Entre la multitude de trophées individuels, le quête du titre comme Graal et le développement incessant des analytics, la NBA est devenu un univers de métrique. Laisser sa trace est perçu, pour des générations entières, comme l’accumulation de données comptables accumulées, supposées permettre aux fans et aux joueurs d’établir une hiérarchie claire et définie des légendes de la Grande Ligue, mais aussi des équipes qui ont foulé la celle-ci. Si cette logique se heurte de plein fouet à l’évolution du jeu, de la compétitivité ou de l’étendue de la Ligue, elle entre aussi en conflit avec une autre vision : celle des storytellers. Car à l’opposée de cette tendance mathématique, réside la force majeure, en mon sens, de la NBA : sa faculté à nous raconter des histoires. Tous les ans, une multitude de trames de qualités différentes voient le jour, certaines suffisamment surréalistes pour tenir place dans un script basé sur aucun fait réek. Et forcément, comme dans toute Ligue majeure, la course pour le titre final fait parti des principales trames scénaristiques.
Si l’on décide de voir la NBA sous l’aune du storytelling, plutôt que par celui des chiffres, vient une question fascinante : tous les titres se valent-ils ? La question est légitime puisque, si on peut être tenté de dire que l’important est la victoire finale, que le triomphe au plus haut niveau est toujours exigeant et qu’à cet égard, il convient de traiter chacun d’entre eux de la même manière, ceci va à l’encontre de la vision que sous-entend l’axe de traiter chaque cas selon l’histoire qu’elle nous raconte. En effet, la force d’une bonne histoire, c’est qu’elle laisse son empreinte en fonction du pic émotionnel qu’elle déclenche chez celui qui en est le spectateur. Que le dénouement soit heureux ou non, il faut accepter que le plus important ici, est de percevoir un accomplissement selon ce qu’il a généré comme réaction plutôt que ce qu’il vaut de manière intrinsèque et admise. En outre, au-délà de l’émotion directe générée par ces différents titres, il conviendra également d’évaluer la trace qu’ils laisseront dans le temps. Un exercice qui peut paraître irréaliste et pernicieux tant l’émotion est quelque chose qui peut sembler personnel et flou. On ne peut y appliquer, sur le papier, aucun critère objectif, ce qui rend forcément l’exercice biaisé, n’est-ce pas ? Pourtant, il est également forcé d’admettre que certaines histoires de la NBA ont mieux voyagé que d’autres. Si l’on regarde dans des époques lointaines, il me semble vrai d’affirmer que certaines finales ont marqué au point que nous soyons nombreux à connaître le scénario de finales que nous n’avons pas forcément vues, tandis que d’autres sont plus facilement tombées dans l’oubli. Si l’on considère qu’une histoire, un accomplissement se meurt lorsqu’il n’y a plus personne souhaitant la raconter, on peut alors accepter l’idée que si certains titres méritent plus de rester en mémoire que d’autres, c’est que certains accomplissements sont, légitimement ou pas, supérieurs à d’autres.
Vous l’aurez compris, l’objectif est de revenir sur cette notion de valeur “symbolique” que peut avoir un titre NBA, l’idée que certains puissent valoir plus que d’autres, ceci en prenant l’exemple de la décennie des 2010s qui se ferme dans quelques jours.
Les titres d’exception
2011 : La valeur de l’inattendu
Après “The decision”, la NBA se trouve dans un état très particulier. La course au titre semble être une bataille désespérée pour la majorité des équipes de la Ligue. En rassemblant Dwyane Wade, LeBron James et Chris Bosh, 3 franchise players dans la force de l’âge, Pat Riley vient à priori de mettre la main sur la trophée Larry O’Brien pour les 4 saisons à venir. Porté par un James au sommet, le Miami Heat semble rouler vers le second titre de son histoire. Après avoir marché sur la conférence Est, on ne donne pas cher de leurs adversaires en finale. Alors que la NBA nous offre la revanche de 2006, il paraît très improbable que les vieux briscards de Dallas puissent renverser une équipe de Miami aussi talentueuse qu’athlétique. L’histoire nous la connaissons tous, et nous vous l’avions compté dans ce 1er épisode de la communauté de l’anneau : Les Mavericks ne vont pas seulement l’emporter, ils vont étriller les favoris d’une manière complètement inattendue et au terme d’une campagne magistrale. La décennie consacre son second champion, mais on pense déjà tenir le titre le plus dingue des 2010s. David a vaincu Goliath, et la NBA se prend d’amour pour ces vétérans au crépuscule de leur carrière. L’engouement à leur égard est à la hauteur du désamour pour LeBron suite à sa décision de quitter Cleveland, et nous savions tous, sans recul nécessaire, que nous venions d’assister à une des campagnes de Playoffs les plus fantastiques que la NBA nous ait donnée. 8 ans plus tard, l’impression n’en est que plus forte, et on se souvient tous d’où nous étions lorsque Dirk Nowitzki fêta son premier et dernier titre.
