux côtés de Gianna et de sept autres personnes que neuf âmes furent prises dans un crash d’hélicoptère.
Il est des personnes que l’on n’a jamais rencontrées et qui nous semblent plus vraies que des proches. Il est des personnes dont la vie est tellement décuplée qu’elles paraissent immortelles. Kobe Bryant était assurément de celles-ci. Retraité depuis presque 4 ans, et âgé de 41 ans seulement, il semblait indéfectiblement rattaché à notre quotidien. En 20 ans sur les parquets, Kobe nous avait appris que la passion faisait accomplir des choses surhumaines, que l’esprit pouvait dominer le corps, qu’on pouvait parfois franchir les limites de l’acceptable pour elle. Pour la lumière qu’il a apporté, et pour les zones d’ombre de son tempérament, il a sans conteste montré toutes les facettes d’un humain luttant pour laisser sa trace. Marquer son temps, toucher l’excellence et la perfection sont autant d’obsessions qui ont défini les contours de l’homme. Kobe vivait pour les grands instants. Il vivait pour les minutes décisives, pour ce moment où l’adrénaline prend le dessus sur l’esprit. Il vivait pour ses moments qu’on garde en mémoire, victorieux ou vaincu, pour ce ballon décisif qui quitte vos mains. Alors forcément, c’est sur une tragédie d’un instant qu’il est parti.
Ce soir, j’ai entendu les sanglots de ceux qui l’avaient pour héro, vu les messages atterrés et meurtris de ceux qui l’ont suivi, et les larmes des joueurs envoyés au front pour que le show continue. Probablement qu’à un moment, le choc passé me mènera à les partager avec eux. Pour la plupart, à compter de maintenant, nous sommes en deuil d’une personne que nous n’avons jamais rencontré, et pourtant, qui a influencé nos vies et notre vision du monde, de près ou de loin. J’imagine que c’est la preuve de la marque qu’il laisse derrière lui, la preuve qu’il a accompli, qu’à la manière d’un artiste, son œuvre avait dépassé l’homme. Oui, Kobe Bryant a réussi son tour de force. Nous tenant éveillés en pleine nuit, nous poussant à voir et revoir ses grands moments comme ont relit les vers et proses qui ont changé nos vies.
Artiste, Kobe en avait d’ailleurs montré toute l’âme. Pas juste pas la beauté de son jeu ou par le travail acharné qu’il abattait, mais par un Adieu au basketball des plus vibrants. Le 5 mars 2018, le joueur prouvait son talent pluri-disciplinaire en obtenant l’oscar pour son superbe court-métrage : “Dear Basketball”. Une lettre d’une saisissante beauté qu’il offrait à ses fans en guise d’au revoir. Ce soir, pourtant, il nous faut lui dire plus qu’un au revoir. A cause d’un fichu accident.
Touchés en plein cœur, il nous semble impossible d’imaginer la douleur et l’épreuve que traversent sa famille et ses proches. Et si Kobe devait nous délivrer un dernier message, c’est celui de fragilité de nos vies, nous rappelant Ô combien il faut profiter des siens.
Alors, pour toutes ces années, pour toutes émotions, merci Kobe. Et repose en paix, Champion.
https://www.youtube.com/watch?v=ziUc0OCDmoU