Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @Lusso98 vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Nate Thurmond est né le 25 juillet 1941 à Akron, dans l’Ohio, à l’instar d’un certain LeBron James. On s’en souvient, encore aujourd’hui, comme d’un physique hors du commun. Et pour cause. Dans une NBA où certains golgoths peuplaient les raquettes, Thurmond était surnommé Nate the Great, à juste titre : 2m11 et 107 kilos, et surtout des bras démesurément longs. Pour vous donner une idée, imaginez la taille de LaMarcus Aldridge, la stature d’Antetokounmpo avec les bras de Brandon Ingram. Fusionnez le tout, et si votre timing est bon, vous obtiendrez Nate Thurmond.
Dès lors, vous l’aurez probablement deviné, le bonhomme a évolué l’intégralité de sa carrière au poste de pivot. Il s’y frottait donc avec les plus grands, Bill Russell ou encore Wilt Chamberlain. Il a d’ailleurs commencé sa carrière NBA aux côtés de ce dernier, en étant décalé au poste d’ailier-fort, dans ce qui ressemble fort à l’une des raquettes les plus impressionnantes de l’Histoire.
Comme tous les pivots dominants de l’époque, Thurmond était un rebondeur hors paire. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir, mais il figure encore aujourd’hui, quarante-deux ans après sa retraite, dans le top 10 des rebondeurs les plus prolifiques de tous les temps (à la dixième place, avec 14 464 rebonds avalés). Il y figurera d’ailleurs encore longtemps, sauf si la résurrection de Dwight Howard avec les Lakers a vocation à se poursuivre dans le temps (Howard est actuellement 14ème dudit classement, avec 1 084 rebonds de retard sur la dixième place (chiffres arrêtés au 20/12/2019) soit 155 rencontres avec 7 rebonds de moyenne (sa production actuelle)).
Le rebond n’est d’ailleurs que l’une des facettes de la défense intérieure de Thurmond. Surathlétique, il était considéré comme l’un, si ce n’est le, meilleur défenseur de son époque, qui en a vu pourtant d’autres. Compétiteur hors paire, on se souvient donc plus de lui comme un défenseur. Ce serait toutefois une erreur de le considérer comme un piètre attaquant. D’ailleurs, en carrière, il présente exactement la même moyenne de point et celle de rebond : 15 par rencontre. Une moyenne qui ne fait pas forcément rêver (bien qu’elle soit tout de même solide), mais qui ne reflète pas le prime du bonhomme qui, entre 1964 (saison sophomore) et 1973, tournait à 19.1 points et 17,9 rebonds de moyenne !
Maintenant que nous sommes parvenus à cerner le profil du Great, faisons un arrêt sur son immense carrière.
Action !
Enfant de l’Ohio, Thurmond effectuera l’ensemble de ses classes dans son État natal. Au lycée Central High School d’Akron d’abord, où il côtoyait un autre membre de la draft 1963 et futur Hall-of-famer, Gus Johnson. Il restera ensuite trois années au sein de l’Université de Bowling Green. Il a en effet refusé de rejoindre la faculté d’Ohio State, pourtant plus prestigieuse, puisqu’il craignait devoir laisser son poste d’intérieur titulaire à Jerry Lucas, dont nous avons parlé la semaine dernière.
Les capacités qu’il montrera au cours de ses quatorze saisons en NBA, Nate les montrait déjà sur les parquets de la Fac. Ainsi, trois années de suite, il dominera le classement des rebondeurs de sa conférence (17 rebonds en moyenne en tout). D’ailleurs, sa présence au sein de l’effectif des Falcons coïncide avec les rares incursions de cette petite fac au tournoi final NCAA (quatre apparitions dans l’Histoire, dont deux consécutives en 1962 et 1963). D’ailleurs, l’élimination au stade des Sweet Sixteen 1963 constitue, encore aujourd’hui, le meilleur résultat de Bowling Green sur l’échiquier du basket universitaire. Un échiquier que Thurmond va quitter avec la manière, en attrapant la bagatelle de 31 rebonds pour sa dernière rencontre.
Il se présente donc à la draft 1963, à l’issue de laquelle il est sélectionné en troisième position par les San Francisco Warriors, ancêtres de l’actuelle franchise de Golden State. Il est d’ailleurs, avec son ancien coéquipier Gus Johnson, le meilleur joueur de cette cuvée, de très loin.
