*statistiques au 15/01/2020
L’heure du Mea Culpa pour QiBasket ? Peut-être. Rappelez-vous, alors que nous n’attendions que la reprise de la NBA, nous nous sommes prêtés au traditionnel jeu des pronostics. Un exercice difficile qui génère souvent de sublimes erreurs à assumer en fin de saison. Après une quarantaine de matchs, l’un d’entre elles se profile sérieusement, et ce pour l’ensemble de notre équipe ou presque. Une franchise a décidé de venir jouer les troubles-fêtes dans la Conférence Ouest, et il s’agit d’Oklahoma City.
Le cauchemar estival
Dire que les fans du Thunder ont vécu un été compliqué est un euphémisme. Difficile d’imaginer plus de péripéties pour une franchise qui a déjà connu le départ de Kevin Durant trois ans auparavant, dans les conditions que l’on connait tous. Pourtant, Sam Presti avait vite remis la franchise sur les rails après le départ de l’ailier, en reconstruisant autour de Russell Westbrook. En 2017, c’est Paul George qui débarquait dans l’Oklahoma, et la franchise détenait son duo de choc pour les années à venir. A condition que l’ancien d’Indiana prolonge son contrat, chose faite à l’été 2018.
Pourtant, la saison 2018-2019 s’est soldée sur une déception pour le Thunder, avec une défaite au premier tour face aux Blazers de Damian Lillard. Suffisant pour remettre en question tout le projet OKC, et alors que la Free Agency ouvrait ses portes, la NBA attendait la décision de Kawhi Leonard impatiemment. Sam Presti n’imaginait certainement pas que le choix de l’ancien Raptor imapcterait à ce point sa franchise. Car Leonard ne compte pas rejoindre les Clippers seul : en coulisses, Paul George a demandé son transfert dès qu’il a su la nouvelle. L’heure est alors à la reconstruction totale, et la direction ne tarde pas à prendre une décision radicale, la plus importante de l’histoire de la franchise : se séparer de Russell Westbrook.
Dans ces deux transferts, OKC récupère un nombre incalculable de pièces, parmi lesquelles une flopée de tours de Draft, deux vétérans d’envergure avec Chris Paul et Danilo Gallinari, ainsi que le sophomore Shai Gilgeous-Alexander. CP3 est d’ailleurs annoncé sur le marché des transferts dès son arrivée, et l’on imagine pas le meneur rester bien longtemps à OKC malgré son contrat. Avec cette incertitude et un effectif limité sur le papier, le Thunder est placé dans les profondeurs de l’Ouest dans la majorité des pronostics. L’objectif semble évident : tanker, et miser sur les nombreux tours de Draft récupérés cet été.
Le soleil après la tempête
Pourtant, Chris Paul n’est pas parti, et OKC a décidé de jouer sa saison plus que sérieusement. Le début de saison est difficile, marqué par un calendrier hostile. Entre le 10 et le 22 novembre, le Thunder a joué six rencontres : Bucks, Pacers, Sixers, Clippers, pour terminer par une double confrontation face aux Lakers. De cet enchaînement infernal, OKC n’arrachera qu’une seule victoire, obtenue en prolongations face à Philadelphie. Après 15 matchs, la franchise affiche un bilan de 5 victoires pour 10 défaites. Le moment choisi par Chris Paul et les siens pour renverser la tendance.
L’équipe montre alors un visage séduisant, et la combativité du roster commence à payer. Emmené par les vétérans, l’effectif développe un jeu agréable et efficace, et voit l’explosion relativement inattendue de SGA. Le sophomore, récupéré dans le trade de Paul George aux Clippers, montre tout son potentiel cette saison. Il y a quelques jours, nous avons dédié un article complet autour de Shai Gilgeous-Alexander. Responsabilisé sous les ordres de Billy Donovan, le canadien est déterminant dans la bonne forme du Thunder. Au relais de CP3, il tient souvent plus la balle que l’emblématique meneur, et cela réussit à OKC. Offensivement, SGA bénéficie du playmaking de Paul, et peut concentrer ses efforts sur le scoring. Résultat, il affiche une magnifique progression dans le domaine avec près de 20 pts de moyenne cette saison, contre moins de 11 chez les Clippers. Il en devient le meilleur marqueur du Thunder cette saison. Bien sûr, le sophomore joue presque 10 minutes de plus sur le parquet, et a vu son usage rate passer de 18.3% à 24.7%, mais il a pris du coffre et sait profiter de l’opportunité qui lui est donnée.
