La NBA, ligue des grands, ligue des champions, des légendes. Cette ligue, peuplée d’athlètes aux qualités incroyables, dotés d’une force phénoménale, qui sont choisis parmi les meilleurs, par les meilleurs recruteurs. Ces hommes sont de ceux qui ne tremblent pas…ou du moins, c’est ce que l’on se dit…car parfois, ces héros du quotidien du basket flanchent, parfois au pire moment. Ils tremblent bel et bien, paniquent même, s’effondrent mentalement et ont la gorge nouée sous la pression : c’est le « Choke ». QiBasket vous emmène au pays de la Fédération Française de la Lose, mais en version NBA. Car oui, la lose, le choke, n’est pas un panache appartenant à la belle France. Venez découvrir l’histoire d’un choke :
22 balles de match, ce n’est pas assez pour les Clippers
Un contexte favorable
L’année est 2014-15, et cette saison-là, la NBA est en pleine redistribution des cartes. L’ère des Three Amigos du Heat de Wade, Lebron et Bosh est désormais close, et les grosses écuries à l’Est comme les les Celtics, les Pacers, savent que l’heure est, pour eux, à la reconstruction patiente. C’est donc le moment de se placer : Toronto, Washington, Atlanta, Cleveland, deviennent soudain des équipes de premier plan. Mais à l’ouest, c’est différent et les grosses équipes sont toujours présentes : le Thunder, Houston, Dallas, Memphis, Portland etc. Seul Golden State officialise son nouveau statut de prétendant au titre. Les Spurs eux, sortent de deux finales et il est probable que cette série n’aille pas jusqu’à trois, après leur cinquième titre NBA en 15 ans.
Et puis, il y a les Clippers de Los Angeles, qui, depuis l’arrivée de Chris Paul en 2012, ont enfin réussi à fermer une quarantaine d’années de lose et de présence quasi permanente dans les bas-fonds de la NBA. Non vraiment, avant Blake Griffin, aller aux Clippers, ça vous enchantait presque autant que d’aller jouer en Pro B. Hormis une ou deux sorties en playoffs sans trop d’espoir, Los Angeles Clippers, c’est synonyme de fond de classement, et rien d’autre.
Mais en 2012 donc, les Clips ont enfin touché le gros lot, avec Chris Paul, mais aussi bien entendu le phénomène Blake Griffin, auxquels se joignent DeAndre Jordan, et une belle petite armée : Caron Butler, Kenyon Martin, Eric Bledsoe, Mo Williams, Nick Young, et même Chauncey Billups pendant quelques matchs. Cette équipe, désormais renommée Lob City, écrabouille à coup de alley-oop n’importe quel défenseur osant chercher à protéger le cercle. Et en playoffs, l’effet est le même, et les Clippers passent le premier tour, avant de se faire sweeper par les Spurs. Une mise en bouche, LA reviendra. L’année suivante, bien qu’ils gagnent leur toute première division, c’est la douche froide face aux Grizzlies et leur défense. Les Clippers ont 54 victoires, mais doivent encore faire des ajustements. En 2014, avec 57 victoires, l’équipe est plus forte et plus mature, mais pêche en playoffs encore une fois, en galérant face aux Warriors (4-3) puis en perdant contre le Thunder (2-4). Ces trois campagnes décevantes doivent payer. Feront-elles sauter le pas à Lob City ? Certains moqueurs viennent remettre en cause le leadership de CP3 et son talent, ainsi que la capacité du groupe à se transformer en champions.
Une saison réussie
Mais l’épisode 2014-15, avec la fin des Spurs, un Thunder qui se prend le plafond de verre en permanence, c’est une chance pour les Clippers ! Armés du big three Paul-Griffin-Jordan, Lob City est toujours toute aussi bien garnie : Matt Barnes, Jamal Crawford, Spencer Hawes, J.J.Redick et même Glen “Big Baby” Davis, Nate Robinson, Hedo Turkoglu et Austin Rivers, fils du coach Doc Rivers, qui dispose d’un staff expérimenté : Mike Woodson, Lawrence Frank, Sam Cassel. A cela s’ajoute un nouveau propriétaire : Steve Ballmer, qui veut changer l’image de l’équipe, une bonne fois pour toute.