L’allemand a subit un revers douloureux en 2006 et un second humiliant en 2007, recevant son titre de MVP après avoir été frappé d’un upset tonitruant au premier tour des Playoffs. Mais la bague de 2011 a une saveur particulière et en vaut assurément plusieurs et les déboires passées.
2013 : Quand une action change tout
Un an plus tôt, le Heat a lavé l’affront de 2011 en effaçant son ardoise. LeBron James a enfin son premier titre et Miami va sortir une saison régulière stratosphérique, ponctuée par une série de 27 victoires consécutives pour marquer définitivement l’Histoire. Alors que les hommes d’Erik Spoelstra visent le repeat, c’est un armada bien discipliné qui se présente sur la route du champion en titre : les San Antonio Spurs. Après le revers de 2011, c’est une autre franchise texane qui vient se mettre sur la route de Miami, et celle-ci fait bien plus peur que les Mavericks. Alors que le Big Three du Heat est au sommet de son art, le trio Parker-Ginobili-Duncan a déjà bien entamé son déclin. Mais les papys font de la résistance et sont surtout extrêmement bien entourés et coachés. Alors que retiendra l’histoire ?
Tout d’abord, 2013 va nous livrer une des finales les plus disputées de la décennie, avec deux formations jouant un très beau basket, mais aussi une bataille de coachs ou chaque ajustement fait mouche. Pourtant, les rencontres se terminent souvent sur de larges victoires pour chaque formation et hormis le game winner du meneur français, la finale pourrait bien ne pas entrer à la postérité. Mais nous allons l’apprendre, il suffit parfois d’une action pour marquer au fer rouge des millions de fans. Alors que le Heat semble vaincu, les floridiens se révoltent et tentent un retour dans un temps imparti qui nous paraît trop faible. Pourtant, les Spurs se mettent à balbutier et LeBron James portent le retour des siens. C’est pourtant sur un tir raté du King que l’exceptionnel se produit. Un rebond crucial de Bosh, une passe dans le corner et nous assistons médusés, surexcités ou groggys, au tir le plus décisif de l’Histoire. L’ennemi d’hier devient le héros du moment, et Ray Allen écrit le plus grand moment de sa carrière aux dépends des Spurs. Sonnés, ces derniers lâcheront la rencontre et ne réussiront pas l’exploit dans l’America Airlines Arena lors de la septième rencontre décisive.
En une poignée de minutes, l’invincibilité en finale de San Antonio est bafouée, le Heat a réalisé une action d’ores-et-déjà au panthéon des finales NBA et le trio du Heat poursuit sa course vers le threepeat. De quoi en faire un titre précieux à postériori.
2016 : La finale ultime, le storytelling parfait
Si, en 2011, nous pensions tenir le scénario le plus hollywoodien de la décennie, nous n’avions pas prévu un script tel que celui de 2016.
Nous avions quitté la NBA aux mains du Heat et des Spurs. 1 an plus tard, les cartes sont redistribuées et deux géants émergent. D’un côté, les Golden State Warriors de Stephen Curry, de l’autre les Cleveland Cavaliers de… LeBron James, encore lui. En 2016, la génération Stephen Curry vient de remporter son premier titre pour la Baie, et la franchise forte de sa bague se permet d’aller battre le record en saison régulière des Chicago Bulls de Jordan, rien que ça. A ce moment, osons le dire, Curry et ses Warriors sont sur le toit du monde. En train de révolutionner la NBA, rien ne semble résister à l’armada d’Oakland. Tout du moins jusqu’en finale de conférence où ils frôlent la catastrophe en manquant de se faire dévorer par un Thunder aux dents longues. Sauf que Klay Thompson sort du bois et sauve la mise. Après avoir passé cet obstacle, on se dit que le pire est derrière eux.