A ses côtés, ce sont les vétérans qui jouent un rôle majeur dans la réussite du Thunder. A commencer par Chris Paul, lui aussi arrivé cet été et dont les jours dans la franchise semblaient comptés. Pourtant, après un passage mitigé pour diverses raisons chez les Rockets, le meneur retrouve tout son impact. OKC jouit désormais de ses immenses qualités de gestionnaire, et ce sont ses coéquipiers qui en profitent. Paul n’est jamais aussi bon que lorsqu’il doit faire jouer les siens, et il le démontre à nouveau cette saison. OKC fait partie des bons élèves en termes de gestion de la gonfle, avec un pourcentage de pertes de balle à 13.8% (8ème). Chris Paul n’y est pas étranger, loin de là, lui qui affiche son plus faible nombre de ballons perdus en carrière (2) ! Certes, cette saison montre aussi son deuxième plus faible taux d’utilisation, mais l’impression visuelle n’en reste pas moins glorieuse. Le meneur fait du bien à son équipe, et son expérience est capitale, notamment dans les moments chauds.
Une combativité et un collectif récompensés
C’est dans dans le money time que le Thunder a su construire sa série de succès en cours. Sur leurs 12 dernières victoires (en 15 matchs), 7 ont été arrachées avec 6 points d’écart ou moins. Dans ces matchs couperets, l’expérience de certains joueurs, particulièrement Chris Paul, a été déterminante. Le Thunder ralentit souvent la cadence, affichant l’une des PACE les moins élevées de la ligue dans les 4ème quarts-temps. Surtout, depuis 15 rencontres, OKC est l’une des meilleures défenses (98.9 en Defensive Rating, premiers de la Ligue), et affiche le meilleur Net Rating de la Ligue dans cette partie du match (14.7 bien loin devant les Spurs, seconds). Le roster joue dur chaque soir, et le talent de son backcourt permet de faire des différences. Avec Chris Paul et SGA, mais également un Dennis Schroder étincelant ces derniers temps, la franchise peut compter sur des scoreurs naturels pour faire pencher la marque en leur faveur.
L’ancien d’Atlanta se montre sous son meilleur jour actuellement, faisant de lui un candidat très sérieux pour le trophée de 6th Man of the Year. Avec près de 3 pts supplémentaires de moyenne, l’allemand joue plus juste, en attestent ses pourcentages en augmentation. Il profite lui aussi de la présence de Chris Paul, même si le duo est aligné bien moins souvent qu’avec SGA. La paire Paul-Schroder affiche pourtant de bonnes statistiques avancées, et des deux côtés du terrain (112 d’Offensive Rating pour 97.5 de Defensive Rating). Une saison de relance pour Schroder donc, même s’il n’a pas été mauvais l’an dernier. Il a même obtenu le titre de joueur de la semaine dans la Conférence Ouest en décembre.
Inhabituel pour le Thunder après plusieurs saisons passées sous le signe de la Westbrook dépendance, la franchise peut désormais compter sur un collectif fort. Aucun joueur ne dépasse les 20 pts de moyenne, et seul Shai Gilgeous-Alexander attire particulièrement l’attention en raison de son explosion. C’est bien l’ensemble du roster qui mérite une mise en lumière, car les joueurs de complément remplissent également leur rôle. Billy Donovan est à créditer bien sûr, car il gère son effectif et ses rotations intelligemment, permettant à tous de bénéficier d’un environnement de jeu positif. Le coach peut compter sur des jeunes joueurs intéressants et prêts pour les joutes NBA. Parmi les dix joueurs à plus de 20 matchs joués et plus de 15 minutes de moyenne, quatre ont 21 ans ou moins, dont Shai Gilgeous-Alexander. Résultat, tout le monde est impliqué, et OKC trouve toujours un joueur sur lequel s’appuyer même dans les moments difficiles, que ce soit dans le cinq majeur ou en sortie de banc.