L’équipe a le meilleur offensive rating de la ligue (112.4) et la deuxième meilleure attaque de la NBA (106.7ppg). La saison se passe très bien avec des victoires contre des adversaires directs, une série de 8 victoires d’affilée, et deux de 7. Lob City bat les Spurs, le Thunder, les Warriors, les Mavs etc…et se permet un blow out contre Houston au mois de novembre même. LA termine à 56 victoires, 3e de conférence, à égalité avec Houston, 2e. L’Ouest sera une grande bataille, comme chaque année, mais il y a de la place et le groupe de Doc Rivers en est convaincu : leur heure est enfin venue.
Un premier tour de playoffs épique
En 3e position, Lob City aura l’avantage du terrain face au 6e de la conférence ouest qui n’est autre que…le champion en titre, San Antonio. Pas très « cadeau » ce premier tour, d’autant que ça ne s’est joué qu’à deux petites victoires et que Los Angeles aurait pu tomber sur Portland, Memphis, plus abordables.
Mais qu’importe, San Antonio est vieux, usé et fatigué, place à la nouvelle garde ! Direction Game 1 ! Et cette première manche est bien maîtrisée, avec 12 points d’avance pour Lob City dès le premier quart-temps, et 32pts de CP3, alors que DeAndre Jordan bouffe la raquette des Spurs avec 14 rebonds, Griffin posterise Aaron Baynes après un spin-move remarquable. Mais cette raquette Spurs, n’est pas encore morte, et au Game 2, Tim Duncan nous sort un 28pts, 11reb, et Diaw termine meilleur passeur à 6 unités ! En face, Blake est à 29pts, 11 passes, et Jordan à 15reb. Les deux équipes se livrent une bataille dantesque que seule la prolongation saura terminer, Chris Paul ratant son shoot au buzzer… Et cela se termine sur une victoire texane.
S’en suivent alors trois matchs tendus : le premier est gagné par un blow out des Spurs (100-73), la plus grosse défaite de l’histoire de la franchise en playoffs et qui met les Clippers dans le doute…Mais ceux-ci répondent, avec Chris Paul et ses 34pts et surtout Blake Griffin et 19 rebonds ! Les Clippers ont répondu présents, en terres adverses, énorme. Et puis le game 2 semble soudain se dupliquer pour le game 5 : même score, même Tim Duncan en feu, même résultat, LA dans la tourmente et menée 2-3 alors que Blake Griffin pensait avoir mis le panier de la gagne, mais annulé pour un goaltending de DeAndre Jordan ! Après un mea culpa sincère, retour à San Antonio.
Mais pour ce match 6, Lob City arrêtera les bêtises et sera solide, concentré, pour l’emporter 102-96 : game 7 baby. Et cette manche décisive va marquer l’histoire de la franchise. Alors qu’aucune des deux équipes ne parvient à prendre le pas sur l’autre, Chris Paul se tient soudain la cuisse ! Le Staples Center retient son souffle. Mais CP3 revient et enchaîne les actions décisives face aux Spurs qui ne lâchent rien. 109-109, 8 secondes à jouer. CP3 demande l’iso, il accélère sur la gauche de Danny Green, mais celui-ci le suit bien et reste devant lui alors que Paul pénètre la raquette. CP3 réalise le besoin d’espace, il fait un step-back mais perd son équilibre devant Duncan qui lève ses bras pour contrer. Paul lâche alors la balle…planche…panier. Le shoot de l’histoire pour Paul, en larme. Les Clippers et leur public qui exulte, du jamais vu dans cette franchise.
Deuxième tour : les Clippers vers les finals
Invincible. C’est comme cela que LA se sent après avoir sorti le champion NBA. Désormais, il n’y a plus rien qui peut les empêcher d’aller vers les finals. En face, c’est Houston, et le compte de fée va continuer : Blake Griffin en triple double (26-14-13) et les Clips mettent 16pts dans la face d’Howard et Harden. Game 2 : Houston parvient à arracher une victoire difficile, avec 32pts de The Beard. Mais on sent que LA tient le bon bout. Game 3 et Game 4 : +25 et +33 pour les Clippers ! La NBA entière est prévenue, Los Angeles s’est trouvé une nouvelle étoile, qui va balayer l’héritage des Lakers et prendre le contrôle de la ville. Houston est dans les cordes, il n’y a plus qu’à terminer l’affaire.