Sauf que dans l’autre conférence, les Cavaliers sont en mission, derrière un LeBron James titanesque. Et pour lui, se joue le plus grand chapitre de sa carrière. Si le King s’est évité l’opprobre de ne pas gagner de titre en partant en Miami, il s’est détourné de sa destinée. En revenant à la maison, dans l’Ohio, il entend réparer l’erreur de 2010, sauf qu’une équipe historiquement forte a éclot dans le même temps et il s’apprête à croiser le fer une seconde fois avec eux en finale. Là où cette finale est formidable, c’est que tout est rassemblé. Le temps pour accomplir son destin, comme je le décrivais dans cet article sur la carrière de LeBron James, intitulé LeBron James et la quête du Graal, mais cela, il doit le faire en prime contre une équipe marchant sur les pas des Bulls de Jordan… et avec une scénario stratosphérique. Car la série va échapper à Cleveland et face à une équipe de Golden State en train de s’affirmer, les Cavaliers vont se retrouver mener par 3-1. C’est le moment que la Ligue choisit pour donner une suspension à Draymond Green, mais aussi celui où Kyrie Irving et LeBron James se décident à frapper un grand coup. Derrière une double performance historique au scoring, les Cavs se relancent et la franchise enchaîne en égalisant sur son terrain, pour retourner à Oakland pour un dénouement sous pression.
Les deux équipes feront jeu égal offrant une fin de match au suspens intenable. Les plus belles histoires s’écrivent dans l’adversité ? Alors dans les ultimes secondes, LeBron James viendra réaliser une action pour la postérité, qui obtiendra un nom “The block”, revenant des abysses pour stopper André Iguodala. Puis Kyrie Irving achèvera les Warriors avec un 3pts assassin. Au terme du match, LeBron tombe dans les bras de ses coéquipiers, dont Kevin Love, en larmes. Il sait qu’il vient d’écrire le plus grand chapitre de sa carrière, une quête poursuivie depuis son entrée en NBA.
Cette finale contiendra tous les éléments du grandiose : une histoire de longue date, une rivalité, un scénario jamais réalisé, un final haletant et des actions d’éclats à la pelle. De quoi devenir la plus grande finale de la décennie, quand bien même la campagne jusqu’aux finales ne fut pas aussi onirique que celle de Dallas.
Les titres marquants
2010 : Le dernier chapitre
La décennie a commencé sur les chapeaux de roue en 2010. En tête d’affiche ? La plus grande rivalité de l’histoire de la NBA : Los Angeles Lakers Vs Boston Celtics. Kobe Bryant et Pau Gasol contre le quatuor des Celtics Rondo, Allen, Pierce, Garnett. Pour ne rien gâcher, ces deux équipes se sont croisées en 2008 en finales et les Celtics ont triomphé. LA a faim de revanche, Bryant vient de s’offrir son premier titre de MVP des finales et rêve déjà d’un second titre sans le Shaq.
Et la série va tenir ses promesses. Véritable bataille stratégique et de volonté, la dernière apparition en finale de cette génération (à l’exception d’un homme dont nous parlions plus tôt) sera absolument étouffante. Les deux équipes se rendent coup pour coup et vont finalement se retrouver dans le fameux match couperet : le Game 7. Et la partie va elle aussi tenir son rang : les deux équipes sont disciplinées et vont nous offrir une décision dans les ultimes secondes. Mieux, elle va basculer de manière inattendue. Alors que les Celtics semblent en meilleures jambes, que Kobe Bryant est en délicatesse avec le cercle, le match va étrangement basculer en la faveur des Lakers. Portés par un Pau Gasol volontaire, le match va glisser entre les mains de Boston, qui malgré une meilleure maîtrise dans l’exécution vont se laisser prendre par une équipe qui arrachera la décision en bataillant.
Les Lakers prennent leur revanche, gardent l’espoir d’un nouveau threepeat en vie et commencent la décennie sur l’image d’un Kobe Bryant triomphant, pour la dernière fois de sa carrière.