La recette de Billy Donovan est finalement simple : un alliage de joueurs talentueux et de rotations bien négociées, pour proposer des lineups toujours compétitives. Les deux pivots que sont Steven Adams et Nerlens Noel jouent leur rôle de protecteur, pendant que la menace provient généralement des extérieurs. Les ailes, occupées par Terrance Ferguson et Danilo Gallinari, permettent de maintenir un équilibre défensif et de conserver des opportunités de marquer. C’est simple, lorsque tous les joueurs respectent leur rôle et sont impliqués dans le collectif. Un état d’esprit qu’a su insuffler le coach critiqué par le passé, bien aidés par les nouveaux vétérans.
Et maintenant ?
Bien sûr, nous parlons ici d’une demi-saison, et on se retrouvera en fin de saison pour faire un bilan. Si on met en perspective la tendance actuelle avec la stratégie envisagée pour ce Thunder en août, bien malin sera celui qui devinera l’avenir d’OKC. Pas de tanking au programme, et une réelle chance d’accrocher les Playoffs en avril prochain. Les hommes de Billy Donovan ont même créé un écart avec les poursuivants. Et si tout peut chavirer en NBA, le Thunder montre une solidité qui laisse peu de place au doute. Dès lors, comment envisager les prochaines échéances ? Chris Paul semble finalement s’inscrire dans le projet, et son contrat presque impossible à impliquer dans un trade. Une présence qui pèsera pendant plusieurs années dans les finances de la franchise, même si le joueur maintient un niveau de jeu équivalent à celui affiché aujourd’hui.
Le véritable atout du Thunder réside dans sa base de jeunes éléments. Plusieurs joueurs utiles dans un effectif, qui permettent de voir venir, ou éventuellement de négocier des transferts bien sentis. Surtout, OKC s’est doté d’un nombre démentiel de tours de Draft, qui pourraient bien s’avérer payants rapidement. Il est tout à fait possible que la franchise sélectionne trois joueurs lors du 1er tour de la prochaine édition en juin. Une opportunité en or de récupérer des jeunes éléments talentueux pour combler les manques de l’effectif. En revanche, qui sera le Franchise Player de cette équipe ? Shai Gilgeous-Alexander en a-t-il vraiment l’étoffe ? Bien que ses performances actuelles soient épatantes, on peut douter qu’il soit de ce calibre.
Tout dépend de la timeline envisagée par le Front Office du Thunder. Agir et renforcer l’équipe maintenant ? Difficile, car la franchise manque de flexibilité, et il semble difficile d’imaginer cet effectif aller loin en Playoffs sans ajouts conséquents. Oklahoma est désormais pourvu d’une belle quantité d’assets entre les tours de Draft et les jeunes, et pourrait tenter de récupérer un Franchise Player, mais qui est réellement disponible ? Surtout, la question de Chris Paul reste essentielle malgré les performances du joueur, car son contrat est un véritable poison potentiel. Oui, son apport au groupe est indéniable à l’heure actuelle, mais est-ce vraiment l’avenir du Thunder ? Rien n’est moins sûr. La solution la plus envisageable serait donc bien de miser sur les éléments récupérés lors des prochaines Drafts, et qui viendront rejoindre un effectif pourvu en jeunes éléments de devoir. Il faudra donc espérer dénicher un crack, un futur Franchise Player parmi les jeunes recrues. Le Thunder aura également l’avantage de voir le contrat de Danilo Gallinari (22M$) s’achever cet été. Joueur de qualité, il faudra déterminer s’il veut, peut rester, mais surtout à quel prix.
En décomposition pendant l’été, le Thunder voit finalement son avenir s’éclaircir. La saison est pour l’instant un réel succès, et de nombreuses opportunités devraient se présenter à Sam Presti pour faire d’OKC une place forte de la Conférence Ouest. Entre une base de jeunes joueurs fiables et des tours de Draft jusqu’en 2060, le Thunder a de quoi voir venir. Reste à définir une ligne stratégique claire, et à faire les bons choix. Pas une mince affaire, comme toujours en NBA, mais Presti a montré ses compétences par le passé. Une chose est sûre, les fans d’OKC s’éclatent devant leur équipe cette saison, et il y a de quoi ! Pourvu que ça dure, comme dirait l’autre, mais l’équipe mérite clairement sa place actuelle.