Chez les Warriors, Thurmond fréquente donc Wilt Chamberlain durant une saison, avant que celui-ci ne soit envoyé du côté de Philadelphie. Et lorsqu’un tel ogre se trouve dans votre propre raquette, il est naturel de se faire petit (si tant est que ce mot puisse lui être appliqué) pour sa saison rookie. Il résulte en effet de cette année de cohabitation que The Steelt a clairement pris le pas sur The Great. Il faut dire que Chamberlain était alors quadruple meilleur scoreur et meilleur rebondeur consécutif de la Ligue … pour ses quatre premières saisons. Dès lors, il est aisé de comprendre pourquoi la saison rookie de Thurmond ne fut pas des plus grandioses : 7 points, 10,4 rebonds et 1,1 passe décisive de moyenne, avec un temps de jeu de 26 minutes par rencontre. Une ligne statistique qui ne lui permet pas d’être élu rookie de l’année, le titre revenant à … Jerry Lucas, drafté en 1962 mais qui n’a fait ses débuts en NBA que la saison suivante.
Le départ de Chamberlain pour la Pennsylvanie en 1965 va libérer tout le potentiel, notamment offensif, d’un Thurmond jusqu’ici timide. Son temps de jeu explose en même temps qu’il devient le pivot titulaire des Warriors (41,2 minutes de moyenne pour sa seconde saison, jusqu’à 45,2 minutes en 1968 – 1969). Néanmoins, si son jeune pivot s’épanouit individuellement suite au départ de Wilt, au point qu’il deviendra All-Star, les résultats collectifs de la franchise de San Francisco sont absolument calamiteux. Il faut ainsi un alignement des astres, ou une prestation gargantuesque de sa jeune star, pour que les Warriors remportent un match. Ainsi, la première victoire de la franchise (lors du cinquième match de la saison) est acquise au détriment de Baltimore, suite à un 28 points et 37 rebonds de Thurmond (malgré un magnifique 0/6 aux lancers-francs).
Et s’il a la fâcheuse tendance à s’effacer lors des matchs importants (contre Boston et les Lakers, globalement), cette saison sophomore est, au final, une belle réussite individuelle, au cours de laquelle il attrapera plus de 20 rebonds à 27 reprises, et scorera plus de 20 points au cours de 28 matchs. D’ailleurs, le 28 février 1965 et une énième défaite des Warriors contreles Bullets, Thurmond se fendit du premier 30 / 30 de sa carrière (30 points, 32 rebonds … à 8/8 aux lancers-francs !). Au-delà de la performance, remarquable et peu commune (seulement deux 30 / 30 recensés au cours de la décennie 2010 : Kevin Love en 31 / 31 en 2010 et Dwight Howard en 32 / 30 en 2018), le grand Nate a surtout établi un record NBA qui tient toujours aujourd’hui : 18 rebonds pris … en un seul quart-temps !
Les saisons se suivent et se ressemblent, individuellement parlant, pour Thurmond au sein des Warriors. Collectivement, le bilan double lors de la saison 1965 – 1966 (de 17 victoires à 35). Ce n’est toujours pas folichon, mais cela commence à ressembler à autre chose qu’une mascarade. Surtout, le 9 novembre 1965, l’enfant d’Akron va une nouvelle fois entrer dans le Guiness Book des records. Enfin, presque. Il rentre dans une caste (très) fermée, celle des joueurs ayant pris au moins 40 rebonds au cours d’une seule rencontre. La liste des membres de ce groupe est vite énoncée :
- Jerry Lucas : 40 rebonds le 29 février 1964 contre les Cicinnati Royals (saison rookie),
- Bill Russell : a attrapé au moins 40 rebonds à onze reprises, dont un record à 51 rebonds, le 5 février 1960 contre les Syracuse Nationals,
- Wilt Chamberlain : a attrapé au moins 40 rebonds à quinze reprises (!). Détient le record all-time, 55 rebonds le 24 novembre 1960 contre les Boston Celtics … de Bill Russell,
- Nate Thurmond, qui a massacré la raquette des Pistons en prenant 42 rebonds le 9 novembre 1965. Cela vous permet peut-être de prendre pleinement conscience de l’envergure (et c’est le cas de le dire !) qu’avait alors Thurmond au sein de cette NBA d’avant-hier.