2014 : Le dernier feu
Les Spurs ne sont plus invaincus en finale, mais sont toujours un solide prétendant à l’Ouest. Alors que le Heat repart avec le même groupe, San Antonio élude toute envie de revanche sur la bande de Pat Riley. Tandis que les médias cherchent à faire naître une rivalité, les hommes de Gregg Popovich font à nouveau ressortir toute leur sobriété. Apparemment désintéressés par la saison du double champion en titre, les texans affutent leurs armes dans l’ombre. Miami continue de dominer, avec moins de vigueur néanmoins, pendant que les Spurs font étalage de leur maîtrise, perpétuant presque 20 ans d’excellence. Malgré la compétition à l’ouest, et après une frayeur au premier tour face aux Mavericks, ces derniers vont soudainement passer un cap.
Il va sans dire que généralement, ce sont les finales les plus disputées qui marquent l’Histoire. Une bonne histoire a très souvent un suspens haletant, mais celle-ci prouve qu’il peut y avoir des exceptions. Car après un premier tour compliqué, San Antonio semble faire sauter un verrou et va dérouler un jeu léché face à chaque adversaire pour accéder aux finales. Alors qu’on s’attend à une nouvelle bataille des plus âpres, les Spurs vont offrir un autre scénario. Pratiquant le plus beau basket offensif de leur histoire, les texans semblent habiter par un esprit de revanche qu’ils ont nié tout au long de la saison. Désireux de réparer leur échec, presque tous les joueurs semblent évoluer à un niveau supérieur à celui de la saison passée. A l’exception de Danny Green, tout le monde se transcende. Kawhi Leonard s’affirme comme un des tous meilleurs défenseurs de la Ligue et limite un LeBron qui paraît esseulé dans la débâcle. Le jeu pratiqué par San Antonio est collectif, empreint d’altruisme et d’une efficacité redoutable. Alors que l’ensemble du groupe se déchaîne, un des principaux fautifs de l’échec de 2013 semble renaître : Manu Ginobili. Galvanisé par sa contre-performance, l’argentin est intraitable et marquera les finales par un poster rageux sur un Chris Bosh volontaire mais dépassé.
Ce n’est pas la dernière fois que cette génération pratiquera un beau basket, mais c’est la dernière fois qu’ils accéderont aux finales NBA. Peut-être le savions-nous déjà à ce moment-là, peut être que les joueurs aussi, car ils se sont offerts un chant du cygne de toute beauté. Dans le même temps, on sent que l’aventure du Big Three de Miami arrive à son terme, quelque chose s’est cassé dans la quête du threepeat. Tandis que San Antonio célèbre la fin d’une génération et l’avènement d’une nouvelle star, derrière Kawhi Leonard, on sent qu’un tournant approche en NBA, derrière la fin du principal antagoniste de la NBA. De quoi rendre cette finale mémorable.
2015 : Ou quand on retient la mauvaise personne
En 2015, les Warriors viennent d’éclore aux yeux du monde. Ils ne sont plus une bonne équipe qui peut devenir très dangereuse, ils représentent le danger. Le tout avec la manière. Une équipe construite par la draft et des choix malins. Golden State change la NBA et Stephen Curry est l’enfant chéri de la NBA. Avec leur basket fluide et collectif, difficile de ne pas adhérer à cette équipe qui apporte un vent de fraîcheur sur toute la Ligue. En face, Cleveland à un capital sympathie moins certain. LeBron James après The Decision, revient à Cleveland. La nouvelle est excitante, mais l’impression qu’il a quitté un Heat en bout de course nuance l’impression. En prime, alors que ce dernier annonçait vouloir faire progresser une jeune génération, c’est finalement une série de trade pour ramener des vétérans qui se produisent en chaîne. Kevin Love, J.R Smith, Iman Schumpert et plusieurs camarades de James débarquent dans l’Ohio. Seuls Kyrie Irving et Tristan Thompson survivent à ce grand ménage pour constituer un prétendant immédiat au titre. La méthode se comprend, mais le fossé entre les déclarations et la réalité laissent un goût amer.
Sur sa route vers le titre, James va trouver une très jeune équipe qui vient d’exploser. Les deux équipes ont déroulé sereinement jusqu’en finale, sans vraiment douter. Ce titre trouvera sa saveur dans son dénouement ou sera décevant. Malheureusement, le choc part pour accoucher d’une souris. Kevin Love se blesse avant les finales, Kyrie Irving durant le premier match de celles-ci. On se dit que tout est terminé, que l’affrontement a été tué dans l’œuf. LeBron a désormais pour lieutenants JR Smith, Timofey Mozgov et Tristan Thompson et les Cavs laissent échapper le premier match en prolongation après la blessure de son meneur titulaire.