22 balles de match manquées
Game 5, les Clippers mènent 3-1, mais les Rockets, chez eux, ne veulent pas d’une humiliation et Harden sort les crocs : 26pts, 10 passes, Howard termine à 15 rebonds. Dès la mi-temps, Houston comptait 15pts d’avance, et termine avec 21. Bref, une première balle de match est passée, qu’importe, le prochain round est à la maison, et ce sera pour fêter les premières finales de conférence des Clippers, probablement face aux Warriors.
Game 6 : Ces Rockets ne sont pas morts, et malgré une équipe de Los Angeles concentrée sur son objectif, Houston mène à la mi-temps d’un petit point. C’est alors que LA comprend qu’il est nécessaire de terminer le travail et revient des vestiaires avec une faim de lion. Paul, Griffin, Crawford et compagnie mettent énormément d’agressivité vers le cercle, et imposent leur rythme. Houston est totalement dépassé et doit se battre à chaque passe, chaque rebond. Howard est étourdit par l’incessante mobilité des Clippers et laisse même Griffin marquer des paniers improbables. A deux minutes de la fin du troisième quart temps, les Clippers mènent 89 à 70, soit 19 longueurs d’avance, 19 petites balles de matchs.
It’s choke time : Dwight Howard qui met deux lancers, Terrence Jones à trois, Corey Brewer, Trevor Ariza, Brewer encore, Jason Terry malgré un marché béant, et Ariza à trois encore, ramènent les Rockets à deux petits points. Los Angeles est dépassée par les événements, il faut réagir. Malgré un retour à +9, plus rien ne rentre, et même DeAndre Jordan offre une passe décisive à Brewer en voulant sauver une balle de la sortie ! Mais que se passe-t-il ? La salle se liquéfie. Mais Los Angeles a déjà vu pire et relève la tête : +12 à 7 minutes de la fin du match. Et le choke revient : remise en jeu catastrophique, défense passive, et surtout Josh Smith qui met non pas un, mais deux trois points et un lay-up. La désorganisation est totale, et les Rockets égalisent….
Oh, on oubliait le détail qui tue : ils égalisent, sans Harden, sur le banc depuis le début du quart temps. En dix minutes, les Clips ont pris 32 pions, sans qu’Harden n’ait eu à shooter une seule fois. Harden regarde, s’étirant, son coéquipier Brewer planter un trois points pour prendre l’avantage. Iso Paul, Iso Paul, Iso Paul, même Reddick est blasé ! Le public reste debout, se tient la tête, Josh Smith et Howard éteignent Griffin, avant que Smith lui-même, dont le shoot à trois point n’était rien d’autre que légendairement connu pour être mauvais, ne plante justement un ultime trois point pour clore l’affaire : 119-107 Houston, avec un 49-18 dans les 14 dernières minutes pour les Rockets. Immense choke et faute professionnelle, alors que LA avait 19 points d’avances, et rentre avec une défaite, le tout s’ajoute à la précédente balle de match.
Game 7 : Il reste un dernier match non ? Nouveau game 7 pour les Clippers, avec peut-être une issue heureuse ? La seule issue qu’on verra, c’est DeAndre Jordan qui joue les showman foireux en ratant un alley-hoop sans défense, avec 20pts de retard pour son équipe. Houston prend sa seule balle de match, Los Angeles perd sa 22e.
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La lose est conséquente, le choke est sublime : en trois match, les Clippers sont passé du statut d’écurie taillée pour le titre, à celui dont ils ont tenté de s’échapper pendant des années : celui d’une franchise qui n’ira jamais nulle part. Pire, l’échec va amorcer la dissolution progressive de la génération Lob City, le déclin de la carrière de Chris Paul que les fans cesseront petit à petit de prendre au sérieux. Houston ira se casser les dents contre Golden-State en finale de conférence (1-4), les bourreaux des Clippers comme Howard, Terry, Brewer, Josh Smith, ne vont rien capitaliser de leur victoire et disparaîtront peu à peu des radars de la NBA, pendant que la saison suivante, les Clippers se feront sortir par Portland au premier tour (2-4) et la saison suivante par Utah (3-4) malgré l’avantage du terrain.
Bref, c’est l’histoire d’un choke qui te ruine trois années d’effort, et trois années d’espoirs, beau score.