La carrière collective du joueur décolle enfin en 1967, alors que les Warriors atteignent les finales de conférence, perdues contre … Les Sixers de Wilt Chamberlain, lancés droit vers le titre NBA. Il faut dire que le coach des Guerriers, pour cette saison, est un habitué de la gagne : Bill Sharman, ancien joueur des Celtics hégémoniques et quadruple champion NBA.
Sharman coachera San Francisco et Thurmond jusqu’en 1969, avec comme plus mauvais résultat une défaite en demi-finale (premier tour à l’époque) des playoffs. Ces trois années correspondent d’ailleurs avec le prime de son pivot, qui dépasse les 20 points de moyenne pour les trois seules saisons de sa carrière : 21,9 points et 17,7 rebonds et 3,5 passes décisives en moyenne. Parce qu’effectivement, au fur et à mesure, The Great se fait de plus en plus altruiste. A cet égard, sa saison 1967 – 1968 est remarquable. Certes, c’est lors de celle-ci que Chamberlain est devenu l’unique pivot à terminer meilleur passeur d’une saison (8,6 passes décisives par rencontre !). Derrière lui, si l’on excepte Nikola Jokic, Thurmond possède la troisième meilleure moyenne de passes décisives sur une saison pour un big men : 4,2 par match.
Thurmond évoluera sous les couleurs des Warriors (devenus “Golden State” en 1971 – 1972) jusqu’en 1974. Jamais plus il ne visitera les finales de conférence. Pourtant, au fur et à mesure, plusieurs joueurs exceptionnels se venus le rejoindre à San Francisco. Citons ici Rick Barry et Jerry Lucas, qui sont certainement deux des trois meilleurs coéquipiers de la carrière de Thurmond.
Ce n’est pourtant pas faute pour ce dernier d’avoir proposé, de saisons en saisons, des performances de haute-volée. Il aura, au final, disputé 757 rencontres pour les Guerriers, avec pour moyenne 17,4 points et 16,9 rebonds en onze saisons. Il est le meilleur rebondeur de l’Histoire de la franchise et en reste, encore aujourd’hui, l’un de ses deux meilleurs pivots, avec Chamberlain.
Alors que l’automne 1974 pointait le bout de son nez, Nate Thurmond est tradé aux Bulls de Chicago, contre Clifford Ray et un premier tour de draft. Et bien qu’il commence à prendre de l’âge et qu’il se fait moins bondissant, il ne tardera pas à se mettre en évidence sous le maillot rouge des taureaux de l’Illinois. Et c’est pour cela qu’il a été choisi comme porte-drapeau de la saison 1974 – 1975.
L’oscar de la saison 1974 – 1975
Avec cette série, nous vous avons jusqu’à présent proposé quatre portraits. A chaque reprise, “l’oscar de la saison” était attribué à un joueur sélectionné pour sa saison régulière phénoménale. Pour une fois, il n’en sera rien. En effet, individuellement parlant, la saison 1974 – 1975 de Nate Thurmond n’est pas spécialement remarquable. Ses moyennes statistiques sont sensiblement les mêmes que lors de sa saison rookie, les passes décisives en plus : 7,9 points, 11,3 rebonds, 4,1 passes décisives. Collectivement, les Bulls perdront en finale de conférence au meilleur des sept rencontres … contre les Warriors de Golden State, qui remporteront le titre NBA. Fichu timing, pourrait-on dire.
Il convient ici d’apporter une précision fondamentale pour la suite de notre raisonnement. Depuis 1973, le nombre de statistiques brutes positives (en excluant donc les pertes de balle) n’est plus de trois (points, rebonds, passes décisives), mais bel et bien de cinq. En effet, les interceptions et les contres ont commencé à être comptabilisés cette année-ci. Et ceux qui connaissent l’Histoire de la NBA doivent savoir en quoi cette précision revêt, ici, une importance capitale.
Nous l’avons montré suffisamment, on l’espère ; Nate Thurmond est devenu, au fil des années, un pivot complet. Un intérieur comme on en voyait finalement assez peu. Au cours de son prime, il était ainsi impressionnant offensivement, dominant sous les cercles et, pour ne rien gâcher, relativement altruiste. Et si l’âge lui fait perdre petit à petit certaines de ces qualités, il est des moments, des matchs, où l’incroyable talent du joueur surgissait encore.