Pourtant, LeBron va réaliser une performance pharaonique : porter son équipe en attaque – seul. Au four et au moulin, entouré de soldat en clair déficit de talent offensif, LeBron va tout tenter. Mieux, il va donner l’avantage à son équipe au terme de matchs effrayants. La série est moche visuellement, mais la vox populi tombe sous le charme de cette bête blessée qui refuse de rendre les armes. Pourtant, après avoir sérieusement douté, Golden State va se redresser et reprendre l’avantage avant de tuer la série.
Sauf que le mal est fait pour Golden State. Sa campagne est solide, mais pâtit du manque d’adversité. En outre, Stephen Curry, nouveau roi de la NBA n’est pas sacré individuellement, laissant la statuette de MVP à son sixième homme, André Iguodala. Pire, un grand nombre voit LeBron James en héritier de Jerry West, meilleur joueur de la finale malgré la défaite et le constat s’impose : ce qu’on retiendra de la finale n’est pas son vainqueur, mais la performance monstrueuse de James et l’abnégation de ses faibles coéquipiers. Les Warriors n’ont pas assez brillé et on sent un brin de rancœur envers ce manque de reconnaissance.
Les titres en demi-teinte
Passons maintenant, aux autres finales. Celles, qui, en mon sens, sur le papier, n’ont pas la même saveur que les autres. Parce qu’il manque quelque chose, une émotion, un élément, un script qui soit à la hauteur de l’événement. Parce que ces finales ont été, les autres pourront être. Il s’agira ici de discuter des raisons expliquant ce manque de sel, afin d’arriver au dénouement de cet article.
2012 : Le manque de fond
Miami sort d’un échec cuisant. Alors que l’équipe avait manqué d’humilité, Dallas l’a ramené sur terre. Pour LeBron James, le camouflet fut brutal. En 2012, le Heat retrouve les finales. La troisième pour James, et déjà deux défaites au compteur. Si son échec de 2007 était inévitable, celui de 2011 peut lui être imputé. Fantomatique durant la finale, The Chosen One doit se racheter. Ce rattrapage prendra forme contre le Thunder d’Oklahoma City. La très jeune troupe emmenée par Scott Brooks contient une pléthore de futur MVP : Kevin Durant, Russell Westbrook et James Harden, encore 6eme homme.
Triomphant des Spurs en finale de conférence, OKC a tout du futur épouvantail de la Ligue pour les années à venir. Mais pour l’heure, l’équipe est encore un peu verte et va devoir affronter le Heati bien plus aguerri, avec nombre de vétérans déjà finaliste et un Dwyane Wade déjà sacré MVP des finales en 2006. Face au Heat, le Thunder ne va pas démériter, notamment Kevin Durant, déjà impressionnant malgré son jeune âge. Mais voilà, le Heat est favori et ne va pas vraiment laisser OKC exister. Résultat : une finale sans suspens et une résultat logique. OKC n’est pas encore prêt pour malmener une équipe comme Miami et LeBron James est enfin libéré du fardeau de l’absence de titre. Malgré une rivalité naissante entre KD et LBJ, les deux joueurs ne sont pas encore sur la même planète. Les deux équipes n’ont pas d’historique. Il y a dans ce scénario un manque de fond certain.
Si cette finale va permettre à James de gagner en sérénité et de passer un cap, on peut aussi dire qu’elle laissera un énorme “What If” : et si cette équipe du Thunder était restée intacte ? En dépit de cela, difficile d’en garder un souvenir impérissable.
2017 & 2018 : Ou le manque d’adversité
Après le cataclysme de 2016, les Warriors profitent de l’augmentation du salary cap pour récupérer Kevin Durant. Inutile de revenir en large sur un sujet qui retourna la NBA des années durant, mais le constat est là, l’équipe à 73-9 vient de récupérer un des tous meilleurs joueurs de la Ligue. L’annonce fait l’effet d’une bombe, et les dirigeants adverses ne semblaient pas préparés à affronter un tel revers, ni une telle puissance. Résultat, les Cavaliers qui doivent défendre leur titre, sans renforts majeurs rencontreront des Warriors favoris l’année précédente, désormais en possession d’une des plus grandes forces offensives de la ligue. Et que dire de ces Playoffs 2017 ou de ces finales ?
