J’avais déjà écrit un article destiné aux coachs qui allaient prendre en main une nouvelle équipe en vous promettant d’autres articles dans la même veine… C’était il y a quasi un an. Il est donc temps de reprendre le cours de cette construction en rentrant dans le détail.
Pour rappel, ce qui suit, n’est pas une vérité absolue mais simplement mon remix de la théorie. Bien sûr, il y a des choses quasi-immuables dans les termes, mais l’interprétation qu’on en fait, elle, est parfois bien différente.
Donc après la prise de contact et l’évaluation sommaire de son effectif, il est temps de s’attaquer à ce qui est pour moi la première pierre de votre édifice : l’organisation défensive de votre équipe.
Introduction
Alors pour commencer, quand commence la défense et quand se finit-elle ?
Ça peut paraître stupide comme question mais ça ne l’est pas. Avec les années, vous constaterez probablement que les moments où vous ne posez pas de cadres définis sont les moments où votre équipe ne sait pas trop quoi faire et joue à l’instinct. Si ça peut être positif dans certains cas, ça peut tout autant ruiner ce qui vient après (en attaque ou en défense). Il convient donc d’expliquer en amont à vos joueurs qu’à ce moment, ils sont dans une posture défensive ou offensive, et ce afin que chaque joueur puisse identifier son rôle.
A mon sens, la défense commence dès le moment où l’un de vos joueurs a pris un shoot, un lay-up, bref une action offensive et elle se termine lorsque votre équipe capte le rebond dans sa zone défensive. Voilà notre fenêtre d’action posée : chaque fois que votre équipe n’a pas le ballon en main.
A l’inverse la phase offensive se situe forcément au départ, dès la captation du rebond dans votre zone défensive et se termine sur la conclusion de l’action offensive (shoot, layup,…).
Le cadre global peut sembler rigide mais je le répète si vous laissez des espaces non réglementés, vous vous exposez à des epic fails, à des paniers faciles concédés, ou à des stops défensifs faciles pour l’adversaire. Ce cadre attaque-défense est primordiale, car il permet à vos joueurs d’intégrer le fait qu’il ne faut jamais, jamais s’arrêter de jouer.
Une équipe disciplinée tactiquement aura toujours ses chances même face à une équipe plus talentueuse, parce qu’elle saura comment elle doit jouer et s’adapter. Prenez en exemple le Heat de Miami Heat, même avant que Butler n’arrive, l’équipe produisait toujours du jeu. Pourquoi ? Parce que le cadre était clair, posé, et compris par tous les joueurs.
Par où commencer ?
La défense est le plus gros chantier que vous aurez à mettre en place car elle fait appel à différents paramètres et surtout parce qu’elle peut fournir un grand nombre de ballons faciles à jouer en contre-attaque. Se fatiguer en défense rime souvent avec repos en attaque et il est important que votre équipe ne soit pas constamment à fond des deux côtés du terrain, et puisse bénéficier de courts moments de répit. Sans quoi le sur-régime vous guette.
Alors pour commencer, on va tester la capacité de vos joueurs à tenir un adversaire en 1v1.
On a parfois tendance à l’oublier à cause des systèmes, mais la base du basket reste une opposition entre un joueur et un autre. On va donc organiser différents drills pour identifier nos Pat’ Beverley. Ensuite, on augmente en 2v2 et 3v3. Je ne monte pas plus haut que cela, simplement parce que la suite de ma défense est construite par étape, et sans opposition dans un premier temps, en allant du 5 contre 0 au 5v5 progressivement..
Le 3v3 c’est le 1er pas vers une défense organisée. En 1v1 et 2v2, on reste dans un rapport direct mais en 3v3, l’attaque commence à placer un peu plus son jeu, et la défense doit à son tour s’organiser, par exemple pour savoir qui sera en tête sur une défense en flèche (un joueur devant qui stoppe le dribble et deux en arrière qui protègent l’anneau). La communication doit aussi commencer à se faire entendre. Ce sera l’un des points importants et un critère de classement important pour vos joueurs, juste après la capacité à tenir le 1v1.
Le dernier est selon moi un genre de cross-compétence (oui, on peut inventer des mots) Par exemple, un joueur est poste 5 mais est capable d’être très mobile sur ses appuis et de défendre correctement sur un poste 1-2-3. Un poste 3-4 costaud capable de switcher sur un pivot sans trop le subir. Un poste 1 grand et athlétique qui pourra défendre devant un pivot en cas de mismatch,… Bref, vous avez l’idée : gardez un oeil sur la polyvalence. Ces aptitudes vous serviront davantage à vous adapter pendant un match qu’à en faire une règle absolue, mais ça reste très utile dans certains cas.
Qui veut la paix prépare la guerre
Dans le cadre non-professionnel, vous n’avez pas de scouting report comme en NBA et donc le samedi ou le dimanche, difficile de dire ce qui se trouvera en face de vous, que ce soit au niveau individuel ou collectif.