Puisqu’en effet, si nous avons choisi Nate Thurmond pour évoquer ensemble la saison 1974 – 1975, c’est en raison d’une seule rencontre. La première de la saison des Bulls. Car si The Great avait pris l’habitude d’appartenir à certains clans très fermés (rappelons-le rapidement, il fait parti des huit joueurs à avoir réalisé un 30 / 30 sur une rencontre, mais est aussi l’un des quatre joueurs a avoir attrapé au moins 40 rebonds sur une rencontre), il va, cette fois-ci … créer un nouveau groupe. Rien que cela.
Le 18 octobre 1974, les Bulls de Chicago reçoivent les Hawks d’Atlanta, pour lancer cette nouvelle saison. Pour tout vous dire, Chicago remportera la rencontre après prolongation, sur le score de 120 – 115. Mais, finalement, le score ne revêt aucune importance. Titulaire dans la peinture des taureaux, Thurmond effectue donc son premier match sous ses nouvelles couleurs. Nous le savons, certains joueurs réussissent des départs exceptionnels avec leur nouvelle franchise. Pour ne citer que lui, rappelons qu’Oscar Robertson avait réalisé un triple-double pour son premier match avec les Royals de Cincinnati, ce qui est d’autant plus remarquable que c’était également sa première rencontre NBA.
Il faut bien avoir à l’esprit, pour comprendre la portée de la prestation de Thurmond, que dans les années 1970, rares étaient les joueurs capables d’effectuer ce genre de performances. Le classement des joueurs ayant réalisé le plus de triple-double en carrière achève de nous convaincre, puisque si l’on analyse le top 20, on s’aperçoit que 15 joueurs ont commencé leur carrière après la retraite de Thurmond. Pour vous donner une idée, seuls les supertstars de l’Antiquité de la NBA se retrouvent dans ce top 20 : Robertson, Chamberlain, Havlicek et Baylor. Soit, si l’on s’avance un peu, quatre des trente meilleurs joueurs de tous les temps. C’est dire si la performance, à l’époque, était tout sauf banale.
Néanmoins, Nate The Great ne va pas réaliser un triple-double. Il va en effet réussir une première (homologuée) dans l’Histoire NBA : un quadruple-double. Quatre catégories statistiques avec au moins 10 unités. Une performance absolument rarissime, que l’on n’a plus vue dans la Grande Ligue, à l’heure de la rédaction de ces modestes lignes, depuis plus de 25 ans. Ainsi, après 45 minutes de jeu, Thurmond affichera les statistiques suivantes : 22 points, 14 rebonds, 13 passes décisives et 12 contres. Pour l’anecdote, rien que le nombre de contres lui permettrait de causer très sérieusement dans un classement all-time, puisqu’ils ne sont que 17, depuis 1973, a avoir claqué 12 contres (ou plus) dans une seule rencontre.
Certes, certaines légendes sont ici mises hors jeu. Exit les Russell, Chamberlain et autre Jerry West qui, tous, ont réalisé des quadruples-doubles dans une époque où les interceptions et les contres n’étaient pas officiellement comptabilisés. Toujours est-il qu’officiellement, Nate Thurmond est, et restera à tout jamais, le premier à avoir réalisé une telle performance. Il est d’ailleurs longtemps resté seul membre de ce groupe émérite. Jusqu’au 18 février 1986, lorsqu’Alvin Robertson le rejoignit en réalisant le seul quadruple-double de l’Histoire avec les interceptions. Alors que les légendaires Hakeem Olajuwon et David Robinson se sont, depuis lors, intégrés dans ce club des quatre, on s’aperçoit que Thurmond est, de loin, le joueur le plus âgé à avoir réalisé une telle prestation. Rappelons en effet qu’il avait déjà 33 ans en ce 18 octobre 1974. Il est également le seul, de facto, à avoir réussi un quadruple-double alors qu’il n’était pas dans son prime.
Il faut dire que toutes les planètes semblaient alignées. Jamais plus, au cours de cette saison 1974 – 1975, Thurmond ne distribuera plus de 10 passes décisives et ne réalisera plus de 8 contres. De la même manière, les 22 points scorés contre Atlanta constituent sa deuxième meilleure marque de la saison. C’est dire si, pour sa première dans l’Illinois, tout lui souriait. Pour une fois, pourrait-on dire, quand on sait que le bonhomme a couru derrière une bague durant toute sa carrière, en vain.