Golden State débarquera en patron de la NBA et va retourner la conférence Ouest, pourtant compétitive sans concéder la moindre défaite. Non seulement les Warriors sont trop forts, mais les adversaires arrivent diminués. Ce n’est pas le cas en finale face à Cleveland. Mais que faire face à une telle force de frappe ? Pas grand chose, après tout. En dépit d’un LeBron stratosphérique, et d’un gros coup de chaud collectif d’une rencontre, les Cavaliers doivent s’incliner avec une seule victoire au compteur. Golden State a pris sa revanche, mais aucune équipe ne semblait pouvoir tenir la dragée haute à un tel effectif.
Aux yeux des fans, la côté d’amour de la franchise prend un coup. L’arrivée de KD casse la construction parfaite de l’équipe, tandis que le manque de concurrence légitime met évidemment un coup à l’engouement autour de la quête du titre, qui semblait déjà acquis à l’orée de la saison.
L’année suivante, l’histoire se suit et se répète. Seuls les Rockets mettront les Dubs en difficulté, manquant le coche et perdant au terme d’un Game 7. En finale, les Cavaliers manquent le coche au Game 1 suite à une bourde monumentale de JR Smith. Après cela, Golden State déroule et la nouvelle performance béton de LeBron James ne suffira pas à obtenir quoi que ce soit. Les Warriors empochent le doublé, mais une partie des spectateurs reste sur sa faim de voir cette équipe lutter, aller au bout d’elle-même pour l’emporter. Hélas le fossé avec le reste de la ligue reste, là encore, inexorable.
2019 : Ou le chef d’oeuvre inachevé
A l’été 2018, Kawhi Leonard quitte San Antonio, transféré à sa demande, mais vers le Canada, ce qu’il n’avait pas prévu. Remplacer DeMar DeRozan par Kawhi Leonard et Danny Green faisait forcément de Toronto une équipe mauvaise à prendre. Surtout que Marc Gasol allait rejoindre l’équipe durant la saison régulière. Mauvais timing pour les Raptors néanmoins, cette équipe va devoir affronter une conférence Est plus forte que les années précédentes, et très certainement une équipe des Warriors en route vers le threepeat.
Et la bande de Nick Nurse ne va pas décevoir. Après avoir rapidement éjecté le Magic, ils vont enchaîner sur un affrontement étouffant, physique et indécis avec les Sixers. Au terme d’une série haletante, Kawhi Leonard obtiendra la décision sur un shoot extrêmement compliqué au buzzer. L’image de Joël Embiid sortant en larme face à la cruauté de ce tir, hanteront encore quelques temps le Wells Fargo Center. Au tour suivant, les Raptors affrontent la meilleure équipe de la saison régulière : les Bucks. Dominés 2-0 à l’extérieur, la pression est sur les canadiens. Mais changement de stratégie défensive pour Toronto et l’équipe est à la relance. Leonard se charge désormais de Giannis Antetokoumpo et la série change de bord. Les canadiens l’emportent 4-2 et filent en finale après une démonstration.
En finales, ils retrouvent les Warriors. Mais ce ne sont pas les Warriors de 2017-2018. Kevin Durant est absent et son retour reste flou, tandis qu’Iguodala sera présent… peut-être. Leonard a beau être diminué en début de série, Toronto va prendre l’ascendant sur les Warriors et les alertes se multiplient alors que Klay Thompson aussi doit quitter la série. Dommage, car la paire Curry-Thompson réalise les meilleures finales de leurs carrières respectives. Mais porté par un solide duo Lowry-Van Vleet, un excellent Kawhi et un Pascal Siakam de haut vol, Toronto déroule. L’équipe est collectivement solide et fait mal aux Dubs. Pourtant, la nouvelle tombe, Kevin Durant revient.
Si ce retour doit tout changer, la catastrophe arrive vite. Alors que l’ailier a l’air très en jambes, il ne jouera que quelques minutes avant de se faire une rupture du tendon d’achille. Au match suivant, les Warriors dos au mur doivent gagner : mais vont perdre Klay Thompson pourtant en ébullition des suites d’une rupture des ligaments croisés.