Il faut donc prévoir 2 défenses, a minima : une individuelle (man to man) et une collective (zone). Les deux doivent être sues et connues de tous. De cette manière, un simple geste du banc et votre équipe saura dans quelle organisation défensive elle doit évoluer, et ça vous évite de cramer un temps mort pour expliquer quelque chose que vous avez vu en semaine à l’entrainement.
Man to man defense :
On commence son organisation défensive par revoir les bases et s’assurer qu’elles sont maîtrisées. Dans une équipe de 10 joueurs, placez 2 joueurs par poste. Les deux se suivront de près, et ça vous évitera de tout répéter deux fois.
Mettez en 1er joueur le plus fort défensivement.
Dans la révision des bases, commencez simplement par gérer/regarder les déplacements en fonction du côté fort (là où se trouve la balle) et le côté faible (là où elle n’est pas). Vérifiez le placement des joueurs par rapport à celle-ci, et la cohérence des mouvements faits.
Ensuite sortez deux ailiers pour les mettre en attaque, prenez la place du meneur et distribuez de gauche à droite pour vérifier les déplacements. Après quelques aller-retours, laissez le meneur reprendre sa place et poursuivez.
Chaque fois que vous validez une étape selon vos critères de réussite (PS : n’oubliez pas de transmettre ces critères à l’équipe avant de démarrer les drills pour qu’ils soient au courant de l’objectif à atteindre), compliquez un peu la tâche aux joueurs. Donc après les ailiers, rajoutez des pivots et continuez à faire tourner simplement la balle. Ajoutez aussi une consigne sur le deny (la manière dont le défenseur se place quand son joueur est à une passe du ballon) : soit ouvert, soit contesté, soit complètement fermé.
Si vos joueurs voient la balle et leur joueur sans tourner la tête et qu’ils balancent bien entre côté fort et côté faible, vous pouvez passer à l’étape suivante : la gestion des cuts (les coupes).
Avec le mouvement de balle, les cuts, font partie de la sacro sainte trinité. Il faut donc préparer vos joueurs à ces déplacements. Votre défense va devoir commencer aussi à communiquer pour indiquer les déplacements des joueurs.
Comme d’habitude, on commence avec des exercices avec peu de joueurs pour pouvoir cibler les lacunes et les corriger mais aussi pour assimiler cela au mieux, en 2v2 et 3v3 de manière simple (démarquage et coupe).
Il existe bien des façons de cut dans une défense, l’idéal étant de voir chaque façon avec vos joueurs. On finit toujours par du 5v5 en étant passé par 5v3 au moins 2 fois (une fois avec les ailiers, une fois avec les pivots). Demandez à vos joueurs de ne pas poser d’écran. Le but ici est de faire de l’apprentissage progressif (ce qu’on appelle du breakdown dans le jargon) donc on décompose au max son organisation pour la remonter pièce par pièce.
Vos joueurs bump bien, ils suivent avec le deny demandé, la communication est de qualité ? On est parti pour le troisième gros volet de la défense man to man : la gestion des screens.
Là aussi, vaste choix pour l’attaque et bien des équipes utilisent ce genre de parade pour tromper la défense adverse.
C’est là où la connaissance de votre effectif est la plus importante et également là où il faudra tester la communication de votre effectif.
Il existe bien des façons de gérer les screens et celle qui présente le moins de défaut à mes yeux est le step back and under.
Comment ça marche ? Le pivot défensif fait un pas en arrière pour laisser le champ libre au meneur défensif de passer sous l’écran et suivre son joueur rapidement. Ce choix est motivé par le simple fait que dans la plupart des cas, ça laisse le champ libre à un tir à 3 points (ou longue distance) et avoir un pourcentage efficace à longue distance est plutôt rare.
De plus, rien n’empêche votre meneur de passer au-dessus de l’écran pour gêner le tireur puisque votre pivot reste disponible en couverture. Dernier point positif, il évite de switcher et donc de créer des mismatchs sans arrêt. Il peut se jouer entre tous les postes.
Si le niveau de basket et la fréquence d’entrainement le permet, j’ajouterai le hedge and recover à mes joueurs pour être sûr de couvrir la grande majorité des plays offensifs.
Encore une fois des drills très simples mais presque uniquement en 2v2 (pick and roll/pick and pop principalement). Je passe le 3v3 car je l’intégrerais directement dans mon 5v5.
Je fais tourner quelques screens en 5v5 pour replacer et corriger.
Vous commencez à avoir une défense man to man qui tourne… mais il lui manque encore un petit quelque chose.
Je l’ai dit dès le départ, la défense est une affaire de 1v1, et il va arriver des moments où votre défenseur va être débordé par son adversaire et vous devez aussi préparez votre équipe à ceci.
Le help and recovery est une notion importante car elle permet d’éviter de pointer du doigt un joueur. Tout le monde est responsable de l’anneau et de sa protection.