Lorsqu’on évoque aujourd’hui les plus grandes performances de tous les temps en saison régulière, le quadruple-double de Nate Thurmond revient immanquablement dans la conversation. Aux côtés, par exemple, des 100 points de Wilt Chamberlain, des 81 points de Kobe Bryant ou encore du double triple-double (trois catégories statistiques avec au moins 20 unités) de Russell Westbrook la saison passée. Quarante-cinq ans après, chaque observateur avisé sait donc qu’un beau soir d’octobre 1974, le numéro 42 des Bulls s’est fendu d’une performance magistrale. Et gageons que dans quarante-cinq ans, quand les performances des LeBron James, Stephen Curry et Luka Doncic ressembleront à s’y méprendre à un passé lointain, nous garderons toujours en mémoire que Thurmond fut le créateur de l’un des groupes les plus huppés de ce sport. Vous avez dit : “incroyable” ? Nous vous répondons : “légendaire” !
Le générique de fin
Nate Thurmond prendra sa retraite à l’issue de la saison 1976 – 1977. Que l’on soit clair : en dehors des Warriors, et de ce fantastique premier match avec les Bulls, sa carrière est plus modeste. Ce qui, à 34 et 35 ans, n’a rien d’infamant. Il effectuera encore un petit bout de saison dans l’Illinois (13 rencontres au cours de la saison 1975 – 1976, pour 3 petites victoires et des statistiques en baisse : 3,7 points et 5,5 rebonds en 20 minutes de moyenne) avant d’être transféré chez lui, à la maison, à Cleveland. Il y a terminera sa carrière, non pas dans l’anonymat, mais sans grand bruit.
La lecture du palmarès du bonhomme donne tout son sens à son surnom. Voyez plutôt :
- Hall-of-famer : introduction en 1985,
- Membre des 50 greatests, nommés à la mi-temps du All-star game de 1996 … à Cleveland,
- All-Star à sept reprises, toutes sous le maillot de Golden State,
- All-defensive team à cinq reprises,
- 10ème rebondeur le plus prolifique de l’Histoire,
- 5ème meilleure moyenne au rebond parmi les cinquante rebondeurs les plus prolifiques,
- Premier quadruple-double de l’Histoire,
- Maillot retiré aux Warriors et aux Cavaliers.
Au final, le seul regret que l’on puisse avoir, c’est de ne pas voir sa main ornementée d’une bague. Notons également que jamais Thurmond n’a eu l’honneur de faire partie d’une All-NBA team, ce qui reste une étrangeté tant le joueur était dominant à San Francisco. Mais, bien plus que nos mots, ce sont les paroles de ses anciens coéquipiers et adversaires qui le définissent le mieux.
Crédits et hommages
Nous avons les soutiens que l’on mérite, parait-il. En l’espèce, nous ne parlerons pas de soutiens, mais bel et bien d’hommages, puisque Nate Thurmond s’est éteint le 16 juillet 2016, emporté par la maladie. Néanmoins, quelques très grands de notre sport n’ont pas attendu son décès pour clâmer haut et fort tout le bien qu’ils pensaient de Nate the Great. A cet égard, donnons la parole à Kareem Abdul-Jabbar, légende parmi les légendes, qui a plusieurs fois rappelé l’estime qu’il portait à son ancien adversaire.
“J’ai toujours dit que Nate Thurmond était le plus grand compétiteur contre lequel j’ai jamais joué”.
De telles paroles, prononcées par le meilleur scoreur de tous les temps, six fois MVP et bagué à autant de reprises, en disent long sur le respect qu’inspirait Nate Thurmond. D’ailleurs, Jabbar surenchérit :
“Lorsque je scorais “sur” Nate, je savais que je venais de réaliser quelque chose”.
De quoi venir placer Thurmond parmi les meilleurs défenseurs intérieurs de l’Histoire ? Il semblerait que parmi la myriades d’hommages reçus depuis sa disparition, le grand Nate mérite bien celui-ci.
Le mot de la fin revient à un de ses anciens coéquipiers, Rick Barry, le légendaire ailier des Warriors, qui l’a côtoyé durant deux saisons :
“Nate est l’un de tous meilleurs pivots à avoir jamais joué, et c’est un privilège pour moi de l’avoir eu comme coéquipier et de pouvoir le considérer comme un ami […]. Son héritage est composé d’un mélange de passion, d’une compétitivité incroyable, d’un amour profond du basketball et d’une dévotion totale envers les autres”.
Que rajoutez de plus sans risquer d’être insipide ? Probablement rien. Reposez en paix, Monsieur Thurmond.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65),