Ces finales vont laisser un goût étrange. L’équipe qui semblait imprenable est tombée face à des Raptors qui ont déroulé face à trois équipes très compétitives. Mais les invicibles Warriors, en finales, sont tombés sous une pluie de blessures. Alors que les Raptors auraient pu réaliser une campagne semblable à celle des Mavericks, avec une apothéose, il reste ce goût d’inachevé, car Golden State a mordu la poussière, certes, mais il semble que Toronto ait affronté son fantôme. Un constat d’autant plus dur que la plupart d’entre eux évoluaient à leur meilleur niveau dans ces Playoffs. De ce qui aurait dû être phénoménal, il restera ce goût de “et si…” qui a nécessairement minimisé l’engouement autour de cet exploit. Pourtant celui-ci reste exceptionnel : acquis sur un pari sur Kawhi Leonard, des séries très disputées, une campagne historique de Leonard, le premier titre de Toronto, la fin de la domination Warriors. Cette campagne méritait sa place dans les plus beaux titres de la décennie, mais les blessures de plusieurs têtes d’affiches de la ligue laisseront une impression… étrange. Preuve encore que le storytelling est tout.
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La décennie n’aura pas été avare en Histoires. Entre l’ère du Heat, celle des Warriors, la fin de la domination des Lakers ou le retour au sommet des Spurs déjà titrés dans les deux décennies précédentes. Quelques surprises, des tirs qui changent la face de la Ligue, des rivalités naissantes : plusieurs séries de Playoffs ont gagné leur place parmi les plus marquantes de l’histoire de la NBA. A cet égard, la décennie nous prouve qu’il existe bel et bien des titres qui prennent une place particulière dans le cœur des fans. Adversité, storytelling, anecdotes, qualité des affrontements sont autant de raisons qui peuvent catapulter certains titres dans l’histoire aux dépends d’autres. S’il est possible de ne pas partager cet avis, il est pourtant intéressant de noter comment certaines finales ont contribué à redistribuer les cartes en NBA (défaite du Heat en 2014, défaite des Warriors en 2016 et 2019).
Dans son ouvrage, Les rivalités de la NBA, vol. 1, Julien Muller s’attaque à la guerre Cleveland-Golden State. Au terme de son analyse, ce dernier fait référence à l’héritage de cette série, avec ce constat : “Maintenant attention, ces deux titres de MVP et même ce Back-To-Back ne changent pas grand chàse à l’impression générale : si tu dis aux gens “Warriors/Cavs, ils te répondront tous : 2016”. “. Sans s’attaquer à ce débat, le retour est le même : comment le scénario improbable d’une finale, la puissance des actions réalisées peuvent éclipser, malgré la domination évidente de l’adversaire sur la période, la mémoire du public. Si l’on sait que les Warriors ont outrageusement écrasé la NBA, c’est la victoire de leur opposant qui s’en trouve glorifiée. A ce titre, on peut également arguer que l’arrivée de Kevin Durant écornera négativement la construction de cette équipe et le crédit que l’on accordera à cette victoire, peut être, “trop facile”.
Dans le même veine, LeBron James qui figura dans toutes les finales de 2011 à 2018 nous prouve à lui seul qu’une finale est avant tout une question d’émotions. Si ses finales 2012 resteront à jamais comme un repentir et un déclic déterminant, comment pourront-elles se comparer aux autres ? Entre 2013 et le shoot de Ray Allen, et surtout 2016 et l’accomplissement de sa mission depuis son entrée en NBA, les deux autres titres prennent une place considérable dans l’esprit des fans. 2016 est déjà au panthéon de la NBA. On peut aller plus loin en disant que 2015 et ses circonstances désastreuses ont laissé une trace plus grande qu’un affrontement déséquilibré avec une très (trop ?) jeune équipe d’Oklahoma City. Jerry West est le seul joueur à avoir obtenu un MVP des finales en perdant. LeBron aurait pu être le second, nous rappelant par la même occasion que l’obtention du titre n’est pas forcément le point culminant d’une campagne de Playoffs.
Quoi qu’il en soit, les années 2010 auront contribué à une évolution drastique du jeu en NBA, mais également l’avènement de franchises qui n’avaient pas connu le succès depuis leur entrée dans la ligue. La chute de nombreux grands marchés au profit de franchises plus modestes nous auront permis de voir de nouvelles villes toucher les sommets du basketball mondial. Dallas, Cleveland et Toronto ont débloqué leur compteur. Laissant dans leur sillage une myriade de souvenirs à l’aube de 2020.