Evidemment, en fonction du niveau et des entraînements, on va s’appuyer sur des rotations défensives travaillées (cfr Toronto Raptors par exemple) mais dans la base le help and recovery convient régulièrement. C’est l’art de délaisser son homme pour empêcher un autre joueur de marquer à condition que son homme ne soit pas à une passe, de permettre à son coéquipier de revenir en défense sur lui et de reprendre son homme initial. Cela entraine une légère rotation côté faible mais ça favorise la cohésion d’équipe, l’entraide et encore une fois ça évite de pointer un joueur du doigt.
Tout ceci est évidemment à mettre en place au plus vite dans la saison car ça prend beaucoup de temps à être assimilé correctement et à être efficace. Ne perdez pas patience, le temps passé à apprendre n’est jamais perdu.
Zone defense :
Je ne vais pas revenir dans cette partie sur les processus d’apprentissage car ils sont identiques : Mouvements de base, cuts, screens et help.
Je préfère passer plus de temps sur le choix de ma zone.
Pour faire simple on va se concentrer sur la 1-2-2 et la 2-1-2 (ou 3-2).
Traditionnellement on utilise une zone contre une équipe qui vous met une rouste dans la raquette pour fermer l’accès au cercle.
La dispo choisie comporte des avantages et des défauts. Ceux-ci doivent être communiqués à vos joueurs car ils doivent être conscient de ce qu’ils laissent aux adversaires et si le coach en face à bien préparer son équipe, il faudra compenser ces faiblesses.
En fonction des joueurs que vous avez, il est bon également de choisir une dispo cohérente. Par exemple si vous avez deux grands pivots, la 1-2-2 est plus indiquée et si vous n’en avez qu’un, la 2-1-2 donnera de meilleurs résultats.
Au-delà de la taille un pivot lent fera l’affaire au milieu de la 2-1-2 mais sera moins efficace sur la 1-2-2 et sera surement ciblé.
Dans l’apprentissage, j’insiste sur le fait de driller vos joueurs aussi bien sur le bon fonctionnement que sur les points faibles qui sont différents en fonction de la dispo.
Comme pour la man to man, une excellente communication sera importante car l’attaque adverse a surement un plan spécifique anti-zone souvent basé sur le surnombre d’un côté. Bref soyez préparez au maximum.
Le rebond défensif :
Priorité absolue : restez maître dans sa raquette ! Et pour se faire, il faut travailler le rebond.
Bien sur on connait les drills pour pivots, il en existe plein que je ne vais pas détailler ici mais ils doivent être entrainés à cela de manière individuelle et en duo (2v2)
Et c’est là que le bât blesse souvent, on accorde pas assez d’importance au reste de l’équipe.
A partir du moment où l’adversaire se sépare du ballon pour tenter de marquer, tout le monde est concerné. Le pivot pour le rôle que l’on connait mais les ailiers et le meneur doivent au minimum contenir leurs opposants ou du moins poser un écran retard (écran sur le chemin vers l’anneau pour ralentir ou perturber l’adversaire)
Le shoot part, on cherche à bloquer l’adversaire et après on s’occupe du ballon. Si votre équipe fait l’inverse, elle s’expose à voir débarquer des joueurs, même plus petits, pour récupérer des rebonds chez vous simplement parce qu’ils arrivent en courant et ne sont pas ralentis et sautent donc plus haut quà départ arrêté.
Lorsque le ballon est maitrisé, on passe en phase offensive et on est pas là pour ça aujourd’hui.
Le repli défensif :
De même pour le moment où l’adversaire a lâché le ballon, il faut savoir que faire quand vous avez lâché le ballon. Qui va au rebond ? Qui va retourner en défense pour stopper une contre-attaque ? Où va-t-on chercher la contre-attaque adverse ?
De cela aussi il va falloir poser le cadre. Avez-vous des pivots capables de jouer un rebond ?
Personnellement je laisse mes pivots jouer le rebond et je demande un repli défensif long au meneur et court aux ailiers au cas où. Cela est motivé par la rapidité de mon meneur et de mes ailiers et la capacité de mes pivots à dominer au rebond. A vous de voir en testant ce qui convient le mieux à votre groupe mais organisez le.
Le conseil « le petit plus »
Prenez des références connues de tous pour expliquer votre défense. Par exemple : « On va jouer la même zone que le Heat »
Cette info ne servira pas à tout le monde mais certains de vos joueurs aiment la tactique et vont sans doute aller chercher à regarder cet aspect lors des matchs de Miami. Ca peut les aider de voir ce qu’ils essayent de reproduire à l’entrainement mais aussi à les motiver pour être aussi efficace.
Conclusion :
Ce ne sera pas facile de mettre cette organisation défensive sur place car les joueurs trainent toujours la patte pour défendre. Il faudra de la patience et un grand sens pédagogique pour y arriver.
Faites en sorte que vos drills d’apprentissage soient funs pour faire passer la pilule et montrez leur les fruits d’une bonne défense : Du jeu rapide en transition.